Aspects bibliographiques du paratexte chez Mme de Graffigny[Record]

  • David Smith

…more information

  • David Smith
    Victoria University, Université de Toronto

Dans son ouvrage pionnier intitulé Seuils, Gérard Genette établit trois catégories de paratexte. Lui-même n’examine que le paratexte littéraire, laissant à d’autres la tâche d’étudier les illustrations et ce qu’il appelle la bibliologie. Dans le cas de Mme de Graffigny, le paratexte littéraire des Lettres d’une Péruvienne a déjà fait l’objet des travaux d’Aurora Wolfgang et de Sylvie Romanowski, et les illustrations de la Péruvienne sont le domaine d’élection de Christina Ionescu. Ayant consacré plus de trente ans à préparer une bibliographie matérielle des oeuvres de Mme de Graffigny, c’est surtout le paratexte bibliographique que je propose d’examiner ici. Il s’agit d’un ensemble hétéroclite d’aspects, tels que reliure, ex-libris, page de titre, dédicace, etc., qui ne sont pas dénués d’intérêt, même pour ceux qui ne sont pas bibliographes. Le plan de cet article est simple : je passe du dehors au dedans du livre. Pour les exemplaires d’hommage, on les faisait relier avec les armoiries du destinataire. Fin 1750, Mme de Graffigny a expédié des exemplaires reliés de Cénie aux membres de la famille royale, y compris à Mme de Pompadour. Ils n’en ont pas accusé réception : « On y est muet comme les poissons. » Certains de ces exemplaires royaux, confisqués à la Révolution, sont conservés actuellement dans des bibliothèques publiques. Graffigny a également envoyé un exemplaire à Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine et ex-roi de Pologne, mais le relieur a malheureusement fait l’erreur d’y graver les armoiries du roi régnant de Pologne, Auguste II, Électeur de Saxe. Je n’ai pas retrouvé ces deux exemplaires, non plus que les livres ayant appartenu à Mme de Graffigny. Son inventaire après décès comporte une liste partielle de ses livres, qui ont été légués à son ami La Touche, auteur de la célèbre tragédie Iphigénie en Tauride, mais ils ont disparu. Normalement on peut identifier une édition à partir de sa page de titre, mais pas toujours : la Bibliothèque nationale de France (BnF) conserve un exemplaire de la seconde édition de la Péruvienne, qui comporte la page de titre de l’édition originale (v. planches 1 et 2). De toute évidence, les deux éditions sortaient de la même imprimerie, et elles ont dû y être mélangées. À partir de la page de titre, un oeil expérimenté peut souvent identifier le pays d’origine d’une édition clandestine. Par exemple, les pages de titre anglaises sont relativement encombrées ; les hollandaises sont souvent en rouge et noir. Les imprimeurs rouennais n’hésitaient pas à employer des pages de titre bicolores pour leurs contrefaçons, mais leur rouge est souvent plutôt orange. On trouve parfois la page de titre de la série dans laquelle figure l’ouvrage – par exemple, TheNovelist’s Magazine (P.61A ; v. planche 3) ou Cooke’s Pocket Edition of Select Novels (P.80). La première traduction allemande, Briefe einer Peruanerin, fait partie de la série Gesammelte Frauenzimmerbriefe zum Unterrichte und Vergnügen (P.33, v. planche 4). C’est en vain qu’on la recherche dans le catalogue de la BnF sous le nom de l’auteur, de sorte que cette traduction m’a longtemps échappé. Comme les voitures modernes, un ouvrage est souvent daté de l’année suivante. Cénie, par exemple, est publiée en novembre 1750, mais porte la date de 1751. La seconde sorte de dédicace est écrite à la main dans les exemplaires d’hommage. On sait, grâce à la Correspondance, l’identité de beaucoup des dédicataires de Cénie, mais, parce que Mme de Graffigny inscrivait ou faisait inscrire sa dédicace sur une feuille à part, ces exemplaires restent inconnus. La seule exception est un exemplaire dédicacé de sa main à Voisenon ; conservé …

Appendices