Recensions

Philippe Chenaux, L’Église catholique et le communisme en Europe (1917-1989). De Lénine à Jean-Paul II. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Histoire »), 2009, 383 p.[Record]

  • Philippe J. Roy

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  • Philippe J. Roy
    Université Laval, Québec

Philippe Chenaux, professeur d’histoire de l’Église moderne et contemporaine à l’Université du Latran (Rome) et auteur de plusieurs ouvrages essentiels, comme Entre Maurras et Maritain, Une génération intellectuelle catholique, 1920-1930, Pie XII, diplomate et pasteur, et « Humanisme intégral » (1936) de Jacques Maritain, vient de publier une nouvelle monographie, cette fois sur les rapports entre l’Église et le communisme, qui marquera certainement l’historiographie autant que ses précédents ouvrages. En partant de l’hypothèse que le communisme est la dernière hérésie du christianisme, Philippe Chenaux a conduit son enquête autour de quatre grands axes. Le premier d’entre eux, et celui qui fait l’objet des plus grands développements, concerne l’aspect proprement diplomatique des relations entre le Saint-Siège et l’Union soviétique. Inscrites depuis l’origine dans la logique d’une politique concordataire, ces relations ne connurent un véritable renouveau qu’à partir du pontificat de Jean XXIII, qui invita les différentes confessions chrétiennes à envoyer des observateurs au Concile. Ayant reçu l’engagement formel que le Concile ne condamnerait pas le communisme, l’Église orthodoxe russe, qui craignait des représailles, accepta d’y envoyer deux observateurs. Le Concile, en développant la pensée oecuménique au sein de la catholicité, fut par ailleurs un événement capital dans la mise en oeuvre de l’Ostpolitik vaticane. Cependant, si les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et les dirigeants bolcheviques allaient dans le sens d’un dégel dans l’Église postconciliaire, la logique concordataire du Vatican restait la même. Jean-Paul II lui-même ne renia jamais cette logique. Ne fit-il pas du cardinal Agostino Casaroli son Secrétaire d’État (1979-1990) ? Or, c’était ce prélat qui avait négocié les accords avec la Hongrie (1964) et avec la Yougoslavie (1966) ; c’était également ce diplomate subtil qui avait présidé la délégation pontificale présente à la Conférence d’Helsinki sur la sécurité et la coopération en Europe. Le deuxième axe de recherche privilégié par Philippe Chenaux concerne la collaboration entre les catholiques et les communistes. Les catholiques commencèrent à s’interroger et à se diviser sur la possibilité d’une collaboration avec les communistes en 1936, à l’occasion des élections qui conduisirent le Front populaire au pouvoir en France. La « main tendue » aux catholiques par Maurice Thorez, secrétaire général du parti communiste, généra un ardent débat qui aboutit finalement à la condamnation du communisme athée, tout d’abord par l’encyclique Divini Redemptoris (19 mars 1937) puis par l’interdiction formelle faite aux catholiques de collaborer avec les partis ou les associations se réclamant du communisme (décret du Saint-Office — 1er juillet 1949). Si Pie XI et Pie XII mirent constamment les catholiques en garde contre les dangers du communisme, l’élection de Jean XXIII et Vatican II marquèrent une rupture à ce niveau. En effet, lors du Concile, de nombreux Pères conciliaires auraient souhaité une nouvelle condamnation du communisme, mais elle n’eut pas lieu en raison de la détermination de Jean XXIII puis de Paul VI à entretenir de bonnes relations avec l’Union soviétique. Quelques années plus tard, le pontificat de Jean-Paul II engendra cependant le retour d’une certaine forme d’anticommunisme doctrinal et pratique dans les hautes sphères de la hiérarchie ecclésiastique. La troisième grande question abordée par l’auteur a trait aux rapports entre la pensée chrétienne et le marxisme. Si les premières réflexions catholiques sur le communisme soviétique datent des années 1930, l’attrait de certains intellectuels catholiques pour la philosophie marxiste est postérieur à la Deuxième Guerre mondiale. Après cet événement au cours duquel le communisme russe sortit vainqueur de la lutte contre le nazisme, de nombreux progressistes chrétiens entreprirent de magnifier la pensée humaniste de Marx et idéalisèrent le modèle soviétique. Cependant, avant le Concile Vatican II, …