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Jiménez-Crespo, Miguel A. (2017) : Crowdsourcing and Online Collaborative Translations. Amsterdam/Philadelphie : John Benjamins, 304 p.[Record]

  • Valérie Florentin

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  • Valérie Florentin
    York University (Glendon College), Toronto, Canada

En 2016, plus de 47,7 milliards de pages Web étaient référencées par Google et moins de 0,1 % de ces pages étaient traduites par des professionnels. GoogleTranslate, à lui seul, peut traduire au quotidien dix fois plus de mots que tous les traducteurs professionnels du monde. Ces chiffres surprenants, assénés en page 2, donnent le ton. Après deux décennies d’études de l’impact des progrès technologiques sur la traduction, l’intention de cette monographie est de dresser un portrait descriptif des pratiques actuelles et d’analyser leurs implications potentielles sur la traductologie et ses nombreuses sous-disciplines. Plus précisément, l’auteur s’intéresse aux traductions participatives (crowdsourcing) et collaboratives, y compris à la postédition de contenus traduits par GoogleTranslate. Il nous rappelle ensuite que, si toutes les paires de langues ne sont pas égales (puisque les machines ont besoin d’énormes corpus pour gagner en efficacité et que les bénévoles sont plus nombreux dans certaines communautés linguistiques), la traduction devient visiblement une pratique plus collaborative que jamais, d’où la nécessité de l’étude. Le chapitre 1 s’arrête moins sur les définitions de la traduction participative (l’une des traductions de crowdsourcing, terme né en 2006) que sur ses composantes (p. 14) : les bénévoles, la tâche et le « donneur d’ouvrage » sont clairement définis ; les participants reçoivent une compensation connue à l’avance ; tout le processus s’opère en ligne après un appel à candidatures plus ou moins ouvert. Il est intéressant de noter que cette définition disqualifie Wikipédia, contrôlée par les utilisateurs et non par un « donneur d’ouvrage » (mais l’auteur n’exclut visiblement pas le fansubbing, ce qui paraît contre-intuitif). Jiménez-Crespo se tourne ensuite vers les diverses approches participatives et présente (trop rapidement peut-être) deux typologies, selon les tâches. Ces deux modèles ne sont, à prime abord, pas destinés aux traductologues, mais s’avèrent généralement acceptés par les chercheurs spécialisés en crowdsourcing, et Jiménez-Crespo les précise ici en tenant compte de la place de la traduction. Selon Estellés-Arolas et González-Ladrón-De-Guevara (2012) : résolution d’un problème (ce qui comprend une certaine compétition entre les bénévoles) ; collaboration de type brainstorming (GetSatisfaction) ; création collaborative de contenus (où s’inscrit la traduction) ; financement participatif (Kickstarter, GoFundMe) ; partage d’opinions (Goodreads, Yelp). Selon Brabham (2008, 2013) : découverte et gestion de savoirs ; recherche ; création supervisée par les pairs ; tâches partagées (dont la traduction). Ces deux typologies sont d’autant plus intéressantes que la définition du crowdsourcing n’est pas encore parfaitement établie, puisque les opportunités de collaboration et d’appel au public ne cessent de se développer, notamment sur Internet. Enfin, le reste du chapitre discute plus spécifiquement des particularités de la traduction participative. Le chapitre 2 présente les différentes phases de la traduction participative : avant l’Internet, les débuts du Web (1980-1995), les débuts de la traduction participative (1995-2005), sa généralisation (2005-2010), puis sa monétisation (depuis 2010). Chaque époque est discutée en détail, avec des exemples à l’appui, et fournit un aperçu intéressant d’une tendance qui n’est, finalement, pas si récente qu’on pourrait le croire (la traduction de Wikipédia, par exemple, a débuté dès 2001). Le chapitre 3 s’intéresse à plusieurs aspects. Pour débuter, l’auteur décrit en détail le déroulement des opérations traductives collaboratives et prend plusieurs exemples : Facebook ; Kiva et Trommons ; TED et Amara ; le fansubbing. Il se tourne ensuite vers la postédition en traduction participative puis vers le rôle de la motivation. Dans ce chapitre, si l’on a un peu l’impression de sauter du coq à l’âne, la lecture demeure intéressante en tout temps et plante le décor pour les chapitres suivants, qui reprennent souvent des éléments discutés ici …

Appendices