Recensions

Gérard Defois, Le pouvoir et la grâce. Le prêtre, du concile de Trente à Vatican II. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Théologies »), 2013, 396 p.[Record]

  • Paolo Carrara

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  • Paolo Carrara
    Université Laval, Québec

Dans Le pouvoir et la grâce, Mgr Gérard Defois essaie de reconstruire le parcours de transformation de l’identité du prêtre au cours des derniers quatre siècles et demi. Grâce à l’apport d’une pluralité d’approches (sociologique, historique, philosophique et théologique), il montre que le sujet-prêtre a été un « lieu » stratégique d’émergence du rapport entre christianisme et culture. En conséquence des évolutions conceptuelles de la modernité, de la Réforme et des Lumières, et des révolutions sociales et économiques successives, l’église catholique a subi un changement de rôle dans la société et elle s’est engagée dans un travail de réforme en réponse à ces dynamismes. Le presbytérat n’en a pas été à l’abri : les figures différentes qui lui ont été attribuées sont le résultat d’une quête identitaire qui à chaque époque a risqué, à cause des sollicitations reçues, de souligner certains éléments d’une façon univoque et de perdre de vue l’ensemble. L’histoire de cette quête s’est jouée autour de la tension entre fonctionnel et ontologique (ou sacramentel) que l’A. relit avec le binôme pouvoir-grâce et qui devient le principe organisationnel de son ouvrage. À son avis, c’est seulement à Vatican II que cette tension trouve sa réconciliation et qu’une perspective plus complète est reconstruite. L’étude se pose l’objectif d’aller aux origines de ce débat, d’en montrer les implications théologiques et de souligner les éclairages que Vatican II a apportés. La reconstruction historique repose principalement sur les événements qui ont marqué le contexte de la France. Ce choix, qui dépend évidemment du fait qu’il s’agit du milieu que l’A. (ancien archevêque de Sens-Auxerre, de Reims et de Lille) connaît mieux, se fonde aussi sur l’importance objective que l’histoire française a eue dans l’arc du temps moderne : la Révolution, les Lumières et le processus de sécularisation ont obligé l’église de France à se transformer en un laboratoire ecclésial fécond où repenser sa présence par rapport à la culture et l’identité de ses sujets, notamment des prêtres. Les huit chapitres du livre reconstruisent les étapes essentielles de la transformation de l’identité du prêtre selon le critère chronologique : du xvie siècle jusqu’à la seconde moitié du xxe siècle. En fait, ce parcours historique commence avec un chapitre consacré à l’exposition de la doctrine de Trente sur le sacrement de l’ordre apparue comme réponse à la contestation luthérienne : selon l’A., c’est dans cette discussion, où s’opposent une vision fonctionnelle (Luther) et une perspective sacramentelle (le Concile), que se sont enracinées toutes les disputes successives. À son avis, le conflit de la Réforme, avant d’être théologique, se pose au niveau culturel. Il est l’expression d’un sujet qui revendique de plus en plus son autonomie par rapport à l’institution. Il est influencé par un projet de démocratisation de la société qui désacralise le pouvoir et il est affecté par la négation d’une valeur théologale au temps, réduit à l’utile et à l’immédiat. Defois condense l’étude de la réaction catholique autour du Décret tridentin sur le sacrement de l’ordre, dont il produit une analyse détaillée. En continuité avec cette perspective de Trente qui refuse que l’autorité de l’église et dans l’église soit le fruit d’un contrat et d’un droit négocié par les hommes et qui fonde l’ordre au coeur du mystère chrétien, se pose l’école française de spiritualité dont s’occupe le deuxième chapitre. Cette expérience prend inspiration de Trente sans cependant se limiter à son application ni à s’opposer à la Réforme protestante : son but est de revaloriser le sacerdoce presbytéral en le fondant « théologiquement et spirituellement, moralement et …