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L’équipe éditoriale de Meta s’excuse sincèrement du retard pris cette année pour les numéros 64(1) et 64(2) ainsi que pour celui-ci. Même si pour certains un retard de trois mois est tout à fait pardonnable, compte tenu de l’envergure de la revue, nous nous en tenons grande rigueur. Pour l’année du 65e anniversaire (2020), nous veillerons à remédier à cette situation. Nous remercions nos fidèles lecteurs de leur patience et compréhension.

Les deux premiers articles émanent des pays scandinaves, comme toujours très actifs en traductologie. Le premier sur la traduction d’un ouvrage en anglais en langues scandinaves et le second sur la migration d’ouvrages de la Caraïbe en Suède. Dans le premier, rédigé en espagnol, Åse Johnsen se penche sur les difficultés posées par la présence de plusieurs langues dans un même ouvrage. Elle étudie la traduction en danois, norvégien et suédois d’un ouvrage majeur de Junot Díaz, The Brief Wondrous Life of Oscar Wao, écrit dans un anglais parsemé de mots en plusieurs langues. En dépit de leur appartenance linguistico-socio-culturelle très semblable, les trois traducteurs ont toutefois opté pour une démarche différente dans chaque cas. Le second article, d’Yvonne Lindqvist, étudie la bibliomigration de Dany Laferrière, Maryse Condé et Patrick Chamoiseau en langue suédoise. La double consécration d’une oeuvre issue d’une culture dite périphérique par l’ancien pouvoir colonial et les centres littéraires de la culture américaine et britannique apparaît comme essentielle pour sa bibliomigration. L’article vise également à examiner d’un point de vue méthodologique les mécanismes de consécration.

Suivent deux articles en lien avec l’interprétation. Le premier de Benoit Léger étudie la perception de l’interprète professionnel ou ponctuel (fixeur) qui travaille auprès de journalistes étrangers dans une zone de conflit. C’est dans les écrits de quatre journalistes ayant couvert le Proche-Orient, l’Asie centrale ou la Turquie que sont comparées les différentes perceptions du rôle de ce médiateur linguistique, soit l’image qu’en transmettent ces quatre reporters anglo-saxons ainsi que l’absence (ou quasi-absence) de représentation de ces interprètes. De l’Asie, on passe au sud de l’Amérique du Sud pour observer les parlamentos hispano-mapuche, c’est-à-dire des conférences de paix tenues au sud du Chili entre l’armée coloniale espagnole et les autorités mapuche. Selon une approche sociohistorique et discursive, Danielle Zaslavsky, Gertrudis Payàs et Iveth Carreño, trois chercheures en lien avec l’Université de Temuco, se penchent sur certaines équivalences terminologiques qui font parte intégrante du vocabulaire politique des modalités d’interaction entre la couronne espagnole et les Mapuches.

Retour en Asie pour deux articles sur l’évolution identitaire, idéologique et littéraire dans les pays sinisés et en Chine. Le premier, de Guillaume Jeanmaire et Arnaud Duval traite de la transformation des langues et littératures héritières du chinois classique et de l’émancipation langagière et politique de la Corée et du Vietnam face aux ambitions colonialistes. En effet, des formes d’écriture renouvelées ont facilité la diffusion de connaissances nouvelles et la traduction et la création littéraire ont permis à ces deux pays de moderniser leur langue, leur système éducatif et par là même de redéfinir leur identité. Dans le deuxième, Wang Fen et Kelly Washbourne explorent un corpus composé d’anthologies de poésie chinoise classique d’auteurs multiples publiées entre 1890 et nos jours. Ils se concentrent sur les décisions et procédures relatives à l’histoire de la traduction, sur comment et pourquoi les anthologues sélectionnent les textes, sur le format de présentation, la provenance et le public cible. En explorant les critères de sélection, ils éclaircissent le problème complexe de la représentativité.

Les trois articles suivants se réfèrent d’une manière ou d’une autre à l’accessibilité dans son sens le plus large. Tout d’abord, Silvia Soler Gallego aborde l’audiodescription dans les musées d’art de quatre pays. Pour démontrer que la polémique autour de la subjectivité pourrait contribuer à l’élaboration d’une expérience plus significative, elle adopte une méthodologie associant analyse de corpus et analyse contextuelle, s’appuyant sur la linguistique cognitive ainsi que sur les théories de l’art. Ensuite, J. David Gonzalez-Iglesias Gonzalez et Antonio Martinez Pleguezuelos analysent l’accessibilité du sous-titrage dans les campagnes institutionnelles menées par l’État espagnol en vue de limiter les problèmes dérivés des violences à caractère sexiste. À partir de différentes enquêtes démographiques menées par le gouvernement espagnol et des mesures législatives prises, les auteurs examinent les paramètres appliqués au processus de sous-titrage de ces spots émis en Espagne entre 2006 et 2017. Pour ce faire, ils étudient la vitesse de lecture de chaque spot, la présence d’interprète en langue des signes, le narrateur ainsi que d’autres caractéristiques sémiotiques. Puis, Marcello Giugliano et Victòria Alcina Keith combinent les cadres fournis par l’imagologie et les études de traduction afin d’analyser comment la traduction peut fonctionner comme un outil de formation et de manipulation d’images. C’est l’image de l’identité nationale irlandaise représentée dans la pièce de théâtre Translations de Brian Friel et sur la manière dont ces caractéristiques ont été traduites en catalan qui est l’objet de leur analyse contrastive. Ils établissent ainsi une relation entre l’auto-image de l’identité nationale catalane et l’hétéro-image de l’identité nationale irlandaise dans la culture cible.

Gabriel Gonzalez Nuñez regarde au-delà des domaines officiels pour montrer que la politique de traduction y prend forme dans les domaines officiels en réponse à des facteurs extérieurs aux domaines eux-mêmes. Il examine ainsi les déterminants historiques et démographiques qui contribuent à façonner la politique de traduction dans deux contextes différents : Gwynedd (Pays de Galles) et Cameron (Texas). Il compare et oppose ces deux régions en termes d’histoire et de démographie pour décrire les politiques de traduction respectives et rendre apparents certains contrastes marqués.

Pour clore ce numéro, un article théorique de Limeng Chen qui présente Nietzsche comme un précurseur d’une traductologie postmoderne. Après un retour sur la pensée postmoderne de Nietzsche, l’auteur examine l’influence de celui-ci tout d’abord sur les penseurs modernes comme Heidegger, Gadamer, Foucault, Benjamin et Derrida, avec quelques mots pour Paul De Man et Georges Steiner. Ensuite, sur les théoriciens de la traduction comme Ezra Pound, Lefevere et Venuti.

Nos lecteurs apprécieront comme toujours un beau bouquet de recensions d’ouvrages récents et un peu moins récents. Meta n’a cessé d’envisager la publication de recensions comme l’une de ses missions fondamentales.

Finalement, l’équipe de Meta doit rectifier la date de publication de la première entrevue qui se trouvera dans le deuxième numéro de 2020 plutôt que dans celui-ci. Elle annonce également, pour l’année du 65e anniversaire, un remaniement des comités de rédaction et scientifique, tel qu’exigé par les organismes subventionnaires tant fédéral que provincial. Les noms des nouveaux membres de ces comités seront diffusés dès le premier numéro de 2020.

Bonne lecture !