Avant-propos[Record]

  • Christian Balliu

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  • Christian Balliu
    Haute École de Bruxelles, Bruxelles, Belgique
    cballiu@heb.be

Pour fêter son 50e anniversaire, la revue Meta a choisi de consacrer un numéro spécial à l’Enseignement de la traduction dans le monde. Il faut dire que cette discipline fait l’objet d’une préoccupation constante depuis des siècles, sous toutes les latitudes, ce qui la rend justiciable d’une approche scientifique. Depuis toujours, la revue a réservé une place de choix à la pédagogie dans ses publications. Les écoles de traduction et d’interprétation ne sont pas nées durant la seconde moitié du xxe siècle, comme on pourrait le croire ingénument. L’histoire nous offre nombre d’exemples d’une pédagogie de la traduction adossée à l’observation du travail des maîtres : une traductologie appliquée en quelque sorte. Il semble par conséquent judicieux de faire aujourd’hui l’état de la question dans le domaine et de s’interroger sur l’enseignement de la traduction en fonction des spécialités et de l’environnement socioculturel, lequel a toujours déterminé une « philosophie » de la traduction, y compris dans le choix des originaux à traduire. Ce numéro thématique sera consacré à définir la traduction sur le plan conceptuel, à en délimiter les contours et à en analyser les variantes. Il s’emploiera aussi à appréhender ce qu’il est convenu d’appeler – souvent mal à propos – la traduction des « langues de spécialité » et à souligner l’importance trop souvent négligée du sociolecte dans l’activité traduisante. Enfin, il mettra en lumière l’enseignement de la traduction dans différents pays, sans omettre les spécificités du marché. Les domaines abordés vont des programmes universitaires à la didactique de la traduction médicale, philosophique ou de l’interprétation, en passant par le statut de l’erreur et la docimologie. Le lien avec le marché sera mis en exergue, établissant ainsi le pont vers une traductologie appliquée, indispensable dans toute offre de formation. De même, les disciplines annexes nécessaires au viatique de l’apprenti traducteur seront envisagées. Comme on le constatera, l’activité traduisante ne peut exister in abstracto et ne varietur, pour reprendre l’expression du regretté Edmond Cary ; elle est sociologiquement déterminée. Le iiie Congrès de la FIT, tenu à Bad Godesberg en 1959, insistait déjà sur le caractère téléologique de la traduction. C’est pourquoi les participants à ce numéro, s’ils partagent une grande expérience de l’enseignement de la traduction, voire de l’interprétation, proviennent d’horizons et de milieux très divers, notamment sur le plan géographique. Nombre d’entre eux possèdent également une longue carrière professionnelle. Leur contribution témoigne du polymorphisme et de la richesse du domaine : les auteurs travaillent dans des pays aussi différents que l’Allemagne, l’Arabie Saoudite, l’Autriche (ONU), la Belgique, le Canada, la Chine, la Corée du Sud, l’Espagne, la France, le Liban, la Roumanie, la Suisse ou la Tunisie. J’ai souhaité que ce numéro soit concret et que les références théoriques s’appuient en permanence sur des exemples tirés de la pratique, loin des argumentations filandreuses aussi indigestes que prétentieuses. En effet, les cas d’école sont trop souvent choisis pour illustrer des thèses a priori et non pour les induire a posteriori ; c’est le meilleur moyen de dissocier théorie et pratique et de séparer « ceux qui savent » et « ceux qui font ». En un mot, traductologie et traductographie doivent être indissolublement liées. J’ai voulu avant tout donner la parole à ceux qui réunissent au sein de leurs activités pratique de la traduction et enseignement de celle-ci, afin d’éluder les considérations dénuées de tout enracinement pragmatique. Les nombreux exemples cités n’oublient pas l’étudiant, ce diamant brut qu’il convient de polir et dont on parle à mon sens trop peu dans les textes consacrés à l’enseignement de la traduction. Qu’il me …