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Dans ce qui suit, j’aimerais aborder le concept de phénoménologie tel que nous le trouvons dans la Doctrine de la science de Fichte de 1804. Je me réfère ici plus précisément à la seconde série de conférences données entre le 16 avril et le 8 juin de cette année[1]. Toutefois, je n’entends pas ici entrer dans les détails de cette phénoménologie, qui représente la seconde partie d’une entreprise extraordinairement dense et spéculative. Comme nous le savons, la Doctrine de la science de 1804 est composée de deux parties principales, la première étant une théorie de la vérité ou encore ce qu’il est convenu d’appeler une « aléthologie », alors que la seconde partie développe la phénoménologie proprement dite[2]. L’oeuvre est donc composée d’un mouvement ascendant, à la faveur duquel la pure « intuition intellective » (Einsicht) donne accès à l’absolu, et d’un mouvement descendant, qui va de l’absolu aux phénomènes. Pris ensemble, ces deux mouvements constituent un exposé complet de la philosophia prima de Fichte[3]. En fait, cette version de la doctrine de la science présente un intérêt particulier à l’intérieur du corpus fichtéen puisque ce texte est l’un des « plus accomplis[4] » qu’il nous ait laissés et parce qu’il annonce les développements ultérieurs de la doctrine de la science.

Le concept de phénoménologie qui retient notre attention ici recèle, dans sa définition, une certaine ambiguïté. Ainsi une juste compréhension de l’articulation des deux éléments qui composent cette définition peut s’avérer utile. En effet, dans la XIIIe Conférence, Fichte définit la phénoménologie comme une « théorie du phénomène et de l’apparence[5] ». La question qui se pose dès lors est la suivante : comment Fichte peut-il se permettre de réunir sous une même appellation Erscheinung et Schein, deux concepts qui, encore qu’ils soient apparentés étymologiquement, ne désignent pas moins des choses fort différentes ?

Pour tirer au clair cette définition, j’entends passer en revue les auteurs qui ont précédé Fichte dans l’usage philosophique de ce concept. C’est un fait que Fichte ne cite pas ses sources à cet égard, et la réponse à la question de savoir de qui il a bien pu emprunter son concept de phénoménologie pose de grandes difficultés. Une chose est pourtant certaine : au moment où Fichte adopte l’usage de ce terme, celui-ci n’est en vogue comme discipline philosophique que depuis une quarantaine d’années. J.-H. Lambert l’emploie en effet pour la première fois en 1764 dans son Nouvel Organon. On le retrouve plus tard chez Kant dans les Premiers principes métaphysiques de la science de la nature (1786) et ensuite chez K.L. Reinhold dans les Éléments d’un tableau de la philosophie au début du xixe siècle[6] (cité ci-après Beyträge), plus précisément dans la quatrième livraison de ces contributions (1802). Il va sans dire que la signification du terme phénoménologie varie considérablement en fonction du contexte philosophique dans lequel il est employé. C’est la raison pour laquelle l’approche que j’adopterai ici demeurera passablement formelle. Nous allons étudier la teneur sémantique de ce concept à travers sa courte histoire dans l’unique but d’établir des analogies structurelles. Car autrement nous risquerions de perdre de vue la particularité propre du projet fichtéen dans la Doctrine de la science de 1804. La phénoménologie est en effet associée ici à l’extériorisation de l’être absolu : dans la seconde partie de son cours, Fichte s’emploie à retracer la genèse des phénomènes comme partie prenante de la manifestation de l’absolu dans le but d’éviter qu’ils soient pris pour des objets ontologiquement indépendants et qu’ils ne deviennent par là une fausse apparence.

La définition fichtéenne de la phénoménologie est composite en ceci qu’elle réunit deux éléments qui peuvent être traités indépendamment l’un de l’autre. Et ceci est précisément le cas si l’on considère l’usage fait par Lambert de ce concept, et celui qu’en fait Kant. Pour le premier, la phénoménologie se préoccupe uniquement de l’apparence, alors que pour le second elle est strictement affaire de phénomènes.

Dans le Nouvel Organon de Lambert, le mot « phénoménologie » est utilisé pour désigner la quatrième et dernière partie de l’ouvrage. S’il faut voir en Lambert l’inventeur de la phénoménologie comme discipline philosophique, il convient d’être attentif au fait qu’au départ cette discipline a été développée pour traiter de l’illusion et de la duperie. Le sous-titre de la quatrième partie de son ouvrage correspond en fait à l’une des deux composantes de la définition de Fichte : « Lehre von dem Schein » — là où Fichte parlera de Scheinlehre. Si l’on se réfère à la définition qui est donnée dans la préface de l’ensemble du livre de Lambert, on constate que cette théorie est élaborée dans le but d’empêcher l’apparence d’induire le sujet connaissant en erreur : « […] la phénoménologie, ou encore théorie de l’apparence, est la quatrième [science] ; elle doit identifier l’apparence et fournir les moyens pour l’éviter et pour parvenir à la vérité[7] ». Le mot Schein autour duquel gravite cette définition possède une connotation clairement négative, par opposition au terme beaucoup plus neutre Erscheinung, auquel Lambert, qui l’utilise très peu, ne confère pas le statut d’un terme technique. L’apparence est donc envisagée comme un sérieux obstacle à la recherche de la vérité. Son influence néfaste est exposée dans le passage suivant, tiré du § 1 de la Phénoménologie :

[…] cette apparence fait que nous nous représentons très souvent les choses sous un autre aspect, en prenant facilement ce qu’elles semblent être pour ce qu’elles sont en réalité, ou par contre en confondant cette dernière avec l’autre[8].

Aux yeux de Lambert, c’est « toujours une erreur[9] » de tenir l’apparence pour la chose elle-même, pour la chose telle qu’elle est en réalité. Il n’empêche que la simple apparence des choses, lorsqu’elle est démasquée et reconnue comme telle, peut devenir une incitation à rechercher la vérité et conduire à la découverte de la véritable nature des choses. En vue d’illustrer la démarche phénoménologique, Lambert se réfère à la méthode de l’astronome. Par exemple, si l’astronome observe un certain mouvement dans les corps célestes, il lui est loisible de ne considérer ce mouvement que comme une apparence et de l’utiliser en vue de rechercher les lois cachées de ce mouvement. À la fin, il peut même en arriver à la conclusion que c’est le spectateur et la Terre sous ses pieds qui se meuvent, et non les corps célestes.

Si nous nous tournons maintenant vers Kant, nous savons qu’il est familier avec le Nouvel Organon, auquel il se réfère à l’occasion, notamment dans ses leçons de logique[10]. Sachant ceci, il est d’autant plus intéressant de noter que dans ses Premiers principes métaphysiques de la science de la nature de 1786 il présente une définition de la phénoménologie qui non seulement diffère de celle de Lambert, mais qui de surcroît semble avoir été construite en opposition directe à celle du Nouvel Organon. Kant conçoit en effet la phénoménologie comme une théorie des phénomènes (Erscheinungen), ou plus précisément comme une théorie qui explique comment les phénomènes se transforment en expérience. Il est inutile ici d’entrer dans les détails de ce type spécifique de phénoménologie développé dans la quatrième partie du livre de Kant. Qu’il suffise de signaler qu’elle traite du mouvement des corps du point de vue des catégories de la modalité. Cela signifie que dans ce cas les phénomènes sont matériels et que le concept d’expérience n’est plus considéré dans le contexte de la philosophie transcendantale, mais plutôt d’une métaphysique de la nature. Mais les particularités de cet usage du terme n’ont pas ici une grande importance puisque ce que Kant tient à souligner à propos de la différence entre Erscheinung et Schein est valable pour « toute la philosophie[11] ».

Selon lui, il est de la plus haute importance que nous distinguions entre le phénomène et l’apparence, car l’apparence, par opposition au phénomène, implique d’emblée un jugement. Et dans ce cas, le jugement repose sur des fondements subjectifs plutôt qu’objectifs. En revanche, parce qu’il n’implique aucun jugement, le phénomène n’est pas exposé à un tel « danger ». Il est neutre, pour ainsi dire, en regard de la vérité et de la fausseté.

Il ne s’agit pas ici d’une transformation de l’apparence en vérité, mais de celle du phénomène en expérience ; dans le cas de l’apparence, en effet, l’entendement joue toujours un rôle, avec ses jugements qui déterminent un objet, bien qu’il soit en danger de prendre le subjectif pour objectif ; dans le phénomène, au contraire, il n’entre aucun jugement de l’entendement. Cette remarque s’imposait non seulement ici, mais dans toute la philosophie, sinon, lorsqu’il s’agit de phénomène, et qu’on prend ce terme comme signifiant la même chose que le terme d’apparence, on est toujours compris de travers[12].

Cet avertissement non équivoque semble s’adresser à ceux qui pourraient être tentés, comme Lambert, de confondre la conception kantienne des phénomènes avec de pures apparences. Pour le lecteur de la première édition de la Critique de la raison pure, cette mise en garde n’a pas de quoi étonner. Ainsi, par exemple, au début de la Dialectique transcendantale Kant souligne ce point dans des termes semblables : l’apparence repose sur une certaine prétention à la vérité, alors que le phénomène, saisi dans son sens critique, n’élève pas une telle prétention[13]. En vérité, Erscheinung est un terme qui est introduit dans l’Esthétique transcendantale, c’est-à-dire avant même qu’il ne soit question du rôle des concepts et du jugement dans la connaissance. Mais d’emblée à cette étape précoce de la démarche de Kant, le lecteur pourrait être tenté, en regard de la distinction entre le phénomène et la chose en soi, d’envisager le phénomène comme une simple illusion, dépourvue de toute réalité ; ce qui est une autre occurrence de la confusion entre Erscheinung et Schein, comme l’indique Kant[14]. Cette remarque a d’ailleurs été provoquée par l’objection qui lui a été faite par des « esprits pénétrants », tels que Mendelssohn et Sulzer. Mais il est sans doute utile de mentionner que Lambert est aussi du nombre de ceux qui lui ont adressé cette objection, et ce précisément parce qu’il se montre incapable d’interpréter le phénomène kantien sans l’assimiler à son propre concept d’apparence. Ainsi, le fait que Kant dans la Dissertation de 1770 caractérise le temps comme un simple phénomène signifie pour Lambert que l’intégralité de l’expérience de même que les changements qui y prennent place ne sont rien d’autre qu’une pure illusion[15].

Avec Kant et Lambert, nous sommes en présence de deux conceptions foncièrement différentes de la phénoménologie et au premier abord on voit mal comment ces deux conceptions pourraient être réconciliées et encore moins être combinées en un tout cohérent, comme ce sera pourtant le cas dans la Wissenschaftslehre de 1804. Si, par exemple, Kant ne songe pas à employer le mot phénoménologie dans la Critique de la raison pure pour désigner sa théorie du phénomène dans l’Esthétique transcendantale, c’est parce que, selon toute vraisemblance, il craint de semer la confusion dans l’esprit de ses lecteurs qui sont familiers avec la conception de Lambert. Par ailleurs, mais toujours pour la même raison, il est hors de question pour lui d’utiliser cette expression pour caractériser sa propre « logique de l’apparence », à cause de la confusion provoquée dans l’esprit du lecteur de la Critique par l’étymologie même du terme phénoméno-logie, le mot Phänomen chez Kant étant somme toute synonyme d’Erscheinung. Voilà justement l’ambiguïté que Kant veut prévenir, ce qui explique que pour sa théorie de l’illusion transcendantale il ait choisi le terme plus classique de « dialectique ».

Or c’est Reinhold qui, avant Fichte, se sera appliqué dans sa phénoménologie de 1802 à combiner sous une même appellation Erscheinung et Schein. Il est de surcroît le premier à faire figurer dans le titre d’une oeuvre philosophique le mot phénoménologie : Elemente der Phänomenologie oder Erläuterung des rationalen Realismus durch seine Anwendung auf die Erscheinungen[16]. Dans l’avertissement qui précède cette partie des Beyträge, Reinhold donne une définition précise de sa nouvelle compréhension du terme.

[La phénoménologie] complète le réalisme rationnel par l’application de ses principes aux phénomènes, qu’elle nous enseigne, grâce à ces principes, à distinguer de la simple apparence et à purifier de celle-ci[17].

Cette définition appelle deux constats. Le premier : nous trouvons dans cette définition un motif qui nous rappelle Lambert. Dans notre connaissance, l’apparence doit être identifiée en tant que telle et nous devons trouver les moyens de nous débarrasser de ses aspects trompeurs. Le second : il y a un motif kantien dans cette conception, en ce que c’est le phénomène qui est à la base de toute apparence. Nous comprenons dès lors le besoin ressenti par Kant de distinguer soigneusement entre Erscheinung et Schein, la confusion des deux éléments étant trop tentante. Mais il n’en est pas moins vrai que la théorie de l’apparence présuppose, du moins aux yeux de Reinhold, une théorie du phénomène comme instance légitime, puisqu’au fond l’apparence n’est rien d’autre qu’un phénomène interprété de manière erronée. L’illusion naît en effet de ce que le phénomène est pris pour plus qu’il n’est en réalité, c’est-à-dire de ce que l’Erscheinung est confondue « avec l’être essentiel, avec l’archétype » de toute chose[18]. Or, si on y regarde de plus près, on constate que la conception fichtéenne du problème de la fausse apparence est en accord complet avec celle de Reinhold. Pour Fichte, il est également vrai que l’apparence se produit quand le phénomène est « pris pour l’essence elle-même[19] ». Cette conception commune de l’articulation de l’Erscheinung et du Schein qui se trouve au fondement de leur phénoménologie respective n’est toutefois pas la seule chose sur laquelle ils s’entendent. Il y a aussi des similarités frappantes entre leur projet philosophique, et celles-ci m’apparaissent suffisamment significatives pour être prises en considération. Je me contenterai ici d’en mentionner trois, laissant pour l’instant de côté la question d’une possible influence de la phénoménologie de Reinhold sur la Wissenschaftslehre de 1804 de Fichte.

La première similitude digne de mention a trait à leur conception du système philosophique. Chez chacun d’eux, on trouve un système conçu en deux volets. Ainsi, chez Reinhold, le réalisme rationnel comporte-t-il deux moments : une ontologie et une phénoménologie. Le premier moment s’intéresse à l’essence des choses en tant que telles et il est rendu possible par la nouvelle approche proposée par Bardili : « la pensée comme pensée » (Denken als Denken), qui est le seul mode d’accès théorique approprié pour cerner l’essence des choses. Le second moment, la phénoménologie, présente, comme la lecture du titre exhaustif de cette partie de l’oeuvre nous l’a montré, une « application » des résultats de l’ontologie aux phénomènes. Comme ces phénomènes sont les éléments du monde sensible, la phénoménologie reinholdienne doit être comprise comme un discours philosophique sur la nature, ou encore comme une « pure philosophie de la nature[20] ». Parce que les phénomènes sont abordés à la lumière des principes ontologiques élaborés dans la première partie du système, ils ne risquent pas d’être pris pour les « choses elles-mêmes » ; ils sont au contraire considérés strictement pour ce qu’ils sont : des phénomènes. Saisis dans leur ensemble, ces phénomènes sont impliqués dans la « manifestation de l’être originaire [Urwesen] dans l’essence des choses[21] », ou, dit plus simplement, ils contribuent, à titre de « condition[22] », à la « manifestation de Dieu dans la nature[23] ». À partir de là, il est passablement aisé de faire un parallèle avec la doctrine de la science de Fichte, dans la mesure où nous savons d’emblée que les conférences de 1804 dont il est question ici comportent un mouvement ascendant et un mouvement descendant. Dans la première partie, nous sommes conduits de la multiplicité des choses dans le monde à l’intuition intellective (Einsicht) de l’être en tant que tel, un et absolu, tandis que la seconde partie expose l’apparition de l’être pur à travers une multiplicité composée de ce qui doit dorénavant être envisagé comme de simples phénomènes. Ce qui revient à dire que la phénoménologie développée dans la seconde partie doit produire une « déduction (de la diversité de la réalité phénoménale)[24] ». Ainsi le monde, tel que nous le connaissons, doit désormais être compris comme le « phénomène de l’un vraiment existant[25] ».

La seconde similitude sur laquelle il convient d’attirer l’attention a trait au statut de l’apparence. C’est un fait que Reinhold dans ses Beyträge tout autant que Fichte dans ses conférences de 1804 n’hésitent pas à porter un jugement sur les différents systèmes philosophiques dans leur forme historique. Ils adoptent d’ailleurs des positions très tranchées en regard des systèmes de leurs contemporains. Or, en ceci, ils ont un point en commun : ils ne se limitent pas à dénoncer les fausses apparences présentes dans le discours philosophique de leurs opposants, pour la bonne et simple raison que le problème de la vérité et de la fausseté n’est pas l’affaire exclusive de la science philosophique, mais également un problème pour l’humanité en général. Je m’explique : si leur phénoménologie respective est appelée à avoir une portée universelle, ils doivent montrer dans quelle mesure l’illusion et la tromperie sont des faits qui ne sont pas uniquement l’apanage des systèmes philosophiques classiques. C’est la raison pour laquelle ils tentent de faire voir que les fautes découvertes dans les théories métaphysiques sophistiquées trouvent au fond leur origine dans la connaissance ordinaire. Les erreurs philosophiques ne sont en vérité que les conséquences d’un Schein déjà présent dans notre savoir habituel.

Fichte s’en prend par exemple au réalisme et à l’idéalisme comme à deux positions philosophiques unilatérales, soumises à un préjugé analogue, en ceci que chacun à sa manière prétend avoir accès à la vérité des choses. Ces deux systèmes philosophiques diamétralement opposés sont en fait tous deux réfutés par la doctrine de la science. Or, pour mener à bien cette réfutation, la doctrine de la science doit retracer leur origine — ainsi que la puissance de l’illusion qu’ils véhiculent — dans la connaissance ordinaire. Pour cette raison, la Wissenschaftslehre doit affronter

[l’]idéalisme et [le] réalisme naturels qui se manifestent au moins en leurs expressions et leurs phénomènes dérivés, au niveau de notre savoir habituel et sans aucune intervention de notre conscience… c’est précisément l’intention [de la doctrine de la science] de dériver [l’idéalisme et le réalisme] comme des disjonctions et des moments partiels du savoir ordinaire, parfaitement naturels et qui se produisent d’eux-mêmes[26].

Si nous nous tournons à présent du côté de Reinhold, nous pouvons noter une attitude semblable à l’égard de l’origine de l’erreur en philosophie. Pour Reinhold, en effet, l’apparence philosophique ultime réside dans la dualité entre la subjectivité et l’objectivité, et dans le fait qu’elles en sont venues à être considérées comme identiques. Il va sans dire qu’à ses yeux le système de l’identité de Schelling constitue l’expression par excellence de cette erreur fatale, qui est pourtant déjà à l’oeuvre dans le savoir ordinaire. Lisons à ce propos les tout premiers mots du texte de Reinhold sur la phénoménologie.

L’erreur qui est contenue dans toutes les autres erreurs et sous laquelle toutes sont subsumées consiste […] dans cette apparence d’objectivité dans le subjectif, ou de subjectivité dans l’objectif, apparence qui est tenue pour la vérité. Cette apparence, qui selon son essence est exactement la même dans les erreurs ordinaires que dans les erreurs spéculatives, prend dans ce dernier cas de surcroît l’allure d’une certaine élévation au-dessus de soi-même […][27].

À n’en pas douter, on trouve aussi une critique du doublet subjectivité/objectivité[28] dans la doctrine de la science de 1804, une critique que Fichte bien sûr développe dans ses propres termes. Mais plus intéressante encore est leur préoccupation commune de montrer que, en deçà de la spéculation philosophique, il y a un certain dogmatisme diffus qui fait en sorte que dans la vie courante chacun croit sans plus avoir affaire aux choses mêmes. Il ne faut donc pas se surprendre de voir Fichte proclamer que pratiquement toute l’humanité vit dans le « monde de l’erreur[29] ». Or, c’est précisément la tâche de la phénoménologie de nous rappeler que ce monde est constitué de simples phénomènes et qu’il doit être envisagé comme tel.

Enfin, le troisième trait que ces auteurs ont en commun touche ce que l’on est désormais convenu de caractériser comme la philosophie de la subjectivité. Bien sûr, Reinhold dans ses Beyträge stigmatise la doctrine de la science de Fichte en affirmant qu’elle représente le paradigme d’une philosophie fondée sur la subjectivité. Et Fichte est certainement autorisé pour sa part à rétorquer que cette accusation n’atteint pas la Wissenschaftslehre, pas même dans les versions qu’il en a données à l’époque d’Iéna. Quoi qu’il en soit, c’est un fait que Reinhold, à partir de 1800, ne tourne pas simplement le dos, entre autres, à sa propre Philosophie élémentaire, mais qu’il se livre à une critique en règle de sa position antérieure. Nous savons que l’Elementarphilosophie du début des années 1790 était fondée sur un principe premier que Reinhold désignait comme le « principe de représentation » ou encore « principe de conscience ». À l’évidence ces deux termes, représentation et conscience, renvoient à la philosophie moderne conçue comme philosophie de la subjectivité. Or à présent, grâce à sa phénoménologie, Reinhold, bien qu’il ne prenne pas entièrement congé de la représentation, la situe désormais dans sa juste perspective en regard du réalisme rationnel qu’il vient d’adopter. Et il en va de même pour Fichte, qui s’en prend à la conscience dès qu’elle est envisagée comme le fondement ultime de la vérité.

Dans ses Beyträge, Reinhold relativise le statut de la représentation en la limitant dorénavant au domaine de la phénoménologie, par opposition à l’ontologie. L’ontologie se ménage un accès à la chose « en elle-même » tandis que la phénoménologie ne peut dévoiler que des représentations. En somme, la représentation est désormais restreinte au champ des phénomènes.

L’objet de la représentation […], en tant que tel, le représenté, ou l’objet en tant qu’il est représenté, est le phénomène [Erscheinung], et à titre de phénomène qui ne contient aucune contradiction et qui par conséquent n’est pas une simple apparence [blosserSchein], il est […] dans la réalité [Wirklichkeit], comme telle[30].

Tant et aussi longtemps que la représentation est restreinte à son domaine et qu’elle est correctement interprétée comme phénomène, il n’y a pas de risque de duperie. Or la position de Fichte à l’égard de la conscience est assez semblable. À n’en pas douter, la conscience continue à jouer un rôle capital dans la connaissance, et la doctrine de la science a pour tâche de décrire ce rôle. Mais le problème, c’est que l’on peut être tenté de conférer à la conscience immédiate une fonction de fondation pour la connaissance, auquel cas elle devient « une vaine apparence et une erreur » :

[…] le fondement de la vérité, en tant que vérité, ne réside certes pas dans la conscience mais uniquement dans la vérité elle-même ; de la vérité il faut donc toujours retrancher la conscience, puisque celle-ci est sans effet sur la vérité. La conscience ne subsiste que comme phénomène extérieur de la vérité, dont nul ne peut sortir mais dont la raison devra également être indiquée. Mais si l’on croit que le fondement de la vérité en tant que vérité réside dans cette conscience, alors on tombe dans l’illusion [Schein][31].

Comme nous pouvons le constater, la conscience n’est à la lumière de l’être absolu qu’un simple phénomène et elle ne peut évidemment servir de fondement à la vérité de cet être.

Les trois analogies que je viens d’exposer entre les conceptions respectives de la phénoménologie chez Reinhold et chez Fichte se résument dès lors de la manière suivante : 1) le monde phénoménal est envisagé comme manifestation de l’absolu, 2) l’illusion naturelle est d’emblée présente dans le savoir ordinaire considéré comme la condition de l’apparence philosophique, et 3) le privilège habituellement consenti à la subjectivité demande à être réévalué. Il va sans dire que ces deux phénoménologies appartiennent à des systèmes philosophiques bien distincts et que nous ne pouvons parler avec certitude d’une influence sur Fichte des textes publiés par Reinhold dans ses Beyträge entre 1801 et 1803. Nous l’avons vu, Fichte ne fait état d’aucune dette envers Reinhold dans sa Wissenschaftslehre de 1804. Lorsque le nom de Reinhold y est mentionné, c’est toujours pour faire l’objet d’une critique. Jean-François Goubet, dans un article fort bien documenté intitulé « La phénoménologie de Fichte dans la WL-1804/II : une approche historique », a fait porter sa recherche sur le problème des influences susceptibles d’avoir joué un rôle dans la phénoménologie de Fichte et il admet n’être arrivé à aucun résultat concluant[32]. La seule chose que nous sachions, c’est que Fichte a lu les premiers numéros des Beyträge, mais on ignore ce qu’il en est au juste du quatrième numéro, celui qui introduit le concept de phénoménologie. Dans une lettre à Bardili du 21 novembre 1803, Reinhold écrit qu’il a envoyé à Fichte le sixième numéro des Beyträge. Or, dans une lettre à Friedrich Christian Perthes remontant à la même époque, Fichte avoue avoir reçu « des écrits » de Reinhold, ce qui amène les éditeurs de la Gesamtausgabe à affirmer que le cinquième numéro accompagnait peut-être l’envoi du sixième[33]. Toutefois, aucune conclusion ne peut être tirée du simple fait que Fichte ait été en possession de ces numéros, où il est abondamment question d’Erscheinung et de Schein.

Avant d’en arriver à mes remarques finales, il convient sans doute de se pencher sur la phénoménologie de Fichte en elle-même et d’esquisser à grands traits son statut à l’intérieur de l’économie de la Wissenschaftslehre de 1804. Si la première partie des conférences parcourt un long chemin menant à la vérité, cela ne signifie nullement que la seconde partie, descendante celle-là, nous replonge dans la sphère de l’illusion. En d’autres mots, le fait que la « théorie de la vérité » de la première partie soit suivie, dans la deuxième, d’une « théorie de l’apparence » n’entraîne pas que cette dernière ne traite que de l’illusion et de la tromperie. Nous savons désormais que l’Erscheinungslehre — également constitutive de la seconde partie — n’est pas synonyme de Scheinlehre, si bien que la phénoménologie exposée dans la seconde partie dresse un portrait somme toute positif du monde phénoménal.

La première partie peut être appelée « théorie de l’être » en ce qu’elle vise à atteindre l’être en lui-même comme pure vie, dans sa complète autarcie. L’être demeure aussi à l’intérieur (in) de lui-même, il existe de (von) lui-même et par (durch) lui-même[34]. Dans la première partie de la Wissenschaftslehre nous sommes donc témoins de l’« auto-construction de l’être[35] », ce qui nous conduit à un savoir absolu de l’être. Or, ce savoir n’est pas séparé de l’être lui-même ; au contraire, il y prend part. C’est la raison pour laquelle Fichte dans ses leçons cherche à amener son auditoire à ce qu’il appelle la pure intuition intellective (Einsicht), grâce à laquelle l’auditeur s’élève au niveau de ce savoir, un savoir de l’intérieur laissant momentanément de côté tout point de vue externe. C’est en fait la conscience qui occupe ce point de vue extérieur. Sans doute, celle-ci est-elle toujours présente dans la connaissance ; elle est d’une certaine manière inévitable. Néanmoins l’auditoire est prié d’en faire « abstraction[36] », puisque la conscience immédiate a tendance à tout objectiver, à placer toute chose à distance, devant soi, d’une manière qui oblitère la véritable origine de l’objet, sa genèse. Pour le dire autrement, l’objet est le résultat d’une projection, d’une « proiectio per hiatum irrationalem[37] » selon la formule de Fichte. Aussi la conscience se contente-t-elle toujours de simples Fakta, de faits bruts, alors que le but de la doctrine de la science a toujours été de retracer la genèse de ces Fakta.

Dans ces conditions, la tâche de la phénoménologie, comme mouvement descendant de la doctrine de la science, consiste à réintroduire la conscience, dans le champ limité de ses prérogatives légitimes. Réintroduire la conscience signifie en même temps réintégrer tous les éléments qui avaient été laissés de côté dans la première partie en vue d’atteindre la vérité de l’être pur. De cette manière, les phénomènes, comme objets de la conscience, sont pris en compte, mais seulement pour ce qu’ils sont en vérité, c’est-à-dire de simples phénomènes de l’absolu et non une réalité indépendante jouissant d’une existence autonome. La phénoménologie est dès lors une théorie du « phénomène authentique [wahrhaft][38] » par opposition aux interprétations fautives qui en font, bien malgré elles, une simple apparence, un Schein. C’est donc la tâche de la phénoménologie que de « présenter » sous leur vrai jour les phénomènes et de les « déduire[39] » correctement, en rapport donc avec les résultats obtenus dans la première partie grâce à l’intuition intellective de l’absolu. À cet égard, Jean-Christophe Goddard a certainement raison d’affirmer que cette doctrine de la science redonne au monde phénoménal sa prétention légitime à la vérité[40]. À la fin de son cycle de conférences, Fichte énumère les différentes strates du monde phénoménal. Il mentionne des thèmes qui sont autant de domaines concrets à explorer pour la doctrine de la science, notamment 1) le principe de la sensibilité (notre croyance en la nature), 2) le principe de légalité, 3) le point de vue de la moralité, et 4) le point de vue de la religion.

Lorsque nous nous interrogeons sur les sources du concept fichtéen de phénoménologie, nous faisons face à un problème semblable à celui auquel sont confrontés les commentateurs de Hegel quand ils cherchent à retracer l’origine du titre Phénoménologie de l’esprit. Ne trouvant aucune indication claire de la part de Hegel, ils sont contraints d’établir, comme nous l’avons fait, des parallèles avec Lambert, Kant, Reinhold et Fichte, même si nous ne savons pas, là non plus, si la lecture par Hegel des Beyträge de Reinhold s’est arrêtée au premier numéro, lequel constitue l’une des principales cibles de la Differenzschrift, et même si par ailleurs il est peu vraisemblable que Hegel ait pu avoir accès au contenu détaillé des leçons berlinoises de Fichte de 1804[41]. Or, puisque pour le concept fichtéen de phénoménologie nous n’avons découvert aucune trace d’un emprunt direct à ses prédécesseurs, nous pouvons tout de même nous interroger sur les enseignements que Fichte est susceptible d’avoir retenus d’eux, si tant est qu’ils y sont pour quelque chose dans l’élaboration de son propre concept de phénoménologie. Si l’on fait abstraction des différents recoupements que j’ai signalés sur le plan sémantique ainsi que des analogies strictement formelles, il y a lieu de se demander ce qui, chez les prédécesseurs de Fichte pris en considération ici, peut s’avérer pertinent pour son propre point de vue.

Dans le cas de Lambert, il n’est pas aisé au premier abord de dire en quoi les développements de la quatrième partie du Nouvel Organon sont susceptibles d’avoir été une source d’inspiration pour Fichte, dans la mesure nommément où ils font porter toute la phénoménologie sur l’apparence trompeuse. Lambert s’intéresse en fait à une apparence qui est d’abord et avant tout empirique, à savoir l’apparence « sensible », l’apparence « psychologique » et l’apparence « morale », pour laquelle il s’agit de montrer en quoi, par exemple, les sensations et les passions exercent une influence sur la conduite morale[42]. Il est donc passablement éloigné des préoccupations de Fichte. Toutefois, s’il est un enseignement de Lambert qui demeure valable pour Fichte, c’est bien la méthode de l’astronome, dont on a déjà fait mention. Ainsi dans sa lettre du 13 octobre 1770, Lambert incite Kant à adopter en métaphysique une attitude analogue à celle de l’astronome, c’est-à-dire de faire l’hypothèse qu’au départ tout n’est que simple apparence (Schein) et de tenter après-coup de faire le partage entre ce qui est réalité et ce qui est illusion. Cela signifie pour Lambert que la réalité derrière les apparences doit être découverte et exposée à l’aide de lois. Ce trait pourrait en effet être mis en rapport avec la conclusion à laquelle Fichte parvient au terme de sa phénoménologie : le phénomène, tant qu’il n’a pas été interprété comme prenant part à la manifestation de l’absolu, n’est rien de plus qu’un Schein, dépourvu de toute existence propre.

En ce qui a trait à Kant, nous avons vu que la distinction stricte établie par la Critique de la raison pure entre Erscheinung et Schein n’est rien de plus qu’une clarification méthodologique. Or, dès que nous considérons le contenu de la Critique et en particulier le but de la Dialectique transcendantale, l’utilité de cette distinction devient manifeste. En vérité, c’est dans les Prolégomènes que Kant est le plus explicite sur la nécessité de distinguer mais aussi, dans un second moment, de relier le phénomène et l’apparence si l’on veut réfuter les prétentions de la métaphysique dogmatique. Dans une remarque jointe au § 13, il soutient que le monde des phénomènes doit d’abord avoir été clairement circonscrit — comme domaine de la vérité — si l’on veut être en mesure de repérer l’apparence métaphysique[43]. Erscheinung et Schein sont ici présentés dans leur fonction complémentaire. Mais la première Critique avait déjà fait usage de cette distinction lorsque Kant, par exemple, y affirmait que la source de l’antinomie de la raison pure tient au fait que les phénomènes sont pris pour des choses en soi, donnant par là prise à l’apparence dialectique. On peut d’ailleurs en dire tout autant des deux autres idées de la raison pure : l’illusion propre à l’omnitudo realitatis (Dieu) et à l’immortalité de l’âme a son point d’ancrage dans le monde phénoménal. Ainsi Fichte pouvait-il à tout le moins retenir de Kant que l’apparence métaphysique présuppose nécessairement un monde de phénomènes.

Pourtant, la distance entre les deux penseurs est considérable. Et ceci demeure vrai même si Fichte déclare en 1804 que la philosophie transcendantale de Kant est le seul discours philosophique auquel il consent à associer sa propre entreprise. L’écart entre eux devient on ne peut plus manifeste quand on prend en considération la critique adressée à Kant par la Wissenschaftslehre de 1804. Kant y est en effet dépeint comme un philosophe qui n’est pas en mesure de dépasser la simple factualité, ce terme devant être compris ici comme l’antonyme de genèse. Ainsi, par exemple, le but de la troisième Critique consiste-t-il à identifier la « racine » commune à la nature et à la liberté, au « monde sensible » et au « monde suprasensible », chacun d’eux étant considéré comme un absolu[44]. En dernière analyse toutefois, Kant s’avère incapable de mettre au jour ce fondement commun. L’unité du système est sans doute pour lui quelque chose de certain, mais cette évidence demeure simplement « factuelle » alors qu’elle devrait être « génétique ». C’est dire que Fichte entretient des doutes sur les capacités de Kant à mener à terme son projet transcendantal. Et ceci se reflète dans la façon dont Kant traite du problème de l’apparence en général.

Cet argument est développé au début de la Wissenschaftslehre de 1804, et comme il fait partie des remarques méthodologiques faites par Fichte à propos du problème de l’attention, il n’y est pas question de Kant nommément. Cependant, la même critique lui avait été explicitement adressée dans la Seconde introduction à la doctrine de la science (1797). La critique fichtéenne prend la forme de la question suivante : comment Kant peut-il continuer à prétendre que le danger d’une rechute dans l’apparence transcendantale persiste, même après qu’il en ait expliqué l’origine ? Ceci amène Fichte à penser que Kant ne peut être entièrement « convaincu » par sa philosophie, dans la mesure où il est proprement absurde de constamment craindre un retour de l’illusion métaphysique alors que l’on en a percé le secret[45]. Ce qui vient renforcer l’opinion de Fichte selon laquelle Kant en reste à la surface des choses. Il demeure un philosophe de la factualité précisément parce qu’il n’est pas un penseur suffisamment génétique. Dès lors, il n’est pas en mesure de produire une théorie exhaustive de la relation entre Erscheinung et Schein, c’est-à-dire une phénoménologie authentique.

En ce qui a trait à Reinhold, nous en sommes venus à la conclusion qu’il est difficile de savoir ce que Fichte en a retenu au juste pour sa propre philosophie. Les trois parallèles que nous avons établis entre ces deux penseurs ne sont en vérité que des analogies et ils ne permettent pas de conclure à quoi que ce soit avec certitude. Nous l’avons vu, les allusions à Reinhold dans la Wissenschaftslehre de 1804 sont toutes critiques. L’une de ces remarques met en lumière le fait que Reinhold dans son développement de la première partie du réalisme rationnel, à savoir l’ontologie, ne « se réfère pas » à la conscience. Il expose une doctrine de la pensée pure, la doctrine de la pensée comme pensée, sans être en mesure d’assigner une place à la conscience. C’est comme si Reinhold éprouvait des difficultés à articuler sa conception de l’absolu, ou encore de la pensée de l’être originaire (Urwesen), avec la conscience. Il s’agit là en fait d’une question qui pose un véritable défi, question à laquelle Fichte est lui-même confronté et qu’il ne peut résoudre qu’en faisant appel à la pure factualité. Comme Miklos Vetö le fait justement remarquer, la doctrine de la science de Fichte se fait forte de dévoiler la genèse de tous les phénomènes, mais à terme elle échoue à retracer la genèse de la conscience elle-même[46]. Pour Fichte, la conscience doit être acceptée comme un fait, attribuable à une proiectio per hiatum provenant de l’être lui-même. Et jusqu’à la fin Fichte se demande comment il doit concevoir l’« hiatus » en question afin d’éviter qu’il ne soit considéré comme un hiatus irrationalis[47]. Confronté lui-même à ce problème redoutable, Fichte aurait sans doute pu adopter une attitude plus conciliante à l’égard de Reinhold, ou à tout le moins aurait-il pu discuter de manière plus exhaustive les développements contenus dans les Beyträge.