Recensions

Émile Goichot, Alfred Loisy et ses amis. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Histoire »), 2002, 196 p.[Record]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane, Québec

Ce livre n’est pas une apologie du prêtre Alfred Loisy ni ne prétend proposer une explication de l’évolution de la pensée de Loisy lui-même. L’A. s’en tient à un principe de méthode qui ne prend en compte que les actes et surtout, dans le cas qui préoccupe l’A., les textes conservés de Loisy. Le livre, divisé en huit chapitres, nous plonge au coeur de la vie de l’auteur du livre rouge L’Évangile et l’Église, publié en 1902. Loisy a toujours affirmé qu’avant tout contact direct avec la critique protestante et rationaliste, sa conviction était que « la conception traditionnelle de la vérité biblique n’était pas défendable dans sa forme actuelle ». Il s’est alors assigné une mission : fonder la science de la Bible dans l’Église catholique. Qualifié de « rationaliste en soutane », Loisy a ainsi défini au départ l’orientation de son enseignement et de ses recherches : appliquer « la méthode historique ordinaire » à l’étude des textes bibliques. L’A., au chapitre deux, parle longuement des tribulations de Loisy avec les autorités ecclésiales de son époque. Les premières publications du prêtre controversé portent sur deux points sensibles de la doctrine catholique : Moïse est-il, comme l’affirme la tradition, l’auteur du Pentateuque ? La Révélation touche-t-elle uniquement la question de la foi et celle des moeurs ? Tout le reste, selon Loisy, ce qui est affaire de sciences naturelles et d’histoire simplement humaine, n’est pas matière d’inspiration divine et peut être erroné. Comment alors concilier le relativisme qu’imposent la démarche historique et l’absolu de la foi chrétienne ? Soutenu par de nombreux amis, dont l’évêque Mignot, qui restera isolé dans l’épiscopat français, l’abbé Bremond et le baron von Hügel, l’abbé Loisy et ses thèses, qu’on pourrait qualifier de « progressistes » pour l’époque, furent condamnés en 1907, par l’encyclique « Pascendi ». Toute sa vie durant, Alfred Loisy dut subir les foudres des autorités romaines. Durant les « années noires », le Saint-Office condamna la plupart de ses oeuvres, dont les « deux petits livres rouges », qui furent mis au catalogue de l’Index. L’A., s’attarde à bien nous faire comprendre les démêlées de l’abbé Loisy avec la papauté de l’époque, particulièrement le pape Pie X. Le 19 janvier 1908, une sommation lui interdit de publier à l’avenir aucun écrit ou article semblable à ceux qui ont déjà été l’objet de réprobation du Saint-Siège. Faute de soumission dans un délai de dix jours, il serait frappé d’excommunication nominative. La sentence tomba le 7 mars de la même année. Le chapitre six et les derniers chapitres de cet ouvrage magnifiquement bien fait, sont consacrés à « la religion de l’avenir », selon Loisy. Élu comme excommunié au Collège de France, il provoqua toute une réaction dans la presse catholique. Certains l’accusèrent d’avoir perdu la foi dans le Transcendant. Dieu semblant devenir pour lui comme la somme des consciences individuelles. Ce à quoi Loisy répondait : « Bien sûr, je crois dans le Transcendant, […] comme quelque chose qui est Autre en soi de l’humanité. Mais je m’abstiens de définir la nature de cet Autre, et j’ai entrepris de construire ma religion morale sans une doctrine explicite de cette Transcendance qui nous échappe, bien que nous ne lui échappions pas ». Loisy était convaincu que le christianisme, dans sa formule actuelle, était condamné à disparaître. La nouvelle religion de l’avenir serait faite d’un rapprochement entre les peuples, du rêve d’une humanité réconciliée. En ce sens, dès 1914, note l’A., Loisy tente de trouver la formule de cette nouvelle religion. Il parle de découvrir le « Dieu qui se fait », …