DocumentationComptes rendus

Guillaume, Astrid, dir. (2016) : Traduction et implicites idéologiques. Besançon : Éditions La Völva, 206 p.[Record]

  • James Archibald

…more information

  • James Archibald
    Université McGill, Montréal, Canada

Fruit de deux journées d’études tenues à l’Université Paris Sorbonne en février 2016, ce recueil dirigé par Astrid Guillaume réunit un choix d’articles qui s’ouvrent sur de nouvelles perspectives en traductologie. La prise de position de l’ouvrage repose sur l’omniprésence de l’idéologie dans la langue source et, par voie de conséquence, dans le texte cible. La réflexion sur le transfert traductif d’une langue-culture source vers une langue-culture cible exige de la part du traductologue une compréhension fine des idéologies implicites dans un nombre de sphères d’influence qui interagissent dans la production des traductions. C’est en effet ce que nous appelions jadis la contextualisation. Il revient au traductologue de reconnaître l’intentionnalité explicite et implicite des textes ainsi que les écarts de sens afin de mieux comprendre les processus et procédés de traduction en jeu. Il en résulte une nouvelle approche de sémiotraductologie qui dépasse nettement les méthodes d’analyse plus traditionnelles et qui raffine notre compréhension de ce qui est traduisible et de ce qui ne l’est pas. Michaël Oustinoff cadre cette nouvelle orientation sémiotraductologique dans sa préface. Selon lui, pour comprendre l’implicite des textes de départ et réussir un transfert compréhensible, l’analyse doit forcément axer sa démarche sur des questions d’ordre « extra-linguistique ». Peut-on faire entendre la même chose dans un transfert linguistique sans une bonne évaluation des imaginaires idéologiques des langues-cultures sources et cibles à la fois, se demande-t-il. Il faudra miser plutôt sur cette intelligence culturelle tant prisée dans les pays de culture anglo-saxonne pour en arriver à un savoir-traduire qui ne se réduit pas à l’approche mécaniste qui risque de vider tout texte de son contenu idéologique et de sa grande valeur d’artefact culturel. Afin d’explorer la mise en application de cette approche théorique, Astrid Guillaume a regroupé les onze chapitres en trois grandes sections thématiques : (a) sciences et techniques ; (b) sociétés et politiques ; et (c) arts et culture. L’écart entre source et cible est bien illustré dans l’article sur la traduction en Chine que nous propose Frédéric Le Gouriérec de l’Université de Poitiers. Pour lui, la notion d’idéologie relève d’un mode de pensée même en traduction scientifique, car les sphères d’influence culturelle et politique sont d’autant plus multiples que l’analyse idéologique en traductologie s’impose. Dans un deuxième temps, Serge Tchougounnikov de l’Université de Bourgogne met en question l’objectivité prétendue de textes scientifiques traduits dans divers contextes sociopolitiques. Son analyse du concept même du langage met en question l’objectivité de la traduction scientifique et nous oblige à tenir compte des influences interculturelles. Ces notions se répercutent aussi sur les individus qui manipulent en traduisant les idiolectes et sociolectes dans le même temps, selon Romain Rivaux de la Florida Atlantic University. Il évoque aussi la problématique de la traduction assistée par ordinateur (TAO) qui arrive beaucoup plus facilement à filtrer les sociolectes en raison de la récurrence des paradigmes linguistiques propres à l’utilisation et la réutilisation de la langue au sein de groupes relativement uniformes. La traduction idéolectique s’adapte difficilement à la TAO, car celle-là est asymétrique et sujette à des influences culturelles individualisées. La problématique tourne plutôt autour de la créativité de l’idiolecte personnel, qui peut aussi être le reflet d’une idéologie, d’où l’importance de l’analyse sémiotraductologique proposée par Astrid Guillaume. Vient clôturer cette première partie du recueil l’article de Raúl Ernesto Colón Rodriguez de l’Université d’Ottawa, qui s’interroge sur les enjeux idéologiques de la traduction collaborative et la (re)politisation des traductions. La deuxième partie du volume est consacrée à l’idéologie de la traduction dans des contextes sociopolitiques. Dans leur étude d’un corpus de cent articles issus du Printemps arabe, Munaf Abbas et Ramia …