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In the last thirty years, scholarly attention has focused in particular on two complementary aspects of the European Enlightenment: the birth of consumer society and the development of the autonomous modern self. Social historians have argued that the eighteenth century witnessed a revolution in habits of consumption, as new middle-class material desires and patterns of acquisition emerged, and with them, new atomized identities and political agendas. This theme in social history has proved just as resilient in the literary history of the eighteenth century, which has seen an explosion of research on the impact of the financial revolution and the ascent of fashion and consumerism on literature and the arts. All this wealth of “new economic criticism” has established the promise, indeed the necessity, of conceiving of Enlightenment European culture as negotiating enormous socio-economic upheaval. But this work, by focusing on the new flows of cash and commodities in the market, has produced a rather partial view; indeed, by making shopping the defining activity of eighteenth-century life, this scholarly praxis effects its own kind of commodity fetishism, speaking as much to the desires and pleasures of our present neoliberal moment as to the preoccupations of those confronting early capitalism. Our conference, The Immaterial Eighteenth Century, sought to redress this imbalance, complementing our understanding of the period’s new credit economy and consumerism with insight into the character and importance of the immaterial. In our call for papers we asked for a return to the eighteenth century to seek out what has been neglected: what can we learn by reexamining this formative moment for values and habits that have been occluded? Looking beyond “thing theory” and “interiority,” enquiries that have dominated the field for the last decade, what approaches can raise the ethical and political stakes in the study of eighteenth-century literature and culture?

Scholars from the three learned societies participating in the conference—The Canadian Society for Eighteenth-Century Studies, The Northeast American Society for Eighteenth-Century Studies, and the Aphra Behn Society—took up this challenge, proposing papers with new perspectives on ideals of community, the realm of the mind, the divine and the supernatural, affective communication, and cosmopolitanism. The conference’s three plenary speakers all opened different avenues on immaterial exchanges: Laura Brown (Cornell University) spoke on how affection across species boundaries emerges in this period, Martine Brownley (Emory University) illuminated the afterlives of Queen Mary II, and philosopher Daniel Dumouchel (Université de Montréal) explored the moral and emotional valences of the eighteenth-century aesthetic imagination. We were fortunate, too, to have the generous participation of the McMaster Museum of Art, which mounted for the conference its most ambitious exhibition to date: Rising to the Occasion: The Idea of the Human in the Long Eighteenth Century. Drawing on McMaster’s rich collections of period paintings and prints (Romney, Taillason, Hiroshige, Hogarth) and borrowing important works from across North America (Kauffman, Copley, Houdon, Verelst), the MMA curators designed an exhibition that explored eighteenth-century ideas of the human and their contemporary resonances—a centerpiece of the exhibit was an installation by Anishinaabe artist Rebecca Belmore responding to the British imperial legacy for ideas of the feminine in Canada. McMaster Research Collections librarians hosted a display of books relating to the conference themes and held tours of our collections of eighteenth-century books and periodicals—the best in Canada. Finally, McMaster’s Physics and Astronomy Department prepared a one-hour show at the McMaster Planetarium on Newtonianism in eighteenth-century astronomy.

Lumen is an annual volume dedicated to publishing a selection of essays submitted by presenters at the CSECS conference. We are grateful to the peer reviewers of the following essays for their thoughtful suggestions, and to the authors for their equally thoughtful engagement with that advice. And we would like to recognize again the generous sponsors of The Immaterial Eighteenth Century: McMaster University’s Faculty of Humanities and Office of Research and International Affairs, The Social Sciences and Humanities Research Council of Canada, and the John Douglas Taylor Family.


Lorsqu’on considère l’ensemble de la recherche effectuée sur les Lumières européennes au cours des trente dernières années, on s’aperçoit que deux aspects complémentaires ont particulièrement retenu l’attention : la naissance de la société de consommation et l’émergence de l’individu moderne. Bien des travaux en histoire sociale ont montré que le dix-huitième siècle a été le moment d’une véritable révolution dans les habitudes de consommation, conséquence des nouvelles ambitions matérielles d’une classe moyenne en plein essor et de l’apparition, en parallèle, de nouveaux discours identitaires et politiques. Ce champ de recherche s’est également révélé inspirant pour l’histoire littéraire du dix-huitième siècle, qui a vu se multiplier les travaux consacrés à l’impact de ces bouleversements économiques ainsi qu’aux effets de la mode et du consumérisme sur la littérature et les arts. La vitalité de cette « nouvelle critique économique » a permis de rappeler l’intérêt, voire la nécessité, de reconnaître le rôle fondamental de cette révolution socio-économique dans le développement de la culture européenne des Lumières. À force d’insister autant sur les conséquences engendrées par ces nouveaux flux d’argents et de biens, ces travaux ont toutefois fini par imposer une représentation bien partielle de la situation : en faisant du commerce l’activité la plus significative de la vie quotidienne au dix-huitième siècle, les pratiques savantes actuelles manifestent en effet leur propre fétichisme à l’égard des biens matériels, témoignant ainsi autant des envies et des plaisirs de notre époque néolibérale que des préoccupations de ceux qui furent confrontés au capitalisme naissant. Notre congrès, La culture immatérielle au dix-huitième siècle, a voulu corriger cette perception lacunaire en ajoutant à nos connaissances sur l’économie et le consumérisme de cette période une meilleure compréhension du rapport de celle-ci à l’immatériel. Dans notre appel à contributions, nous invitions les participants à revisiter le dix-huitième siècle dans le but d’y découvrir des thèmes jusque-là négligés : un nouvel examen de ce moment fondateur pouvait-il révéler quelque chose de neuf ? En essayant de voir au-delà de l’opposition entre « thing theory » et « intériorité » — deux types d’enquêtes qui ont été particulièrement dominants au cours de la dernière décennie — était-il possible de proposer de nouvelles approches susceptibles d’élever les enjeux éthiques et politiques de la recherche sur la culture et la littérature du dix-huitième siècle ?

Des chercheurs issus des trois associations réunies pour ce congrès — la Société canadienne du dix-huitième siècle, la Société Aphra Behn et la Société américaine d’étude du dix-huitième (Nord-est) — ont bien voulu relever le défi. Leurs communications ont proposé des perspectives inédites sur des sujets aussi divers que les communautés idéales, la philosophie, le surnaturel et le divin, la communication affective et le cosmopolitisme. Les trois conférenciers invités ont chacun ouvert de nouvelles pistes de réflexion sur le thème des échanges immatériels : la communication de Laura Brown (Cornell University) a porté sur l’émergence des rapports affectifs entre espèces différenciées pendant cette période ; Martine Brownley (Emory University) a analysé les constructions biographiques posthumes de la reine Marie II ; Daniel Dumouchel (Université de Montréal) a quant à lui exploré les valences morales et émotionnelles de l’imagination esthétique au dix-huitième siècle. Nous avons de plus eu l’immense bonheur de pouvoir compter sur la généreuse participation du Musée d’art McMaster qui a bien voulu contribuer au congrès en organisant sa plus ambitieuse exposition à ce jour : Rising to the Occasion : The Idea of the Human in the Long Eighteenth Century. Cette exposition, consacrée à l’exploration des diverses conceptions de l’homme au dix-huitième siècle ainsi qu’à leurs résonnances contemporaines, mettait en valeur les riches collections de peintures et de gravures du Musée d’art McMaster avec des oeuvres de Romney, Taillason, Hiroshige et Hogarth. Le Musée a également pu bénéficier de nombreux prêts en provenance de diverses collections nord-américaines, dont quelques oeuvres de Kauffman, Copley, Houdon et Verelst. L’une des pièces de résistance de cette exposition fut sans contredit l’installation de l’artiste anishinaabe Rebecca Belmore, qui proposait une lecture engagée de l’héritage colonial britannique et de son impact sur les femmes et les autochtones du Canada. Quelques documents rares et anciens, sélectionnés par nos bibliothécaires pour faire écho au thème du congrès, ont pu donner aux congressistes un aperçu des riches collections de livres et de périodiques du dix-huitième siècle conservés à l’Université McMaster. Enfin, un spectacle préparé par le Département de physique et d’astronomie, et présenté au planétarium de l’Université McMaster a été l’occasion d’en apprendre davantage sur le newtonianisme et l’astronomie au dix-huitième siècle.

Lumen est un journal qui publie une sélection des meilleures contributions présentées au congrès annuel de la SCEDHS. Nous souhaitons exprimer notre reconnaissance aux évaluateurs, dont les commentaires judicieux nous ont permis de rassembler le présent volume, de même qu’aux auteurs pour leur précieuse collaboration. Nous voudrions enfin remercier nos commanditaires qui, par leur soutien généreux, ont rendu possible la tenue du congrès La culture immatérielle au dix-huitième siècle : la Faculté de sciences humaines le Bureau de la recherche et des affaires internationales de l’Université McMaster, le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, ainsi que la famille John Douglas Taylor.