Comptes rendus

Baigorri Jalón, J. (2004) : De Paris à Nuremberg : Naissance de l’interprétation de conférence, traduit de l’espagnol sous la direction de Clara Foz, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 289 p.[Record]

  • Mayra S. Parra

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  • Mayra S. Parra
    Université de Montréal, Montréal, Canada

La naissance de l’interprétation de conférence, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est souvent associée au procès de Nuremberg en 1945. En fait, la confusion règne encore trop souvent parmi les non-initiés entre l’interprétation de conférence, l’interprétation judiciaire et l’interprétation communautaire, entre le chuchotage, la consécutive et la simultanée. Il fallait un « homme de métier » pour démêler l’écheveau, dépouiller les archives et débroussailler le terrain de l’histoire moderne de l’interprétation. Jesús Baigorri, qui a exercé le métier aux Nations Unies pendant plusieurs années et l’enseigne à l’Université de Salamanca, a entrepris cette tâche. Il nous raconte les premiers pas des pionniers de l’interprétation de conférence, bien avant Nuremberg, soit en 1919, à la Conférence de la Paix de Paris. L’ouvrage publié par les Presses de l’Université d’Ottawa dans la collection Regards sur la traduction est en fait la traduction de la thèse de doctorat de l’auteur (Baigorri 2000). Il faut célébrer ici l’heureuse collaboration entre les quatre étudiantes de l’Université d’Ottawa qui ont participé à la version française sous la direction de Clara Foz. L’ouvrage couvre une période courte pour un historien, à peine un quart de siècle, mais suffisante pour retracer l’origine de ces magiciens de la parole que sont les interprètes. Il porte donc « sur l’interprétation employée pour la rédaction du pacte de la Société des Nations et la négociation du traité de Versailles imposé à l’Allemagne » (p. 8) et se prolonge jusqu’à l’adoption de l’interprétation simultanée à Nuremberg. Le livre est divisé en cinq chapitres : 1. la conférence de la paix ; 2. l’entre-deux-guerres ; 3. la naissance de l’interprétation simultanée ; 4. les interprètes des dictateurs ; et 5. le procès de Nuremberg. La Conférence de la Paix, tenue à Paris en 1919, est importante pour au moins deux raisons langagières. D’abord, elle marque le début de la fin de la langue française comme langue diplomatique, puisque c’est alors que l’anglais gagne du terrain à mesure qu’augmente le poids politique de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Ensuite, elle met en évidence le besoin systématique de l’interprétation, une tâche mal définie à l’époque. Les interprètes étaient choisis pour leur connaissance des langues et des cultures ; ils avaient pour la plupart une formation universitaire, mais ils apprenaient à interpréter « sur le tas ». Le « métier » ne connaissait encore ni normes ni règles. Plusieurs interprètes de la Conférence de la Paix avaient travaillé pendant la Première Guerre mondiale et possédaient donc une certaine expérience qui fut très appréciée. Retenons les noms des principaux interprètes de cette Conférence : Gustave Camerlynck, Léon Dostert, Jean Herbert et Paul Mantoux, le plus remarqué, un modèle pour ses collègues. Les modalités de travail au cours de la Conférence de Paris allaient de la consécutive longue avec prise de notes (qui servaient ensuite à la rédaction des procès-verbaux), à la consécutive courte, sans prise de notes, la traduction à vue de documents lors des séances, en passant par le chuchotage, notamment dans le cadre des commissions. À l’époque, les interprètes ne pouvaient pas compter sur les conditions techniques pour garantir la qualité de leur travail ; l’acoustique notamment était de piètre qualité. Au départ, l’interprétation était un mal nécessaire pour ceux qui ne maîtrisaient pas le français ou l’anglais. Malgré son indéfinition, le travail de l’interprète était quand même jugé selon des critères subjectifs. On s’attendait à ce que la durée du discours de l’interprète ne dépasse pas celle de l’original et on appréciait l’éloquence de l’interprète, parfois supérieure à celle de l’orateur. Les premières questions déontologiques commençaient à se poser : l’interprète peut-il modifier …

Appendices