Recensions

Michel Dion, Investissements éthiques et régie d’entreprise. Entre la mondialisation et la mythologie. Montréal, Éditions Médiaspaul (coll. « Interpellations »), 1998, 100 p.[Record]

  • Isabelle Létourneau

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  • Isabelle Létourneau
    Université Laval, Québec

Le livre de Michel Dion, professeur d’éthique appliquée à l’Université de Sherbrooke, ne manque pas de nous interpeller de diverses façons : par le sujet très actuel dont il traite, aussi bien que par la façon particulière dont celui-ci se trouve exposé. C’est en ce sens que ce livre fait honneur à la collection dans laquelle il fut publié, portant justement le nom d’« Interpellations ». Le but de l’ouvrage se présente sous une forme multiple. Il consiste d’abord à « refléter » (p. 9) les deux grands axes que propose son titre. D’un côté, le « “choix” de plus en plus délibéré de la part d’une portion grandissante d’investisseurs de faire des investissements dans des entreprises qu’ils considèrent comme rencontrant des critères éthiques prédéterminés qu’ils adoptent d’emblée » (ibid.), et de l’autre, le « “problème” concernant la direction des entreprises, celui de la régie d’entreprise » (ibid.). En second lieu, l’ouvrage vise à « entreprendre une réflexion sur l’économie, de manière à ce que les acteurs économiques tout autant que les observateurs du monde économique que constituent l’ensemble des consommateurs puissent mieux ancrer leur réflexion systématique, leur analyse des valeurs en jeu » (ibid.). Quel lien existe-t-il entre les deux axes que propose l’ouvrage ? L’auteur affirme premièrement, sans ajouter pourquoi, qu’ils ne sont « pas reliés directement par un lien de cause à effet » (ibid.), puis que « ce problème et ce choix […] suscitent, l’un et l’autre, dans les sociétés d’économie de marché, une croissante inquiétude, une critique sociétale de plus en plus virulente des dirigeants d’entreprise » (ibid.). Cela implique-t-il que l’unité du propos du livre tienne à des considérations extrinsèques, ou même accidentelles, aux sujets dont il traite ? Cela reste à voir… Le premier chapitre « reflète » le « choix » de l’investissement éthique en faisant état de la situation. L’essentiel consiste ici à saisir que « l’investissement éthique sert de mécanisme pour réformer le néo-capitalisme […]. Il vise le bien commun de toute la société, tout en ne négligeant pas l’avantage financier […] » (p. 11). Dans l’ordre, l’auteur commence par distinguer trois types d’investissements éthiques : l’activisme des actionnaires, l’investissement dans des portefeuilles guidés par des critères spécifiques et l’investissement dans le développement des communautés. Ensuite, il présente l’origine des investissements éthiques quant à son lien avec les congrégations religieuses américaines cherchant à rendre les entreprises socialement responsables. Enfin, il passe en revue une dizaine de fonds de placements éthiques dont les portefeuilles sont constitués d’actions d’entreprises respectant certains critères éthiques, dont on ignore par ailleurs pourquoi les investisseurs les privilégient. Les critères éthiques peuvent varier d’un fonds de placements éthiques à l’autre (ce qui explique que très peu d’entreprises soient acceptées par plusieurs fonds), mais se recoupent souvent sous les rubriques générales que sont par exemple « la protection de l’environnement », « le respect des droits humains », « la non-production d’armement », etc. Sans s’expliquer davantage, l’auteur conclut son chapitre en trouvant troublant que certaines entreprises, faisant partie des fonds de placements éthiques, participent aussi à des forums échangeant des stratégies et des informations sur les pratiques éthiques en affaires. Or, le chapitre ainsi constitué offre-t-il les moyens nécessaires à notre compréhension de l’état de la situation des investissements éthiques, lequel s’articule autour de la visée des investissements éthiques ? Ne faudrait-il pas, avant tout, voir quels sont les problèmes que pose le néo-capitalisme et pourquoi ceux-ci semblent principalement interpeller les congrégations religieuses américaines ? Puis, comprendre dans quelle mesure l’investissement éthique peut servir de mécanisme pour …