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Le présent ouvrage s’inscrit dans le mouvement des études empiriques d’analyse du processus de traduction et des produits de la traduction professionnelle. Ces études tentent notamment de découvrir les processus mentaux mis en oeuvre au cours de l’activité traduisante.

L’auteur a retenu en l’occurrence le couple de langues allemand-suédois, la méthode du think aloud et l’approche du double ciblage. La méthode de raisonnement à voix haute (réflexion parlée) consiste à inviter les traducteurs à verbaliser tout ce qui leur passe par la tête au cours de leur travail. Ces verbalisations sont alors transcrites sous forme de protocoles, lesquels sont ensuite analysés dans le détail.

Le texte allemand original consistait en un bref article (120 mots, 5 phrases) tiré du magazine Der Spiegel (n°33/1999), portant le titre Primatenforschung, Sprechende Affen (des singes qui parlent !). Les répondants de langue maternelle suédoise se répartissaient en deux catégories, d’une part, quatre traducteurs semi-professionnels (moins de deux ans d’expérience) et, d’autre part, quatre traducteurs confirmés. Tous allaient devoir traduire deux fois le même texte : une première fois pour les lecteurs du grand quotidien Dagens Nyheter et une deuxième fois pour les lecteurs d’un journal pour enfants (8 à 14 ans), Kamratposten. Ce double ciblage, soit les deux destinataires très différents, implique un changement de Skopos. Cette théorie lancée par K. Fiss et J. Vermeer (1978) décrit la traduction comme une opération de transfert culturel, ce qui l’éloigne des théories linguistiques plus formelles qui avaient prévalu jusqu’alors.

La traduction est fonction du Skopos, c’est-à-dire de sa finalité, de l’effet produit dans la culture de réception. C’est l’approche fonctionnelle.

L’auteur consacre un abondant chapitre (130 p.) à la description minutieuse de schémas de recherche, du profil des répondants, du public cible et aux analyses quantitatives et qualitatives des traductions.

En conclusion, il dégage les lignes de force suivantes : 1) deux semi-professionnels et un traducteur confirmé se sont livrés à de nombreuses verbalisations et ont procédé à diverses phases de révision ; 2) les verbalisations ont été plus limitées dans la deuxième traduction (ce qui est logique, l’original était déjà mieux analysé ; 3) les semi-professionnels ont fait preuve de plus d’application, les autres semblaient moins engagés ; 4) les traducteurs confirmés ont utilisé les dictionnaires de façon plus rapide et efficace.

Il constate également que dans le paysage de la traductologie d’aujourd’hui, la méthode de raisonnement à voix haute peut encore conduire à des résultats plus fins, notamment par la prise en compte de textes plus techniques, d’autres catégories de traducteurs (techniques et littéraires) et de textes plus longs.

Au total, il s’agit d’un ouvrage bien structuré et qui met bien en lumière les apports, il est vrai limités, de la réflexion parlée.

Reste à savoir si cette méthode peut aider à l’édification d’une traductologie mieux fondée, notamment à l’élaboration de modèles à valeur explicative générale. Elle demeure encore faible vu les limites des corpus et des groupes témoins.