DocumentationComptes rendus

Delisle, Jean et Otis, Alain (2016) : Les douaniers des langues. Grandeur et misère de la traduction à Ottawa. 1867-1967. Québec : Presses de l’Université Laval, 491 p.[Record]

  • Aura E. Navarro

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  • Aura E. Navarro
    Université Concordia, Montréal, Canada

Qui dit histoire de la traduction au Canada dit Jean Delisle. Professeur émérite de l’Université d’Ottawa, Jean Delisle écrit cette histoire depuis plus de trois décennies. Ses apports à la pédagogie de la traduction mais surtout à l’histoire de la traduction au Canada sont très nombreux. Pensons, notamment, aux ouvrages suivants : La traduction au Canada : 1534-1984 (Delisle, Gallant, et al. 1987), Les traducteurs dans l’histoire (Delisle et Woodsworth 1995), Portraits de traducteurs (Delisle 1997), Portraits de traductrices (Delisle 2002) et La terminologie au Canada : Histoire d’une profession (Delisle 2008). L’histoire de la traduction au sein du gouvernement fédéral canadien avait déjà fait l’objet d’une étude par Jean Delisle lui-même dans son ouvrage Au coeur du trialogue canadien. Croissance et évolution du Bureau des traductions du Gouvernement canadien (1984), publié pour commémorer le cinquantenaire de cet organisme fédéral. Après avoir abordé sommairement l’histoire de la traduction au Canada, de l’arrivée de Jacques Cartier au Canada en 1534 à la création du Bureau en 1934, Delisle reconstitue cinquante ans d’histoire de l’organisme : de son organisation et ses premières innovations, en passant par la diversification des services dans les années 1950 et 1960 (la mise sur pied de l’interprétation simultanée ainsi que d’un centre de terminologie), jusqu’à son rôle en matière de promotion des langues officielles au début des années 1980. Dans Les douaniers des langues, Delisle couvre une période bien plus large. Ainsi, il nous emmène découvrir le fonctionnement des services de traduction dans l’administration fédérale canadienne de 1867, année de la Confédération, à 1967, année du centenaire de cette dernière. Ce passionnant chapitre de l’histoire canadienne est raconté par Delisle de la main d’Alain Otis, ancien professeur de l’Université de Moncton (2002-2014) qui a travaillé au sein du Bureau de la traduction pendant vingt-six ans. D’après l’exergue Les langues ont leurs frontières, leurs limites et leur douane que Delisle et Otis publient au tout début de l’ouvrage, le titre de l’ouvrage a été inspiré des mots de José Ortega y Gasset (1937/1970). Dans l’introduction, les auteurs décrivent les traducteurs comme des « travailleurs intellectuels effacés » (p. 1) qui jouissent d’une certaine visibilité historique lorsqu’on se réfère à leurs occupations connexes, et non pas à leur travail comme traducteurs. Tel est le cas de Chateaubriand, Baudelaire, Dryden et Littré, devenus célèbres pour leurs écrits et non pour leurs traductions. Inscrit dans le cadre des « études sur le traducteur » (Chesterman 2009), Les douaniers des langues présente la vie de nombreux traducteurs fédéraux, pour la plupart des gens lettrés ayant participé activement à la vie politique et littéraire de la société canadienne. Le premier chapitre aborde le débat autour de la traduction de Dominion par Puissance dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique dans le contexte de la Confédération canadienne. Imposée par l’autorité en place (le premier ministre Sir George-Étienne Cartier), cette traduction polémique a été largement critiquée, y compris par son propre traducteur, Eugène-Philippe Dorion. Plus de cent ans se sont écoulés avant que les termes Dominion et Puissance disparaissent avec la rédaction de la nouvelle Loi constitutionnelle de 1982. Delisle et Otis se servent de cet exemple pour souligner que le temps finit par donner raison aux traducteurs. Les examens des concours pour le recrutement de nouveaux traducteurs, les privilèges des traducteurs des Débats et des Lois sur les autres traducteurs fédéraux, la classification des traducteurs selon leur niveau de compétence et d’expérience selon le rang, sont quelques-uns des sujets abordés dans le deuxième chapitre. En outre, Delisle et Otis commentent que sous l’Union et tout juste après la Confédération, le …

Appendices