Recensions

Lakshmi Kapani, Schopenhauer et la pensée indienne. Similitudes et différences. Paris, Éditions Hermann (coll. « Hermann Philosophie »), 2011, 264 p.[Record]

  • André Couture

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  • André Couture
    Université Laval, Québec

Lakshmi Kapani, docteur ès lettres et sciences humaines (Paris IV-Sorbonne), est maintenant professeur émérite de philosophie indienne et comparée de l’Université de Paris X-Nanterre. Son nom est associé depuis une vingtaine d’années aux études concernant Schopenhauer (1788-1860), et en particulier aux discussions touchant la façon dont ce philosophe a pris appui sur les philosophies de l’Inde pour construire son propre discours. On lui doit les articles suivants : « Schopenhauer et son interprétation de “Tu es cela” », dans L’Inde inspiratrice. Réception de l’Inde en France et en Allemagne (xixe-xxe siècles), études réunies par Michel Hulin et Christine Maillard, Paris, Presses Universitaires de Strasbourg, 1996, p. 45-69 ; « Schopenhauer et l’Inde », Journal Asiatique, tome 290 (2002), no 1, p. 163-292 ; « Schopenhauer et le Vedānta », dans Sakyamuni et Schopenhauer. La lucidité du philosophe et l’éveil du Bouddha, Grenoble, Éditions Prajñā, 2005, p. 86-103. Ce dernier livre poursuit le travail amorcé dans ces textes et présente une étude d’ensemble des rapports entre Schopenhauer et la pensée indienne. Pour y parvenir, il fallait posséder une double formation en philosophie indienne et en philosophie occidentale, et c’est justement ce qui transparaît à chaque page de cet ouvrage. La quatrième de couverture résume admirablement le propos de ce livre : Au fil des chapitres, Mme Kapani découvre et analyse seize points de rencontre entre la philosophie de Schopenhauer et les philosophies indiennes qu’elle présente en neuf chapitres portant sur les thèmes suivants : être et ne pas être, la Volonté, le Vouloir-vivre aveugle et la souffrance, la négation de la volonté de vivre, la place de l’intellect dans le travail de la libération, le rôle de la sagesse dans la vie, la māyā ou le monde comme représentation, l’existence humaine, l’inconscient. Mme Kapani procède toujours de la même façon, soit en dressant la liste des principales références au thème analysé de façon à préciser les influences indiennes qu’a pu subir Schopenhauer, à discerner les convergences ou les similitudes, puis à noter et à expliquer les différences. Dans certains cas, le verdict est catégorique. En parlant du nirvāṇa trop vite confondu à cette époque avec le néant, elle écrit : « C’est une pure invention occidentale […]. Le Bouddha et ses disciples ne le conçoivent pas en termes d’être ou de non-être. Il suffirait de lire Nāgārjuna à ce sujet. L’extinction du je ou du moi qui souffre et qui transmigre n’a rien d’effrayant pour celui qui a compris que l’idée de moi est une pure construction et n’existe que dans l’imagination des “sots” (bāla). C’est seulement l’idée fausse qui disparaît » (p. 122). À propos de la Volonté, un concept central s’il en est pour Schopenhauer, Mme Kapani est amenée à faire diverses nuances. Elle conclut toutefois que l’assimilation de la Volonté à l’ātman-brahman des Upaniṣad et du Vedānta ou au « Cela » de la formule védique « tu es Cela » (tat tvam asi) « est impossible voire erronée, car contrairement à la Volonté schopenhauerienne “sans raison” (grundlos), “aveugle” (blinde) et “inconsciente” (“poussée aveugle et effort inconscient”), les principes que sont l’ātman, le brahman, le puruṣa, sont décrits comme étant Pure Conscience, Pure Connaissance » (p. 36-37). « À vrai dire — note-t-elle encore — un équivalent sanskrit de la Volonté nous semble difficile à trouver » (p. 37). Il n’y aurait même aucun concept sanskrit précis correspondant exactement à la Volonté schopenhauerienne (p. 38). Une différence l’emporte finalement sur toutes …