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“Secrets & Surveillance” CSECS 2016 took place in Kingston, originally Cataraqui, located on the traditional land of the Haudenosaunee and Anishinaabe Peoples. First referred to as “the King’s Town” or “King’s Town” by 1787 in honour of King George III, the name was shortened to “Kingston” in 1788. Prior to this it had been a French settlement and Fort, then played a major part as a British military base in the war of 1812. Clearly, it is a place that has borne witness to many secrets, and to much surveillance.

Current scholarly questions about Enlightenment projects reveal the significance of both secrecy and surveillance in all of our pasts. Where these two preoccupations rely on keeping things hidden and dark and on how much has been achieved by these means, advantageous and otherwise, both topics fostered fascinating papers and keen debates at the conference. Lisa Freeman (University of Illinois) spoke on “Anti-Theatrical Politics and the Suppositious Play of the Stage,” and in so doing revealed new possibilities for plays the scholars in the audience thought they knew. The French plenary speaker, Christophe Cave (Université Grenoble-Alpes), specialist of the Mémoires secrets, showed how secrets can become a critical means of control to a regime of surveillance. One public roundtable discussion on “Big Data” at Queen’s University surveyed the history and current political climate of surveillance, in Canada and globally, and another roundtable on “Relations between Nations: Eighteenth-Century Indigenous Diplomacy in the Kingston Area” enhanced our understanding of how secrecy and surveillance inform relationships between peoples, as well as between peoples and the land.

The papers in Lumen XXXVII speak to the breadth and depth of the two-fold theme, coming from an impressive variety of critical spaces examining history, literature, politics, religion, and aesthetics.

Servanne Woodward focuses on the links between secret and surveillance in the comedy Arlequin poli par l’amour (1720) by Marivaux. Noel Chevalier’s intriguing “Treasures of the Imagination: Rethinking Pirate Booty in Pirate Narratives” looks at pirate narratives from the eighteenth-century press and moral propaganda perspective, rather than through the lens of nineteenth-century adventure fiction, and shows a vastly different, more modest and quotidian side of piracy that is virtually lost in popular understanding today. Michèle Bokobza Kahan explores the affective and moral dimensions of secrets in the memoir-novels of Abbé Prévost. She puts forward the importance of the secret in the autobiographic enterprise. Eric Miller’s “Cow Chase and Monody: Major John Andre’s and Anna Seward’s Prophetic Poems” marshals an impressively wide range of references to other texts and genres in his analysis of satirical ballad. Miller’s paper is equally historical and literary. Catherine Dubeau, who studies a manuscript that remained secret for a long period of time, Entretien avec moi-même by Jacques Necker, reveals a new face to Louis XVI’s finance minister. Rosemary Legge’s “The Mirror and Manners: Watching, Being Watched, and Watching Oneself in Rococo Spaces” analyses the mirror in later eighteenth-century France, beginning with a specific painting of people, other paintings, and mirrors in a commercial/social space. Diane Woody looks at the motives, the sources, the evolution and the difficulties inherent to the coded writing that Mme de Graffigny uses in her letters. In “‘Some Fatal Secret’: Mortmain in Horace Walpole’s The Castle of Otranto” Caroline Winter focuses on the economic ideas at the core of The Castle of Otranto. Walpole’s castle—and the novel—represent both the secrecy and the surveillance at the very heart of gothic. Epistolary writing is the topic that Sophie Rothé explores in her article on Mirabeau’s personal correspondence while imprisoned at Vincennes, where he found ways to resist to penitentiary surveillance. Haroldo Guízar’s “‘Make a Hard Push for It’: The Benthams, Foucault, and the Panopticons’ Roots in the Paris École Militaire” explores a little-charted area and begins to write about previously unappreciated aspects both of the work of the Benthams and of Foucault. Florence Fesneau proposes a new look into the topos of the voyeuse in French genre paintings and in engravings. Catherine M. André’s work, “Oppositional Christian Symbols and Salvation in Blake’s America: A Prophecy,” is placed within the capacious critical conversation on Blake’s America and furthers the argument through an excellent intertextual reading of Blake and the Bible in a way that illuminates not just Blake’s poem but also the books of Isaiah and Revelation. Mathieu Perron looks at the emergence, in Québec, of a semi-public space of sociability: the tavern. The conference’s fifty-five panels allowed delegates to explore different geographical spaces, arts, literary genres, textual forms and practices, to which the current volume attests.


À l’occasion du congrès annuel de la Société canadienne d’étude du dix-huitième siècle organisé à Kingston (Ontario) en 2016, près de 180 chercheurs et chercheuses se sont rassemblés autour du thème « Secret/s & surveillance ». Située sur le territoire traditionnel des peuples anishinabé et haudenosaunee, la ville de Kingston, d’abord nommée Cataraqui, abrite un certain nombre d’institutions qui ne sont pas sans liens avec le thème du congrès, dont Fort Henry, qui a joué un rôle important au moment de la Guerre de 1812, le Collège militaire royal du Canada, le célèbre pénitencier de Kingston et le Centre for International and Defence Policy de l’Université Queen’s.

Fidèles à la tradition, les organisatrices du congrès ont prévu deux conférences plénières. La première, intitulée « Anti-Theatrical Politics and the Suppositious Play of the Stage » qui a amené l’auditoire à s’interroger sur des pièces de théâtre qu’il croyait connaître, a été prononcée par Lisa Freeman, professeure à l’Université d’Illinois. Maître de conférences à l’Université Grenoble-Alpes, spécialiste de l’imaginaire culturel et de la presse d’Ancien Régime, Christophe Cave a, quant à lui, entretenu les participants et participantes du congrès sur le campus du Collège militaire royal à propos du sujet suivant : « Critique de la surveillance et éloge du secret dans la presse clandestine et la littérature d’observation (1770-1789) : autour des Mémoires secrets ». Grâce à l’étude de cette chronique anonyme des plus importantes pour l’histoire de la deuxième moitié du xviiie siècle, Christophe Cave a su montrer avec brio comment le secret peut se faire mode de contrôle critique d’un régime de surveillance.

En plus de la mise en scène de la pièce de Goldoni, A Servant with Two Masters, et de deux expositions de livres rares des Collections spéciales de la bibliothèque W.D. Jordan et de la bibliothèque Massey, des conférences publiques dans trois domaines de recherche différents ont complété le riche programme du congrès. Tout d’abord, à l’occasion d’une table ronde animée par David Lyon, Directeur du Centre des études de la surveillance de l’Université Queen’s, les participants et participantes ont pu s’interroger sur l’avenir de la culture de la surveillance et sur son passé, ancré dans le xviiie siècle. Ensuite, une conférence publique de Paul Lang, Directeur adjoint du Musée des beaux-arts du Canada, a permis aux participants et participantes de mieux comprendre le rôle d’Élisabeth Vigée Le Brun au sein des arts du xviiie siècle. Enfin, une table ronde publique sur les problèmes toujours actuels, qui concernent les droits issus de traités et les territoires nationaux, a amené les participants et participantes à se pencher sur la complexité de la diplomatie intertribale à l’ombre de la surveillance coloniale afin de réfléchir au potentiel que présentent, pour l’avenir, les relations entre les nations.

La notion du secret retient l’attention d’un nombre croissant de chercheurs et de chercheuses depuis les dernières années. Certes, la littérature n’est pas étrangère à la « culture du secret[1] » à une époque où l’honnête homme tire sa légitimité de son aptitude à changer de masques et excelle dans l’art de dissimuler et de feindre. Relégués à la sphère privée, le naturel et la spontanéité n’ont pas leur place dans la société policée des Lumières où civilité, courtoisie, étiquette et bienséance sont à l’honneur, à moins qu’ils ne soient représentés par la plume habile d’un romancier ou d’une romancière. Exploitée à toutes sortes de fins par les auteurs et auteures des siècles passés, la notion du secret est néanmoins rarement comprise comme principe organisateur d’un texte. Son contenu ou son impact génère davantage d’intérêt que son fonctionnement et ses enjeux narratifs qui contribuent pourtant à construire une autre réalité, toute fausse soit-elle. Le discours sur le secret et la surveillance que donnent à lire les textes des Lumières mérite qu’on s’attarde à ses ressorts, à ses dispositifs, aux signes qui le constituent et à ses structures latentes. C’est précisément ce qu’ont réalisé les auteurs et auteures des treize articles réunis dans le présent numéro.

Alors que Servanne Woodward s’interroge sur les liens qu’entretiennent le secret et la surveillance dans la comédie Arlequin poli par l’amour (1720) de Marivaux, Noël Chevalier, qui étudie les récits de presse et de propagande morale, porte un regard nouveau sur les récits de piraterie publiés au xviiie siècle, dont les dimensions modeste et quotidienne échappent désormais à sa représentation populaire. Michèle Bokobza Kahan porte son regard sur les dimensions affective et morale du secret dans les romans-mémoires de l’abbé Prévost. Elle y expose notamment la place qu’occupe le secret dans l’entreprise autobiographique que mène le romancier dans ses écrits. L’étude d’Éric Miller sur la ballade satirique mobilise pour sa part un grand nombre de références en plus de témoigner d’une pertinence à la fois historique et littéraire. Dans son étude sur l’Entretien avec moi même de Jacques Necker, manuscrit demeuré secret, Catherine Dubeau pose l’intimité comme fondement important de l’introspection et découvre un nouveau visage au Ministre des finances de Louis XVI. Dans son article sur le miroir et ses fonctions, Rosemary Legge met en évidence sa nature pluraliste. Diane Woody se penche sur les motifs, les sources, l’évolution et les difficultés liés à l’écriture codée qu’emploie Mme de Graffigny dans ses lettres. Caroline Winter étudie la dimension économique au coeur du roman gothique The Castle of Otranto d’Horace Walpole, au sein duquel le secret et la surveillance se taillent une place importante. L’écriture épistolaire fait l’objet de l’article de Sophie Rothé sur la correspondance personnelle de Mirabeau qui, emprisonné à Vincennes, trouve les moyens de résister à la surveillance pénitentiaire. Alors qu’Haroldo Guizar découvre de nouveaux aspects aux travaux de Bentham et de Foucault, Florence Fesneau explore le topos de la voyeuse dans la peinture de genre et dans la gravure. Catherine M. André propose une lecture intertextuelle de la Bible et du poème America : A Prophecy de William Blake. Mathieu Perron se penche sur l’émergence, au Québec, d’un lieu de sociabilité qui n’est pas soustrait à la surveillance : la taverne. Les cinquante-cinq séances de ce congrès consacré au thème du secret et de la surveillance ont permis aux participants et participantes de se pencher sur des espaces géographiques, des arts, des genres littéraires, des pratiques et des formes d’écriture nombreux et variés, comme en atteste le présent volume.