DocumentationComptes rendus

Dussol, Vincent et Şerban, Adriana, dir. (2018) : Poésie-Traduction-Cinéma/Poetry-Translation-Cinema. Limoges : Éditions Lambert-Lucas, 358 p.[Record]

  • Yves Gambier

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  • Yves Gambier
    Turun Yliopisto, Turku, Finlande

Nombre de lecteurs se souviennent peut-être d’avoir vu à la télévision des boules de loto s’entrechoquant dans un globe en plexiglas. Dans le livre sous recension, il y a trois boules portant chacune un mot : poésie, traduction, cinéma. Elles ont sans doute une masse différente, car celle de la traduction sort peu du lot. C’est après avoir considéré le documentaire Dreaming Murakami (2017) de Nitesh Anjaan, tentant de restituer l’acte de traduire de Mette Holm, qui venait de mettre en danois Kaze no uta o kike (1979), premier roman de l’écrivain japonais Haruki Murakari, que les trois mots phares du livre en question ont fait déclic. Trois mots : quels pouvaient être le ou les liens entre eux – autrement qu’une jonction métaphorique ? Comment élaborer leurs « relations tangentielles » (p. 15) ? Les directeurs de l’ouvrage ainsi que les organisateurs du colloque à l’origine des réflexions ont eu conscience des ambiguïtés inhérentes au projet : comment en effet susciter, sélectionner les contributions ? Sur quels critères, si les trois mots sont des boules de hasard et prêtent à des définitions plurielles ? Certes, pour les trois, le montage joue un rôle-clé (voir ch. 2, 4. 8 à 10 et 17), il y a reconnaissance qu’on ne peut pas tout dire, tout comprendre, tout montrer, qu’il y a toujours forcément du jeu dans les interprétations de chacun et les combinaisons des trois, et enfin poètes, traducteurs, cinéastes sont des présences sensibles dans ce qu’ils réalisent. Une certaine approche pourrait aussi penser à la traduction comme des mots mis en images (ce serait l’adaptation conventionnelle), comme une thématique de films (du traducteur et de l’interprète comme personnages de fiction), ou encore comme moyen de diffuser de longs métrages grâce au sous-titrage et au doublage. Ces trois aspects de la traduction correspondraient-ils aux trois parties du livre ou ces dernières sont-elles articulées selon les trois mots-clés ? Ni l’un ni l’autre. La première partie du volume (Approches historiques) est composée de trois textes qui cherchent à établir les rapports surtout entre écriture et cinéma (ciné-mots), ou comment un certain cinéma des années 1920-1930 (à peine parlant) et des années 1960-1970 (souvent expérimental) s’est pensé par le prisme du langage verbal. Mathias Kusnierz (ch. 2) insiste avec pertinence sur le montage comme raccord mais aussi comme discontinuité, les films ne devant pas nécessairement représenter un réel ordonné, fluide. Il reprend une idée de Walter Murch, monteur de Francis Coppola, à savoir que le montage est fondé sur la perception oculaire, au rythme à la fois régulier et syncopé. Ce que les expériences en oculométrie, en traduction audiovisuelle par exemple, confirment : notre vision ne se fait pas en continu, de manière linéaire, mais par saccades et fixations. À l’image, si l’on peut dire, des écritures de Ezra Pound, de Louis Zukofsky et de Stan Brakhage (aussi au centre du ch. 9) qui sont des formes de scansion, de ruptures agencées (avec syncopes, césures, apocopes, etc.) – le discontinu étant au coeur du continu. Ce travail du rythme serait un processus de traduction inversé (d’une langue familière vers une langue étrangère), dite aussi antraduction (p. 81), ou comment sortir de ses routines cognitives, de sa zone de confort. En clôture de cette première partie, on a le manifeste de Konyves (2011) qui s’interroge sur la poésie visuelle, la vidéopoésie, non simple ajout d’images à un poème, non simple illustration de ce qui est dit mais genre de plein droit sur l’écran, libérant le texte de son immobilité sur la page. Il propose alors cinq catégories de vidéopoèmes, …

Appendices