La traduction audiovisuelle : un genre en expansion[Record]

  • Yves Gambier

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Chaque jour, nous sommes devant un écran. Un écran d’ordinateur pour rédiger, calculer, projeter, vérifier, contrôler, se renseigner, échanger ; un écran de télévision pour s’informer, se divertir, se former ; un écran de cinéma ; un écran qui reçoit des vidéos domestiques, d’entreprises, des jeux, etc. Grands et petits, ces écrans diffusent des nouvelles, reflètent des cultures, manifestent des comportements, orientent nos idées et sensations, nous ouvrent à d’autres langues, à d’autres valeurs… On peut ne plus lire de journaux, de romans… mais il est difficile désormais, au moins dans nos sociétés postindustrielles, d’éviter de lire les écrits à l’écran – textes qui défilent, instructions, annuaires, encadrés, formulaires, tableaux synoptiques, dialogues sous-titrés, schémas de fonctionnement, etc. Dans certaines communautés, la télévision par exemple renforce les capacités de lecture ; elle aide à l’apprentissage des langues. Certaines chaines (BBC World, en GB ; TV5 francophone ; TV4 en Suède, etc.) ont compris ainsi le rôle des sous-titres intralinguistiques pour développer les compétences langagières des migrants, ou encore pour mieux intégrer les sourds et les malentendants. La traduction audiovisuelle (TAV) relève de la traduction des médias qui inclut aussi les adaptations ou éditions faites pour les journaux, les magazines, les dépêches des agences de presse, etc. Elle peut être perçue également dans la perspective de la traduction des multimédias qui touche les produits et services en ligne (Internet) et hors ligne (CD-Rom). Enfin, elle n’est pas sans analogie avec la traduction des BD, du théâtre, de l’opéra, des livres illustrés et de tout autre document qui mêle différents systèmes sémiotiques. La TAV (cinéma, télévision, vidéo d’entreprise et domestique, radio) est un domaine de réflexion et de recherche assez récent, notamment depuis le centième anniversaire du cinéma (1995). Depuis, le nombre de conférences, de thèses, de mémoires, d’ouvrages, d’articles s’est multiplié rapidement. C’est aussi une pratique en plein développement et non sans contradictions ou paradoxes puisque les technologies permettent l’émergence de nouveaux modes de traduction mais que les conditions de travail sont affectées par cette évolution. Trois problèmes fondamentaux se posent dans le transfert linguistique audiovisuel, à savoir la relation entre images, sons et paroles, la relation entre langue(s) étrangère(s) et langue d’arrivée, enfin la relation entre code oral et code écrit, imposant de se réinterroger sur la norme de l’écrit dans des situations où les messages sont éphémères. Bien des écrits sur la TAV se sont bornés aux avantages et inconvénients respectifs du sous-titrage et du doublage. C’est une vision étriquée tant les modes de traduction se sont multipliés récemment. On peut distinguer 12 modes. Cette liste est un peu longue, mais elle souligne combien le traducteur peut et doit élargir son offre de service ! Quels sont les points communs à tous ces modes ? D’une part, ils brouillent les frontières entre l’écrit et l’oral, la traduction et l’interprétation ; d’autre part, ils mettent en évidence l’importance à accorder aux publics visés (enfants, sourds, etc.). Ainsi le sous-titre, opposé à la traduction (écrite) des réparties (orales) des pièces de théâtre, peut être considéré comme une sorte d’interprétation simultanée. En effet, les deux : En fait, il y a de nombreux passages entre écrit et oral dans la production audiovisuelle : le scénariste concoit ses dialogues… par écrit ; le metteur en scène lit le script… en l’entendant, selon sa propre conception, dans la bouche d’acteurs donnés ; les acteurs donnent une version oralisée ; le sous-titreur passe de l’oral à l’écrit (inversant le processus des acteurs) ; quelquefois, quelqu’un lit à haute voix les sous-titres pour un tiers qui perçoit mal les lettres sur l’écran. La TAV apparaît …

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