Abstracts
Résumé
Cet article se propose, à travers une étude diachronique réalisée à partir de dictionnaires et d’une base importante de textes anciens japonais et coréens, de montrer comment les concepts issus de la civilisation occidentale et importés ont été nommés en Asie du Sud-Est. Cette étude s’inscrit dans le cadre d’un projet de recherche portant sur la néologie en Corée, au Japon et en Chine. La terminologie au centre de notre étude est indissociable du contexte sociopolitique. La néologie se fait d’abord à l’initiative de missionnaires au XVIIe siècle, puis au XIXe siècle, conduisant à la création de termes religieux, mais aussi scientifiques. Cependant, par un souci de modernisation, c’est le Japon qui contribue le plus à la néologie scientifique, d’abord au contact des Hollandais, et plus encore au moment de l’Ouverture à l’Occident à la fin du XIXe siècle. Par-delà le Japon, les autres pays suivent une évolution parallèle dans la création de néologismes en recourant à des procédés similaires de création lexicale, certes en moindre proportion. Néanmoins, les Chinois, les Coréens et les Vietnamiens empruntent massivement les néologismes créés par les Japonais, par la (re)traduction vers leurs langues respectives d’ouvrages occidentaux traduits en japonais. L’abandon des mots chinois pour les néologismes japonais non seulement par les Coréens, mais aussi par les Chinois eux-mêmes, ainsi que la prédilection des Japonais pour les emprunts phonétiques s’explique par la défaite de la Chine dans la guerre sino-japonaise (1895), mais aussi par le caractère novateur et attrayant des néologismes japonais. Enfin, c’est par souci d’identité linguistique que les Chinois, et surtout les Vietnamiens, créeront leurs propres néologismes après 1919.
Mots-clés :
- néologisme,
- emprunt,
- création lexicale,
- termes scientifiques,
- Asie du Sud-Est
Abstract
This paper aims to show, through a diachronical study, how concepts imported from Western civilization were named in South-East Asia, through the help of dictionaries and a huge database of ancient Japanese and Korean texts. This study is part of a research project specializing on Korean, Japanese and Chinese neology. The terminology used in this study is indissociable from the sociopolitical context. Neology, first introduced by the missionaries in the 17th century and continued in the 19th century, led to the creation of religious as well as scientific terms. However, for the sake of modernization, it is Japan who contributed the most to scientific neology, first through its contact with the Dutch, and more thoroughly at the period of “the Opening” to the West at the end of the 19th Century. In addition to Japan, other countries followed a parallel evolution in the creation of neologisms using the same processes of lexical creation, but to lesser extents, especially for religious terms and words related to everyday life. However, for scientific terms, the Chinese, Koreans and Vietnamese borrowed heavily from the Japanese, via translation or retranslation of Western works translated into Japanese.The abandonment of Chinese words in favor of Japanese neologisms not only by the Koreans but also by the Chinese themselves, and the preference of the Japanese for phonetic loans can be attributed to the defeat of China in the Sino-Japanese War (1895) as well as by the innovative and attractive nature of Japanese neologisms. Ultimately, for the sake of linguistic identity, the Chinese, and especially the Vietnamese after 1919, conceived their own neologisms.
Keywords:
- neologism,
- loan word,
- lexical creation,
- scientific terms,
- South-East Asia
Appendices
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