Recensions

Guy Boissard, Quelle neutralité face à l’horreur ? Le courage de Charles Journet. Préface par René Rémond, postface par Georges Cottier, o.p. Saint-Maurice, Éditions Saint-Augustin, 2000, 456 p.[Record]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane, Québec

La présente étude se situe dans le cadre d’une recherche plus vaste visant à établir une biographie exhaustive du cardinal Charles Journet. L’ouvrage de Guy Boissard cherche à développer de façon particulière les faits de la période 1939-1945, où l’abbé Charles Journet éleva la voix pour défendre, de manière vigoureuse et sans compromission, les principes et les droits auxquels doivent se référer toute réflexion et toute décision politiques. Face à la politique de la « neutralité » posée par les autorités helvétiques durant la Deuxième Guerre mondiale et au refoulement de réfugiés en danger de mort, des citoyens suisses élèvent leur voix. Charles Journet est de ceux-là. Il combat fermement et sans relâche les totalitarismes qui enserraient la plus grande partie de l’Europe de son époque. Ami du philosophe français Jacques Maritain, professeur au Grand Séminaire de Fribourg, Journet, bravant la censure officielle et les réticences de la hiérarchie de son pays et de celle de Rome, prend courageusement position. Il va ainsi à l’encontre des visées officielles en s’opposant à l’horreur nazie et en se faisant le défenseur des droits de la personne humaine. L’A. s’attarde longuement, dès le premier chapitre de son ouvrage, à l’origine de la pensée de Journet. Il parle, entre autres choses, des trois rencontres décisives qui ont marqué toute la vie du théologien. D’abord celle de la pensée de saint Thomas d’Aquin, sa philosophie de l’être et du vrai. À l’exemple de son maître, la vérité, pour lui, suit l’existence des choses. La vérité découle de l’être des choses. La vérité consistant en une parfaite adéquation entre l’esprit qui connaît et la chose connue. Celui qui saisit l’être — ou mieux, qui est saisi par l’être — et qui l’accepte tel qu’il est, dans un élan de curiosité et dans une attitude d’accueil, est forcément dans la vérité. Conséquence de cette position : l’esprit humain doit se vouer de toutes ses forces à la quête du vrai. Le vrai est coextensif à l’être. Et forcément, l’être implique, dans sa définition, la notion d’absolu. La deuxième rencontre fut celle de Catherine de Sienne, une mystique engagée dans les affaires temporelles. Enfin, la troisième, et non la moindre, la rencontre de Jacques Maritain. La pensée politique de l’un est celle de l’autre. Les deux en veulent à cette thèse politique qu’ils combattront toute leur vie : « Chacun est à soi-même sa propre loi ». Ainsi, l’A. rappelle, dans ce premier chapitre, comment toute la notion politique de Journet est éclairée par la finalité supérieure de l’homme. Tant que cette notion n’aura pas été restaurée dans le monde, les nations seront en état de péché mortel, en état de haine et d’égoïsme. En ce sens, dit l’A., Maritain et Journet, en écho à l’enseignement de l’Église, parleront toute leur vie d’une politique éclairée par la finalité supérieure de l’être humain et subordonnée à cette dernière. Entre le communisme et le fascisme, point de compromis. Dans les deux cas, l’État est considéré comme le bien suprême de l’homme. Pour le fascisme, en particulier, tout est dans l’État et rien d’humain ou de spirituel n’existe, et à plus forte raison n’a de valeur, hors de l’État. En ce sens, l’État fasciste est totalitaire. Tout comme le communisme que Journet combattra, mais dans un autre registre. L’A. affirme que Journet a sans cesse pensé qu’au terme des conflits qui touchaient son époque, il faudrait une nouvelle solution pour la société, une solution qui serait affranchie à la fois des faux dogmes du fascisme et des chimères du communisme. En désaccord avec son évêque, Mgr Marius Besson, l’avenir donnera …