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Introduction

En France, depuis l’article 34 de la Loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école de 2005[1], l’éducation nationale permet aux équipes éducatives de mener des expérimentations[2] pédagogiques dans les établissements scolaires, grâce notamment à l’accompagnement des Cellules académiques recherche, développement, innovation et expérimentation (CARDIE). Concernant l’évaluation, depuis une douzaine d’années, certaines académies[3] ont proposé à des collèges[4] en réseau d’éducation prioritaire[5] (REP) de supprimer la notation chiffrée en classe de 6e (IGEN, 2013). Le rapport du jury de la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves (MENESR, 2015) rappelle que toute note chiffrée « ne traduit qu’imparfaitement la réalité des compétences effectivement maîtrisées » (p. 9). Les rapporteurs s’appuient sur les nombreuses expériences de « classes sans notes » dans toutes les académies en France. Ils préconisent de « généraliser l’abandon de la notation chiffrée tout au long des cycles 1, 2 et 3, classe de sixième comprise, et de la remplacer par un autre type de codage reflétant la situation de l’élève dans le cadre d’une évaluation formative de ses compétences » (p. 9). Du point de vue de la direction académique, ces expérimentations constituent un levier de changement de pratiques évaluatives pour amener les équipes à évaluer par compétences, sans notes.

Un partenariat entre la CARDIE de l’académie de Normandie, l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) et des chercheurs en sciences de l’éducation de l’Université de Caen en Normandie a été mis en place afin de développer un accompagnement des trois réseaux d’éducation prioritaire renforcée (REP+) de l’académie normande dans le suivi de leurs expérimentations. Nous avons été sollicité par l’équipe éducative d’un collège, qui se questionnait relativement à la poursuite de l’expérimentation des classes sans notes menée dans son établissement depuis quelques années.

À la suite de cette demande, nous avons mené une recherche collaborative (Desgagné, 1997 ; Desgagné, Bednarz, Lebuis, Poirier et Couture, 2001) dans ce collège de 2016 à 2018 afin d’accompagner les enseignants dans leur activité réflexive sur l’expérimentation des classes sans notes, dispositif qui les a fait basculer dans des pratiques d’évaluation par compétences (Rey, Carette, Defrance et Kahn, 2012).

Dans une première partie, nous présentons le cadre théorique autour de la question d’évaluation sans notes et de la notion de préoccupation, ce qui nous a permis de formuler notre problématique. Dans un second temps, nous décrivons le contexte de l’expérimentation des classes sans notes dans le collège de notre recherche. Ensuite, nous développons les trois étapes de notre recherche collaborative, puis analysons les principaux résultats de notre approche compréhensive des préoccupations des enseignants relatives aux pratiques évaluatives sans notes. Dans une discussion conclusive, nous analysons les ambiguïtés des classes sans notes en lien avec les préoccupations des enseignants en matière de pratiques évaluatives.

Cadrage théorique et problématique

L’évaluation sans notes

Les expérimentations des « classes sans notes » s’appuient sur la littérature scientifique. Des premières études en docimologie (instaurées par Piéron à partir des années 1920), puis en sociologie (Duru-Bellat et Mingat, 1988 ; Merle, 1998, 2007 ; Perrenoud, 1998) ont remis en cause la fiabilité, la fidélité et l’équité de la notation, très dépendante des contextes scolaires et sociaux. Des approches récentes en psychologie sociale (Butera, Buchs et Darnon, 2011 ; Croizet et Neuville, 2005 ; Monteil et Huguet, 2002) ont souligné les effets négatifs de la notation sur la motivation des élèves, sur leur estime de soi et sur le décrochage scolaire.

De Ketele (2016) rappelle que, traditionnellement, les pratiques évaluatives des enseignants consistent à établir des notes à partir d’épreuves successives afin de calculer une moyenne. Passer d’un système d’évaluation sommative et certificative par notation à une approche formative et intégrée aux apprentissages par compétences nécessite beaucoup de temps pour les enseignants, inscrits depuis longtemps « dans un système pollué par les notes, les moyennes et parfois les classements » (Étienne, 2016, p. 109). La notation est alors souvent confondue avec la notion d’évaluation.

Les classes sans notes proposent aux enseignants de passer à l’évaluation par compétences (Rey, Carette, Defrance et Kahn, 2012), qui se généralise en France avec l’instauration du socle commun de connaissances et de compétences, depuis la Loi d’orientation de 2005. Au-delà des débats scientifiques sur la notion de compétence (Jonnaert, 2014), cette approche évaluative dans le milieu scolaire focalise le regard enseignant sur la mobilisation et la combinaison de ressources diverses dans des situations particulières. Il s’agit de proposer aux élèves des tâches inédites et complexes, ce qui n’est pas sans difficulté pour les enseignants (Gérard, 2009 ; Rey, 2014 ; Scallon, 2007), notamment autour des questions de validité et de fiabilité. Genelot, Gardes, Mansanti et Pinsard (2016) précisent donc que les classes sans notes dépassent le simple changement d’échelle d’évaluation et orientent les enseignants vers d’autres objets d’évaluation.

Finalement, les classes sans notes sont un moyen pour permettre aux enseignants de changer leurs pratiques d’évaluation vers une approche plus formative dans un enseignement différencié (Allal, Cardinet et Perrenoud, 1978), c’est-à-dire des évaluations intégrées et au service des apprentissages (Mottier Lopez, 2015a). L’approche formative de l’évaluation est basée sur une prise d’informations par l’enseignant afin de produire des régulations qui soutiennent l’enseignement et l’apprentissage (Allal et Mottier Lopez, 2005 ; Mottier Lopez, 2015a, 2015b ; Mottier Lopez et Laveault, 2008).

Figari (2016) insiste sur l’importance de proposer aux enseignants un processus de déconstruction/reconstruction afin de dépasser des représentations qui font obstacle. Questionner les enseignants sur leurs pratiques évaluatives permet de comprendre, par inférences, comment ils définissent l’évaluation et les finalités qu’ils y associent (Figari et Remaud, 2014).

La notion de préoccupation

Notre approche de la notion s’inscrit dans le cadre conceptuel de l’ergonomie de l’activité enseignante (Amigues, 2003 ; Amigues, Faïta et Saujat, 2004 ; Saujat, 2007), qui se fonde sur la distinction fondamentale tâche/activité pour analyser, à partir des prescriptions, les multiples redéfinitions de la tâche (Leplat et Hoc, 1983 ; Rogalski, 2003), c’est-à-dire l’évaluation sans notes pour cette recherche. Cette approche compréhensive des préoccupations des professionnels (Clot, 1999 ; Faïta et Saujat, 2010) ou « pré-occupations » (Curie et Dupuy, 1996) cherche à comprendre l’activité du point de vue de l’individu. Celle-ci reflète la construction d’une histoire d’un individu actif qui doit faire des compromis entre « ce qu’on [lui] demande » et « ce que ça lui demande » (Saujat, 2007), ici pour évaluer sans notes. D’après Wisner (1995), la demande est « absolument essentielle en ergonomie parce qu’elle nous conduit sur la difficulté » (p. 10), soit celle des enseignants participant à une expérimentation qui les oblige à changer radicalement leurs pratiques évaluatives.

Ce double cadre conceptuel nous a permis de formuler notre problématique, qui vise donc à comprendre les préoccupations des enseignants en matière de pratiques évaluatives lorsqu’ils sont impliqués dans des classes sans notes.

Contexte

L’expérimentation des « classes sans notes » au collège

L’établissement concerné est un collège d’éducation prioritaire renforcée (élèves en difficulté scolaire et sociale en milieu urbain). Depuis la rentrée de septembre 2012, l’évaluation sans notes est mise en place dans les classes de 6e de ce collège, sur proposition de l’équipe de direction du collège, avec le soutien de la CARDIE, à la suite des recommandations de la direction académique de 2011. Les enseignants ont été rapidement contraints à l’utilisation d’un logiciel pour enregistrer non plus des notes, mais des degrés ou des paliers d’acquisition de compétences[6] à entrer pour chaque évaluation afin de permettre des validations en fin de trimestre ou d’année scolaire.

La première année, l’équipe pédagogique du collège a dû expliquer aux élèves et à leur famille l’intérêt des classes sans notes, notamment en matière de (re)motivation des élèves en difficulté. Les enseignants ont beaucoup travaillé sur la communication avec les parents d’élèves. Après deux années scolaires, l’équipe de direction a proposé d’élargir l’évaluation sans notes aux classes de 5e, soit à la rentrée 2014. Développer l’expérimentation dans les quatre classes de 6e puis dans les quatre classes de 5e a nécessité l’engagement d’un plus grand nombre d’enseignants du collège, ce qui a suscité de plus en plus de questionnements dans l’équipe à propos des pratiques d’évaluation.

Le décret[7] du 24 juillet 2013 a réorganisé les cycles du système scolaire français : le cycle 3, « de consolidation », est réparti à la fois à l’école élémentaire (CM1-CM2) et au collège (6e), tandis que le cycle 4 regroupe désormais les 5e, 4e et 3e années. Après cette réforme, à la rentrée 2015, l’équipe éducative du collège s’est questionnée sur l’élargissement des classes sans notes à tout le cycle 4 ou, au contraire, sur l’idée de les réserver au cycle 3, et ainsi réintroduire des notes en 5e année. Cette interrogation a motivé la demande des enseignants souhaitant être accompagnés dans leurs réflexions en matière de pratiques évaluatives sans notes. Le tableau 1 permet d’avoir un regard d’ensemble sur l’évolution de l’expérimentation des classes sans notes au collège et sur la place de la recherche collaborative, que nous décrirons dans la partie suivante.

Tableau 1

Étapes de l’expérimentation des classes sans notes et place de la recherche collaborative

Étapes de l’expérimentation des classes sans notes et place de la recherche collaborative

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Méthodologie

Une recherche collaborative en trois étapes

Nous avons mené une recherche collaborative (Bednarz, 2013 ; Bourassa, Bélair et Chevalier, 2007 ; Desgagné, 1997 ; Desgagné et al., 2001 ; Morrissette, 2012 ; Van Nieuwenhoven et Colognesi, 2013), car cette approche méthodologique permet un rapprochement des professionnels et des chercheurs afin de coconstruire de nouvelles connaissances basées sur la compréhension qu’ont les praticiens des pratiques à l’intérieur desquelles ils évoluent. Ce type de collaboration donne à l’enseignant un statut de partenaire et d’acteur à part entière dans le projet de recherche (Morrissette, Mottier Lopez et Tessaro, 2012), en tant qu’acteur social compétent (Giddens, 1987) ou praticien réflexif (Schön, 1983). C’est une approche qualitative qualifiée d’ascendante (bottom-up), car elle part du point de vue des acteurs de terrain sur leurs propres pratiques, à l’opposé des traditionnelles démarches descendantes (top-down ; Bednarz, Desgagné, Diallo et Poirier, 2001).

L’intérêt d’une telle approche est de mener une démarche de recherche « avec » les enseignants, et non « sur » les enseignants (Lieberman, 1986) afin de rapprocher les mondes de la pratique et de la recherche (Morrissette et Desgagné, 2009). Nous avons emprunté les trois principales étapes de la recherche collaborative définies par Desgagné et ses collègues (2001) : la cosituation, la coopération et la coproduction.

Étape 1 : la cosituation

L’étape de cosituation permet de poser les bases de la collaboration entre chercheurs et professionnels afin de définir les objectifs des deux communautés de pratique : recherche (pour les chercheurs) et formation (pour les enseignants). En septembre 2016, une réunion a rassemblé les équipes de direction des trois collèges d’éducation prioritaire renforcée de l’académie, quelques enseignants représentant leurs collègues, les responsables de la CARDIE et environ 12 chercheurs. Les échanges ont tenté de clarifier les rôles et les attentes de chacun. Une demande a été exprimée pour accompagner les équipes dans l’analyse réflexive de leurs pratiques, notamment pour identifier les « points de blocage ». Trois thèmes ont été choisis collectivement afin d’articuler recherche et formation : 1) les pratiques de coenseignement, 2) le développement des compétences langagières, et 3) les pratiques d’évaluation.

Nous nous sommes inscrit dans ce troisième thème à la suite de la demande de la principale du collège, avec qui nous avions déjà collaboré. Nous apportons cette précision afin de souligner le rapport de confiance sous-jacent.

En octobre 2016, nous avons mené une réunion de concertation avec environ 15 enseignants du collège (représentants de toutes les matières enseignées) afin de choisir collectivement les axes de réflexion en matière de pratiques évaluatives dans les classes sans notes. Cette réunion a permis à certains enseignants d’exprimer leurs premières préoccupations, qui se sont très vite centrées sur leurs difficultés, leurs doutes ou leurs questionnements à propos de leurs pratiques d’évaluation sans notes. Les demandes initiales de formation ont ciblé le lien évaluation-motivation afin de mieux comprendre les questions d’implication des élèves dans leurs apprentissages, avec ou sans notes.

Étape 2 : la coopération

En novembre 2016, nous avons réalisé un entretien collectif avec les trois copilotes du réseau d’éducation prioritaire renforcée : la principale du collège, l’inspecteur pédagogique régional du second degré et l’inspectrice du premier degré. La coordonnatrice du REP+ et le principal adjoint du collège en poste depuis le début de l’expérimentation (contrairement à la principale, arrivée un an auparavant) ont également participé à cet entretien collectif afin d’apporter des informations complémentaires.

Notre objectif était de mieux comprendre les attentes de ces cadres intermédiaires au sujet des classes sans notes et leurs représentations des préoccupations des enseignants en matière d’évaluation, notamment leurs éventuelles résistances ou points de blocage.

Les enseignants ont préféré faire des entretiens collectifs plutôt qu’individuels afin de pouvoir échanger sur leurs pratiques avec leurs collègues. Nous avons donc mené des groupes de discussion (focus groups), méthode qualitative qui favorise l’émergence des perceptions, des représentations, des croyances et des zones de résistance des groupes cibles (Krueger, 1993). Nous avons réuni les enseignants par domaine disciplinaire afin de favoriser les échanges en matière de pratiques évaluatives basées sur des préoccupations didactiques a priori relativement proches.

En janvier 2017, nous avons tenu le premier groupe de discussion avec six enseignants du pôle sciences : mathématiques, sciences physiques et sciences de la vie et de la Terre (SVT). Deux mois plus tard, nous avons réuni huit enseignants du pôle lettres (français, histoire-géographie, arts plastiques) pour échanger sur leurs représentations de leurs pratiques et préoccupations à propos des classes sans notes. Respectant la disponibilité du personnel, c’est en mai 2017 que nous avons réalisé deux autres entretiens collectifs avec d’autres enseignants du collège : six du pôle langues vivantes étrangères (LVE) et six d’éducation physique et sportive (EPS).

Le but de ces groupes de discussion était d’ouvrir un espace dialogique autour des pratiques évaluatives induites par les classes sans notes au collège, c’est-à-dire de faire expliciter ces pratiques afin de comprendre les préoccupations des enseignants. Les enseignants des mêmes matières se connaissent déjà bien grâce aux formations communes auxquelles ils participent. Nous les avons interrogés sur leur expérience du début de l’expérimentation, puis sur les éventuelles difficultés éprouvées. Nous avons ensuite orienté les échanges sur leurs préoccupations spécifiques en matière d’évaluation sans notes, à présent basée sur les compétences.

Chacun de ces entretiens collectifs de plus de deux heures a été retranscrit. Les transcriptions constituent les données de la troisième étape de coanalyse ou coproduction. L’objectif de l’analyse de contenu des discours produits est d’identifier les principales préoccupations des enseignants en matière de pratiques évaluatives en nous appuyant sur les pratiques rapportées par les participants ainsi que sur leurs représentations (Blanchet et Gotman, 1992). Cette approche se centre sur la subjectivité des participants, laquelle s’exprime de différentes façons : des satisfactions, des critiques, des questionnements et des difficultés, c’est-à-dire un ensemble de préoccupations qui se sont cristallisées au fil de l’expérimentation des classes sans notes.

Étape 3 : la coproduction

En novembre 2017, nous avons rassemblé l’ensemble des participants aux groupes de discussion disciplinaires afin de poursuivre avec eux la réflexion sur leurs principales préoccupations liées à leurs pratiques évaluatives sans notes. Cette réunion a permis des échanges dans une sorte de boucles itératives et interprétatives entre chercheurs et acteurs. Ces échanges ont permis d’affiner l’analyse de contenu des discours produits, laquelle repose sur une herméneutique croisant processus de déduction et d’inférence (Bardin, 1992). Certains enseignants ont ainsi apporté des précisions sur leurs pratiques et sur les mises en mots de leurs préoccupations.

Nous avons animé ces discussions dans l’esprit d’une « dispute professionnelle réglée » (Clot, 2006), au cours de laquelle des échanges se développent autour des préoccupations et difficultés repérées « en donnant plus de voix au répondant collectif de l’activité professionnelle » (p. 169). Nous avons tenté de développer la « motricité du dialogue » (Clot et Faïta, 2000) afin de permettre aux acteurs de verbaliser leurs pratiques, leurs préoccupations ou leurs difficultés, parfois inhibées, ainsi que de les confronter aux regards et à la discussion de leurs collègues et du chercheur. Nous pensons que ces échanges ont permis à certains enseignants d’« élargir leur propre rayon d’action » (Clot, Faïta, Fernandez et Scheller, 2000, p. 17) en écoutant d’autres témoignages de pratiques évaluatives.

Ces discussions ont également permis de cibler des thèmes pour la journée de formation, avec des demandes d’apports théoriques : des comparaisons internationales sur les pratiques scolaires de notation ; les natures et les fonctions des évaluations ; les critères de validation des compétences ; l’autoévaluation ; et les liens entre évaluation et motivation.

Le tableau suivant synthétise les principales étapes de cette recherche collaborative, avec les objectifs des actions menées.

Tableau 2

Synthèse des étapes de la recherche collaborative

Synthèse des étapes de la recherche collaborative

Tableau 2 (continuation)

Synthèse des étapes de la recherche collaborative

Note. Nous avons codé les entretiens : FG 1 = focus group 1, et ainsi de suite.

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Résultats

Principales préoccupations des enseignants

Les résultats s’inscrivent dans la perspective d’une « double vraisemblance » (Dubet, 1994, cité par Desgagné et al., 2001). Croisant pertinence sociale et rigueur méthodologique, elle est focalisée sur l’activité réflexive des enseignants, à la fois comme approche de formation et dispositif de collecte de données. Les lectures croisées des transcriptions des groupes de discussion ont nourri les échanges de la journée de formation, qui ont été enregistrés et complétés par des prises de notes.

Toutes ces étapes ont permis d’identifier progressivement les six principales préoccupations mises en avant par les enseignants eux-mêmes en lien avec leurs pratiques évaluatives sans notes, mais avec des compétences. Ces préoccupations concernent :

  1. les changements d’outils numériques (techniques) ;

  2. la communication des résultats des évaluations ;

  3. la validation des compétences ;

  4. les objets d’évaluation ;

  5. la cohérence des situations d’apprentissage proposées aux élèves ;

  6. la fonction des évaluations.

Préoccupation 1 : changements d’outils numériques (techniques)

Dans les classes sans notes, les enseignants doivent entrer les résultats de leurs évaluations sur un espace numérique de travail en indiquant les différents paliers ou degrés d’acquisition des compétences. À presque chaque période d’entrée des données, les équipes font face à des modifications régulières de l’outil numérique (p. ex. : logiciel, interface, fonctions, ergonomie).

Le passage aux classes sans notes est devenu concret pour les enseignants lorsqu’ils se sont retrouvés devant leur écran d’ordinateur sans pouvoir enregistrer aucune note, mais uniquement des paliers de compétences. Ce changement a souvent été source de difficultés :

« Moi, je trouve qu’au début, c’était une usine à gaz. »

FG1

« Au départ, moi, j’étais complètement perdue. »

FG1

« C’était très précis, mais c’était lourd à remplir. »

FG2

« On n’avait pas toujours anticipé ce qu’il fallait renseigner. »

FG2

« On a dû s’adapter à des changements d’outils numériques. »

FG3

« Il y a eu au moins un an où ça ne m’a pas du tout plu parce qu’on n’avait pas de guide. »

FG3

Certains répondants ont même souligné que « ce qui avait été enregistré une année n’avait pas été enregistré l’année suivante avec les modifications de paramètres. » (FG4)

Certains enseignants ont eu besoin d’accompagnement ponctuel de formateurs ou de collègues dont la culture disciplinaire et la formation initiale (EPS, SVT ou LVE) les avaient plus ou moins familiarisés à l’évaluation par compétences.

Ces préoccupations techniques autour de l’outil numérique ont rapidement amené les enseignants à se questionner autour de deux enjeux indissociables : la communication des résultats (informations à communiquer aux élèves et leur famille et aux collègues) et la façon de valider les compétences (critères de réussite, paliers et harmonisation).

Préoccupation 2 : communication des résultats

La communication des résultats des évaluations aux élèves et à leur famille est vite devenue une priorité pour l’équipe pédagogique, qui s’est rapidement rendu compte des difficultés de lecture et de compréhension des livrets de compétences. La première année, les enseignants ont éprouvé de nombreuses difficultés à communiquer clairement les résultats de leurs évaluations en termes de compétences (parfois appelées items) :

« Ce n’était pas très clair, au début. »

FG1

« Pas facile de s’y retrouver pour les parents. »

FG1

« Il y avait trop de lignes à lire. »

FG2

« Au début, c’était pénible, les gros tableaux à remplir… Donc, il a fallu simplifier les choses quand même. »

FG3

« On s’est dit : le bulletin de compétences, il va falloir absolument qu’on le simplifie. »

FG4

Un inspecteur pédagogique nous a expliqué, lors du premier groupe de discussion (FG1), que « beaucoup d’équipes qui souhaitaient bien faire sont tombées dans le piège de l’itémisation abusive », c’est-à-dire de très longues listes de compétences, fastidieuses à renseigner et presque illisibles pour les élèves et leur famille, voire pour les enseignants eux-mêmes.

Les concertations des enseignants ont porté sur les questionnements suivants : Quelles compétences (ou items) renseigne-t-on ? Quels degrés de précision apporte-t-on ? Ces réunions leur ont permis d’améliorer progressivement les livrets de compétences en réduisant le nombre d’items à communiquer aux élèves et à leur famille afin de fournir des commentaires plus précis sur les apprentissages des élèves :

« Après, c’est plus détaillé que juste une moyenne. C’est ça qui est intéressant : c’est de mieux voir les difficultés des élèves dans tel ou tel domaine. On voit plus de nuances dans les bilans des élèves. »

FG1

« Ils savent aussi que ce qu’on va leur rendre va être plus précis. »

FG2

« Ils arrivent à facilement cibler ce dont ils ont besoin et ce qu’il faut qu’ils retravaillent pour valider telle ou telle compétence. »

FG3

Ces changements de pratiques évaluatives ont permis aux enseignants de se questionner plus sur « ce qu’avait vraiment compris l’élève, plutôt que juste noter l’élève » (FG2), pour reprendre les mots de l’un des participants. Ces premières satisfactions ont cependant été accompagnées d’autres préoccupations, cette fois en matière de validation des compétences.

Préoccupation 3 : validation des compétences

Les enseignants ont été majoritairement sensibles au passage à l’évaluation sans notes afin de moins décourager les élèves en difficulté et afin de plus les mobiliser dans leurs apprentissages. Cependant, ils ne pensaient pas éprouver autant de difficultés à valider les compétences de façon précise et cohérente. Ils se sont aperçus, lors de réunions de concertation, qu’ils n’avaient pas tous les mêmes exigences, que ce soit sur le plan de la difficulté des tâches proposées pour une même compétence, des critères de réussite ou de la prise en considération des erreurs commises :

« C’est difficile de savoir où poser le curseur entre les différents niveaux concernés. »

FG2

« Choisir entre deux étapes ou deux graduations. »

FG3

« Faut savoir bien déterminer les critères de réussite et ce n’est pas toujours évident, en fait. Savoir où est-ce que je mets le niveau acquis ou satisfaisant : c’est ça qui n’est pas évident et qui peut être difficile, je pense. »

FG4

La question des critères nous semble déterminante, car elle s’articule à d’autres préoccupations, notamment celles de prises de décision cohérente en lien avec la fonction visée par l’évaluation (De Ketele, 2010).

Les enseignants d’une même matière se sont rendu compte qu’ils n’avaient pas les mêmes représentations de ce que doit savoir faire un élève pour tel ou tel palier de compétences, notamment le plus élevé. Ils expriment avoir éprouvé une difficulté sémantique : que signifie « être compétent » dans tel ou tel domaine ? « Je me suis aperçue que j’étais peut-être trop dure sur le palier Très bonne maîtrise, finalement. » (FG3) Un enseignant en anglais l’a formulé ainsi : « Si je valide telle compétence, ça veut dire que je les considère compétents, avec tout ce que ça signifie pour moi. » (FG4) La confusion compétence/compétent perturbe certains enseignants aux prises avec la notion de degré de maîtrise. Genelot et ses collègues (2016) ont déjà souligné dans leurs travaux que la nouvelle échelle de l’évaluation par compétences pouvait être « source de débats et de difficultés » (p. 94).

Une autre préoccupation en matière de validation de compétences concerne l’impossibilité pour les enseignants de faire une moyenne, comme avec les notes. Si certains enseignants n’ont pas eu de mal à « abandonner les notes pour rester juste sur l’évaluation par compétences » (FG1), d’autres auraient préféré « qu’on dise évaluation par compétences, et noter une compétence » (FG3). Un autre enseignant a souligné : « Ça ne m’aurait pas dérangé de noter une compétence, plutôt que de savoir si on met rouge, vert, parce que ça, ça a été des débats dans des réunions pas possibles. » (FG3)

Certains ne savent pas toujours comment faire lorsqu’un élève semble maîtriser une compétence dans une situation, mais ne parvient pas à la mobiliser dans une autre. Doivent-ils prendre la meilleure réalisation, comme lors d’une compétition d’athlétisme ? Une question en entraînant une autre, les enseignants se sont finalement aperçus qu’ils validaient des compétences à partir de l’interprétation des performances évaluées.

Préoccupation 4 : objets d’évaluation

Les préoccupations précédentes ont progressivement amené les enseignants à s’intéresser davantage aux objets d’évaluation qu’à l’outil. Un enseignant exprime ainsi cette préoccupation :

Dès que je me suis posé la question de comment évaluer autrement, j’ai dit : « Bah, oui, mais tel ou tel exercice, dans l’évaluation, ça ne peut plus trop s’évaluer en chiffres, donc ça n’a plus de sens ! » Du coup, j’ai changé… Ça m’a obligé à réfléchir autrement.

FG2

Ce témoignage illustre un changement de pratiques évaluatives induit par les classes sans notes, amenant cet enseignant à réfléchir en compétences à évaluer, et non plus en points à attribuer pour composer une note.

La réflexion de certains enseignants les a conduits à « plus cibler une compétence en particulier dans un exercice » (FG3). Un autre enseignant exprime ainsi cette évolution dans ses préoccupations :

Si je pose cette question-là, c’est pour évaluer quelle compétence ? C’est pour la rattacher à quel item ? Bah, celle-là, finalement. Elle existait dans l’évaluation que j’ai donnée à ce moment-là, mais, finalement, elle n’a pas d’intérêt parce que je ne sais pas trop à quelle compétence ça correspond.

FG1

Il s’agit d’un changement de focale réflexive opéré par certains enseignants des classes sans notes. Ces préoccupations sur les objets d’évaluation ont progressivement été reliées à la question de la nature même des compétences travaillées par les élèves et des situations proposées afin de les travailler.

Préoccupation 5 : situations d’apprentissage proposées

D’après les témoignages recueillis, il semble que l’adaptation des situations didactiques à l’apprentissage de compétences demande des modifications importantes souvent perçues comme difficiles. Les propos des enseignants relevés dans la partie précédente tendent à montrer que certains ont tendance à se contenter de repérer les compétences travaillées dans les tâches proposées aux élèves.

Beaucoup expriment avoir modifié leur focale réflexive en matière d’évaluation, mais la plupart précisent ne pas avoir réellement changé leur façon d’enseigner. D’autres, au contraire, témoignent d’une grande remise en question afin de proposer une approche par situation ou par tâche complexe, à la suite des préconisations des inspecteurs pédagogiques et des formateurs de l’académie.

Certains verbatims illustrent un changement de pratiques en cours qui amène un regard différent sur les situations d’apprentissage proposées, notamment en sciences (groupe de discussion 2) :

« Quand on est sur une tâche complexe, on regarde le raisonnement, le calculé, le cherché. »

FG2

« Il fallait entrer aussi dans ce système de tâches complexes et faire son cours à partir de la tâche complexe. Ça demande un certain temps pour trouver les tâches qu’il faut, celles qui fonctionnent, comment les gérer. »

FG2

« Avec la tâche complexe, on est bien plus dans le raisonnement. »

FG2

Un répondant souligne des effets positifs de cette nouvelle approche, notamment en mathématiques : « Sur tout ce qui est tâche complexe, on a gagné quand même sur le fait qu’ils rédigent. Ils se lancent, quoi. Ils ne rendent plus de copies blanches. » (FG2) Cependant, ces témoignages rapportent que d’autres enseignants soulignent leurs propres difficultés à construire et à mettre en place ces tâches complexes d’apprentissage ou d’évaluation.

Préoccupation 6 : fonction des évaluations

L’ensemble des préoccupations précédentes a finalement amené les enseignants vers un autre type de questionnement, fondamental, mais dont ils ne semblaient pas tous avoir conscience au début de cette recherche : À quoi servent les évaluations ? Pourquoi évalue-t-on les élèves ?

Les échanges collectifs de notre recherche collaborative ont favorisé une prise de conscience chez certains enseignants. Ceux qui n’évaluaient les élèves qu’en fin de période (entre deux vacances ou en fin de trimestre) ne se rendaient pas forcément compte qu’ils n’utilisaient les résultats que pour remplir les bulletins scolaires ou les livrets de compétences à communiquer aux élèves et à leur famille. C’est en écoutant certains collègues décrire d’autres manières de faire qu’ils ont pris conscience que l’évaluation pouvait prendre une autre fonction formative :

« Moi, j’évalue sur toute la période, maintenant. »

FG3

« Je repère au fur et à mesure les compétences travaillées et les réussites des élèves. »

FG4

« Je renseigne dans mon tableau ce que j’observe. »

FG5

Ces témoignages soulignent l’intérêt de la fonction formative des évaluations, c’est-à-dire intégrées et au service des apprentissages (Mottier Lopez, 2015a), en cours de période. Dans cette approche formative et intégrée, les enseignants cherchent à comprendre si les élèves apprennent et progressent afin d’ajuster leurs gestes professionnels (Bucheton, 2009 ; Saillot, 2020) et les prochaines situations d’apprentissage.

Quand je fais des tâches complexes, je place les élèves en îlots, en groupes, quoi. C’est quand même un moyen de faire de la différenciation parce que, du coup, la place de l’enseignant n’est pas la même. On est plus dans l’observation pour aider les élèves.

FG2

Ce témoignage illustre la fonction formative de l’évaluation liée à des pratiques de différenciation pédagogique qui placent l’enseignant dans une posture professionnelle d’étayage, ou d’ajustement, où l’observation est fondamentale (Bucheton et Soulé, 2009 ; Saillot, 2015, 2020).

Les rares enseignants qui évoquent les perspectives formatrices[8] (Nunziati, 1990 ; Scallon, 2000) qui visent à impliquer les élèves dans les démarches d’évaluation ont amené l’équipe pédagogique à demander une formation sur les pratiques d’autoévaluation (Laveault, 2007). L’équipe souhaite réfléchir aux moyens d’amener les élèves à se fixer des objectifs personnels d’apprentissage (Cartier, 2007), ciblant des compétences à retravailler dans une perspective de régulation rétroactive (reprise de contenus non maîtrisés) ou des compétences à approfondir dans une perspective de régulation proactive (Allal et Mottier Lopez, 2005).

Au cours des échanges, une préoccupation fondamentale s’est finalement exprimée sous la forme d’une question assez simple : Évalue-t-on les élèves pour les aider à progresser ou simplement pour remplir un bulletin ? Des enseignants ont alors explicitement pris conscience que les expérimentations des classes sans notes sont en réalité un moyen de remettre en question la nature et la fonction des évaluations afin de faire évoluer les pratiques évaluatives dans une perspective plus formative pour les élèves, c’est-à-dire « évaluer pour mieux faire apprendre » (Rey et Feyfant, 2014).

Discussion

Une source de nouvelles préoccupations, mais également d’ambiguïtés

Cette recherche collaborative a permis de caractériser de nouvelles préoccupations en matière de pratiques évaluatives. Toutefois, ces données doivent être utilisées avec prudence, car les résultats sont basés sur des pratiques déclarées et sur des représentations exprimées, et non sur des observations de pratiques effectives. Cependant, nous pensons que notre objet de recherche – les préoccupations des enseignants en matière de pratiques évaluatives – est plus facilement accessible par des entretiens collectifs basés sur des échanges collectifs, menés dans l’esprit d’une « dispute professionnelle réglée » (Clot, 2006).

La plupart des préoccupations se sont exprimées par des questionnements relatifs à de véritables difficultés pour faire des choix pédagogiques et didactiques qui permettent de développer de nouvelles pratiques évaluatives sans notes : des préoccupations techniques concernant les changements d’outils numériques ; la communication des résultats des évaluations ; la validation des compétences ; les objets d’évaluation ; la cohérence des situations d’apprentissage proposées aux élèves ; et la fonction des évaluations.

Notre tentative de comprendre ces préoccupations nous a permis de mettre en lumière deux principales ambiguïtés dans l’expérimentation des classes sans notes, telle qu’elle a été proposée aux enseignants du collège par l’académie :

  1. Une ambiguïté sémantique aux conséquences pédagogiques et didactiques ;

  2. Une ambiguïté dans les prescriptions sur l’articulation entre notes et compétences.

La première ambiguïté repose dans l’expression même de classes sans notes ; « une commande qui venait d’en haut, et pas de la base », comme le rappelle un enseignant. En effet, les représentants de l’académie emploient dans leurs discours sur cette expérimentation trois expressions qu’ils considèrent comme quasi identiques : les classes sans notes, l’évaluation sans notes et l’évaluation par compétences. Cette ambiguïté sémantique se retrouve dans les préoccupations des enseignants, qui doivent s’adapter aux prescriptions de l’évaluation sans notes qui correspond à un outil d’évaluation, alors que l’évaluation par compétences se centre sur les objets qui doivent être évalués (Genelot et al., 2016). Les expérimentations des classes sans notes se basent sur un changement d’outil et d’échelles (notes chiffrées/paliers de compétences) pour amener les enseignants à changer d’objets d’évaluation (restituer des connaissances/compétences mobilisées en situation).

Cette première ambiguïté va de pair avec la seconde : les responsables académiques présentent les classes sans notes comme un moyen de développer l’évaluation par compétences, ce qui induit l’impossibilité d’articuler notes et compétences, et substitue complètement une approche par une autre, les deux étant considérées comme inconciliables. Cependant, s’il est reconnu que la note est très subjective lorsque sa construction et son exploitation sont réalisées de manière aléatoire, peu outillée, voire normative, elle peut être aussi élaborée en référence aux contenus et objectifs d’apprentissage, à partir de critères précis.

L’expérimentation des classes sans notes oppose une approche centrée sur les processus d’enseignement et d’apprentissage à une démarche de construction de notes, alors que ce sont deux processus interreliés, interdépendants et dialectiques.

Les classes sans notes obligent les enseignants à changer de logique évaluative et à se focaliser sur les compétences, espérant ainsi limiter des jugements évaluatifs trop basés sur des logiques souvent inconscientes et difficiles à contrôler (Laveault, 2005) et à appréhender par l’enseignant lui-même (Bressoux et Pansu, 2003). Mottier Lopez et Allal (2008) ont montré, lors de recherches en Suisse et au Québec, que plusieurs démarches peuvent aider à limiter les biais évaluatifs dans la construction de la notation des enseignants (Lafortune et Allal, 2008), comme l’explicitation des contenus évalués et la façon de les évaluer, ou les concertations autour des outils d’évaluation.

Il semble que ces ambiguïtés ne facilitent pas la transition entre une culture de l’évaluation (noter et remplir un bulletin en fin de période) et une autre (identifier des compétences pour [s’]informer, à différents moments), sans de l’accompagnement réflexif, tel que celui proposé par la recherche collaborative. Ces ambiguïtés peuvent même fragiliser le sentiment de compétence professionnelle (Marcel, 2009) de certains enseignants, c’est-à-dire limiter leur pouvoir d’agir (Clot, 2008) et les inciter à retourner vers les pratiques routinisées de notation chiffrée normative, ou à transformer a minima des objectifs d’apprentissage en compétences.

Les échanges collectifs de la recherche collaborative ont permis à certains enseignants de remettre en question leurs croyances et leurs connaissances en matière d’évaluation, ce qui est une étape fondamentale (Figari, 2016) pour commencer à modifier leurs pratiques évaluatives. Certains enseignants ont commencé à changer de regard sur l’évaluation, en prenant conscience des finalités qui peuvent lui être assignées (Figari et Remaud, 2014).

Mottier Lopez (2015b) souligne l’intérêt des recherches collaboratives ou participatives, qui permettent d’accompagner un changement de pratiques grâce à la collaboration des acteurs concernés, par une approche compréhensive de leurs pratiques qui favorise des prises de conscience, sources de développement professionnel pour eux et d’élaboration de savoirs scientifiques sur les pratiques étudiées pour les chercheurs (Desgagné, 1997 ; Desgagné et al., 2001). Les résultats de notre recherche sont modestes, mais ils confirment qu’on peut amener les enseignants à développer l’évaluation formative sans même la nommer (Abernot, 2015), si l’on parvient à accompagner leurs réflexions sur leurs pratiques afin de déconstruire certaines croyances et de dépasser certaines difficultés ou ambiguïtés.