Notes critiques

Dieu est plus grand que DieuAu coeur de la théologie de Gérard Siegwalt[Record]

  • Jean Richard

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  • Jean Richard
    Faculté de théologie et de sciences religieuses, Université Laval, Québec

À propos de l’ouvrage suivant : Gérard Siegwalt, Dieu est plus grand que Dieu. Réflexion théologique et expérience spirituelle. Entretiens avec Lise d’Amboise et Fritz Westphal, Paris, Cerf (coll. « Théologies »), 2012, 292 p. Les références à cet ouvrage sont indiquées dans le texte.

Gérard Siegwalt et sa Dogmatique pour la catholicité évangélique ne sont pas inconnus des lecteurs de cette revue. Deux forts dossiers lui ont déjà été consacrés. Tout récemment, en dialogue avec deux anciens étudiants et amis, Lise d’Amboise et Fritz Westphal, Siegwalt a fait retour sur son oeuvre. Il écrit dans la postface : « Ce livre n’est pas un condensé de l’ouvrage mentionné ; il n’est pas non plus une autobiographie » (p. 289). Il reste que l’auteur répond volontiers aux questions personnelles qui lui sont posées, ce qui permet de voir l’inspiration profonde qui anime le grand ouvrage paru en dix volumes. Ainsi, Siegwalt peut-il avouer que, dans l’élaboration de sa Dogmatique, « tout a commencé par un choc », par un « ébranlement » (p. 11). On voit par ailleurs que ce choc comporte une triple dimension : religieuse, culturelle et personnelle. 1. Le choc religieux intervient après plusieurs années d’enseignement de la théologie : « Il n’y a jamais eu à proprement parler une mise en question de cette tradition [de l’Église luthérienne], mais il y a eu le sentiment qu’elle n’avait plus guère de prise, ni dans et sur l’Église dont je faisais partie, ni sur la situation de la chrétienté en général, ni sur la société dans son ensemble » (p. 12). Quelques pages plus loin, la question revient à propos de Dieu. Car « dans le contexte culturel qui est le nôtre, […] il ne va pas de soi de parler de Dieu et de se référer à Dieu » (p. 37). C’est que « l’évocation de Dieu apparaît comme quelque chose qui est introduit de l’extérieur et plaqué sur la situation » (p. 37). Tel est précisément le Dieu « supranaturaliste » qui détermine toute une conception de la foi, de la religion et de la théologie : « Supra naturam : Dieu est placé au-dessus de la nature. Il est un principe premier. Le supranaturalisme parle de Dieu en termes d’extériorité » (p. 39). Pour affirmer et maintenir sa transcendance par rapport à la nature et à l’humanité, on le conçoit comme extérieur à la nature et à l’humain. On l’objective, on en fait un être au-dessus des autres, en plus des autres. Mais cela ne va plus avec la conception moderne du monde qui, en affirmant son autonomie, ne reconnaît plus qu’un monde. Il n’y a pas deux mondes superposés : le ciel, le monde de Dieu, et la terre, le monde des humains. La croyance en Dieu, l’affirmation de Dieu ne pourra être maintenue que si Dieu peut être pensé à l’intérieur du monde, à partir du monde, que si la transcendance divine peut être pensée au coeur même de l’immanence du réel. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre le titre de l’ouvrage : Dieu est plus grand que Dieu. Le Dieu plus grand que Dieu, c’est le Dieu plus grand que le Dieu supranaturaliste, plus grand que le Dieu du théisme. L’expression vient de Tillich, qui l’a mise de l’avant dans Le courage d’être. Il parle alors du divin comme du « Dieu au-dessus du Dieu du théisme » (the God above the God of theism). Ce Dieu au-dessus de Dieu, c’est le Dieu de la « foi absolue », de la foi au-delà des croyances : « La foi absolue, ou l’état d’être saisi par le Dieu au-delà de Dieu » (the God beyond God). La phrase finale de l’ouvrage, soulignée par Tillich, laisse entrevoir ce dont il s’agit, soit le Dieu du douteur, le Dieu de l’incroyant : …

Appendices