Notes critiques

Deux études récentes sur Qohélet[Record]

  • Jean-Jacques Lavoie

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  • Jean-Jacques Lavoie
    Département de sciences des religions, Université du Québec à Montréal

Médecin, président de l’Union des communautés juives italiennes, auteur de nombreux ouvrages sur le judaïsme italien et contemporain, Amos Luzzatto nous présente ici une traduction et un bref commentaire du livre de Qohélet. L’ouvrage est divisé en trois parties : une introduction (p. 5-29), une traduction commentée (p. 33-74) et une postface (p. 75-93), signée par Salvatore Natoli, professeur de philosophie à l’Université de Milan. À la question posée dans le titre, Qui était Qohélet ?, Luzzatto commence par rappeler les interprétations talmudiques et midrashiques bien connues, selon lesquelles Qohélet serait nul autre que Salomon devenu vieux (p. 5-6). Toutefois, pour expliquer la forme féminine du mot Qohélet et l’emploi du verbe au féminin qui l’accompagne en Qo 7,27, Luzzatto considère que Qohélet, du moins celui qui parle, est véritablement une femme. Cette femme sage serait peut-être l’élève du vieux Qohélet, qui agissait comme son porte-parole au moment où il était devenu pénible pour lui de parler longuement et de se souvenir de ses moments heureux de jeunesse (p. 7) ! À ce sujet, il précise que l’opposition, en Qo 3,2, entre enfanter (et non naître) et mourir est présentée du point de vue d’une mère. Il en irait de même de l’emploi du verbe « coudre » en Qo 3,7 (p. 8) ! Puis, à partir de l’épilogue du livre, qu’il refuse de considérer comme un ajout (p. 17) — à ce sujet, sa lecture du livre de Qohélet est purement synchronique et il refuse de faire appel à l’éternelle bouée de secours que représente l’hypothèse d’un glossateur (p. 49) — et plus précisément à partir de Qo 12,10, Luzzatto affirme que les quatre mots-clés du livre de Qohélet sont les suivants : la recherche, l’utilité, la rectitude et la vérité (p. 8). L’objet de la recherche sapientiale est de comprendre la réalité (p. 9-15). Cette recherche est utile, car elle repose sur une science pratique, sur une théorie applicable à la vie quotidienne (p. 15-16). En ce qui concerne la rectitude et la vérité, Luzzatto fait remarquer que Qohélet ne fonde jamais sa pensée sur des commandements ou des préceptes divins et qu’il n’emploie jamais le mot bryt, « alliance ». Le point de départ de Qohélet est plutôt empirique : il examine les comportements humains et conclut que l’essentiel est de respecter Dieu. À ce sujet, Luzzatto est d’avis que la traduction du verbe yr’ par « craindre » est incomplète et que la traduction par « respecter » est préférable (p. 16-20). Sa traduction du livre de Qohélet est parfois tout aussi étonnante que son commentaire. Deux exemples suffiront à illustrer mon propos : le mot-clé hbl en Qohélet et le mot ‘lm en Qo 3,11. En ce qui concerne le mot-clé du livre, Luzzatto refuse de le traduire par « vanité » (p. 26). Il rend Qo 1,2 et 12,8 comme suit : « Souffle éphémère, dit Qohélet, souffle éphémère, tout est souffle » (p. 33) ; « Souffle vain, a déclaré Qohélet, tout s’évanouit » (p. 73). Ailleurs, il traduit le mot hbl de diverses façons : « souffle évanescent » (Qo 1,14 ; 2,1.11.15.17.19.21.23.26 ; 3,19 ; 4,4 ; 5,9 ; 6,2.4.9 ; 7,6 ; 8,10 [avec fiato et non alito].14b), « souffle éphémère » (Qo 4,16 ; 11,10), « choses évanescentes » (Qo 4,7), « oeuvre évanescente » (Qo 4,8), « évanescence » (Qo 6,11), « éphémère » (Qo 9,9a), « fugace » (Qo 9,9b), « évanescentes » (Qo 5,6), « vain(e) » (Qo 7,15 ; 11,8), « évanouis » (Qo 6,12) et « acte pervers » (Qo 8,14). …

Appendices