Recensions

René Virgoulay, Philosophie et théologie chez Maurice Blondel. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Philosophie & Théologie »), 2002, 213 p.[Record]

  • Nestor Turcotte

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  • Nestor Turcotte
    Matane, Québec

Maurice Blondel, universitaire et penseur catholique, s’est rendu célèbre par sa thèse sur L’Action publiée en 1893. Le point de départ de la pensée du philosophe d’Aix-en-Provence est le conflit entre l’exigence philosophique d’une autonomie de la raison et le caractère historique et contingent du christianisme traditionnel. Selon le philosophe, l’incompatibilité apparente entre raison et foi doit pouvoir se résoudre dans l’action. Ce dynamisme ouvre, par-delà tout ce que l’homme peut connaître et réaliser, à une dimension transcendante ou surnaturelle qui le dépasse et qu’il peut seulement accueillir. La raison philosophique ne peut que constater cette ouverture. Il appartient à la foi d’y reconnaître la réponse de Dieu dans la révélation et dans la grâce. C’est la méthode d’immanence. L’auteur de cet ouvrage reprend ce débat qui n’a pas fini de diviser les théologiens et les philosophes. L’impressionnante bibliographie qui termine le livre Philosophie et théologie de Maurice Blondel démontre que le philosophe ne fait pas l’unanimité. Blondel ne se prétend pas théologien. Il est cependant un catholique convaincu. La première partie du texte de l’A., « Philosophie et christianisme », affirme que l’acte philosophique présuppose chez Blondel une expérience, un existentiel philosophique qu’il trouvera dans la foi catholique. Il expérimentera et renforcera ce préalable dans la méditation des Écritures et des grands maîtres spirituels comme Augustin et Thomas d’Aquin. Le primat et le privilège qu’il donne à l’action sont suggérés par la lecture du Nouveau Testament. Il écrit : « Je me propose d’étudier l’action, parce qu’il semble que dans l’Évangile il est attribué à l’action seule le pouvoir de manifester l’amour et d’acquérir Dieu. J’étudierai l’action parce que, en ce temps, nous ne savons plus souffrir pour agir et produire. Le coeur manque, on ne vit pas ». Cette référence au prologue du quatrième Évangile va inspirer la définition blondélienne de la vérité. La vérité n’est plus adaequatio rei et intellectus… c’est : adaequatio mentis et vitae. Les PP. Tonquédec et Garrigou-Lagrange resteront sur ce point ses plus terribles adversaires. La démarche de penser ne doit pas présupposer la foi, comme on le voit chez saint Anselme. Elle doit comporter une ouverture qui s’offre à la raison quand elle déploie toutes ses possibilités. Voilà la logique de L’Action. Cette méthode d’immanence, qui décèle dans l’homme une présence en négatif de la transcendance, va conduire Blondel à une apologétique intégrale. La nouvelle apologétique de Blondel permet à la raison de s’ouvrir à l’universel de la religion chrétienne sans pour autant présupposer celle-ci, ni s’y substituer. « La belle expression : faire la vérité, la construire et la créer ; et comment ? par l’amour et les oeuvres de charité ». On ne peut être plus explicite : nous sommes ici à la source du primat de l’action. La deuxième partie du livre exprime la mise en oeuvre du projet de Blondel. Elle touche la transposition philosophique d’une théologie en soulevant les thèmes de la responsabilité et de la sanction, de l’actualité de l’Incarnation et du problème du surnaturel. Le thème de la destinée est le problème le plus sérieux soulevé par le philosophe. Ici, l’action est présentée dans toutes ses dimensions à partir de la distinction aristotélicienne du poieîn et du pratteîn, la transformation du monde et de soi-même par la coopération avec les autres êtres. C’est en faisant que l’homme se fait. L’A. retrace ici le grand projet du philosophe d’Aix-en-Provence. Il livre aux lecteurs les travaux accomplis en vue de la publication de L’Action et des thèmes théologiques qui vont ensuite prendre une place importante dans sa vie. On y retrouve le rôle …