Recensions

Jeanyves Guérin, dir., Dictionnaire Albert Camus. Réédité en 2013 en format électronique. Paris, Éditions Robert Laffont (coll. « Bouquins »), 2009, xiv-974 p.[Record]

  • Yves Laberge

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  • Yves Laberge
    Université d’Ottawa

Homme de théâtre, romancier, journaliste, mais considéré aussi comme un philosophe, Albert Camus (1913-1960) a laissé une oeuvre considérable que son centenaire ne pouvait que raviver, comme le prouve cette réédition récente en format électronique. Seul ouvrage de référence en langue française sur cet auteur considérable et nobélisé, cet énorme Dictionnaire Albert Camus, à la hauteur de la multiplicité du personnage, lui rend un hommage englobant toutes les facettes de son action et de son oeuvre. Le responsable de ce livre collectif, Jeanyves Guérin, est actuellement professeur de littérature française à l’Université de Paris III-Sorbonne nouvelle ; il signe de nombreuses notices dans cet ouvrage nuancé. Comme tout bon dictionnaire, celui-ci contient des centaines de notices thématiques classées alphabétiquement et dont le format varie entre une et onze pages (par exemple sur L’homme révolté, p. 380-390). D’ailleurs, une notice complémentaire portera spécifiquement sur la « Défense de L’homme révolté » et la controverse occasionnée par la parution de cet essai, en 1951 (p. 201-202). Tous les livres de Camus ont évidemment droit à un exposé détaillé, non seulement L’étranger (1942) et La peste (1947), mais également ses écrits philosophiques, ses cahiers et son magnifique Discours de Suède, prononcé lors de la remise du prix Nobel (p. 218). Cependant, cette trop brève notice n’indique pas que ce fameux discours a eu lieu à Stockholm le 10 décembre 1957 (p. 218 ; voir les repères biographiques, p. 941). D’autres notices portent sur des personnes (d’André Malraux à Jean-Paul Sartre), amis et proches, sur des personnages fictifs imaginés par Camus (pensons à Meursault, dans L’étranger ; Dora, dans Les justes), des institutions et des médias (comme le journal Combat et le magazine L’Express, pour lesquels Camus a écrit), des thèmes (comme la culpabilité, la douleur, le paysage, la politique, la révolte, le tragique), des notions (par exemple, la liberté, la morale, le peuple, mais aussi l’insignifiance) et de nombreux concepts allant de l’absurde à l’existentialisme (p. 308-310). Sur la philosophie, on rappelle la formation initiale de Camus en philosophie reçue à l’Université d’Alger et son mémoire sur la métaphysique (p. 675). La précision du commentaire va jusqu’à indiquer qu’une version préliminaire de La peste contenait un rappel détaillé de la manière dont Thucydide et Lucrèce considéraient la peste, mais ces éléments ont disparu dans l’édition définitive du roman (p. 678). Toute une notice est consacrée à l’usage du mot « absolu » dans les écrits de Camus (p. 4-5). À propos des idéologies, on apprend que Camus employait toujours le concept d’idéologie de manière péjorative ; il en distinguait trois types, soit les idéologies bourgeoises (ou capitalistes), les idéologies nihilistes, et l’idéologie marxiste (p. 407). Au fil des exposés proposés par une cinquantaine d’universitaires spécialistes de Camus ou de lecteurs attentifs, on trouve naturellement d’abondantes citations référencées et pertinentes, mais assez peu d’extraits de la correspondance de l’écrivain (voir p. 339). Ainsi, pour débuter la notice sur les hommes politiques, on peut lire ce court extrait des Carnets : « Chaque fois que j’entends un discours politique, ou que je lis ceux qui nous dirigent, je suis effrayé depuis des années de n’entendre rien qui rende un son humain. Ce sont toujours les mêmes mots qui disent les mêmes mensonges » (p. 390). Toute une notice porte sur « Dieu » (p. 215-218). Dans un exposé nuancé, Carole Auroy y affirme que « la question de Dieu est chez Camus intriquée à celle du mal », problème fondamental, voire insupportable, qui demeure irrésolu (p. 217). Soulignant néanmoins le « sens du sacré qui anime Camus » (p. 218), …