Recensions

Max Seckler, éd., Aux origines de l’École de Tübingen. Johann Sebastian Drey, Brève introduction à l’étude de la théologie (1819). Présentation et introduction par Max Seckler, traduction par Joseph Hoffmann, avec des contributions du cardinal Joseph Ratzinger, du cardinal Walter Kasper et de Max Seckler, ainsi que des textes de P. Chaillet, M.-D. Chenu, Y. Congar et P. Godet, postface de Mgr Joseph Doré. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Patrimoines », série « Christianisme »), 2007, 398 p.[Record]

  • Gilles Routhier

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  • Gilles Routhier
    Université Laval, Québec

De l’École de Tübingen, la théologie francophone retient surtout le nom de J.A. Möhler, en raison de son influence sur le renouveau de la théologie au cours du deuxième tiers du xxe siècle. Celui de son « fondateur », J.S. Drey, est moins connu — au moins dans le monde francophone — et son oeuvre, Brève introduction à l’étude de la théologie, est largement éclipsée par la Brève présentation de l’étude de la théologie de Schleiermacher, publiée huit ans plus tôt. Toutefois, comme le dit Max Seckler dans l’introduction à l’édition critique de la Brève introduction, l’« oubli » de Drey ne tient pas à l’antériorité ou à la supériorité de la contrepartie protestante de la Brève introduction, mais dépend surtout de la réception réservée à l’oeuvre théologique de Drey et, plus largement, au renouveau théologique apporté par l’École de Tübingen dans l’Église catholique au cours de la seconde moitié du xixe siècle et du premier tiers du xxe siècle. Ce « printemps intellectuel de la théologie catholique du xixe siècle succomba trop rapidement à la répression conservatrice » (p. 64), et dans le paysage de la théologie catholique dominée par la néo-scolastique, il n’y avait plus de place pour Drey et pour l’École de Tübingen, « mis au ban de façon tacite et livrés globalement à la damnatio memoriae, à l’exception de Möhler » (p. 65). Ce n’est qu’au cours du deuxième tiers du xxe siècle, en France et en Allemagne, chez les historiens de la théologie et les théologiens du renouveau, qu’on réhabilita celui qui était considéré à son époque, dominée par la science et la théologie protestante, « comme l’esprit le plus avancé, le plus capable et le plus solide parmi les théologiens catholiques en Allemagne » (p. 63). Cet esprit, qui avait « haussé [la théologie catholique en Allemagne] au niveau de la philosophie et de la science protestantes » (p. 64) et qui s’était attaché à penser la théologie dans un dialogue avec la pensée moderne et les grands esprits de son temps (p. 64 et 70), dépassant par le fait même une théologie-perroquet et réclamant « pour le théologien un espace de liberté pour penser » (p. 66), et pour « penser par soi-même » (comme le rappelle la contribution du cardinal Kasper), devait être ostracisé et voué à l’oubli. La mémoire de celui qui voulait être, comme théologien « docteur de son Église » et non libre penseur, mais pour cela « équiper véritablement la théologie en vue des besoins et des défis des temps nouveaux » (p. 71) et des défis intellectuels des temps modernes, devait être rapidement éclipsée après être montée de manière fulgurante au firmament. L’édition critique de la Brève introduction à l’étude de la théologie de Drey, réalisée par Max Seckler, précédée d’une introduction consistante à son auteur, à son oeuvre et à la Brève introduction, est tout à fait bienvenue de la part de ceux qui s’intéressent à l’histoire de la théologie et à ses renouveaux à partir du xixe siècle. Il est heureux que cet ouvrage, déjà disponible en allemand, en anglais et en italien, ait été traduit en français et présenté dans la collection « Patrimoines » et sa série « Christianisme ». L’édition de Max Seckler, sans doute le meilleur spécialiste de la question, est précédée d’intéressantes contributions d’anciens professeurs de Tübingen, l’une du cardinal Ratzinger et de deux autres du cardinal Kasper. Le premier retient que Drey, à un moment tourmenté de l’histoire des idées, a eu « le courage d’affronter la totalité …