Comptes rendus

Sablayrolles, J.-F. (2000) : La néologie en français contemporain. Examen du concept et analyse de productions néologiques récentes, Paris, Honoré Champion éditeur, coll. « Lexica », no 4, 589 p.[Record]

  • Jean-Claude Boulanger

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  • Jean-Claude Boulanger
    Université Laval, Québec, Canada

Les années 1990 n’ont guère été prolifiques en matière de production de livres, d’articles ou de communications prenant la néologie comme thème, tandis que peu de rencontres scientifiques spécifiquement consacrées au sujet ont été organisées. Cependant, la néologie et son corollaire, la formation des mots, sont toujours demeurés des objets d’enquête sur au moins deux plans : la recherche terminologique, notamment au Rint, et la recherche universitaire sous la forme de projets subventionnés et sous celle de la rédaction de mémoires et de thèses. L’ouvrage soumis ici à l’examen est un fort volume issu, justement, d’une thèse de doctorat en linguistique achevée en 1996. L’auteur envisage la néologie non seulement à partir des théories linguistiques qui s’y arrêtent sous l’angle de la morphologie, principalement, mais il a poussé son étude du côté d’autres disciplines, comme la phonologie, la syntaxe, la sociolinguistique, l’analyse du discours, la pragmatique, etc. Bref, il balaie tout le spectre de la néologie. Au résultat, l’ouvrage établit une correspondance intéressante entre quelques concepts fondamentaux de la vie du lexique comme la « morphologie », la « formation des mots » et la « néologie », cette dernière s’ouvrant sur de plus vastes perspectives. Le travail d’analyse est fondé sur un certain nombre hypothèses : Jean-François Sablayrolles [JFS] cherche à vérifier ces hypothèses et à étudier ces questions en se fondant sur un ensemble de six corpus et sur leurs examens comparatifs. Toutefois, la recherche est restreinte à la langue courante ; les aspects pathologiques, le creusement des dimensions historiques et l’envergure universaliste ont été évacués de l’analyse ou allusivement effleurés. Sous l’angle de l’abord théorique, l’auteur sollicite des chercheurs généralistes (langue générale), surtout des Français, chacun représentant un courant de pensée linguistique (analyse du discours, morphologie généraliste, sémantique du texte, lexicologie, etc.), ce qui est tout à fait recevable. Il délaisse ou ignore – il ne le dit pas – presque totalement les recherches francophones extérieures à la France. L’ouvrage est divisé en trois parties, chacune étant redéployée en trois chapitres. La première section trinitaire (chapitres 1 à 3) est chapeautée par l’état de la question ; la seconde (chapitres 4 à 6) porte sur l’examen méthodique du concept de « néologie » et sur des propositions de définitions ; la dernière (chapitres 7 à 9) est une analyse des dimensions sociolinguistiques et énonciatives d’un corpus de mots nouveaux recueillis entre 1989 et 1994 dans le milieu scolaire (textes écrits et productions orales), dans la presse écrite (journaux et magazines), dans la littérature, dans des chroniques et dans un réservoir fourre-tout (audiovisuel, conversations, affiches, etc.). Les sources du corpus constituent des geysers classiques du surgissement des néologismes, le classique des classiques étant bien entendu la presse. Aujourd’hui, on y additionnerait sans doute les canaux de discussion sur Internet. Une très brève conclusion, 150 pages d’annexes, un court index notionnel et une généreuse bibliographie, aux références souvent incomplètes d’ailleurs, terminent le livre. Le Chapitre un est un panorama évolutif du concept de « néologie » et de la métalangue désignative qui s’est développée dans l’histoire chez les Grecs, les Latins et les francophones. Trois facettes apparaissent toujours : le phénomène de la nouveauté, l’unité lexicale et l’acte créateur. Il est intéressant de noter que dans chaque civilisation, la nouveauté fait résonner les idées de bizarrerie et de connotation plutôt défavorables. Ce qui ramène à l’esprit le jugement fameux de la fin du xviiie siècle : « La néologie est un art, le néologisme est un abus. » Ce chapitre est un bon résumé historique pour le français, quoiqu’il soit fort discret sur la Renaissance, qui reste à …