Recensions

Michel Blay et al., dir., Grand dictionnaire de la philosophie. Paris, Éditions Larousse et Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), 2012, xiii-1 137 p.[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Québec

Ce Grand dictionnaire de la philosophie impressionne autant par son format ample, par son poids et par son contenu exhaustif ; il contient plus de 1 100 notices, entrecoupées de 70 articles thématiques (appelés « dissertations »), et complétés par 62 biographies brèves de philosophes, tous classés alphabétiquement. Ce livre de référence prétend s’adresser à tous les publics et aux trois cycles universitaires (p. v). La plupart des quelque 200 rédacteurs ayant contribué à ce collectif oeuvrent en France, et on ne compte d’ailleurs dans ce large groupe de chercheurs aucun auteur canadien, à l’exception de Didier Ottaviani, qui était alors rattaché à l’Université de Montréal (p. xii). Cependant, la qualité d’un ouvrage de référence de la sorte ne se mesure pas uniquement par son format ou par son contenu philosophique, mais également et surtout par ses capacités pédagogiques, afin de faire comprendre la raison d’être de la discipline philosophique, d’expliciter ses principaux concepts et de retracer l’évolution de certaines idées fondamentales. Cette préoccupation guidera notre évaluation succincte de ce travail colossal supervisé par l’équipe de Michel Blay. Compte tenu de son propos, la première notice à consulter dans un tel dictionnaire serait naturellement la définition même du mot « philosophie », ici entendue comme « une amitié pour la sagesse », mais également comme « une méthode d’investigation rationnelle » qui ne devrait toutefois pas exclure les mythes et tout ce qui toucherait la sensualité (p. 799). Plus loin, on élabore une discussion plus approfondie en situant le terrain de la philosophie comme étant « une connaissance de toutes choses, et, parmi celles-ci, des choses difficiles », qui demeure à la fois une recherche des causes de ces difficultés, mais qui doit aussi aboutir, ultimement, à un enseignement (p. 800). Au total, une douzaine de pages situent la discipline philosophique et l’articulent avec d’autres domaines du savoir. Quelques exemples de définitions pourront montrer les points forts et les quelques faiblesses de ce dictionnaire. Terme fondamental pour la philosophie comme pour les sciences de l’Homme, la culture est entendue comme « tout ce qui est produit par la main de l’homme », par opposition au « naturel » (p. 230). Pour le mot « ontologie », on remonte à Aristote pour la situer comme « l’étude des propriétés de l’être sans référence aux circonstances dans lesquelles on le rencontre » (p. 754). Plus loin, on résume autrement l’ontologie comme étant la « science de l’être en tant qu’être » (p. 754). Mais on examine ailleurs ce concept avec plus de précision en se demandant « Quelle ontologie pour l’oeuvre d’art ? » (p. 751-753). Cet exposé plus pratique rappelle que beaucoup des oeuvres d’art que nous apprécions sont en fait des reproductions, ou encore des traductions, autrement dit des « doubles » ; même les musées exposent des toiles restaurées, et toute cette réflexion ontologique sur la valeur de l’art qui est habilement résumée dans ce texte stimulant se trouvait déjà chez Platon (p. 753). Terme ambigu par excellence, le « postmodernisme » est ici entendu de diverses manières : entre autres comme « une catégorie plus descriptive que conceptuelle, apparue à la fin des années 1960 pour caractériser une situation artistique en rupture avec le modèle historiciste du modernisme » (p. 837). Toujours à propos du postmodernisme, on peut aussi lire une définition plus courante, à savoir qu’il s’agit d’un « courant philosophique de la seconde moitié du xxe s. pour lequel l’idée d’un progrès de la raison est à remettre en cause » (p. 837). En conclusion, dans une formulation habile, on peut comprendre que …