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I. Introduction

Avant d’aborder la question relative à la nécessité d’enseigner l’interprétation simultanée avec texte en anglais, il convient tout d’abord d’expliquer ce que signifie l’expression. Elle présuppose avant tout une interprétation simultanée se faisant avec un texte qui n’est ni écrit dans la langue d’arrivée ni écrit dans la langue de départ de l’interprète. Cette langue est en l’occurence l’anglais en Corée et force est de constater que la plupart des interprètes professionnels coréens spécialisés dans deux langues autres que l’anglais n’ont malheureusement pas cette langue dans leur combinaison linguistique.

Ce type d’interprétation présuppose également que l’interprète, pris sous le feu des deux canaux - auditif et visuel -, doit maîtriser en même temps deux langues de départ, par exemple le coréen ou le français pour la partie auditive et l’anglais pour la partie texte. Dans la plupart des cas, les orateurs, qu’ils soient francophones ou coréanophones, optent pour une présentation de leurs écrits en anglais tout en prenant la parole dans leur langue maternelle. Cette situation survient lors des interprétations de relais, très fréquentes en Corée étant donné qu’une conférence trilingue nécessite systématiquement ce type d’interprétation. Et lorsqu’il y a recours au texte anglais, l’interprète écoute depuis la cabine pivot réservée au coréen en suivant ce texte pour l’interpréter ensuite, par exemple, en français.

Réfléchir sur les raisons pour lesquelles l’interprétation simultanée peut se faire via un texte en anglais mérite une attention particulière. Trois éléments fondent en tout cas l’importance de se pencher sur le sujet, encore largement inexploré.

Le premier revêt un aspect théorique. Aucune étude poussée n’a été consacrée jusqu’à présent aux effets d’une troisième langue intervenant dans le processus de l’interprétation simultanée. Li Feng (2001) a traité ce thème partiellement pour uniquement évoquer les difficultés nées de l’absence de documents dans la langue de travail des interprètes chinois. Ce point est certes non négligeable. Toutefois, des recherches approfondies en ce domaine pourraient mettre en lumière les stratégies adoptées par les interprètes professionnels lorsqu’ils font face à deux langues de départ dans les conditions extrêmes que sont celles de la simultanéité.

Le deuxième élément revêt un aspect pratique. De plus en plus d’orateurs préfèrent de loin que leurs textes anglais soient visualisés sur un écran. Aujourd’hui, les supports rédigés dans cette langue sont légions lors des conférences économiques et scientifiques. Cette situation concerne d’autres combinaisons linguistiques et celle voyant l’emploi de l’anglais est appelée à prendre de l’ampleur à l’avenir, cette langue étant devenue universelle. Nombreux interprètes coréens interrogés lors de séminaires internationaux admettent être en difficulté lorsque l’interprétation simultanée se fait avec un texte en anglais, sans toutefois pouvoir en expliquer les raisons ou proposer des stratégies adéquates pour se tirer d’affaire. Une analyse de corpus serait souhaitable en vue de trouver des solutions et d’élaborer un modèle en matière de traitement des deux canaux pour deux langues données et concernant les entrants.

Le troisième élément concerne l’aspect pédagogique. Alors que l’enseignement de l’interprétation a toujours été dispensé en fonction des aléas du terrain, on observe une disparité dans le domaine de l’interprétation simultanée ayant pour base un texte. Dans le curriculum actuel de notre école, il n’existe d’ailleurs aucun cours consacré à ce type d’interprétation, si bien que chaque enseignant se voit libre d’aborder le sujet lorsqu’il le désire. Il va sans dire que le travail via des textes anglais est pratiquement inexistant et que nos étudiants n’ont guère l’occasion, par conséquent, d’apprendre le métier dans les conditions réelles du terrain.

Nous nous proposerons de laisser de côté les aspects théorique et pratique et de nous occuper uniquement de la question pédagogique. Cet article sera donc concentré sur l’importance de pratiquer dans les conditions réelles du terrain, avec pour cadre une expérimentation à laquelle ont participé des étudiants de deuxième année.

II. Expérimentation

Les étudiants concernés par cette expérimentation étaient ceux de deuxième année de la section interprétation de conférence[1]. Ayant enseigné l’interprétation consécutive pendant un an à ces mêmes étudiants alors qu’ils étaient en première année, puis l’interprétation simultanée spécialisée[2] pendant le premier semestre de leur deuxième année, nous avions conscience du niveau de chaque étudiant. Le nombre de participants a été de quatre, nombre relativement faible mais qui est celui de l’effectif total de la section interprétation de conférence. Parmi les quatre, deux avaient vécu en France plus de 8 ans - l’un deux connaît d’ailleurs le français comme sa propre langue maternelle - un, 6 ans et un autre, 3 ans. Comparée à celles des années précédentes, cette classe avait aussi une expérience de séjours plus longs à l’étranger, si bien que la maîtrise de la langue B leur était plus aisée par rapport à d’autres étudiants ayant eu à leur actif une seule année de séjour linguistique en France.

Les documents utilisés avaient récemment servi lors d’une conférence internationale portant sur les programmes mis en oeuvre pour éliminer les accidents de la route. Les textes en format powerpoint étaient en anglais et le discours se basant sur ce support d’une durée de 10 minutes pour chaque intervention, c’est-à-dire 10 minutes depuis le coréen vers le français et 10 minutes depuis le français vers le coréen.

L’expérimentation a eu lieu en fin de premier semestre. Les documents powerpoint[3] rédigés en anglais ont été distribués 20 minutes à l’avance et le thème de la conférence simulée a été donné une semaine auparavant. Les étudiants ont donc eu une huitaine de jours pour préparer un lexique sur le thème abordé, lexique qu’ils devaient rendre le jour de l’examen. Ils avaient eu trois cours d’interprétation simultanée pendant tout le semestre, mais c’était la première fois qu’ils utilisaient des powerpoints en anglais.

Les étudiants éprouvent tous des difficultés lors de l’interprétation simultanée avec texte. Gile (1995a : 185) cite trois raisons pour expliquer ceci : les caractéristiques linguistiques des textes écrits différenciant ceux-ci des discours, les risques d’interférence linguistique et la difficulté de suivre le discours oral en même temps que le texte écrit. Dans sa thèse de doctorat, Déjean (1978) souligne également les difficultés liées à la lecture du texte par rapport à une situation d’improvisation orale. Toutefois, lors de notre test, il n’a pas été tenu compte des caractéristiques linguistiques des textes écrits qui ont été des powerpoints, étant donné que ces derniers en montrent peu. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle ils ont été choisis, car une lecture d’un texte entièrement rédigé aurait signifié une tâche trop difficile pour les étudiants. Dans le cas des powerpoints, les étudiants ont pu bénéficier d’une marge de manoeuvre suffisante pour contrôler leurs productions. Cette expérimentation aura de toute façon été un point de départ pour une recherche approfondie dans le domaine de l’interprétation simultanée voyant la mise en jeu d’un texte-support en anglais.

Une première difficulté ayant été éliminée, il a fallu nous intéresser à une autre. Les risques d’interférence linguistique restent toujours importants car l’interprète doit, dans certaines situations, se référer au texte anglais, comme c’est souvent le cas depuis l’anglais vers le français. En fait, il s’agit là d’un double problème, car l’interprète traduit vers la langue B via une autre langue qui n’est même pas sa langue C. Si son intuition linguistique est réduite, il réagira de manière moins sensible aux interférences. Celles-ci prêtent en outre facilement à confusion, vu les maintes similarités syntaxiques[4] existant entre l’anglais et le français. Et c’est sous la pression que les étudiants en formation sont souvent tentés de recourir au texte anglais, ce qui rend plus facile le transcodage. La formule latine Verba volant, scripta manent pourrait suffire à elle-seule pour expliquer cette tendance émanant de la part des interprètes à vouloir s’appuyer davantage sur l’écrit que sur l’oral. Les similarités syntaxiques entre l’anglais et le français sont finalement une donnée supplémentaire.

La situation de simultanéité liée à l’utilisation de trois langues en même temps étant une réalité en Corée, l’interprète se voit régulièrement dans l’obligation de manipuler deux supports et de comparer sans cesse le premier - le support auditif coréen - au deuxième qui, lui, est un support visuel rédigé en anglais. Ainsi lui est-il plus difficile de se repérer lorsqu’il y a déviation de l’orateur par rapport au texte écrit.

III. Analyse des résultats

Le but de cette expérimentation était de vérifier les effets de l’utilisation de l’anglais et de ceux d’un support écrit, dans le domaine de l’interprétation simultanée. En cas d’effets négatifs, la production des étudiants en formation montrerait ainsi plus de transcodage en raison des interférences linguistiques et ces derniers seraient alors plus tentés d’interpréter le texte écrit au risque de se déconnecter du discours de l’orateur.

3.1 Modalités de présentation de texte

Maints auteurs ont souligné l’importance des modalités de présentation de texte à la suite de l’observation d’interprétations simultanées (Pöchhacker, 1994 ; Messina, 1998 ; Gile 1995b). La construction du corpus passe d’abord par la précision des variables émanant de l’entrant et parmi elles, le mode de présentation est de loin celle qui est la plus facilement contrôlable. Il n’en demeure pas moins que cet aspect a été peu étudié en tant que variable isolée.

Reprenant la classification de Kopczinski (cité dans Ondelli, 1998), Pöchhacker (1994 : 237) élabore le text delivery profile et aborde la variable en fonction de la préparation du texte. Pour lui, un texte est extemporaneous, preconceived (notes ou plan sans texte écrit), presented (texte écrit destiné à être lu oralement) ou read (texte écrit destiné à être publié). L’interprétation simultanée avec texte met en jeu les deux derniers types de présentation, de loin les plus courants lors des conférences internationales - la fréquence d’apparition du texte anglais fera d’ailleurs l’objet d’une enquête ultérieure. Pour revenir aux powerpoints, l’orateur lit certaines parties écrites et improvise pour ce qui est du non-écrit.

C’est justement dans le traitement des parties écrites qu’interviennent les interférences linguistiques en raison de la présence de la troisième langue qu’est l’anglais. Celles qui surviennent entre la langue B et l’anglais peuvent avoir des effets encore plus désastreux car le risque de ne pas les reconnaître (Newmark, 1982 : 162) augmente considérablement. Dans le contexte des pays non anglophones, dont fait partie la Corée, le text delivery profile doit prendre en considération la langue de présentation dans laquelle sont rédigés les documents lorsqu’elle est différente de la langue parlée par les orateurs.

3.2 Analyse des erreurs

L’analyse des interprétations a montré une différence par rapport à celles produites tout au long du semestre. Au lieu d’une transcription détaillée sur les erreurs repérées lors des interprétations qui ont eu lieu avec texte, nous ne citerons que les grandes catégories pour les plus fréquentes lorsque l’on compare aux interprétations sans texte, afin d’accentuer la nécessité de formation de l’interprétation simultanée ayant pour support un texte anglais.

Premièrement, nous observons plus d’omissions. Contrairement à des idées reçues, les textes, au lieu d’être une source d’information importante pouvant aider à remédier aux problèmes liés à la mémoire, constituent un obstacle pour les étudiants dont la charge mentale s’accroît, étant donné que les efforts fournis pour lire l’anglais viennent troubler leur écoute. L’exemple suivant, depuis un corpus coréen, illustre bien le genre d’omissions concernées ainsi que le manque de ciblage dans le processus d’interprétation.

Après avoir éliminé le sous-titre de cette diapositive, l’étudiant ne se rend pas compte qu’il lie la hausse des accidents de la route à la diminution du trafic routier, laquelle explique pourtant la réduction des accidents. Une pause intervient alors car il essaie de repérer ce qu’il entend avec le texte et quand il perçoit que l’orateur parle de la diapositive suivante, il est déjà en retard par rapport à celui-ci. Sans se souvenir de ce qu’il vient de dire, il enchaîne directement avec les facteurs de réussite.

Ce qui est intéressant, c’est que tous les participants omettent des éléments essentiels, tels que les titres, puisqu’ils leur faut du temps pour se réorienter lorsque l’on passe à une nouvelle diapositive. En outre, le fait d’avoir sous les yeux le titre de chaque paragraphe conduit les étudiants à oublier le non-dit et souvent ils ont l’impression que le public partage ce qu’ils lisent concernant le texte, même s’ils ne le traduisent pas.

Deuxièmement, nous observons plus de substitutions. Celui qui n’a pas saisi ce qui a été dit par l’orateur préfère lire le texte mis en jeu plutôt que de s’interrompre.

Ainsi, sans tenir compte du discours oral, l’étudiant traduit le powerpoint. Souvent des orateurs ne mentionnent pas ce qui est écrit et ajoutent des informations supplémentaires. Dans ce cas, leur vouloir-dire n’est aucunement respecté.

Troisièmement, nous observons plus de transcodages. Alors que les interférences sont moindres entre le français et le coréen en raison de la quasi impossibilité du transcodage, la tentation est forte pour les étudiants faisant face à l’anglais. L’exemple suivant illustre le phénomène :

Que veut dire type de voyage ? Alors que sur la diapositive figure un graphique sur lequel on peut lire piétons, bicyclettes, 2 roues, voitures, l’étudiant, oubliant ce qu’il a appris préalablement, transcode automatiquement travel type par type de voyage. Le transcodage du coréen donnerait type d’état car dans cette langue travel n’y figure pas. Dès que commence l’énumération, l’élève se déconnecte du texte pour un transcodage de l’anglais, opération qui lui semble plus facile.

Quatrièmement, nous observons plus de fautes grammaticales. Alors que leur niveau de français était plutôt relevé, les apprenants ont commis de nombreuses fautes de grammaire, fautes qui n’apparaissaient pas aussi fréquemment lors de leurs interprétations simultanées libres vers le français. La charge mentale supplémentaire, issue du fait de suivre le texte en même temps, détruit l’équilibre de l’étudiant qui sacrifie sa production en faveur de l’analyse (Gile, 1985). En effet, l’effort de compréhension devient plus grand lors du couplage des supports auditif et visuel.

3.3 Modèle de processus d’interprétation simultanée avec texte

Le processus d’interprétation simultanée avec texte en anglais peut être illustré comme suit, d’après le modèle de Weber (1990) :

Figure 1

Modèle de processus de la simultanée avec texte en anglais

Modèle de processus de la simultanée avec texte en anglais

-> See the list of figures

Les flèches en gras indiquent une charge mentale importante par rapport à l’exploitation de textes faite dans la langue de travail, car si la langue du texte et celle de l’orateur étaient la même, le repérage du passage serait automatique. Le premier mot énoncé par l’orateur suffira dans certains cas pour retrouver la phrase correspondante. Toutefois, dans le cas d’un texte anglais, des efforts supplémentaires devront être consentis car l’interprète aura à lire la phrase entière pour vérifier si elle correspond bien au passage mentionné par l’orateur. Souvent, le premier groupe de mots ne constituera pas un indice suffisant dans la recherche du passage correspondant. À cause de la présence du texte, l’interprète devra ainsi fournir un double effort pour la compréhension de l’énoncé et de celle du texte anglais.

En psycholinguistique, il a été dit que les yeux du lecteur qui lit à haute voix fixent 5 ou 7 mots à l’avance avant qu’il ne les lise (Huey, cité par Carroll, 2004). Le mouvement des yeux de celui qui suit la lecture sur support écrit suit le même rythme. Dans le cas de l’interprète faisant face à la lecture de l’orateur, il en est de même. Tout en concentrant son attention sur la partie lue par l’orateur, ce dernier fixe en même temps la partie suivante, soit un triple processus mental s’articulant sur l’audition du discours prononcé par l’orateur, le repérage lié à la compréhension du texte anglais et la saisie de la partie suivante.

IV. Retombées pédagogiques

Ceci démontre bien la nécessité d’entraîner les étudiants à la pratique de l’interprétation simultanée avec texte en anglais, dans le cas de la Corée où une langue intermédiaire est un must, le coréen n’étant pas une langue universellement parlée. Seleskovitch (1989), Weber (1990) et Laplace (1998) ont souligné l’importance de la formation concernant la traduction à vue. La maîtrise des techniques des interprétations consécutive et simultanée ne suffit pas et l’interprète débutant ressent des difficultés lors d’une interprétation simultanée avec texte, particulièrement lorsqu’il n’a pas eu la possibilité de lire ce dernier, ce qui l’oblige ainsi à s’investir plus au niveau de l’écoute au risque d’omettre des informations qui figurent pourtant dans le texte. Un enseignement adéquat dispensé pendant la formation permettra de l’armer plus efficacement face à ce genre de situation.

Toutefois, la situation coréenne actuelle montre qu’il n’existe pas de cours spécialement consacré à l’interprétation simultanée avec texte. Certains enseignants, conscients du changement survenant sur le terrain, consacrent quelques heures sur le sujet dans le cadre de leurs cours semestriels. Conscients des difficultés soulevées, nous avons consacré le semestre de l’interprétation simultanée spécialisée sur le thème avec l’utilisation de powerpoints en anglais, quand les circonstances l’ont permis. Deux étudiants qui avaient dans leur combinaison l’anglais faisait partie du cours en question pendant le second semestre, l’exercice a été possible, si bien que le semestre de formation s’est révélé fructueux quant à surmonter les difficultés liées à l’emploi du support visuel.

Néanmoins, une interprétation simultanée avec texte rédigé en anglais semblait difficile à appliquer en classe et ce pour deux raisons. Premièrement, l’option devant être proposée que si l’on maîtrise les techniques de l’interprétation simultanée, elle ne pouvait par conséquent qu’être enseignée au cours du deuxième semestre de la deuxième année. Toutefois, l’importance de l’examen final est tel qu’il est pratiquement impossible de l’ intégrer dans le curriculum. En effet, étant donné que la simultanée avec texte ne figure pas dans l’examen final, les étudiants ne sont pas prêts à consacrer leur deuxième semestre à une méthode d’interprétation qu’ils affronteraient seulement sur le terrain. Deuxièmement, dans l’état actuel où prévaut une combinaison majeure de deux langues, ni l’enseignant ni l’étudiant ne sont en mesure de préparer comme il le faudrait un texte anglais pour une production en simultané avec texte.

Quelles alternatives sont alors envisageables ? Comme le souligne Weber (1990), il est important d’intégrer l’interprétation simultanée avec texte, même si celui-ci n’est pas en anglais, comme composante de l’examen final, ce qui accentue sa légitimité d’enseignement. D’un autre côté, un cours entièrement consacré à cette matière permettra à l’enseignant de proposer une sélection d’exercices depuis un texte anglais.

Toutefois, le problème de la maîtrise du texte anglais dresse un nouvel obstacle. Notre idée est de mener un cours conjointement avec la classe des étudiants qui ont l’anglais dans leur combinaison linguistique. Les étudiants coréen-français pourraient se joindre à eux pendant le cours d’interprétation simultanée avec texte afin d’être mieux préparés. Mais une difficulté en cache une autre, celle du relais. Les étudiants coréen-français devront toujours s’appuyer sur la cabine pivot lorsqu’ils interprèteront depuis le coréen vers le français, via un texte anglais.

Une autre solution serait l’élaboration d’un discours en coréen ou en français à partir d’un texte originalement anglais. L’utilisation d’un support, écrit par un anglophone, est une réponse à la difficulté de rédiger un texte dans cette langue. Mais le discours prononcé par un étudiant se basant sur ce texte pourra montrer les mauvais aspects liés à la traduction à vue. Pour que les étudiants n’aient pas l’impression d’être confrontés à une traduction à vue mal avancée, l’orateur devra rédiger son texte, destiné à être lu, avant son intervention. Un cours triangulaire impliquant la présence d’un professeur anglophone sera l’occasion d’une étude instructive des fautes produites dans la langue source lorsque celle-ci est le coréen. En ce qui concerne une production en simultané avec texte depuis le français vers le coréen, le cours triangulaire permettra au professeur de vérifier la fidélité de l’interprétation des étudiants. La pratique avec des textes en anglais permettra alors aux étudiants de prendre contact avec le terrain.

V. Conclusion

De plus en plus de documents anglais sont présentés lors des conférences internationales ou franco-coréennes. La fréquente projection de diapositives de powerpoint impose de montrer des textes rédigés en anglais pour que chaque partie puisse en saisir le sens. Souvent, les interprètes se voient contraints de pratiquer l’interprétation simultanée avec texte, mais en anglais. L’implication d’une troisième langue dans les conditions extrêmes que sont celles de la simultanéité entraîne inévitablement une charge mentale supplémentaire dans tout processus d’analyse de l’information de la part de l’entrant. Dans notre enseignement actuel, les interprètes affrontent ce phénomène pour la première fois lorsqu’ils font leurs premières armes sur le terrain.

L’expérimentation réalisée auprès d’étudiants en cours de formation a montré des erreurs typiques issues de l’utilisation d’un texte anglais. Des cours consacrés au type d’activité concernée seront les bienvenus pour mieux préparer les étudiants à la vie professionnelle. La mise en place de ces nouveaux cours ne se fera pas, en tout cas, sans celle d’un examen final pour évaluer si les étudiants ont pleinement pris conscience de l’importance de l’interprétation simultanée avec texte. Pour les non-anglophones, la maîtrise de l’anglais devra cependant être une réalité, tant dans l’acquisition des connaissances thématiques et terminologiques - étant donné que les documents distribués lors des conférences internationales sont pratiquement tous en anglais – que dans celle des techniques mises en oeuvre, au niveau de la pratique.