Abstracts
Résumé
Tout acte de traduction laisse des traces dans la mesure où le traducteur « emprunte » une voix qui n’est pas la sienne. Ce faisant, le traducteur révèle la clé de sa démarche, qui vise soit à s’effacer derrière la voix de l’auteur traduit, à être le passeur en quelque sorte d’une autre parole poétique, d’un autre regard sur le monde, soit au contraire à imprimer sa voix, à influer sur le traduire. Cela implique une prise en compte de la visibilité du traducteur, donc de sa subjectivité et par là même, une remise en cause des concepts traditionnels de la théorie et de la pratique de la traduction ayant trait à la fidélité, au sens et à l’interprétation. Traduire, c’est réécrire l’original non seulement pour faire passer un sens mais aussi pour refléter une certaine idéologie, introduire de nouveaux concepts, de nouveaux genres, bref, innover.
La position du traducteur face à l’altérité diffère selon qu’il cherche à narguer les règles de sa langue culture estimant qu’elles ne suffisent pas à rendre compte du contenu du texte à traduire, ou à l’inverse, à ne pas laisser subsister de points d’interrogation pour ne pas désorienter le lecteur et concevoir ainsi la lecture d’un texte traduit comme si l’auteur s’était directement exprimé dans la langue de traduction.
Dans ce contexte, nous interrogerons les pratiques des traducteurs arabes de l’ouvrage phare d’Edward Saïd, Orientalism, telles qu’elles sont données à lire à travers leurs préfaces. Nous ferons ensuite le lien avec la réception de l’ouvrage dans le monde arabe. Ces préfaces interrogent aussi le statut du traducteur : auteur de plein droit ou traducteur découvreur ? Telles sont les questions auxquelles nous nous intéresserons pour étudier l’empreinte du traducteur sur le texte.
Mots-clés :
- frontière,
- voix,
- trace,
- emprunt,
- explicitation-implicitation,
- naturalisation-exotisation
Abstract
Every act of translation leaves a trace insofar as the translator “borrows” a voice that is not his. In doing so, the translator reveals the key to his approach, whereby he aims either to hide behind the voice of the translated author, to be a sort of a go-between, as it were, of another’s poetic expression, of a different perspective on the world, or, conversely, to imprint his voice and thus exert an influence on the translated text. This notion takes into account the visibility, and hence the subjectivity, of the translator, thereby challenging traditional concepts within the theory and practice of translation with regard to fidelity, meaning and interpretation. To translate is not only to rewrite the original with the purpose of conveying its specific meaning, but also to reflect a certain ideology, to introduce new concepts and genres, in short, to innovate.
The position of the translator in the face of alterity differs depending on if he chooses to flout the rules of his cultural language, considering it insufficient for capturing the content of the text to be translated, or, on the contrary, if he chooses to eliminate unresolved issues in order to avoid disorienting the reader, thus formulating a reading of the translated text as if the author had directly expressed himself in the target language.
Working within this framework, we will examine the practices and methodologies of Arabic translators of Edward Saïd’s monumental work Orientalism as they are presented in the prefaces to the various translated editions. We will then establish a link with the reception of Saïd’s work in the Arab world. The prefaces also question the role of translators: are they authors in their own right or translators/discoverers? These are the principal questions of interest in this study on the imprint of the translator on the text.
Keywords:
- frontier,
- voice,
- trace,
- borrowing,
- explicit-implicit,
- foreignization-domestication
Appendices
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