Note critique

À propos d’un ouvrage collectif récent sur Marc RichirNote de lecture relative à l’ouvrage collectif suivant : Sophie-Jan Arrien, Jean-Sébastien Hardy, Jean-François Perrier, dir., Aux marges de la phénoménologie. Lectures de Marc Richir, Paris, Hermann (coll. « Rue de la Sorbonne »), 2019, 292 p., avec des textes d’E. Bellato, S. Carlson, F. Forestier, J.-S. Hardy, J. Mesnil, J.-F. Perrier, M. Rhéaume, T. Sawada, A. Schnell, P. Posada Varela.[Record]

  • Antonino Mazzù

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  • Antonino Mazzù
    Département de philosophie, éthique, sciences des religions et de la laïcité, Université libre de Bruxelles

L’oeuvre et l’héritage du philosophe et phénoménologue Marc Richir prennent une place grandissante dans le « paysage » de la philosophie et, plus particulièrement, de la phénoménologie francophones de notre temps. Elle a acquis, cette place, plus d’ancrage encore depuis que certains des lecteurs et interprètes de son oeuvre ont décidé de poursuivre, sous la houlette d’Alexander Schnell, les activités de l’Association internationale de phénoménologie, de continuer la publication des Annales de phénoménologie/Annalen der Phänomenologie (série « nouvelle » qui vient après les numéros publiés entre 2000 et 2015 sous la direction de Richir lui-même) et surtout depuis que la Bergische Universität de Wuppertal abrite, toujours sous la responsabilité d’A. Schnell, les Archives Marc Richir (on trouvera tous les renseignements utiles à cette adresse : https://itp-buw.de/marc-richir-archiv/). Marc Richir, né en Belgique en 1943 et décédé en France, à Avignon, en 2015, a entendu dès ses débuts de jeune philosophe, non pas simplement « faire de la philosophie », non pas se satisfaire de « faire de la phénoménologie », mais, d’un geste que seules les grandes ambitions peuvent s’autoriser, en faire en s’attelant à la refondation de cette dernière ou, du moins, à sa refonte (image toute métallurgique, sinon démiurgique, qu’il préférait à celle de la fondation nouvelle). Ce long effort d’une cinquantaine d’années de travail quotidien (entre 1965, son entrée dans le cursus de philosophie à l’Université libre de Bruxelles, et 2015) s’est certes fait en référence aux grands maîtres du mouvement mais il ne s’est déployé qu’en se tenant avec eux dans un rapport continûment tendu et exigeant, toujours porté par la volonté de remettre à l’épreuve le geste tout cartésien, sans doute relayé par celui de Derrida dans les années de formation de notre jeune philosophe, d’une reprise « depuis le commencement » de toutes les questions de la philosophie. Par la refonte de la phénoménologie et sur la base de celle-ci, cette attitude a eu pour effet fécond de produire, dans l’oeuvre de M. Richir, diverses lectures renouvelées de grands textes de la tradition, des lectures précisément phénoménologiques de Platon (spécialement le Timée et le Parménide), de G. Bruno (en relation avec la question de l’institution de la science moderne de la nature), de Descartes (particulièrement des Méditations de philosophie première), de Kant (surtout la partie esthétique de la Critique de la faculté de juger), de l’idéalisme allemand (le Fichte de 1794 et de 1804, le Schelling de 1809 et des textes sur Lesâges du Monde et sur la mythologie), de Husserl, bien entendu et, après lui, de quelques grands noms de la philosophie du xxe siècle, depuis Heidegger jusqu’à Derrida, en passant en particulier par la pensée de M. Merleau-Ponty. Cette face de l’oeuvre richirienne nous laisse apercevoir le plus bel usage que nous puissions faire de la grande tradition et de nos rapports à elle, relation vivante qui ramène à la vie les textes même les plus lus, les plus connus ou les plus classiques. Le « geste » en question eut cependant plus d’ampleur encore, une ampleur cette fois heideggérienne, puisque, sur la base des concepts matriciels d’« institution symbolique » et de dimension ou de « champ phénoménologique » (distinction thématisée à partir de 1987-1988 dans Phénomènes, temps et êtres et Phénoménologie et institution symbolique), il s’est agi d’aller jusqu’à considérer « la » philosophie comme une institution symbolique parmi d’autres (spécialement, parmi celles-ci, le mythe ou l’institution de la science moderne) et, ainsi, en s’interrogeant à partir des « bases phénoménologiques » de l’institution, leur dehors, de réfléchir celle de la …