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Tout comme la traduction, les prix accordés par diverses institutions peuvent contribuer à la canonisation des oeuvres littéraires. Gisèle Sapiro évoquait en 2010 le « pouvoir de consécration » de la première ; Barbara Godard, quant à elle, a déjà qualifié les seconds d’« instances de légitimation ». Or, si quelques chercheurs, dont Spencer (2012) et Pickford (2011), se sont intéressés à la traduction d’oeuvres récompensées par de grands prix européens comme le Goncourt, le Man Booker et le Buchpreis, les relations entre ces deux phénomènes demeurent peu étudiées en contexte canadien. Il y a pourtant matière à réflexion. En 1968, Philip Stratford notait que seuls 13 des 142 livres couronnés par les Prix littéraires du Gouverneur général (GG) depuis leur fondation, en 1936, avaient été traduits (cinq de l’anglais au français et huit du français à l’anglais). On peut se demander si la situation a évolué depuis. À cet effet, une cueillette de données exhaustive s’impose.

Dans le cadre de ce colloque anniversaire, nous souhaitons faire le point sur les recueils de poésie de langue anglaise ayant remporté un GG entre 1955 et aujourd’hui. Plus précisément, nous chercherons à déterminer combien d’entre eux ont été traduits en français, puis nous mettrons au jour certaines tendances : par qui et à quel moment ces livres ont-ils été traduits ? L’instauration des subventions à la traduction du Conseil des arts a-t-elle changé la donne ? Quels rapprochements peut-on faire avec d’autres distinctions canadiennes plus récentes, comme le Griffin Poetry Prize ? Cette démarche permettra de mieux comprendre les mécanismes de canonisation de nos littératures nationales et de faire émerger de nouvelles avenues à explorer pour les poètes, les traducteurs et, bien entendu, les traductologues.