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Dans un article qui se voulait à la fois un bilan des études faites sur l’américanité au Québec et un appel à de nouvelles voies de recherche, Benoît Melançon (1990) notait avec raison que la critique littéraire et historique s’était attardée principalement, voire exclusivement, aux liens, nombreux, mais bien souvent unilatéraux, qui existaient entre le Québec et les États-Unis lorsqu’il était question d’appartenance continentale. Il proposait alors quelques pistes, dont celle consistant à s’ouvrir au contexte hémisphérique en passant par le biais latino-américain. Avec les travaux de Gérard Bouchard (1997), de Zilá Bernd (1992, 2003), de Jean Morisset (1985), de Licia Soares de Souza (2004), de Pierre Nepveu (1998), d’Amaryll Chenady (1999) et de Patrick Imbert (1995), avec les expériences des revues Collectif Paroles, Dérives, Ruptures, avec les échanges éditoriaux entre les Écrits des Forges et des éditeurs mexicains, la littérature québécoise est entrée en dialogue avec son américanité transcontinentale depuis les années 1990, qui sont dorénavant perçues comme le moment de découverte d’une américanité hors des États-Unis pour le Québec.

Pourtant, les travaux de Nova Doyon (2012), fondés sur le comparatisme littéraire Brésil/Québec à propos du dix-neuvième siècle, jumelés à ceux de Pierre Rajotte (1994) sur le récit de voyage de Faucher de Saint-Maurice au Mexique, de Michel Lacroix (2004) sur les réseaux latins au Québec durant les décennies 1920 et 1930, de Catherine Legrand (2009) sur les missions religieuses québécoises et de Maurice Demers (2010a, 2010b) sur l’Union des Latins d’Amérique dans les années 1940 laissent voir une relation beaucoup plus profonde que cette lecture à deux temps de l’américanité québécoise. De Lionel Groulx (1961) à Gaston Miron[2], en passant par les frères O’Leary[3], Olivier Maurault (1945) et Joseph Ledit[4], un recours constant à l’Amérique latine a permis d’instaurer de nouveaux rapports de force au sein de l’identité québécoise entre les versants hexagonaux et étatsuniens, en servant en quelque sorte de tiers-inclus, d’expérience de détournement des attractions perçues parfois comme trop fortes de la part des grands corpus influents. Ainsi, François Hertel y va de cette réflexion sur la place du Canada français dans ces jeux identitaires interaméricains :

Nos relations de plus en plus nombreuses et précises avec les États du sud de l’Amérique sont extrêmement précieuses et nous devons les multiplier. Précisément parce que nous aimons les États-Unis et que nous sommes prêts à collaborer avec eux, nous devons nous affirmer devant eux comme les agents de liaison normaux et comme l’élément d’équilibre providentiel qui leur permettra une collaboration plus fraternelle et plus empreinte de sécurité avec les États de l’Amérique du sud[5].

Il en va de même de l’expérience singulière qu’est la revue Liaison, active au Québec à la fin des années 1940. Ce périodique, sous-titré Revue de littérature et d’art, accorde une grande place à l’Argentine et plus généralement à l’Amérique latine, phénomène peu courant à l’époque. La revue est parue de 1947 à 1950 sous la direction de Victor Barbeau à partir d’une formule éditoriale assez unique dans l’histoire littéraire québécoise. En effet, les animateurs de la revue optent pour une diffusion restreinte, limitée à ses abonnés, qui sont membres d’un réseau de coopération nommé « Servir ». Ce réseau est voué à plusieurs objectifs, qui couvrent les domaines de l’économie, du commerce, de la diffusion culturelle et artistique. Être lecteur de la revue, dans ces conditions, c’est participer de plain-pied à son développement, à la fois éditorial et esthétique, dans la mesure où les collaborateurs et les lecteurs ont acquiescé à certains postulats littéraires partagés par tous.

Dans cet article, j’aimerais saisir à la fois la singularité de ce mode d’organisation d’une revue culturelle, le rôle attribué au lectorat dans la conception de la revue, mais surtout ce qu’implique dans ce contexte éditorial singulier (tant endogène — la forme coopérative — qu’exogène — la conjoncture particulière de l’édition d’après-guerre) le recours fréquent et suivi à des écrivains argentins et plus largement hispano-américains. Il y a là une ouverture du réseau et un effet d’étrangeté esthétique et éditorial qui mérite notre attention, surtout à une époque où les réseaux d’influences passent principalement par la France et les États-Unis. Même si la revue n’a pas acquis un statut central dans l’histoire littéraire québécoise, ce détour argentin est significatif dans la longue durée de l’autonomisation littéraire québécoise et dans l’essor d’une pensée continentale. En analysant ce réseau à plusieurs branches, j’entends dresser une certaine réception de l’Amérique latine au Québec des années 1940, de même que la trame esthétique commune aux écrivains québécois et argentins qui participent à Liaison.

Une revue pour les pairs

La revue Liaison a duré quatre années, de 1947 à 1950, à une époque où la longévité des périodiques n’allait pas de soi. Publiée mensuellement, à raison de dix livraisons par année, Liaison est parvenue à s’imposer durant la période de ressac éditorial qui a suivi la Seconde Guerre mondiale[6], une fois que les écrivains et intellectuels hexagonaux sont retournés en France poursuivre leur aventure littéraire. Entreprise importante pour la décennie 1940, Liaison est pourtant une revue peu connue, n’ayant jamais fait l’objet d’analyses détaillées, à la différence de ses contemporaines Gants du Ciel et Amérique française. Ce silence relatif[7] peut s’expliquer par quelques pistes : la revue est fortement, et avec raison, identifiée à son animateur principal, Victor Barbeau. Or, dans la carrière prolixe de l’intellectuel, ce périodique occupe une part congrue[8], entre ses charges d’enseignement, ses Cahiers de Turc (1921-1927), la création de la Société des écrivains canadiens puis de l’Académie canadienne-française. Aussi, la revue a été victime de sa diversité; refusant de faire école[9], d’imposer un modèle littéraire, elle s’est félicitée d’ouvrir ses pages à de multiples collaborateurs, sans qu’émerge au sein même du périodique des nouveaux visages qui acquerront une reconnaissance en vertu de ce passage inaugural par les pages du périodique, comme il en va pour Hector de Saint-Denys Garneau à La Relève ou Paul Chamberland à Parti pris. Ainsi, outre Marie Lefranc, Rina Lasnier, deux écrivaines proches de Barbeau qui font paraître chacune dix textes, et l’écrivain normand Michel de Saint-Pierre, qui propose neuf articles, surtout des essais sur ses influences littéraires, aucun auteur de la revue ne publiera plus de six textes. De fait, si on exclut les chroniques périodiques, 107 auteurs différents ont publié les 205 articles de la revue, ce qui dénote que les contributions sans récidive sont majoritaires.

Ce pourcentage de renouvellement élevé est d’autant plus significatif que ceux qui collaborent à la revue doivent intégrer le système particulier mis en place par la revue. En effet, la revue table sur un système coopératif, considéré « comme la mieux équilibrée et la plus juste de toutes les tentatives de restauration économico-sociale[10] ». Pour Barbeau, le coopératisme est une voie à ouvrir au Québec de manière à conserver la structure socioéconomique libérale, où la fonction de l’élite comme classe dirigeante et organisatrice de la société est préservée, tout en atténuant les effets d’atomisation sociale qui en découlent. Dans ce contexte, Barbeau, avec d’autres, fonde en 1941 la coopérative « Servir », qui a pour mandat d’organiser la consommation, principalement culturelle. À travers une librairie, un magasin et des réseaux d’échanges entre membres[11], « Servir » planifie une consommation entre pairs, fondée sur un certain partage référentiel. Le rôle de la coopérative est d’associer les producteurs et les consommateurs, de créer un réseau de communication et d’échanges entre des sociétaires qui en viennent à avoir des intérêts communs. Ce modèle, qui ne place pas le profit, mais l’intérêt du groupe au coeur du projet associatif, cherche à promouvoir une société élitiste, où le cadre référentiel bourgeois catholique canadien-français pourrait s’épanouir. Barbeau tente de relever, selon les mots de Roger Duhamel, « le défi de la médiocrité et d’entrepren[dre] une croisade en faveur de la justesse de pensée et du bon goût dans l’expression[12] », deux marques qui évoquent la posture hiérarchique qui sera sienne pour concevoir le statut de la culture et servent à déterminer le rapport au lectorat qui anime la revue Liaison. Justesse de pensée et bon goût impliquent nécessairement un jugement sur la culture, de même que des modèles pour en rendre compte. Plus important, ces deux jalons signalent qu’un consentement implicite est nécessaire, de la part des auteurs, des critiques et des lecteurs, pour faire de ces mantras la base d’une coopération littéraire. Liaison s’adresse de facto à ceux qui partagent ce besoin d’asseoir une culture lettrée, sérieuse, élevée. Participer au projet coopératif de Liaison, c’est s’adouber de ce prédicat culturel et le considérer comme partagé par tous les sociétaires. Très rapidement, ce syndicat coopératif, qui rassemble plus ou moins 200 membres, va mettre sur pied une revue, qui sera le lieu de la mise en public du projet coopératif et le moyen de faire surgir cette culture commune livresque à laquelle les sociétaires aspirent.

Insérée à l’intérieur d’un cadre culturel déjà fixé, où la collaboration est fondée sur une même idée de la culture lettrée et élitaire, la création de Liaison pose un geste initial téméraire et impose un système de contraintes. D’emblée, le syndicat détermine que la revue ne sera pas distribuée en librairie. Pour l’obtenir, il faut devenir membre de « Servir » et s’engager pour l’année. De plus, pour y publier, il est également impératif d’être sociétaire. C’est dire qu’aux deux extrémités de la chaine du livre, les auteurs et les lecteurs se retrouvent amalgamés dans un projet commun, qui est de « servir la littérature canadienne d’expression française[13] ». Ce message est réitéré dans le numéro 17 : « Tous les collaborateurs de Liaison sont membres de Servir. Lecteurs et écrivains forment donc une seule et même famille, la seule du genre au Canada[14]. »

En vertu de ce réseau d’échanges de livres et des ramifications dans le commerce aux détails, le syndicat se positionne comme un diffuseur culturel en attachant les divers maillons de la chaîne du livre (les auteurs, les lecteurs et les animateurs de la revue) à un organisme où chaque sociétaire fait valoir ses goûts et ses projets et doit les défendre comme communs à l’équipe[15]. Il en résulte une création en équipe, chaque auteur étant aussi le lecteur de son collègue. En effet, le concept d’« équipe » est à prendre au sens littéral; il ne concerne pas uniquement les écrivains qui participent au projet, mais aussi les lecteurs : « il s’agit de l’offrande de toute une équipe : lorsque, au lieu d’un public anonyme et jamais entièrement le même, l’on a affaire à des lecteurs connus, dont plusieurs sont nos familiers, nos amis, à des lecteurs fidèles et qui ont contribué à la réalisation de notre grand dessein[16]! » La singularité de Liaison tient davantage dans son cadre administratif que dans sa proposition littéraire; derrière le syndicat se cache un bassin d’auteurs et de lecteurs, qui perdent entre eux leur anonymat et leur distance; tous sont alors attachés aux destinées de la revue. Si Barbeau a les commandes en main, il est quand même assisté d’une équipe, divisée entre le Conseil d’Administration du syndicat et celui de la revue. Pour représenter les écrivains, Rina Lasnier, Victor Barbeau, Léo-Paul Desrosiers, Alain Grandbois et François-Albert Angers sont élus. Pour assurer le même rôle chez les lecteurs, Berthe Trépanier, Émilien Blais, Roméo Boucher et Roger Viau[17] sont mandatés.

Dès le premier numéro, une structure se met en place, qui ne sera pas bouleversée durant toute l’existence de la revue. Chaque livraison, sans thématique spécifique, est un florilège qui s’appuie sur le programme suivant : le syndicat profite de la page initiale pour donner des nouvelles de ses activités et surtout pour inviter les sociétaires à trouver de nouveaux membres lecteurs. Le directeur de la revue, Barbeau, signe ensuite un court texte de présentation des articles, en insistant sur la vie intellectuelle des périodiques culturels. S’en suivent quelques textes substantiels, que ce soit des nouvelles, des poèmes, des extraits de roman, des essais, des lettres d’archives, des portraits d’écrivains, d’artistes ou d’intellectuels. Dans chaque parution, il y a de trois à sept textes de la sorte, ne dépassant jamais les 10 pages. C’est le genre de la nouvelle qui prime. Vient ensuite la section consacrée aux chroniques, qui prennent de plus en plus de place dans la revue et assurent sa continuité. S’il existe une identité à ce périodique, outre sa structure, c’est moins dans les oeuvres de création qu’elle se trouve que dans l’assiduité de certains chroniqueurs et dans la volonté de couvrir le champ culturel québécois et mondial de la manière la plus large possible. Ainsi, des chroniques sont consacrées au domaine artistique[18], à la littérature, à la langue, à la médecine, à la radio sans que le Québec soit l’unique aire culturelle commentée. Celle sur les disques s’attarde principalement à la musique classique européenne, celle à propos du cinéma couvre d’abord les productions hollywoodiennes, alors que celle sur les arts commente les expositions présentées à Montréal. Les recensions de livres alternent entre les oeuvres québécoises et les auteurs consacrés français, à l’agréable exception de quelques chroniques ponctuelles vouées à l’examen des lettres anglaises, canadiennes ou étatsuniennes, présentées par des spécialistes de ces corpus, dans un réel souci herméneutique. Par ailleurs, il faut noter que plus de vingt chroniqueurs fourniront également des articles substantiels, ce qui montre la perméabilité au sein de la revue entre le travail de création et celui de lecture, les deux participant à la refondation des lettres au Québec.

Dans cette structure, la création est fortement encouragée, puisque le sommaire met surtout en évidence ce type de collaboration. S’y succèdent des auteurs consacrés, mais appartenant à des horizons divers (Alain Grandbois, Robert Choquette, Léo-Paul Desrosiers, Lionel Groulx, Gustave Lamarche, Albert Laberge, Marcel Dugas, etc.), des nouveaux venus déjà connus (Yves Thériault, Roger Lemelin, Germain Guèvremont, Clément Marchand), de même que des auteurs qui tentent leur chance pour l’une des première fois (Jacques Ferron, Gérard Bessette). Une telle alternance entre les générations et les degrés de reconnaissance participe du fait que la revue, en raison de son modèle coopératif, cherche à rassembler tous les écrivains jugés dignes autour d’une même pratique de la littérature, qui est celle de la communication entre pairs. Le fait que la revue soit proche de la Société des écrivains canadiens et qu’elle note systématiquement l’appartenance des membres de l’Académie canadienne-française collaborant à Liaison signale qu’elle se perçoit comme un cénacle, où une relative autonomie est établie pour la littérature consacrée, seuls les pairs et les lecteurs sortis de l’anonymat par le syndicat ont ainsi droit d’intervenir dans le jugement posé sur les oeuvres éditées.

Cette écriture entre pairs ne se traduit toutefois pas par une hégémonie stylistique ou par une vision unique des lettres canadiennes-françaises. Dans de nombreux textes de présentation, Barbeau se targue d’une grande diversité dans les sujets abordés, d’une variété de styles et de genres publiés. Force est de lui donner raison sur ce point. La revue, dans le contexte des années 1940, est diversifiée, au point de courir le risque de perdre son identité, si on la compare à Gants du ciel, par exemple, beaucoup plus précise quant à ses orientations esthétique et philosophique. Si Barbeau a été un virulent pourfendeur, dans ses Cahiers de Turc, du régionalisme[19], et s’il a maintenu ses affinités avec Dugas, qu’il publie de manière posthume (nos 3, 4, 12), la revue accueille néanmoins beaucoup d’auteurs appartenant à la mouvance autrefois décriée et sur laquelle le directeur revient périodiquement. Par exemple, dans sa recension de Marie Didace de Germaine Guèvremont, dans le numéro 10, Barbeau écrit :

Pour être — ce qui est tout naturel — le plus ancien, le roman régionaliste n’était pas, chez nous, le plus heureux. Avec plus de précipitation que de justesse, on a tout de suite incriminé le genre au lieu de s’en prendre aux apprentis malhabiles et ignares qui y étalaient leur navrante bêtise. Eux seuls, pourtant, étaient coupables[20].

En rejetant l’échec du courant régionaliste sur le dos des auteurs, tout en procédant à la célébration de Guèvremont, Barbeau participe d’une relecture importante du rapport au terroir, qui sera entreprise dans Liaison principalement par le biais de la littérature argentine.

L’Argentine de Liaison, un cas de transfert culturel

En raison de ses chroniques sur les lettres de langue anglaise, en vertu de ses chroniqueurs culturels installés en France (Véber, Saint-Pierre, Drogoul, etc.), par ses reproductions de nouvelles, d’essais et de témoignages provenant d’écrivains catholiques français (Henry de Montherlant, Hervé Bazin, La Varende, etc.), par ses intermèdes citationnelles consacrées aux Tagore, Gabriel Marcel, George Duhamel et autres Rémy de Gourmont, Liaison a été vu comme un périodique qui associait la littérature canadienne-française aux grandes traditions humanistes européennes. Or, un autre type de collaboration avec l’étranger a peu été remarqué : l’avènement d’une référence argentine et plus largement latino-américaine.

En effet, Liaison décide, dès son premier numéro, de présenter des auteurs étrangers dans sa section de création. Si l’on fait fi des écrivains francophones (Français et Belges) pour qui la question de la traduction ne se pose pas, 12 auteurs argentins (pour un total de 16 textes) sont publiés dans la revue, en traduction. Quel est le sens de ce recours aux lettres argentines dans les années 1940? Qui permet ces contacts? Que révèlent-ils sur les lettres canadiennes-françaises? Dans quel contexte cette référence émerge-t-elle? Un bref examen du transfert culturel à l’oeuvre dans Liaison permettra de mieux saisir cette expérience assez unique dans le corpus littéraire du Québec.

Sur les 205 articles de la revue, 16 sont écrits par des latino-américains, mais qui sont tous passés par l’Argentine au cours de leur carrière littéraire. Ce nombre semble peu élevé, mais 8 % des articles[21] d’une revue en provenance d’un pays à ce moment peu valorisé au sein de la « République mondiale des lettres[22] », selon le syntagme figé de Pascale Casanova (2008), alors que la traduction d’une autre langue que l’anglais vers le français est très rare au Québec, cela dénote un choix délibéré et significatif. Le transfert culturel s’enclenche d’ailleurs dès le premier numéro, avec la traduction d’une nouvelle de l’écrivain Enrique Amorim, membre du mouvement Boedo, groupe qui vise à s’inscrire dans la réalité populaire argentine (urbaine[23] et campagnarde). Cette nouvelle, la première de trois (nos 1, 5, 30) de la part de cet auteur, s’apparente à ce que les romanciers du Cône sud nomment alors le modernisme, dans sa phase régionale : mise en évidence de l’immensité et de l’hostilité de l’environnement, description de l’âpreté de la vie agraire, solitude humaine, violence des rapports sociaux, bestiaire dangereux et intriguant, fatalisme d’un monde sans dieu, mais avec des coutumes strictes. À l’occasion chez Amorim[24], ce vertige de la béance spatiale est comblé par un sentiment communautaire, qui donne accès à une vision nostalgique de la vie campagnarde. La nouvelle « La saulaie », qui raconte l’effet dévastateur d’une nuée de sauterelles dans une saulaie isolée[25], n’est pas annoncée par Barbeau et aucune indication n’est fournie pour déterminer le traducteur. Déjà dans les numéros subséquents, le directeur prend soin de mieux cerner ce recours à l’Argentine lettrée[26], en signalant constamment la provenance des auteurs, sans jamais la présenter comme singulière ou innovatrice. De fait, les courtes notices disent précisément un certain naturel dans le transfert, comme s’il allait de soi de proposer aux lecteurs de la revue ces oeuvres venues d’Argentine.

La sélection opérée parmi le corpus argentin est plus orientée que le reste de la publication. Les auteurs mis à contribution sont pour la plupart contemporains, à la notable exception de Domingo Faustino Sarmiento, ancien président de la république et célèbre auteur de Facundo o Civilización y Barbarie, texte fondateur, publié en 1845, de la lecture latino-américaine de la « frontière », au sens que lui donnent l’historiographie étatsunienne et Fernando Ainsa (1993), puisqu’on y suit les tribulations d’un caudillo, Facundo Quiroga, issu de la pampa et qui accède au pouvoir par le force, contre la capitale, axée sur la vie européenne. Le texte présenté dans le numéro 9 de Liaison, tiré du chapitre deux de Facundo, insiste sur la figure argentine par excellence, celle du gaucho, qui est ici traitée sur un mode ethnographique, pour en décrire les différentes inclinaisons. Le mot du directeur[27] de même que la note qui accompagne le texte insistent sur la féodalité campagnarde de l’Argentine du dix-neuvième siècle, ce qui a pour effet de rendre légendaires ces descriptions « curieuses et pittoresques[28] » du « rastreador[29] » et autres chanteurs.

La nouvelle est le genre privilégié, et Horacio Quiroga, qui est décédé en 1937, figure au premier plan, avec deux textes. D’abord, Liaison édite « À la dérive », tiré des Contes de la forêt vierge (1918), où Paulin, isolé dans une nature effroyable, cherche à survivre à une morsure de vipère :

Le Parana coule là au fond d’une immense fosse, dont les parois hautes de cent mètres, l’encagent funèbrement. Au-dessus des berges bordées de noirs blocs de basaltes, s’élève la forêt, noire aussi. En face, sur les côtés, derrière, l’éternelle muraille lugubre, au pied de laquelle l’eau pleine de remous se précipite en tourbillons incessants et boueux. Le paysage est agressif, il y règne un silence de mort[30].

Les termes dépréciatifs pour qualifier le paysage, jumelés à un registre de la fatalité, ont pour effet de rendre le poids de l’ennemi qu’est la nature, et d’indiquer comment elle rend tout individu excentré par rapport à lui-même, à la dérive, déboussolé, proche de la folie. La nature est une épreuve insurmontable, comme le réitère la seconde nouvelle, « Les fugitifs » (no 18), axée sur l’exploitation des bûcherons, sur la folie de la vie solitaire, sur les excès des rares jours de congé et sur la prison qu’est la grande forêt au service des patrons. Ainsi, les deux textes choisis illustrent à merveille l’approche de Quiroga où « ses contes dramatisent l’opposition entre la raison et la volonté de l’homme, d’une part, et l’hostilité qui caractérise le monde naturel, d’autre part[31] ».

Le sillon tracé par Sarmiento, Amorim et Quiroga est approfondi dans les autres nouvelles. En effet, le paysage est le coeur de la représentation, d’une part en abordant le style de vie rude, violent, mais adapté à ce territoire évidé des plaines chez Mateo Booz[32] où coutumes religieuses, jalousie et rituel s’affrontent, chez Estanislao S. Zeballos[33], où l’errance tourne au cauchemar, à la disette, à la survie[34], ou chez Juan Carlos Davalos[35] qui arpente les sommets enneigés des Andes dans une lente et fatale transhumance bovine. D’autre part, la veine de Ezechiel Martinez Estrada[36], de Ricardo Güiraldès[37], d’Amado Nervo[38] et de José Lion Depetre[39] insiste sur le pittoresque dans une perspective soit touristique, soit mémorialiste, qui montre le caractère en bonne partie révolu de l’espace frontalier argentin, tenu dès lors pour une source de tradition, de transmission capable d’alimenter un imaginaire résolument urbain. D’ailleurs, Depestre continuera ce travail dans une chronique voyage qu’il rédige durant quelques numéros (nos 25, 26, 27), où, par le biais d’expéditions de chasse, il en profite pour décrire des coins reculés de l’Amérique du Sud, tout en procédant à une ethnographie ethnocentriste, voire raciste, des populations amérindiennes rencontrées[40].

Ainsi, tous les auteurs argentins publiés dans Liaison appartiennent de près ou de loin à la mouvance régionaliste, dans la mesure où ils font paraître des textes qui mettent en évidence le terroir gaucho des grandes plaines argentines. Or, ce qui les intéresse, ce n’est pas tant le pittoresque que le rapport existentiel entre un mode de vie marginal, violent, isolé et le territoire hostile abritant ces hommes de la pampa. Il en résulte une écriture assez tellurique, centrée sur un bestiaire menaçant, sur une nature travaillée par la main humaine, mais toujours dangereuse, inquiétante, porteuse d’un mode de vie sans luxe, sans repère. La culture qui s’y déploie est vouée à l’éphémère, aux transmissions impossibles, aux mémoires oublieuses du vent, si bien que le drame qui se joue dans ce désert est celui d’un effacement, d’une dissolution de l’individu dans l’immensité d’une frontière sauvage où la folie, la mort, la vie ardue au sein d’une nature inviolable ont tôt fait de révéler l’horreur d’une existence hors d’une culture réconfortante. La sélection opérée par Liaison laisse entrevoir une lecture du régionalisme, non plus comme foyer d’une culture stable, celle d’un mode de vie canadien-français essentialisé, mais bien comme drame de la perte, comme conflit avec les éléments, comme expérience de l’isolement qui donne son sel au recours à la culture.

Dans ce contexte, récupérer des auteurs argentins, c’est travailler à l’avènement d’une écriture nouvelle de la campagne et des grands espaces canadiens, où la communauté n’est pas assurée par le travail du sol, où les coutumes sont problématisées, où le recours à l’altérité n’est pas vu comme la menace première. Liaison, en ce sens, reconfigure le régionalisme à la manière d’Yves Thériault[41], en mettant en scène des drames individuels dans la mesure où les êtres ploient sous la violence d’une nature indomptée. Les allusions à Charles-Ferdinand Ramuz ailleurs dans la revue[42] signalent qu’une voie s’ouvre autour d’un régionalisme renouvelé, à un moment où la ville est mise en représentation, non sans quelques problèmes s’il faut s’en fier aux interventions de Barbeau, à propos de Roger Lemelin[43], et de Marie Lefranc[44], à propos de Clément Marchand :

La Ville dévoreuse, la ville tentaculaire à laquelle il est dangereux pour le poète de revenir, à travers des chemins qui furent battus par un autre, qu’ils soient d’acier, de fer, de flammes ou de sang. À la décrire, la plume devient lourde comme marteau; les mots […] nous blessent l’oeil et les oreilles.

Une sélection est donc opérée, mais comment se réalise-t-elle? Qui en sont les médiateurs? Quel réseau permet le passage de ces auteurs argentins vers le Québec à une époque où la traduction au Québec est encore peu pratiquée? Deux éléments doivent être distingués, même s’ils sont à mettre en parallèle : le travail de traduction et le réseau qui permet le transfert. S’il y certainement passage de connaissance littéraire entre l’Argentine et le Québec, le circuit d’une telle mobilité référentielle est assez nébuleux, notamment parce que les traces concrètes de l’échange sont rares, que la revue est avare de commentaires sur ce point (les éditoriaux minimisant les informations fournies en les considérant comme intelligibles pour les lecteurs de l’époque rassemblés dans le syndicat coopératif) et que l’interculturalité entre le Québec et le Cône sud est susceptible de détours par la France, comme l’a montré Michel Lacroix (2004) pour les décennies précédentes.

Quoi qu’il en soit, des hypothèses peuvent être émises. D’abord, il est possible de penser que des échanges ont lieu entre les périodiques des deux pays. Barbeau, dans son mot du directeur, signale l’existence de trois périodiques latino-américains[45] dont il transmet les énoncés quant à l’avenir des revues culturelles. L’échange pourrait alors s’alimenter par une commune position socioculturelle sur le territoire américain : la volonté de constituer un corpus littéraire au sein d’une aire culturelle excentrée des grands centres légitimés. Pour nourrir son plaidoyer sur la création en revue et le coopératisme culturel par le biais argentin, Barbeau doit avoir sous la main des exemplaires de ces titres.

Plus concrète semble la piste française. Dans Liaison, le biais français est encore dominant : les chroniqueurs les plus réguliers sont français, dont Jean Mauduit qui devient dans la décennie 1940 le directeur de La Revue des deux mondes. Or, les liens entre l’Argentine et la France sont nombreux durant l’entre-deux-guerres. Parmi ceux-ci, deux méritent notre attention : d’abord, la création de la revue Sur en 1931 sous le patronage de Victoria O’Campo qui s’associe à une part de l’intelligentsia française (Drieu de La Rochelle, Jules Supervielle, Roger Caillois, Jacques Maritain) qui aura, dans certains cas, des liens forts avec la vie culturelle montréalaise (humanisme intégral, revue Gants du Ciel[46] de Guy Sylvestre, collaborateur à Liaison), surtout avec l’Occupation française qui accentue le triangle Buenos Aires / Paris / Montréal. Ensuite, la publication durant cinq ans de La Revue Argentine, sous la direction d’Edmond de Narval (pseudonyme d’Octavio González Roura, inventeur de la « gomina » pour les cheveux), qui consacre 32 numéros à établir une reconnaissance réciproque des lettres des deux pays, en se plaçant dans l’optique de La Nouvelle Revue française[47]. Quiroga, Amorim et Estrada y sont publiés en traduction, de même que Güilardès, qui y trouve le premier traducteur[48] de son classique Don Segundo Sombra (1927). La francophilie de Liaison pourrait bien être en concordance avec la posture adoptée pour la revue franco-argentine, qui aurait servi de truchement au transfert vers le Québec. Le fait que Pierre-Charles Roncal ait traduit un texte dans le numéro 14 va en ce sens, dans la mesure où il collaborait activement à La Revue Argentine dans le même rôle.

Le réseau entre le Québec et l’Argentine a aussi d’autres ramifications, qui court-circuitent le détour français. Ainsi, la Société des écrivains canadiens, cofondé puis présidé par Barbeau, axe une partie de son travail de promotion des lettres du Québec dans des ambassades culturelles en Amérique du Sud. La Société a multiplié de 1937 à 1944 les activités culturelles avec les pays latins des Amériques, ce qui faisait d’ailleurs partie du mandat initial de la Société, puisqu’elle visait à « intéress[er] la critique française et sud-américaine à leurs oeuvres[49] » et à faire « paraître leurs articles [ceux des membres] dans les journaux et périodiques de l’Europe et de l’Amérique du Sud[50] ». Ainsi, des ouvrages canadiens-français sont expédiés dans les universités mexicaines, brésiliennes et argentines avec l’aide du Secrétariat de la province de Québec, une exposition de livres, financée par le gouvernement fédéral, sillonne l’Amérique du Sud en 1943, des bulletins bibliographiques sont envoyés vers ces mêmes pays. Enfin, autour des célébrations du tricentenaire de la fondation de Montréal, un concours poétique est organisé en 1942 avec pour thème la ville. Un Gala clôture ces célébrations, « auxquelles nous avons associé, dans une commune pensée de solidarité latine, les représentants diplomatiques des pays latins d’Amérique[51] ». Sous la présidence de Barbeau,

[d]e 1936 à la fin des années 1950, la Société [des écrivains canadiens] participe à des expositions à l’étranger, notamment à New York et en Amérique du Sud en 1942, au Venezuela en 1954 et à Bruxelles en 1958. La plupart du temps, les ouvrages sont achetés par le secrétariat de la Province puis offerts aux bibliothèques des pays hôtes, ce qui permet à la production canadienne-française de rejoindre de nouveaux publics. Cette ouverture des frontières repose sur un réseau institutionnel constitué d’écoles, d’universités, de centres culturels et d’ambassades. Les relations diplomatiques de Jean Bruchési y sont sans doute pour quelque chose[52].

Par ailleurs, il faut se rappeler qu’outre Victor Barbeau, l’un des membres les plus actifs de cette Société est Olivier Maurault[53], alors recteur de l’Université de Montréal. Celui-ci est un animateur culturel très influent dans les cercles latins qui s’organisent autour du Québec et du Mexique, étant souvent mandaté pour accompagner des étudiants qui se rendent dans ce pays. Il est donc au fait des accords et des rapprochements entre les Latins des Amériques[54]. Il y a tout lieu de croire qu’une part des échanges de la Société, et par extension de Liaison, passe par ce biais catholique et latin. Une nuance s’impose ici : les principaux contacts de Maurault sont mexicains, alors que les oeuvres littéraires publiées dans Liaison proviennent d’Argentine. Mais Maurault, grâce à ses liens avec André Dagenais[55] est reçu en Argentine en 1946[56] pour des conférences, ce qu’il relate dans Par voies et par chemins de l’air (1947).

Néanmoins, la filière institutionnelle est intéressante en vertu des mouvements concrets (et bidirectionnels) d’échanges (livres, publicités, voyages) et de la bilatéralité des sociétés d’écrivains. De fait, Ezechiel Martinez Estrada, auteur d’un texte ethnographique sur la pampa argentine et la vie des habitants de ce nord désertique (no 8), a été président de la Sociedad Argentina de Escritores (SADE) de 1942 à 1946, association qui est le pendant sud-américain de la Société des écrivains canadiens, qui a été dirigé par Victor Barbeau jusqu’en 1944. Estrada est aussi un collaborateur de la célèbre revue Sur, qui publie les nouvelles de Jorge Luis Borges et qui est dirigée par Victoria O’campo. Celle-ci a été associée à Roger Caillois, le « découvreur » de Borges en France, dans l’expérience de la revue Lettres françaises, l’une des publications outre-mer des écrivains français sous l’Occupation[57], avec Gants du ciel et autres périodiques québécois et new-yorkais.

Les traducteurs impliqués dans le transfert culturel sont peu nombreux, surtout que des traductions ne sont pas attribuées. Le plus actif est Francis de Miomandre, qui s’occupe de trois textes, ceux de Quiroga, déjà traduits en France sous sa gouverne, et le dernier d’Amorim. Bien que la carrière littéraire de Miomandre se soit déroulée en France, au sein de la droite catholique, il a été un sociétaire et un collaborateur à Liaison, en soumettant un article historique (no 14). À cela s’ajoutent d’autres traducteurs français comme Gaston Adam, Pierre-Charles Roncal et l’hispaniste Marcel Bataillon. Du côté québécois, la seule contribution avouée est de Madeleine Grandbois, nouvelliste régionaliste, auteure de Maria de l’hospice (1945), qui collabora assez régulièrement à la revue. Sa contribution permet à Liaison d’effectuer une percée du côté de la poésie, alors que l’esthétique classique et intimiste de Fernandez Moreno est mise de l’avant dans le numéro 16. Considérant qu’outre Grandbois, les traducteurs impliqués dans l’échange n’occupent qu’un rôle périphérique dans l’équipe éditoriale, il faut soumettre l’hypothèse que le transfert s’effectue à une autre échelle que celui de la révélation du savoir littéraire argentin par le biais d’un passeur culturel.

Conclusion

La recension de Liaison montre que la revue s’est engagée dès le départ à promouvoir un lieu d’échange culturel où les acteurs impliqués formeraient une équipe partageant sinon des goûts esthétiques, du moins une même définition de la culture et de l’art comme détermination sociale. Liaison, en créant un réseau et un syndicat coopératif de consommation culturel, participe à une autonomisation des arts en les affranchissant d’un marché économique et en les éloignant des relents du discours nationaliste de repli. En joignant les lecteurs et les auteurs dans une confrérie commune, où l’anonymat est levé, Barbeau et les autres animateurs de la revue plaident pour un modèle culturel élitiste.

Or, il faut voir ce réseautage serré, centré sur une reconnaissance réciproque des acteurs culturels du Québec, comme un moyen d’asseoir la légitimité de l’écriture canadienne-française, tant par la diversité des oeuvres et des auteurs que par le discours d’accompagnement qui accentue la valeur culturelle attribuée au domaine artistique. Dans ce contexte, le recours à l’étranger sert de garant et de déplacement, suivant l’origine du biais exogène et la valeur générale attribuée au corpus qui soutient ce référent. Si la reconnaissance française est normalisée, comme en font foi la présence d’autorités culturelles à la barre des chroniques et la récurrence des auteurs français impliqués, l’avènement d’une référence argentine participe davantage d’une mutation et d’un déplacement que d’une consécration.

En recourant fréquemment au corpus littéraire et essayiste argentin, transféré par les jeux de traduction, Liaison s’aventure sur un terrain encore assez neuf, sans pour autant en faire l’enjeu du périodique. La naturalisation opérée vient alors appuyer à la fois une connivence entre les corpus, une collaboration qui prend la forme de relations diffuses mais constantes et un réalignement proposé du corpus canadien-français du côté d’un régionalisme tellurique et tragique[58], où le drame existentiel des Amériques, à savoir le vertige de l’espace démesuré et le choc d’une altérité incommensurable, se joue en contiguïté dans l’espace continental. Sans qu’un discours sur l’américanité ou sur la latinité soit explicitement proposé par Liaison, l’Argentine littéraire dévoilée révèle bien une ouverture canadienne-française vers le Sud, de même qu’une soif de connaissance de cette aire encore à découvrir. Il n’est donc pas étonnant de retrouver alors dans les archives de la revue une lettre de Barbeau adressée à Guy Sylvestre qui signale : « un papier sur les lettres brésiliennes ferait mieux mon affaire[59] » que la conférence que lui proposait l’ambassadeur canadien au Brésil, M. Désy. Dans les années 1940, la littérature sud-américaine, certes de manière moins importante que les États-Unis et la France, est apparue comme un lieu de renouvellement des lettres au Québec et la revue a tenté de « servir » de « liaison » pour effectuer cette percée.