Recensions

Anne-Laure Zwilling, Frères et soeurs dans la Bible. Les relations fraternelles dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Préface de Daniel Marguerat. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Lectio divina », 238), 2010, iv-205 p.[Record]

  • Ai Nguyen Chi

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  • Ai Nguyen Chi
    Université Laval, Québec

Les relations fraternelles dans la Bible ont déjà été abordées par différents auteurs (L.A. Schoekel 1987, F.E. Greenspahn 1994) et de diverses manières (aspect juridique, enjeux théologiques, dimension éthique et spirituelle). Anne-Laure Zwilling, bibliste à l’aise en psychologie, reprend ce même thème par le biais d’une lecture narrative. À partir de huit récits, pris dans l’ordre du texte biblique, à deux exceptions près, l’A. repère la façon dont le récit est construit en vue de montrer comment la fraternité y est présentée. Elle cherche à saisir les modèles des relations frères-soeurs qui se dégagent à travers ces récits. Ces derniers sont choisis en fonction de la thématique de la fraternité dans le sens familial du terme. Le premier chapitre évoque le conflit entre Caïn et Abel en Genèse 4. Contrairement à la lecture habituelle qui voit dans ce récit l’impossibilité de la fraternité, Zwilling considère que « le récit de Gn 4 est un modèle. Non pas parce qu’il fournirait un modèle de conduite à tenir, mais en tant qu’il expose une impasse possible pour qu’on ne s’y aventure pas » (p. 44). En ce sens, Gn 4 précise les conditions de possibilité de toute relation fraternelle. Celle-ci n’est pas une donnée acquise d’avance, mais elle est à construire selon un « projet éthique ». Le deuxième chapitre s’attache à l’histoire de deux soeurs, Rachel et Léa, qui se transforment en rivales en raison de la séduction de l’une et de la procréation de l’autre (Gn 29-31). Si la fécondité de Léa rend évidente la stérilité de Rachel, en revanche, la beauté de Rachel éveille la jalousie de sa soeur Léa. Chacune envie ce que possède l’autre. Pour l’A., cette rivalité est surmontée grâce à la création d’un espace de négociation qui permet à chacune de parvenir à une relation juste, au-delà de ses propres manques. En rétablissant une relation libre et adulte, les deux soeurs surmontent leur rivalité pour devenir des femmes fortes et maîtresses de leur destin. Continuant à étudier la thématique de la rivalité, le chapitre trois se consacre à l’histoire de deux frères jumeaux, Jacob et Ésaü (Gn 25-37), où se trouve davantage développé le thème de l’identité. Pour dépasser l’opposition avec son frère Ésaü, Jacob, qui vient d’obtenir par ruse la bénédiction paternelle, va rechercher son identité en dehors de sa famille. Il apparaît ainsi à l’A. que c’est avec le temps, la distance et la constitution de l’individu en tant que personnalité autonome, que se construit et que peut grandir la relation fraternelle. Dans l’histoire de Joseph (Gn 37-50), analysée au chapitre quatrième, l’A. scrute minutieusement l’évolution de chacun des personnages principaux du récit, à savoir Jacob, Juda et Joseph. « Le récit montre une évolution, de la haine et du désir de meurtre à la possibilité de vivre ensemble. À travers leur propre parcours, parfois leur propre accession à la paternité, les frères sont finalement capables d’appréhender la complexité des relations familiales, ce qui leur permet de la prendre en compte positivement » (p. 114). Le cinquième chapitre reprend l’histoire du frère amoureux de sa soeur (2 Samuel 13,1-22). L’A. voit dans ce récit un échec de la fraternité, à la différence de Gn 4, car on n’y trouve aucune relation entre les frères, aucune communication familiale. Dans cette histoire « il y a excès d’amour au début, excès de haine à la fin » (p. 132). L’analyse de l’épisode de la visite de Jésus chez Marthe et Marie (Luc 10,38-42) au chapitre six opère un changement majeur. Ce récit ne met pas le lecteur devant le choix entre l’action et la contemplation, …