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Les pères de la Compagnie de Jésus fondaient la première bibliothèque de Nouvelle-France et le collège de « Kebec » en 1632-1635[1]. S’il nous fallait retenir deux mots pour décrire aujourd’hui l’état des collections que les jésuites ont amassées depuis 1632 dans leurs missions et leurs provinces du Canada, les mots « unité » et « dispersion » en donneraient assurément, dans leur polarité et la tension qu’ils expriment, la vision la plus adéquate, particulièrement en ce qui a trait aux fonds de livres anciens des xvie, xviie et xviiie siècles[2]. Malgré leur vaste dissémination, il demeure possible de questionner les restes de quelques-unes des collections originelles des jésuites au Canada, en consultant, à titre d’exemple, les centaines d’imprimés anciens (évalués provisoirement à environ 3 000 titres) qui entrent dans les deux plus importants fonds documentaires montréalais appartenant aux jésuites de la Province du Canada français. Le premier est conservé aux Archives des jésuites au Canada[3], le second, à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus située au Collège Jean-de-Brébeuf, lequel est dépositaire des collections de la bibliothèque de l’ancien Collège de l’Immaculée-Conception et des Facultés jésuites éponymes depuis 1968[4].

Dans cet article, nous nous enquerrons pour ainsi dire d’une histoire manuscrite[5] des collections des jésuites du Québec en considérant, au sein de ces deux fonds patrimoniaux, un peu plus d’une centaine d’exemplaires des xvie, xviie et xviiie siècles dans lesquels des ex-libris, des ex-dono, des lettres manuscrites ou des feuillets couverts de notes ont été repérés. L’intérêt éminent de ces vestiges manuscrits – qu’il s’agisse de marques de possession ou de provenance, de lettres ou des notes plus personnelles – est de nous permettre de retracer quelques-uns des plus importants itinéraires empruntés par les livres des collections jésuites depuis le xviie, le xviiie siècle ou le xixe siècle, et ce, malgré le fait que la Compagnie de Jésus ait été absente du Canada pendant une quarantaine d’années au début du xixe siècle, soit de 1800 à 1842. Nous nous proposons donc de mettre en lumière dans ces pages des vestiges manuscrits éloquents qui nous renseignent admirablement sur la composition des collections des missions jésuites de la Nouvelle-France et du Canada, sur la dispersion de ces collections au fil des décennies, puis sur leur rassemblement partiel dans différents lieux de conservation.

Il faut savoir, par ailleurs, que, par leur complexité même, les marques manuscrites qui singularisent plusieurs exemplaires des collections des jésuites du Québec sont les éléments dont le déchiffrage et la description ont demandé le plus de temps et de prudence aux membres du projet d’Inventaire des imprimés anciens au Québec (IMAQ)[6] qui ont collaboré, du mois d’avril 2010 au mois de janvier 2012, à l’inventaire des imprimés des xvie, xviie et xviiie siècles conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus[7]. Il va de soi que les différentes traces manuscrites découvertes dans les livres anciens que conservent à Montréal les pères de la Compagnie de Jésus constituent des pièces maîtresses dans la mise au jour d’une certaine histoire de la lecture. Nous verrons qu’il n’est pas rare que ces vestiges manuscrits confirment l’intérêt qu’un ouvrage a présenté pour tel ou tel lecteur, jésuite ou non jésuite, ou que perce, à travers eux, un véritable esprit de corps, celui de la communauté jésuite.

Ce que les vestiges manuscrits trouvés dans les imprimés anciens disent à propos des collections de l’ancienne et de la nouvelle Compagnie de Jésus au Canada

L’une des orientations données à cette réflexion s’est imposée d’elle-même lorsqu’un des membres du projet IMAQ a découvert à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, dans une édition de 1722 du Saint Evangile de Jesus-Christ selon saint Jean d’Isaac Lemaistre de Sacy[8], une carte expédiée par la poste en 1887 au père William Francis Gagnieur, jésuite, rue Notre-Dame, à Trois-Rivières (Illustration 1). Au verso de la carte, nous pouvons lire une demande, de la main du père Télesphore Filiatrault, à l’intention du père Gagnieur (Illustration 2). Cette lettre missive envoyée depuis Montréal en date du 12 octobre 1887 se lit comme suit :

Mon rév. et bien cher Père,
P.C.[9]
Seriez-vous assez bon
pour m’envoyer la traduction
du verset trente-neuvième du
chapitre cinquième de St Jean,
telle qu’elle se trouve dans la
Bible de Sacy, indiquant
en même temps la date de
l’édition et les approbations.
Ce faisant vous m’obligerez
beaucoup. Saluts affectueux à tous.

T. Filiatrault

Illustration 1

Recto de la carte adressée au père William Francis Gagnieur, S.J., par le père Télesphore Filiatrault, S.J., 12 octobre 1887.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 1255A-2-11g

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Illustration 2

Verso de la carte adressée au père William Francis Gagnieur, S.J., par le père Télesphore Filiatrault, S.J., 12 octobre 1887.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 1255A-2-11h

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Comme la carte a été retrouvée dans l’ouvrage à l’endroit précis où se situe le passage évoqué, nous nous sommes pris à rêver qu’elle y est demeurée depuis que le père Gagnieur a consulté ces pages au profit de son confrère jésuite. En 1887, le catalogue de la mission canadienne[10] de la Compagnie de Jésus indique que les pères Télesphore Filiatrault et William F. Gagnieur sont deux scolastiques inscrits en quatrième année de théologie au nouveau Scolasticat de l’Immaculée-Conception, à Montréal[11] (il faut nous souvenir que quelques années auparavant, soit de 1882 à 1885, les scolastiques de la mission du Canada complétaient leurs études de théologie à la Résidence de l’Immaculée-Conception, à Trois-Rivières[12]). Les données versées dans le catalogue subséquent de 1888 (dont la mise à jour remonte au 9 novembre 1887) signalent que les pères Filiatrault et Gagnieur ont été nommés, pour l’année 1887-1888, le premier, préfet de la Bibliothèque du Scolasticat de l’Immaculée-Conception à Montréal, le second, préfet de la Bibliothèque de la Résidence de l’Immaculée-Conception de la rue Notre-Dame, à Trois-Rivières[13].

Que la demande du père Filiatrault ait été envoyée à Trois-Rivières rappelle qu’une partie des collections de l’actuelle Bibliothèque de la Compagnie de Jésus a d’abord été la propriété de la Résidence de l’Immaculée-Conception de Trois-Rivières – avant d’être la propriété du nouveau Scolasticat montréalais de l’Immaculée-Conception –, précisément de 1882, année de fondation de la bibliothèque à Trois-Rivières, jusqu’en 1885, année au cours de laquelle elle a été déménagée à Montréal, dans le scolasticat récemment construit au coin des rues Rachel et Papineau[14]. Les marques trouvées dans deux volumes de la Bible de Sacy conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus rendent très éloquemment témoignage de ces migrations : en effet, l’exemplaire de 1722 de la Suite du Saint Evangile de Jesus-Christ selon saint Matthieu[15], de même que l’exemplaire de 1723 des Actes des Apostres[16], portent l’ex-libris imprimé « Ex Libris Bibliothecae Trifluvianae Societatis Jesu », sur lequel a été apposé par la suite un ex-libris imprimé du Collège de l’Immaculée-Conception à Montréal : « Collegium Maximum Immaculatae Conceptionis, S. J., Marianopoli. Bibliotheca Major[17]».

Surgies de l’avant-dernière décennie du xixe siècle, les lignes rédigées en 1887 par le père Télesphore Filiatrault nous renvoient, en définitive, à l’histoire de deux institutions, l’une trifluvienne, l’autre montréalaise. L’année 1885-1886 avait marqué l’inauguration, à Montréal, du Scolasticat de l’Immaculée-Conception, où allaient être transférés le théologat et la bibliothèque, qui étaient établis à Trois-Rivières depuis 1882-1883[18]. Le volume de la Bible de Sacy mentionné au début de cet article, à savoir le Saint Evangile de Jesus-Christ selon saint Jean, a fait partie des collections des jésuites à Trois-Rivières, mais il n’en garde aucune trace explicite, puisqu’il porte les seuls ex-libris du collège de la rue Rachel, qui se déclinent ainsi : « Collegium Immac. Concept. Marianopoli. Bibliotheca Major », « Collegium Maximum Immaculatae Conceptionis, S.J., Marianopoli. Bibliotheca Major » et « Collège de l’Immaculée-Conception. MONTRÉAL » (qui inclut le monogramme IHS surmonté d’une croix, ceint d’une couronne d’épines)[19]. Cependant, la lettre missive que le père Télesphore Filiatrault a rédigée en 1887 à propos de cet ouvrage prend, à rebours, le relais des marques de possession. En d’autres mots, et la requête manuscrite du père Filiatrault et les ex-libris montréalais nous renseignent sur la circulation de cet exemplaire de 1722 du Saint Evangile de Jesus-Christ selon saint Jean, entre Trois-Rivières et Montréal. Les mots tracés à l’intention du père William Francis Gagnieur participent, en ce sens, à la constitution d’une histoire manuscrite des collections.

Une autre intervention manuscrite du père Télesphore Filiatrault, postérieure d’un quart de siècle à celle de 1887, mérite que nous nous y attardions pour la bonne raison qu’elle prend la forme d’un ex-dono qui, lu conjointement avec un ex-dono d’une autre main qui lui est antérieur, nous ramène aux collections originelles des jésuites en Nouvelle-France. Nous devons au père Filiatrault, alors recteur du Collège Sainte-Marie, d’avoir tracé à la main, dans un exemplaire anversois de 1617 du De Imitatione Christi, un ex-dono daté du 5 novembre 1913, qui se présente ainsi à l’intérieur du second plat :

Confié aux
« Archives »
par le R. P. T. Filiatrault, s.j.
Recteur du Collège Ste-Marie
 5 nov. 1913

T. Filiatrault, s.j.

L’exemplaire, qui se trouve désormais aux Archives des jésuites au Canada[20], a fait partie des collections du Collège Sainte-Marie où, grâce au travail du père Félix Martin, les archives des jésuites francophones du Canada ont été conservées à partir de 1844 (elles ne seront relocalisées à Saint-Jérôme que dans la seconde moitié du xxe siècle)[21]. Si le choix du participe « confié » témoigne du soin apporté à la transmission et à la conservation du De Imitatione Christi sorti de l’officine plantinienne, il faut nous reporter à l’ex-dono manuscrit plus ancien auquel nous avons fait allusion ci-haut pour saisir au mieux la valeur exceptionnelle de cet exemplaire survivant. Un ex-dono du xixe siècle rédigé au verso du plat supérieur rattache en effet ce « monument typogr[a]ph[ique] de 1617 » au fonds de l’ancienne bibliothèque du collège des jésuites à Québec, c’est-à-dire aux collections de la première bibliothèque des jésuites au Canada. L’ex-dono se lit comme suit :

De l’ancienne Bibliothèque
des Jésuites
Offert au très Rev.nd p.re Chazel
jésuite, comme
un témoignage
de tendre respect,
précieux & ancien.
monument typogr[a]ph[ique]
de 1617
Par M.r Desjardins
de Québec.

Ces lignes manuscrites élucident pour une bonne part l’histoire de la transmission de l’exemplaire du De Imitatione Christi, car elles jettent à elles seules une formidable passerelle entre les missions jésuites de la Nouvelle-France (l’ancienne bibliothèque des jésuites fondée en 1632-1635 ayant été pillée par l’armée anglaise en 1763, 1773, puis démantelée en 1776[22]) et la première moitié du xixe siècle, marquée par le retour des jésuites au Canada en 1842, au terme d’une absence de 42 ans, avec, à leur tête, le père Jean-Pierre Chazelle (1789-1845). Le père Chazelle, donataire identifié de l’exemplaire de 1617, a été supérieur des jésuites du Canada de 1842 à 1844[23], dès les premières années du rétablissement de la Compagnie de Jésus au Canada, l’extinction de l’ancienne Compagnie en Nouvelle-France et au Bas-Canada ayant été marquée par la mort à Québec, en 1800, du dernier missionnaire jésuite du Régime français, le père Jean-Joseph Casot (1728-1800). Le père Casot s’étant assuré au mois d’août 1798, par la voie d’une procuration générale, que l’administration des biens et des propriétés des jésuites serait confiée au vicaire général du diocèse de Québec, Philippe-Jean-Louis Desjardins (1753-1833)[24], nous pressentons que le frère cadet de ce dernier, Louis-Joseph Desjardins, dit Desplantes (1766-1848), est le donateur de l’exemplaire anversois du De Imitatione Christi.

Après la cession de la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne, consacrée par le traité de Paris en 1763, défense avait été faite aux jésuites de recruter de nouveaux membres[25], de sorte qu’à la fin du xviiie siècle s’est amorcée, selon l’expression du père Édouard Lecompte, « l’extinction lente des missionnaires de la Compagnie de Jésus[26] ». Le père Lecompte suggère encore cette image : « ils s’éteignirent doucement les uns après les autres, comme des cierges oubliés sur un autel en ruines, – le dernier à Montréal en 1791[27], le dernier à Québec en 1800[28] ». Le glas des missions jésuites en Nouvelle-France a donc sonné à Québec le 16 mars 1800, à la mort du père Jean-Joseph Casot.

En 1842, alors que 28 années avaient passé depuis la restauration de la Compagnie universelle, qui avait été supprimée à travers le monde en 1773 par le bref pontifical Dominus ac Redemptor[29], les jésuites sont revenus au Canada, moins d’un an après que l’évêque de Montréal, monseigneur Ignace Bourget, eut déposé à Rome, auprès du général de la Compagnie de Jésus, Jean Roothaan, la supplique du 2 juillet 1841 intitulée Appel aux Jésuites, dans laquelle il exhortait ce dernier à « confier aux RR. PP. Jésuites le soin des Missions sauvages du Canada[30] ». « Tout les rappelle dans cette contrée qui n’a jamais cessé de vénérer leur mémoire[31] », insistait monseigneur Bourget, en parlant des pères de la Compagnie de Jésus. Ces derniers reprendront « l’oeuvre de la Compagnie au Canada[32] » l’année suivante, sous la direction de Jean-Pierre Chazelle, nommé supérieur général de la nouvelle mission.

En définitive, les noms « Chazel », « Desjardins », « Filiatrault » donnent du lustre à des ex-dono manuscrits qui ont en commun d’incarner une certaine histoire de la conservation des imprimés anciens, à laquelle sont attachés de facto les noms d’institutions jésuites. Dans cet esprit, ajoutons, à propos de deux marques de possession plus récentes que nous avons repérées dans le De Imitatione Christi de 1617, qu’elles font état des dernières haltes institutionnelles de l’imprimé anversois, avant qu’il entre dans les collections des Archives des jésuites au Canada. Le Collège Sainte-Marie, puis les Archives des jésuites du Canada français à Saint-Jérôme ont en effet conservé l’ouvrage, en témoignent deux ex-libris estampillés qui figurent, l’un, à l’intérieur du plat supérieur (« Ex libris BIBLIOTHECAE MAJORIS. Collegii S.J. ad Sae Mariae, MARIANOPOLI »), l’autre, au verso de la page de titre (« ARCHIVES S.J. C.F. SAINT-JÉRÔME, P.Q. 10 mai 1971 »).

Inévitablement, et comme la plupart des ex-dono tracés dans leurs imprimés anciens, les ex-libris dont les jésuites de la Nouvelle-France et du Canada ont marqué leurs livres racontent l’histoire, ou de l’ancienne Compagnie de Jésus ou de la nouvelle, selon qu’ils ont été tracés ou apposés avant ou après la suppression de la Compagnie en 1773. Bien sûr, dans une perspective plus régionale, nous retiendrons de ces ex-libris qu’ils concernent, s’ils ont été tracés avant 1800, les anciennes missions de la Compagnie de Jésus dans la Nouvelle-France; s’ils sont postérieurs à 1842, les missions modernes de la Compagnie au Canada. Notons cependant qu’après 1842 les mutations ont été suffisamment nombreuses au Canada entre missions et provinces jésuites pour justifier que nous en proposions ici un bref rappel historique. Le 31 juillet 1844, la mission jésuite du Canada, établie depuis 1842, est divisée en deux sections : l’une étant la mission du Haut-Canada (dont Jean-Pierre Chazelle devient supérieur), l’autre, la mission du Bas-Canada (dont Félix Martin devient supérieur, succédant au père Chazelle)[33]. De 1846 à 1879, la mission canadienne dans son ensemble est rattachée à la mission de New York (en demeurant sous la dépendance des jésuites de Paris)[34]. À partir de 1879, la mission canadienne ne sera plus annexée à New York, mais elle relèvera de la Province d’Angleterre, et cela, jusqu’en 1887, année où, suivant un décret daté du 9 novembre, la mission canadienne acquiert son indépendance administrative[35]. Le Canada demeure territoire de mission jusqu’en 1907. En 1907, la mission jésuite canadienne est érigée en Province – et devient la Province du Canada[36]. En 1924, la Province du Canada est divisée en « Vice-Province anglophone du Haut-Canada » et « Province du Bas-Canada[37] ». Entre 1965 et 1968, pour ainsi dire momentanément, la Province du Bas-Canada a quant à elle été divisée en deux provinces, à savoir en « Province de Montréal » et « Province de Québec[38] », lesquelles ont été rapidement réunifiées sous le nom de « Province du Canada français », nom qui prévaut depuis 1968[39].

Évidemment, depuis la fondation de la bibliothèque et du collège des jésuites à Québec dans la première moitié du xviie siècle, les transformations des institutions elles-mêmes ont contribué à la perte, à la dispersion ou, dans les meilleurs des cas, au rassemblement et à la préservation des livres de la Compagnie de Jésus au Canada. Nous enquérir de la route empruntée par des dizaines d’exemplaires survivants des xvie, xviie et xviiie siècles implique que nous discernions, parmi les plus anciens ex-libris manuscrits de la Compagnie au Canada, des ex-libris de la mission de la Nouvelle-France et des ex-libris du Collège de Québec. Nous avons relevé plusieurs variantes de ces empreintes missionnaires des origines dans les livres que conservent à Montréal les jésuites de la Province du Canada français. Voici, dans un premier temps, les marques observées qui concernent de manière explicite la mission de la Nouvelle-France (l’une étant datée de 1632) :

  • Missionis Canadensis [Kebecensis] Societ. Jesu 1632

  • Missionis Societatis Jes. in Nova Francia Cat. insc.

  • Missionis Societatis Jesu in nova francia Catal Adscript

  • Missionis Societatis Jesu in nova francia Catalogo Adscript’

  • Missionis nova’ francia’ Societ. Jesu.

  • Missionis nova’ francia’ Soci. Jesu

  • Missio nova francia Societ. Jesu.

  • Missi novà francia[...] Societ Jesu

  • Miss. nov. franc. Soc. Jesu. Kebeci catal. inscr. 1720

Examinons, dans un second temps, des ex-libris du Collège de Québec, que ne distinguent parfois que de très subtils détails (plusieurs étant datés de 1720, 1721, 1745 ou 1748, années au cours desquelles des inventaires ont dû être réalisés, selon les abréviations « Cat. Inscr. », c’est-à-dire « inscrit au catalogue ») [40] :

  • Coll. Queb. Soc. Jesu. Cat. Ins. 1720

  • Ex libris Coll : Queb : Soc : Jes : Cat : Ins : 1721

  • Ex libris Collegii Quebecensis Societatis Jesu Cat : Insc :

  • Collegii Quebecensis Societatis Jesu Cat. inscr. an. 1745.

  • Collegii quebecensis Soc. Jesu

  • Collegii quebecensis So. Jesu

  • Colleg. quebec Societ Jesu Catal. Adscr.

  • Colleg. quebec. Soc. Jes. Cat. Inscr. an. 1745.

  • Colleg. quebec. Soc. Jes. Cat. inscr. an. 1745.

  • Colleg. quebec Soc. Jes. Cat. inscr. an. 1745 

  • Colleg queb Societ Jesu catal Ads. [an. 1745.]

  • Coll. Queb. Soc. Jesu

  • Coll. queb. Soc Jesu

  • Collegii Kebecensis Societ. Jesu.

  • Collegii Kebecensis Societ. Jesu. Cat. inscr. an. 1745. 

  • Collegii Kebecens. Soc. Jesu Catal. inscr

  • Collegii Kebecens. Soc. Jes.

  • Colleg. Kebec. Soc. Jesu Cat. Insc. [an. 1745.]

  • Colleg. Kébec Soc. Jesu [Cat. inscr. an. 1745.]

  • Coll. Keb. S.J. Cat. Inscr. 1748

Si le père Paul-Émile Filion avait assez systématiquement répertorié ces ex-libris dans l’inventaire qu’il a publié en 1977 des exemplaires survivants de la bibliothèque du Collège de Québec « conservés à la Bibliothèque de théologie de la Compagnie de Jésus, à Montréal[41] », il demeure néanmoins impératif de revenir aux sources, c’est-à-dire aux livres, étant donné le grand nombre d’oublis et d’erreurs de transcription qu’accusent les notices du père Filion, dans lesquelles nous avons noté, par exemple, l’omission de l’année 1632 dans la marque « Missionis Canadensis Kebecensis Societ. Jesu 1632 » tirée de la page de titre de l’Appendix codicis Theodosiani novis constitutionibus cumulator du père Jacques Sirmond, imprimée à Paris en 1631 par Sébastien Cramoisy (Illustration 3)[42]. Véritable sceau des origines, l’inscription manuscrite « Missionis Can[?]d Canadensis Kebecensis Societ. Jesu 1632 », qui remonte à la création de la bibliothèque de l’ancien collège des jésuites à Québec[43], permet de considérer l’in-octavo comme l’un des premiers de la bibliothèque, à plus forte raison que l’intervention manuscrite « Ex dono Sebastiani Cramoisy » atteste que l’ouvrage imprimé en 1631 a pu se trouver à Québec dès 1632, grâce au don fait par l’imprimeur principal de la Compagnie de Jésus, Sébastien Cramoisy[44]. L’ex-libris postérieur « Colleg. quebec. Soc. Jes. Cat. Inscr. an. 1745. » inscrit autour de la marque de l’imprimeur est celui dont nous avons relevé le plus grand nombre de variantes et d’occurrences dans les livres de la Bibliothèque du Collège de l’Immaculée-Conception conservés au Collège Jean-de-Brébeuf. Ils sont rares, par ailleurs, les exemplaires qui portent, à l’instar de l’Appendix de Jacques Sirmond, et l’ex-libris de la mission de la Nouvelle-France et l’ex-libris du Collège de Québec. C’est le cas enfin, à titre d’exemples supplémentaires, d’une édition du Dialogo dell’Oratore di Cicerone[45] de Lodovico Dolce publiée à Venise en 1547 (Illustration 4), d’une édition colonaise des Commentariorum Collegii Conimbricensis Societatis Iesu[46] parue en 1602 (Illustration 5) et d’un exemplaire des Sermons sur tous les Evangiles du Caresme[47] du jésuite Jean Grisel, imprimé à Paris en 1658 (Illustration 6).

Illustration 3

Page de titre de l’Appendix codicis Theodosiani novis constitutionibus cumulatior de Jacques Sirmond, 1631.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-57

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Illustration 4

Page de titre de Il Dialogo dell’Oratore di Cicerone de Lodovico Dolce, 1547.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-27

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Illustration 5

Page de titre des Commentariorum Collegii Conimbricensis Societatis Iesu, 1602.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-4

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Illustration 6

Page de titre des Sermons sur tous les Evangiles du Caresme de Jean Grisel, 1658.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-69

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De manière générale, les pages de titre des exemplaires survivants des missions de la Nouvelle-France, soit de l’ancienne Compagnie de Jésus au Canada, présentent un ou deux ex-libris du Collège de Québec, dont l’aspect est semblable, sinon identique à celui des marques manuscrites que nous évoquerons à partir d’une édition de 1635 du Traitté de la melancholie, sçavoir si elle est la cause des effets que l’on remarque dans les possedees de Loudun[48] conservé à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus (Illustration 7). Historiquement ancrées et de mains différentes, les abréviations « Coll. Queb. Soc. Jesu » et « Colleg. quebec Soc. Jes. Cat. inscr. an. 1745 » composent deux ex-libris institutionnels, qui ne nous permettent toutefois pas de souscrire à une présomption légitime : que l’ouvrage imprimé à La Flèche ait pu se trouver en Nouvelle-France au xviie siècle. La lumière sur la question viendra de l’ex-dono « Pour le R. Pere Buteux » tracé à l’encre au verso d’une page de garde (Illustration 8) : le missionnaire jésuite Jacques Buteux (1599-1652), donataire de cet exemplaire de 1635 du Traitté de la melancholie, n’a pu en prendre possession qu’en Nouvelle-France, puisqu’il y est arrivé en 1634 et y est mort en 1652, sans jamais en repartir[49]. Au terme de ses études de théologie au Collège de La Flèche, le père Buteux est envoyé au Canada où, dès le 8 septembre 1634, accompagné du père Paul Le Jeune, il prend possession d’un poste dans la région des Trois-Rivières, pour « poser les bases de la nouvelle “Résidence de la Conception”[50] ». Il est nommé supérieur de la mission trifluvienne en 1639. Au printemps 1652, au cours d’un voyage d’évangélisation qui le mène des Trois-Rivières vers le nord, le père Buteux est blessé par des Iroquois de deux balles à la poitrine et d’une autre au bras droit, après quoi ces derniers se ruent sur lui, le dépouillent, puis jettent son corps dans la rivière Saint-Maurice, le 10 mai précisément. À la mort de ce « pionnier de l’évangélisation trifluvienne[51] », à peine 20 années se sont écoulées depuis l’établissement de la bibliothèque des jésuites à Québec.

Illustration 7

Page de titre du Traitté de la melancholie, sçavoir si elle est la cause des effets que l’on remarque dans les possedees de Loudun, 1635.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-3

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Illustration 8

Ex-dono « Pour le R. Pere Buteux », Traitté de la melancholie, sçavoir si elle est la cause des effets que l’on remarque dans les possedees de Loudun, 1635.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-3b

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Illustration 9

Recto du feuillet accompagnant les exemplaires du Missionnaire de l’Oratoire du père Jean Le Jeune conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3800-38g

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Les précieux vestiges que constituent l’ex-dono « Pour le R. Pere Buteux » et les ex-libris du Collège de Québec conjurent un tant soit peu la rupture et la perte de repères qu’ont entraînées le démantèlement et la dilapidation de la première bibliothèque des jésuites à Québec dans la seconde moitié du xviiie siècle. Sur cette lancée, ajoutons que nous avons trouvé à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, glissé dans un volume de la fin du xviie siècle, un feuillet couvert de notes manuscrites anonymes rédigées après 1901, dans lesquelles le scripteur (un jésuite?) consacre quelques lignes à la dispersion des collections du Collège de Québec après la mort, en 1800, du père Jean-Joseph Casot, soulevant indirectement la question des biens, et plus particulièrement des livres des jésuites au xixe siècle (Illustration 9). Les deux faces de ce feuillet inséré dans l’un des huit exemplaires imprimés entre 1669 et 1676 des Sermons du père Jean Le Jeune, de la Congrégation des prêtres de l’Oratoire de Jésus[52], présentent des paragraphes serrés qui retracent, dans un style télégraphique, les noms des propriétaires successifs des exemplaires :

Les sermons du Père Lejeune, de l’Oratoire.

  1. ont d’abord appartenu aux R.R.P.P. Jésuites du Collège de Québec, comme en témoigne l’inscription officielle visible au commencement de chaque volume. (Colleg. Kebec. Soc. Jesu. cat. ins. - an. 1745.) Lors de la suppression de la Cie au Canada i.e. après la mort du dernier religieux de la Cie, le R. P. Casot, en 1800, la bibliothèque fut dispersée et les Sermons du Père Lejeune échurent

  2. à Monsieur Joseph Duval (dit Lelièvre) [...]. Joseph Lelievre-Duval, né le 10 mars 1768, à Québec, fut ordonné prêtre, le 9 avril 1791, devint en 1795 curé de Ste Marie de la Beauce; en 1796, aumonier du régiment Royal Canadien Volontaire; en 1798, curé de la Longue Pointe, en 1800, de St Marc; en 1802, de de Repentigny où il décede, le 14 décembre 1807. à 40 ans. Il signait Lelievre et Duval.

  3. Cette même année 1807 le 3e propriétaire était ordonné prêtre et devenait vicaire à Québec ou [sic] Mr. Duval qui venait de mourir avait sa famille. François Matthias Huot né à l’Ange Gardien, le 25 février 1784; ordonné en 1807, vicaire à Quebec; en 1810 missionnaire à Caraquet et Miramichi; 1813 cur[é] à Ste Anne des Plaines; en 1815 du Sault-au-Recollet jusqu’à sa mort qui arriva à l’Hopital Général de Québec, le 6 août, 1827, à l’age de 43 ans. – Il est inhumé à l’Ange Gardien, sa paroisse natale.

  4. Lévêché de Montreal devient en 4e lieu propriétaire des sermons du Pere Lejeune. [sept lignes sont en partie ou totalement raturées]

  5. Le Couvent de Notre Dame de Grâce s’ouvre le 29 septembre 1901 et reçoit en don de l’Archevêché de Montreal ces volumes.

L’enquête a pu être menée à partir des marques que contiennent les huit exemplaires des Sermons[53], parmi lesquelles l’estampille du Scolasticat de l’Immaculée-Conception témoigne, en dernière instance, de la réintégration de l’ensemble des volumes au sein des collections des jésuites, premiers propriétaires connus de ces exemplaires en Amérique.

À partir de 1842, l’ex-libris « Missio Canadensis Soc. Jesus » paraît dans les livres de la nouvelle mission canadienne, soit de la nouvelle Compagnie de Jésus au Canada, incluant parfois une date, tel que nous l’avons observé dans le libellé « Missio Canadensis Soc. Jes. 1842. » qui a été tracé dans un exemplaire des Lettres edifiantes et curieuses, ecrites des missions etrangeres, par quelques missionnaires de la Compagnie de Jesus imprimé en 1717 (Illustration 10)[54] et dans un exemplaire de 1827 des Regole della Compagnia di Gesù[55]. Évidemment, la mention « 1842 » a valeur de perle dans la séquence « Missio Canadensis Soc. Jes. 1842. »; en d’autres mots, elle magnifie l’ex-libris qui, au-delà de l’identification des propriétaires, se mue en véritable repère historique, l’année 1842 marquant le retour des jésuites au Canada.

Illustration 10

Page de titre des Lettres edifiantes et curieuses, ecrites des missions etrangeres, par quelques missionnaires de la Compagnie de Jesus, I. Recueil, 1717.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3800-33

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Illustration 11

Marques manuscrites « Desjardins » et « Ex dono P. Cazot 2 fevr 1797 » au verso de la deuxième page de garde. Biblia Sacra : Vulgatae editionis Sixti V. & Clementis VIII. Pont. Max. auctoritate recognita, Parisiis, Apud Antonium Dezallier, 1702.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-41b

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Donateurs, donataires et possesseurs notoires : Philippe-Jean-Louis Desjardins, John Neilson, John Louis Hubert Neilson et Nazaire Dubois

En cédant, par souci de préservation, une partie des collections du Collège de Québec à ses amis à la fin du xviiie siècle, le jésuite Jean-Joseph Casot a assuré à bon nombre de livres une manière de passage à gué vers le xixe siècle[56]. Deux volumes d’une vulgate sixto-clémentine imprimés à Paris par Antoine Dezallier en 1701 et 1702[57] ont gardé, sous la forme de deux ex-dono, une trace fort éloquente de ce passage dont le père Casot s’est fait l’initiateur (Illustration 11). Outre les marques originelles du Collège de Québec[58], le premier des deux volumes de la Biblia Sacra porte l’inscription « Ex dono P. Cazot 2 fevr 1797 », l’autre, la forme abrégée « ex dono P. C. 1797. », que permet de résoudre le premier ex-dono plus explicite. Les deux exemplaires sont passés en 1797 aux mains du donataire « Desjardins » qui est, selon toute apparence, le prêtre Philippe-Jean-Louis Desjardins qui, « [v]ers ce même temps, […] alla demeurer aux jésuites, c’est-à-dire dans la maison autrefois occupée par eux[59] ». C’est en août de l’année suivante, précisément le « huit Août avant midi[60] », que le père Casot, « dernier rejeton des enfants d’Ignace en ce pays[61] », allait confier l’administration des biens et des propriétés des jésuites à l’abbé Philippe-Jean-Louis Desjardins, vicaire général du diocèse de Québec, par la voie d’une procuration signée « à Québec [au] College des Jesuites », « en la Province du Bas Canada[62] ». La Procuration générale par le Révérend père Casot à Messire Desjardins prévoit que :

le Révérend Pere Jean Joseph Casot Jésuite, demeurant au College des Jesuites à Québec; […] a […] fait et constitué pour son procureur général et spécial Messire Philippe Jean Louis Desjardins prêtre, vicaire Général du Diocèse de Québec demeurant à Québec, auquel il donne pouvoir de pour lui et en son nom régir et administrer tous ses biens et affaires, […][63].

En marge du mouvement administratif entériné par le document du 8 août 1798, la distribution, par le père Casot, de meubles, objets de culte, livres et manuscrits qu’il souhaitait voir échapper à la mainmise du gouvernement a engagé des institutions, tels l’Hôtel-Dieu et le Séminaire de Québec[64], et des particuliers, dont le célèbre imprimeur-éditeur et libraire John Neilson (1776-1848)[65], à propos duquel Antonio Drolet rapportait cette information en 1961, dans l’article qu’il a consacré aux livres de la bibliothèque du collège des jésuites : « [l]e P. Casot lui aurait […] fait don d’une centaine de volumes qui se trouveraient maintenant au Scolasticat de l’Immaculée-Conception à Montréal », prenant soin d’ajouter qu’une « tradition veut que certains biens et meubles du P. Casot aient été conservés par les descendants de John Neilson[66] ». Une centaine de livres donnés à John Neilson par le père Casot se sont en effet retrouvés dans les collections du Scolasticat et du Collège de l’Immaculée-Conception au début du xxe siècle, grâce à une donation faite avant 1911 par John Louis Hubert Neilson (1845-1925), petit-fils de John Neilson et ancien élève du Collège Sainte-Marie, au bibliophile Nazaire Dubois, qui les a remis en 1921 au recteur de l’Immaculée-Conception, Samuel Bellavance[67].

Relayant les ex-libris manuscrits « Coll. Kebec. Soc Jesu » et « Colleg. quebec. Soc. Jes. Cat. inscr. an. 1745. » qui lui sont antérieurs, l’autographe « Joannes Neilson. Quebec. » orne la page de titre d’un exemplaire bâlois des Annales de Tacite sorti de l’officine des Froben en 1544 (Illustration 12)[68]. Le précieux exemplaire de la première moitié du xvie siècle est l’un des 11 volumes conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus dans lesquels le petit-fils de John Neilson, le médecin et lieutenant-colonel John Louis Hubert Neilson, a apposé sa signature, le plus souvent sous les notices de type bio-bibliographique qu’il avait l’habitude de consigner à la main dans les livres du Collège de Québec qu’il a hérités de son grand-père (Illustration 13). Ces relevés informatifs présentent tantôt les auteurs, tantôt les typographes et les imprimeurs des ouvrages, parmi lesquels se distinguent Johann Froben, Érasme, Beatus Rhenanus, Christophe Plantin, Simon Stevin, Lodovico Dolce, les Elzevier, Johann Amos Comenius, Antoine Sirmond, Paolo Paruta.

Illustration 12

Page de titre de P. Cornelii Taciti equitis romani Annalium ab excessu Augusti sicut ipse uocat, siue Historiae Augustae, qui uulgo receptus titulus est, libri sedecim qui supersunt, partim haud oscitanter perlecti, partim nempe posteriores ad exemplar manuscriptum, 1544.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-51

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Illustration 13

Notice bio-bibliographique rédigée par Hubert Neilson au verso de la deuxième page de garde, P. Cornelii Taciti equitis romani Annalium ab excessu Augusti sicut ipse uocat, siue Historiae Augustae, qui uulgo receptus titulus est, libri sedecim qui supersunt, partim haud oscitanter perlecti, partim nempe posteriores ad exemplar manuscriptum, 1544.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-51d

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Illustration 14

Notice bio-bibliographique rédigée par Hubert Neilson au verso de la deuxième page de garde, Il Dialogo dell’Oratore di Cicerone de Lodovico Dolce, 1547.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-27b

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Par exemple, dans le Dialogo dell’Oratore di Cicerone de Lodovico Dolce imprimé à Venise chez Gabriel Giolito de Ferrari en 1547, les notes d’Hubert Neilson remplissent la partie supérieure du verso de la seconde page de garde, en regard de la page de titre (lllustration 14) :

Lodovico Dolce’. célebre poête Vénitien du seixième siècle, est surtout connu par ces ouvrages suivant [sic] « Il dialogo del l’Oratore di Ciceroni tradotto per L.D. » – « Dialogo della Pittura intitolato. l’Aretino; cet ouvrage a été traduit en français _ « Cinqué primi canti del Sacripante _ Prima Leone. _ L Achillé[a] et l Enéa. _ La prima imprese del conte Orlando etc. Né à Vénise en 1508 mort aussi à Vénise en 1568_

Hubert Neilson M.D.[?]

L’autographe d’Hubert Neilson est suivi d’ordinaire de lettres entrelacées dans lesquelles se distinguent les initiales M.D. (pour « Medicinae Doctor »), sauf dans quelques occurrences particulières, dont celle-ci :

Hubert Neilson
 Etud. en Med.
 Université Laval.
 Quebec.

où l’ex-libris, tracé sur la page de titre des Aphorismes d’Hipocrates publiés à Rouen chez Louis Cabut en 1671, remonte à l’époque où Neilson était étudiant en médecine (Illustration 15).

Illustration 15

Page de titre des Aphorismes d’Hipocrates, avec le commentaire de Galien sur le premier livre, 1671.

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ BCJ 3600-55

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Dans la deuxième moitié du xixe siècle, Hubert Neilson a découvert dans les papiers de son grand-père le manuscrit d’un livre de prières écrit dans la langue des Illinois, qui aurait appartenu au jésuite Jacques Marquette[69]. Il en a publié le fac-similé en 1908, en le faisant précéder d’une introduction qu’il a rédigée en anglais, et dans laquelle il explique qu’après avoir été gardé pendant plusieurs années dans la mission de l’île Michilimackinack, le manuscrit, relique du père Marquette, a été transféré au Collège de Québec, puis remis à John Neilson par le père Casot, à la fin du xviiie siècle[70]. Étant donné l’amitié qui liait son grand-père aux jésuites, l’héritier de John Neilson ne s’étonne pas d’avoir entre les mains ce livre-relique, à plus forte raison que son grand-père s’était porté acquéreur de nombreux imprimés, manuscrits et tableaux qui avaient été la propriété du collège des jésuites à Québec[71]. Émaillant son introduction au fac-similé de remarques plus personnelles, Hubert Neilson signale enfin que des exemplaires des Relations imprimées par Sébastien Cramoisy, de même que plusieurs livres anciens portant sur la page de titre l’inscription « Collegii Kebecens. Soc. Jesu, Catal. infer. [sic] an 1745.  » constituent toujours – au moment de la publication du fac-similé, en 1908 – une partie de sa bibliothèque[72]. Nous savons qu’à l’instar de son aïeul il agira à son tour comme passeur, en remettant la centaine de livres du Collège de Québec qu’il a eus en sa possession à l’abbé Nazaire Dubois[73].

Illustration 16

Page de titre du Catalogue raisonné d’un petit groupe de livres ayant appartenu au College des Jésuites à Québec et maintenant la proprieté de l’abbe Nazaire Dubois, Principal de l’Ecole Normale Jacques Cartier, à Montréal, accompagne de notes biographiques et bibliographiques, 1911 (fol. 1). Bibliothèque de la Compagnie de Jésus (archives).

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Cliché IMAQ 3600-A-4

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En 1911, l’abbé Nazaire Dubois s’est appliqué à rédiger à la main le Catalogue raisonné d’un petit groupe de livres ayant appartenu au College des Jésuites à Québec et maintenant la proprieté de l’abbe Nazaire Dubois, Principal de l’Ecole Normale Jacques Cartier, à Montréal, accompagne de notes biographiques et bibliographiques (Illustration 16)[74]. Le manuscrit original, qui compte environ 197 fiches de petit format (178 × 115 mm), comprend un inventaire descriptif des ouvrages cédés par Hubert Neilson, enrichi de notices bio-bibliographiques, ainsi qu’une introduction raturée par endroits, dont les premiers paragraphes esquissent un véritable itinéraire de transmission des imprimés dont le père Casot avait confié la garde à John Neilson, parmi lesquels sont comptés : la Cathena aurea de Thomas d’Aquin (Lyon, Antoine Blanchard pour Jacopo and Francesco Giunta, 1530), les Apophthegmata d’Érasme (Paris, Louis Cyaneus et Jean de Roigny, 1531), In sphaeram Joannis de Sacro Bosco commentarius de Christophorus Clavius (Rome, Domenico Basa, 1581), L’Arithmétique, contenant les computations des nombres arithmetiques ou vulgaires : aussi l’algebre, avec les équations de cinc quantitez de Simon Stevin (Leyde, de l’Imprimerie de Christophe Plantin, 1585), Les ouvertures des parlements, ausquelles sont adjoustees cinq remonstrances, autrefois faictes en icelles de Louis d’Orléans (Paris, Guil. Des Rues, 1607), les Règles de la Compagnie de Jésus (Paris, Jean Fouët, 1620)[75], les Discorsi politici de Paolo Paruta (Venise, Tomaso Baglioni, 1629), La Santa Casa abbellita de Silvio Serragli (Macerata, Girolamo Salvioni, 1640), la Ianua Aurea reserata quatuor linguarum de Johann Amos Comenius (Leyde, Officine Elzevier, 1640), les Exercitationes paradoxicae adversus Aristoteleos de Pierre Gassendi (Amsterdam, Louis Elzevir, 1649), la Dissertatio peripatetica de epico carmine de Pierre Mambrun (Paris, Sébastien et Grabiel Cramoisy, 1652), le De eloquentia sacra et humana de Nicolas Caussin (Lyon, Pierre Rigaud, 1651), etc., pour ne rapporter que quelques titres. L’auteur-bibliophile Nazaire Dubois salue la « provenance historique » de ces imprimés, dont il annonce, par ailleurs, la cession à d’autres :

Le catalogue que nous offrons à votre lecture se recommande à votre sérieuse attention non seulement par le mérite intrinsèque des livres qui y sont décrits, mais surtout par leur provenance historique. Les quelque cent volumes qui le compose [sic] sont un noyau de l’ancienne bibliothèque du collège des Jésuites à Québec. La suppression de l’ordre des Jésuites, et la mort à Quebec en 1800 du dernier représentant [mots raturés] de cet ordre au Canada, créa la question des biens des Jésuites. Quel fut le sort de la bibliothèque? [mots raturés] Elle ne fut pas englobée dans la confiscation par les autorités de ce qui restait des biens des Jesuites. Le bon frère Cazot, se sentant vieillir avait distribué les livres à ses amis. L’Hotel-Dieu de Québec eut sa part, [mots raturés] et l’Hon. John Neilson aussi. […] Notre [mot raturé] collection fut pendant cent ans environ religieusement conservée par la famille Neilson, ayant appartenu primitivement au proprietaire de la Gazette de Quebec l’Hon. John Neilson et finalement au docteur Hubert Neilson des mains de qui nous les avons reçus pour les transporter à Montréal! Ces livres précieux, chargés moins de poussière que de souvenirs historiques, en quelles mains passeront-ils, car c’est notre intention de les cédér[76]?

La réponse à cette question est connue. Elle se trouve dans une note rédigée 10 ans plus tard, le 18 août 1921, par le recteur du Collège de l’Immaculée-Conception, le père Samuel Bellavance, qui fait référence (en utilisant le mot « notice ») au Catalogue raisonné d’un petit groupe de livres ayant appartenu au College des Jésuites à Québec, de même qu’au don que Nazaire Dubois lui a fait de ces livres :

Les livres mentionnés dans cette notice de l’abbé Nazaire Dubois ont été donnés par lui au Père Recteur de l’Immaculée-Conception.

Ceux qui pourraient être d’intérêt à la bibliothèque de la maison [de l’Immaculée-Conception] y ont été placés. Le reste est déposé dans cette boîte aux Archives. Cela pourrait constituer un cadeau précieux comme souvenir pour le collège de Québec, quand il se fondera[77].

Quant aux interventions manuscrites de Nazaire Dubois dans les livres dont il a été propriétaire, nous en avons relevé une seule parmi les imprimés anciens du Collège de l’Immaculée-Conception conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus. Celle-ci prend la forme d’un ex-dono daté du 24 août 1920, que Nazaire Dubois a tracé à la main dans l’un des rares exemplaires survivants du premier traité de spiritualité écrit en Amérique septentrionale, l’Affectus amantis Christum Iesum du jésuite Pierre Chastellain, publié à Paris, chez Denis Béchet, en 1648[78]. L’ex-dono se lit comme suit sur la face intérieure du premier plat : « Montréal, 24 août 1920. Donné aux Révérends Pères Jésuites de l’Immaculée Conception. Naz. Dubois ptre[79]. » Il faut savoir que huit ans plus tôt, en avril 1912, Nazaire Dubois avait publié un article dans Le Messager canadien du Sacré-Coeur à propos de ce livre rare (dont le titre, soulignons-le, ne figurait pas dans son Catalogue raisonné de 1911)[80]. Le résumé de l’article annonçait qu’il venait de mettre la main sur un exemplaire de l’édition originale de l’Affectus amantis Christum Iesum, qui provenait « sans doute de l’ancien Collège des Jésuites à Québec[81] ».

Quelques décennies après que Nazaire Dubois eut remis cet exemplaire de l’Affectus amantis Christum Iesum aux jésuites, une lettre manuscrite insérée dans une enveloppe a été glissée dans l’ouvrage, avec la mention : « SVP laisser dans le livre du P. Chastellain (de 1648) ». La lettre, datée du 30 septembre 1955, est adressée au « R. P. Adélard Dugré », alors recteur du Collège de l’Immaculée-Conception (Illustrations 17 et 18). Son auteur, le père Paul Desjardins, archiviste au Collège Sainte-Marie, écrit :

Mon révérend Père,

Vous avez le bonheur, à l’Immaculée-Conception, de posséder un exemplaire du premier livre spirituel composé en Canada, Affectus amantis Jesum du P. Pierre Chastellain. C’est évidemment une « pièce » que les Archives seraient heureuses de posséder, et vous vous attendez peut-être à ce que je vous demande de la leur donner... Mais non; je contiens le désir que je pourrais avoir, d’après la maxime qu’il y a de certaines choses que l’on accepte avec reconnaissance quand elles nous sont offertes, mais que la plus élémentaire éducation nous prescrit de ne pas demander…

Tout ce que je désirerais pour le moment, ce serait que vous me prêtiez ce volume pour un certain laps de temps, à déterminer par vous. J’en prendrais d’abord connaissance, pour me rendre compte de la spiritualité en vigueur aux heures les plus héroïques de la Mission huronne; si le travail ne me paraît au-dessus de mes forces, j’en entreprendrais peut-être une traduction, à soumettre à la censure naturellement avant de songer à toute publication. Je profiterais aussi peut-être de cette occasion pour rédiger une notice biographique de l’auteur.

[…] Je ne connais pas encore l’ouvrage, ni ses dimensions, ni la limpidité de son latin, ni par conséquent la taille du travail auquel je songe. Ce qui m’a amené à penser à cela, c’est l’étude que je poursuis depuis quelques années de cette classe de serviteurs de nos anciens missionnaires, connus sous le nom de Donnés. La première équipe, la plus héroïque à ce qu’il semble, a reçu sa trempe spirituelle dans les instructions et directions du P. Chastellain, et il est vraisemblable que la doctrine de l’Affectus amantis Jesum soit précisément celle qu’il exposait aux domestiques de Sainte-Marie-des-Hurons, dont il était le directeur spirituel.

Je ne crois pas que ce volume soit au nombre de ceux qui sont régulièrement demandés par les clients de votre bibliothèque! Je ne mortifierai donc personne trop gravement en le gardant quelques semaines, ou plus, suivant l’étendue de la matière etc….

Votre tout dévoué en N-S.

Paul Desjardins s.j.

Nous savons qu’il faudra attendre près d’un demi-siècle avant que ne soit publiée la première traduction française complète de l’ouvrage, L’âme éprise du Christ Jésus, ou, Exercices d’amour envers le Seigneur Jésus pour toute une semaine[82], grâce aux soins du professeur Joseph Hofbeck de l’Université Concordia. Ce dernier a offert un exemplaire dédicacé de L’âme éprise du Christ Jésus au père Claude-Roger Nadeau (1928-) qui a été, pendant plus de 30 ans, jusqu’à l’année de transition 2003-2004, préfet de la Bibliothèque du Collège de l’Immaculée-Conception[83]. La dédicace récente du professeur Joseph Hofbeck se déploie en ces termes sur la première page de garde de l’exemplaire qui appartient désormais à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus : « Au Père Nadeau, qui attend depuis longtemps ce frère jumeau du précieux exemplaire original qui se trouve dans sa bibliothèque, avec ma gratitude pour son aide. » Que dire de cet énoncé personnel, sinon qu’il fait écho au voeu exprimé jadis par le père Paul Desjardins de voir traduit en français le texte de Chastellain et qu’il nous conforte dans l’idée que les vestiges manuscrits mis en lumière dans notre article s’inscrivent dans une saisissante continuité.

Illustrations 17 et 18

Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, Clichés IMAQ BCJ 3600-65g et IMAQ BCJ 3600-65h
Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, Clichés IMAQ BCJ 3600-65g et IMAQ BCJ 3600-65h

Recto et verso de la lettre du père Paul Desjardins, S. J., au R. P. Adélard Dugré, S. J.

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Les noms évocateurs de Jean-Joseph Casot, Philippe-Jean-Louis Desjardins, John Neilson, Jean-Pierre Chazelle, Hubert Neilson, Télesphore Filiatrault, Nazaire Dubois et Samuel Bellavance rappellent que le développement des collections des jésuites du Canada français a pu procéder parfois d’une miraculeuse circularité, par exemple, quand des livres dispersés – pour tout dire perdus – ont été rendus à leurs premiers propriétaires connus en Amérique. Si les signes sensibles d’un esprit de communauté doivent servir de jalons aux études menées sur les fonds documentaires de la Compagnie de Jésus conservés au Québec, il importe, en ce qui a trait aux livres acquis par les jésuites avant 1800, de ne pas négliger les liens d’amitié, les parentés intellectuelles, les fidélités qui ont assuré leur survie. Nous pouvons dire des ex-libris, des ex-dono, des lettres ou des mots écrits en toute amitié et confiance qu’ils nous permettent d’entrevoir une continuité dans la discontinuité d’une histoire marquée par l’absence charnière des jésuites au Canada entre 1800 et 1842. En somme, les requêtes de lecteurs savants – par exemple, celles des pères Télesphore Filiatrault et Paul Desjardins –, les catalogues – dont celui de l’abbé Nazaire Dubois est un bel exemple –, les marques de possesseurs laïcs ou religieux et les empreintes manuscrites laissées par des donateurs dans les livres des xvie, xviie et xviiie siècles que possèdent aujourd’hui les jésuites de la Province du Canada français participent à l’éclosion d’une image forte : celle d’un véritable confluent où sont appelées à s’harmoniser l’histoire de la lecture, l’histoire de la conservation des imprimés anciens au Québec et l’histoire des institutions jésuites, depuis l’établissement de la Compagnie au Canada, dont la vocation est liée à une histoire éducationnelle qu’ont explorée récemment quelques auteurs, dans l’ouvrage collectif Quand les Jésuites veulent comprendre l’Autre : le témoignage de quelques livres anciens de la collection de l’UQAM[84]. Nous pourrions prendre exemple sur leurs contributions pour questionner plus à fond les collections de la bibliothèque de l’ancien Collège de l’Immaculée-Conception, puisque seuls les exemplaires du xvie siècle portant l’ex-libris du Collège Sainte-Marie ont retenu l’attention des auteurs, qui se sont penchés sur une certaine éducation – jésuite – dont l’une des facettes est la curiosité à l’égard de l’Autre, que partageaient aussi les gens de la Renaissance. À l’égal de ce récent volume publié sous la direction de Janick Auberger, le recueil Humanistes italiens et imprimés de l’Italie de la Renaissance dans les collections de l’UQAM[85], paru sous la direction de Brenda Dunn-Lardeau en 2011, tire de l’oubli des livres qui ont appartenu aux jésuites : des huit études proposées dans cet ouvrage, sept portent sur des imprimés qui ont fait partie des collections du Collège Sainte-Marie avant d’être cédés à l’Université du Québec à Montréal, en 1969. Dans son introduction, Brenda Dunn-Lardeau propose d’ailleurs une liste fort utile des ouvrages du xvie siècle – imprimés en Italie ou reliés à l’Italie de la Renaissance – que possèdent d’autres institutions montréalaises : parmi les exemplaires répertoriés, huit se trouvent dans les collections des Archives des jésuites au Canada; 17, à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus.

Au regard de leur valeur, les livres de la Bibliothèque du Collège de l’Immaculée-Conception conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus sont trop peu consultés, leur existence étant encore mal connue. En ce sens, nous partageons les motivations des professeurs et des chercheurs qui se sont appliqués à faire connaître les livres rares mal connus des collections uqamiennes[86]. Gardien, à sa façon, des traces matérielles d’une certaine éducation jésuite, l’abbé Nazaire Dubois avait insisté en 1911, dans son Catalogue raisonné, sur la nécessité d’« élucider la question des manuels classiques employés au collège de Québec[87] », qu’il considérait comme des éléments constituants du « noyau » de la bibliothèque de l’institution[88]. Il définissait dès lors un vaste sujet d’étude, que des bibliophiles et historiens ont sondé depuis. De très nombreuses avenues, également prometteuses pour les chercheurs, se profilent aussi dans ces seules énumérations que l’abbé a écrites sous le coup de l’émerveillement, au sujet des livres de la première bibliothèque de Nouvelle-France :

Est-il besoin de vanter leur merite intrinseque [?] la simple lecture des titres et de leurs auteurs suffit pour nous en convaincre. Erasme, Alde Manuce, Dolce, Alciat, Grotius, Cluvier, Tursellinus, Pontanus, Pomey, Rhenanus, qui osera contester leur génie! Ajouterons-nous, Estienne, Petau, St Thomas, Clavius[,] Bartoli, Maurolico, Stevin et Jean François[.] C’est la fleur de l’esprit humain. Nous oublions Tacite, Sénèque, Cicéron, Labbé, Sirmond, Jouvency, Hippocrate, Aristote, et Gassendi.

Tous ces auteurs sont l’ornement d’une bibliotheque mais quand au mérite du livre qui contient leurs oeuvres s’ajoute celui de sortir des presses de Christophe Plantin, de Sebastien Cramoisy et des Elzévirs, et autres imprimeurs célèbres, comme c’est ici le cas, la lecture et la manipulation en a des charmes indicibles[89].

L’une des réalisations concrètes dont peuvent se féliciter les collaborateurs du projet d’Inventaire des imprimés anciens au Québec (IMAQ) est, certes, la création d’une première banque de données, entièrement versée dans le catalogue informatisé de l’Université du Québec à Trois-Rivières, grâce à laquelle le catalogue de Nazaire Dubois et les descriptions des précieux imprimés des xvie, xviie et xviiie siècles conservés à la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus sont désormais accessibles – de même que les photographies de la plupart des pages de titre et marques manuscrites trouvées dans les exemplaires. Il sera néanmoins toujours de notre devoir de fréquenter les très beaux espaces de la Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, puisque la lecture et la manipulation des livres qui y sont conservés présentent des « charmes indicibles », que l’exaltation de l’abbé Nazaire Dubois laissait déjà entrevoir.