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L’examen de la très grande majorité des manuels en économie et en management stratégique fait apparaître une lacune majeure : l’absence du droit de la concurrence. Pourtant « aucune entreprise ne peut aujourd’hui envisager de réaliser une opération de fusion-acquisition sans s’interroger, au préalable, sur la compatibilité avec les dispositions du droit de la concurrence ». Cette remarque de l’auteur ne concerne pas que les grandes firmes, les opérations de croissance externe impliquent aussi des entreprises moyennes en raison des seuils de contrôle retenus par les autorités souvent nationales.
Le livre du professeur Michel Glais de l’Université de Rennes 1 et expert judiciaire inscrit auprès de la Cour de Cassation en France, « Concentration des entreprises et droit de la concurrence » paru chez Economica en juin 2010, a pour objectif de développer d’une part les fondements analytiques sur lesquels s’appuient les autorités de la concurrence, et d’autre part d’illustrer l’analyse à partir de cas de la jurisprudence européenne et française. La grille de lecture économique et juridique qu’il fournit devrait permettre d’intégrer le droit de la concurrence dans la phase de diagnostic stratégique préconisée par de nombreux modèles ou cabinets. Le diagnostic concurrentiel, qui ne doit pas être confondu avec le schéma de Porter, doit permettre d’examiner le projet concerné, c’est-à-dire « les effets possibles et prévisibles sur le maintien d’une concurrence suffisante sur les marchés affectés par l’opération ».
Les opérations de croissance externe (concentration horizontale, concentration verticale et concentration conglomérale dont les effets d’efficience font débat, chapitre un), qui, pour l’auteur, constituent une des composantes incontournables de la logique économique d’une économie de marché, doivent être examinés afin qu’il n’y ait pas création « d’entités économiques dont le seul objectif est de se doter d’un pouvoir de marché exercé au détriment des consommateurs ». Sur ce point, le règlement communautaire précise que la notion de concentration est censée couvrir les opérations entraînant « un changement durable de la structure de marché ».
Le débat sur les gains d’efficience attendus par ces types de concentration « demeurent toutefois toujours difficiles à estimer en pratique ». La dernière section du premier chapitre développe ce point, elle est tout à fait intéressante, mais un peu courte. L’analyse doit déterminer l’impact réel d’une opération de concentration sur la promotion de l’efficience économique.
Pour l’auteur, le jugement doit être prudent car les difficultés méthodologiques donnent souvent des analyses différentes sur la validation de la thèse de l’efficience. Il nous cite l’apport des nouvelles analyses sur la prise en compte des modifications de l’environnement en donnant comme exemple les vagues de concentration aux États-Unis entre 1970 et 1990 qui ont été pour la plupart « justifiées par une nécessité de reconfiguration de secteurs profondément affectés par des modifications importantes de leur environnement ». D’autres exemples sont signalés comme le transport aérien, les télécommunications, le secteur bancaire par l’effet dérégulation, le secteur textile comme illustration d’une législation moins protectionnisme, les secteurs sidérurgique et agro-alimentaire comme illustration de la réduction des capacités de production dans un contexte de stagnation de la demande. Les chocs d’offre ou de demande sont donc des facteurs de modifications importantes. Le débat est ouvert entre les acteurs et les autorités : augmentation des pouvoirs de marché et donc réduction potentielle de la concurrence ou bien « signal de la nécessité de restructuration du secteur concerné » ? Pour M. Glais, ardent défenseur du processus concurrentiel, « la compétition pour l’acquisition des droits de propriété d’une entreprise constitue un des mécanismes fondamentaux de la pérennité du processus concurrentiel ainsi que d’une promotion plus rapide du progrès économique ».
Les opérations relevant du contrôle de la concentration (chapitre deux) sont : – celles qui permettent un contrôle exclusif d’une autre entreprise, et – la création d’une entreprise commune, (comme le signale l’auteur : une modalité très prisée de croissance externe).
La délimitation du marché sur lequel s’effectue l’opération (relevant markets) est un enjeu primordiale pour toutes les parties et bien sur un point de débat, comme le signale M. Glais : « plus le marché est en effet défini de façon étroite et plus l’opération envisagée risque d’affecter le maintien de la concurrence effective sur celui-ci » (chapitre trois). La Cour de Justice Européenne (dossier l’Oréal, 1981) indique sur ce point : « les possibilités de concurrence doivent être appréciées dans le cadre d’un marché regroupant l’ensemble des produits qui, en fonction de leurs caractéristiques, sont particulièrement aptes à satisfaire des besoins constants et peu interchangeables avec d’autres produits ».
Les pratiques des autorités communautaires et françaises sont publiées par celles-ci afin d’informer et de répondre aux questions des entreprises. Les fondements méthodologiques privilégient d’abord l’étude des comportements des acheteurs; l’approche met en valeur, comme aux États-Unis, la primauté de l’analyse de la substituabilité du côté de la demande. Ensuite la délimitation géographique des marchés sera réalisée. Pour la Commission de Bruxelles, « le marché géographique comprend le territoire sur lequel les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes et qui peut être distingué des zones géographiques voisines parce que, en particulier, les conditions de concurrence y différent de manière appréciable ».
Si l’analyse théorique est clairement exposable, l’analyse pratique est bien différente et fait l’objet de débats (délimitations plus ou moins larges avec plusieurs produits qui satisfassent la même demande). Nous sommes loin des manuels des économistes : « soit un marché X sur lequel évoluent N entreprises produisant un bien à peu près homogène… ». Nous sommes au coeur du premier étage de l’analyse des autorités concurrentielles.
Les débats sont complexes. Par exemple, M. Glais nous précise bien que pour éviter le risque de procéder à des découpages trop larges des marchés, il est essentiel de s’assurer que le prix de référence ne correspond pas à une situation où le pouvoir de marché a été, en grande partie, déjà exercé par les entreprises en place. Il faut donc rechercher le prix concurrentiel.
L’auteur est bien placé pour nous expliquer les effets potentiellement restrictifs d’une opération de concentration ou de la licité de certaines stratégies car il a souvent eu à traiter des cas d’entreprises. Les étudiants de Master à l’Université de Rennes 1 comme ceux de MBA à HEC Montréal ont pu bénéficier de son expérience. Comme le signale M. Glais, « si les outils analytiques sont à peu près les mêmes, la façon de concevoir l’opération de délimitation des marchés présente toutefois des différences sensibles ». Effectivement, il faut distinguer interrogation sur une éventuelle pratique anticoncurrentielle et une opération de concentration. Le Conseil de la concurrence en France a précisé en 2001 que les éventuels abus de position dominante doivent être appréciés au moment où ils ont eu lieu et pour la concentration l’analyse est prospective (prise en compte des effets de la fusion et les facteurs d’évolutions exogènes). Cette analyse prospective doit tenir compte des secteurs concernés, elle ne peut être la même entre un secteur à technologie stable et un secteur à innovation de produits fréquentes et non incrémentales. Pour M. Glais, il faut bien étudier alors le déroulement du processus d’innovation et les effets sur le jeu concurrentiel qui est un processus de découverte d’opportunités et de connaissances nouvelles.
Dans le cadre d’une entente illicite, le marché se définit de lui même. Les autorités « prennent acte de l’existence des liaisons établies et sont donc fondées à considérer que les coalisés appartiennent au même marché ».
Une fois l’examen de la délimitation des marchés concernés, l’analyse (chapitre quatre) doit aborder les effets éventuellement restrictifs que le projet soumis à l’autorité compétente de concurrence est susceptible de produire sur certains marchés en cause. Le nouveau règlement de la Communauté Européenne (2004) indique que sont concernées les concentrations « qui entravent de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante ». M. Glais précise que la Communauté a repris le droit américain qui vise à prendre expressément en considération des projets de concentration qui, tout en ne débouchant pas sur un risque de création d’une position dominante, peuvent conduire à des restrictions de concurrence. La direction de la concurrence en France exprime les effets par des « pertes de bien-être résultant d’une concentration consécutives aux mouvements de prix et de quantités de la part des firmes agissant indépendamment de la concurrence ». Il s’agit comme effets :
d’une part de la création ou du renforcement d’une position dominante, qui s’examine par l’analyse des parts de marché et de l’analyse de la concurrence potentielle. « Outre les interrogations relatives à la question de savoir si les concurrents déjà en place sur le marché disposent des moyens de contester le pouvoir de marché de l’entreprise qui sera issue de l’opération de concentration, les autorités de la concurrence s’attachent également à déterminer dans quelle mesure des firmes actuellement non présentes sur le marché en cause seraient en mesure d’y entrer eu égard à leurs positionnements technologiques proches en cas d’augmentation des prix. L’interrogation porte également sur l’éventuelle entrée d’entreprises situées sur d’autres marchés géographiques que celui délimité au cours de la première phase de l’analyse »,
d’autre part des effets unilatéraux traduisant l’élimination de la concurrence entre les parties, car « sans être dominante à l’issue de l’opération de concentration, l’entité issue de la concentration peut néanmoins être en mesure d’affecter le jeu d’une concurrence effective ». L’importance des quantités offertes sur le marché ou bien des effets unilatéraux sur un plan géographique peut se manifester.
Après les effets non coordonnés ou unilatéraux que nous venons de présenter, il existe aussi des effets coordonnés qui « se rapportent aux situations de marché dans lesquelles l’opération de concentration est susceptible de conduire postérieurement les différents offreurs sur le marché en cause à coordonner leur comportement et à se comporter de façon collusive dans le but d’augmenter les prix (ou de réduire les quantités offertes) ». Le terme de position dominante collective est souvent utilisé. Par exemple, dans le cas du projet ABB/Daimler-Benz, l’existence de liens économiques entre les offreurs a constitué une preuve importante du risque d’atteinte à la concurrence (duopole sur les marchés du matériel roulant, tramways et rames de métro). Bien sur, les autorités ne peuvent se contenter de constater les liens structurels, elles doivent démonter la possibilité d’éliminer la concurrence. A contrario, si les entreprises n’ont pas noué de liens structurels, cette situation ne suffit pas « pour autant à écarter le risque de voir une concentration affaiblir la concurrence entre les offreurs restants ».
L’auteur s’interroge ensuite dans le chapitre cinq sur les stratégies illicites que peut adopter une entreprise dominante :
domination abusive par le prix (prix « excessifs », prix prédateur et pratiques discriminatoires,
domination abusive par le produit ou par l’utilisation de formules contractuelles litigieuses (refus de livraison ou de prestations de service, adoption de dispositions contractuelles litigieuses, ventes liées ou groupées et saturation de l’espace de demande ou de vente).
Cette liste parait facile à rédiger, en pratique, il y a là aussi un débat; les autorités se doivent d’analyser cas par cas les effets incriminés. La littérature théorique démontre que certaines pratiques, jusque-là incriminées, « pourraient conduire à améliorer la satisfaction des consommateurs, leurs effets bénéfiques pouvant être suffisants pour compenser leurs effets restrictifs de concurrence et d’exclusion de firmes rivales ».
En raison des particularités des concentrations verticales et conglomérales, l’auteur y consacre le chapitre six. Dans le cas des concentrations verticales, « l’entreprise intégrée possède un pouvoir de marché sur un ou plusieurs stades du processus de production ». Elle peut peser sur les comportements et les performances des concurrents. En fait l’analyse et la littérature le démontrent, l’examen de ces concentrations est complexe car il existe de nombreux cas où une partie des flux de production, par rapport à l’intégration « pure » (échanges purement internes au sein d’un groupe), sont réalisés en amont de la filière par d’autres acheteurs indépendants. Nous trouvons aussi des situations où les entreprises sont indépendantes de leurs fournisseurs ou de leurs clients, mais elles se trouvent en situation de « quasi-intégration ». Les débats sur les concentrations ont connu de nombreux développements, par exemple, pour l’auteur, les analyses de l’école de Chicago et de la théorie des coûts de transactions ont permis de démontrer l’insuffisance « de prise en considération, par les autorités de la concurrence de l’époque, des effets positifs d’une intégration verticale sur l’efficience économique, en particulier quand celle-ci génère de substantielles économies de coûts de transaction ». Les autorités américaines ont adopté, suite aux débats, une approche plus nuancée qui prend en compte les effets positifs de l’intégration verticale. Mais le débat est bien complexe, l’école de Chicago a des démonstrations optimistes : l’intégration verticale peut « retarder l’érosion du pouvoir de monopole en affaiblissant les possibilités d’entrée, en particulier si celle-ci nécessite pour l’entrant potentiel de s’établir à la fois sur les marchés amont et aval ». Les autorités doivent veiller à la rivalité concurrentielle car la firme intégrée peut mettre en place des effets restrictifs sur le marché amont, ou sur le marché aval (« verrouillage de la clientèle »), enfin il n’est pas exclus que les opérations d’intégration verticale ou horizontale (avec effets verticaux) peuvent conduire « à des risques d’adoption de comportements coordonnés entre les groupes actifs le long de la filière en cause ».
Dans le cas des concentrations conglomérales, il s’agit de regroupement d’entreprises n’appartenant pas à un même marché et n’ayant pas entre elles de relations verticales ou horizontales. Pour autant, l’auteur souligne que l’impact sur la concurrence n’est pas neutre surtout lorsque les firmes concernées par ces concentrations sont actives sur des marchés très proches ou étroitement liés pour une même utilisation finale. Il peut s’agir d’une diversification que l’on pourrait qualifier d’ « imparfaitement conglomérale », situation dans laquelle les activités de l’entreprise acquise présentent une certaine proximité avec celles de l’acquéreur. Aux Etats-Unis, la doctrine de la « concurrence potentielle » (l’acquéreur est-il en mesure de pénétrer lui-même sur le marché visé par la croissance interne) a très vite montré ses limites; elles sont analysées et détaillées par l’auteur. De fait, la concentration conglomérale n’a pas rencontré d’obstacles majeurs des autorités de la concurrence aux Etats-Unis depuis le début des années 1970.
Les jurisprudences communautaire et française s’intéressent plus particulièrement aux risques d’extension d’une position dominante de la nouvelle entité à d’autres marchés par le biais d’ « un effet de levier ». Il peut s’agir de pratiques telles que le couplage technique, les ventes liées ou groupées, la prédation tarifaire, l’octroi de rabais de fidélité, etc. L’auteur s’appuie sur des cas très instructifs pour illustrer l’impact de cet « effet de levier » dans le cadre de la concentration conglomérale.
Le chapitre sept examine dans quelle mesure les résultats positifs (améliorations de l’efficience économique productive et dynamique en cas de promotion du progrès technique), peuvent compenser les effets réducteurs de la concurrence produite par des opérations de concentration.
Si la concentration risque de réduire l’intensité de la concurrence, elle peut aussi favoriser l’efficience productive (gains de productivité) et dynamique (création de nouvelles technologies et de nouveaux produits). Avant de faire l’état des lieux des théories qui s’affrontent en la matière, l’auteur apporte au préalable des précisions utiles et que les étudiants ont tendance à oublier bien souvent. Il s’agit tout d’abord de l’acquisition d’une entreprise en situation de défaillance et de l’impact sur le bilan concurrentiel que cette opération peut produire. Il s’agit ensuite, lorsque l’opération de concentration prend la forme d’une entreprise commune concentrative, de s’assurer qu’il n’y a pas de risque de coordination entre les firmes à l’origine de celle-ci.
Eternel débat : bilan concurrentiel ou bilan économique des opérations de concentration ? Faut-il s’en tenir aux « théories traditionnelles » pour lesquelles les opérations de concentration relèvent avant tout des comportements de marché dont l’objectif est d’entraver le processus concurrentiel (pouvoir de marché, augmentation des prix, réduction de l’offre, réduction du surplus du consommateur) ? Ou faut-il, au contraire, s’attarder sur les effets positifs de la concentration qui en compensent les effets négatifs ? Dans ce deuxième cas, une attention particulière doit être accordée à la possibilité des gains de productivité, à la promotion du progrès technique, à l’amélioration du stock des connaissances avec le processus d’apprentissage, les synergies dans la complémentarité des brevets, du savoir-faire, des capacités managériales par exemple. Au-delà de ce « plaidoyer » pour une politique de la concurrence permissive, il faut être en mesure de « prouver que les gains susceptibles d’être réalisés grâce à la concentration seront jugés « comptablement » supérieurs à la perte du bien être subie par les consommateurs ». L’un des apports de M.Glais à ce débat est d’approfondir l’analyse économique de la concurrence sur l’accroissement du surplus global, la transmission des gains de productivité aux consommateurs, la prise en compte des effets de diffusion du progrès technique obtenu par la fusion, l’amélioration de la capacité à innover avec l’entreprise qui est au coeur du processus de la création des richesses dans un environnement où le progrès technique est tout sauf exogène.
Ces différents points approfondis par l’auteur sont déterminants d’autant plus que « les études économiques réalisées à ce jour restent contradictoires et dubitatives quant aux effets bénéfiques des fusions entre grandes firmes sur l’innovation ». Cette démarche est indispensable avant d’étudier le passage des bilans concurrentiel et économique à la décision finale.
Si le bilan final de l’opération se traduit par la non validation en l’état le projet, celui-ci ne fait pas obligatoirement l’objet d’une interdiction (chapitre huit). Les décisions qui ont abouti à une interdiction sont rares : de 1990 à 2009, il y a eu vingt projets interdits, dont trois annulés par les autorités juridiques d’appel. On notera aussi que sur la même période, 35 projets ont été retirés par les parties concernées au moment de l’analyse approfondie réalisée par la Commission européenne. L’auteur souligne que dans la majorité des cas, la décision de renoncer à l’opération de concentration se justifie par les difficultés rencontrées pendant la procédure (changement de conjoncture économique, échec d’une OPA, etc.). Comme le développe M. Glais, les parties peuvent modifier leur projet car dans de nombreux cas, les problèmes de concurrence ne concernent qu’une partie du marché concerné par le rapprochement et des mesures dites « correctives » sont possibles. Des engagements doivent être pris par les partenaires pour que le processus concurrentiel ne soit pas remis en cause. Il appartient alors aux autorités de la concurrence de vérifier la compatibilité du nouveau projet avec les recommandations initiales proposées. Un équilibre délicat doit être trouvé par les autorités de la concurrence pour ne pas affaiblir le projet de concentration tout en maintenant une concurrence nécessaire.
Selon l’auteur, les mesures correctives en question peuvent être de nature structurelle (cession d’activité, d’actifs ou de licence) ou comportementale (accès à des infrastructures essentielles dans des conditions non discriminatoires, aménagement de relations tarifaires, etc.). Une clause de réexamen des engagements est prévue permettant aux autorités de la concurrence d’accorder des délais supplémentaires ou d’aménager les engagements pris. Le non respect des engagements proposés peut se traduire par des amendes ou la remise en cause de l’opération de concentration.
Toute décision de l’autorité de la concurrence concernant une opération de concentration peut faire l’objet d’un recours en annulation devant les juridictions d’appel (Tribunal de Première Instance au niveau communautaire, Conseil d’Etat en France). Les motifs de ces recours peuvent relever d’illégalités externes (non respect des règles de procédures, vice de forme) ou, c’est souvent le cas, d’illégalités internes (incompatibilité de l’opération de concentration avec le maintien d’une concurrence suffisante). L’auteur souligne qu’au niveau communautaire, ces recours ne sont pas le fait des firmes qui sont à l’origine de l’opération de concentration mais de tiers qui risquent d’être affectés négativement par cette opération en termes de rapports de force dans la nouvelle configuration du marché.
Tout au long de ces 555 pages, l’ouvrage de M. Glais nous offre une grille de lecture pertinente à la fois économique et juridique pour mieux comprendre la façon dont sont étudiés et analysés les projets de concentration par les autorités de la concurrence. On peut toutefois regretter le peu de place accordée aux accords de coopération qui, souvent, ont un impact non négligeable sur la concentration des entreprises. On regrettera aussi l’absence d’une conclusion générale qui aurait, à ne pas en douter, mis en exergue les leçons à retenir et esquissé les futurs défis à relever par les autorités de la concurrence dans un monde des affaires en perpétuel mouvement.
L’examen du célèbre « Stratégique » de G. Johnson, K. Scholes, R. Whittington et F. Fréry [1] illustre bien pour les manuels en management stratégique cette absence de référence aux développements que nous venons de présenter. Le diagnostic stratégique est construit sur les variables de la matrice SWOT. Le rôle de l’Etat qui peut être considéré comme la sixième force, non présentée par M. Porter, est réduite à six lignes pour le pouvoir de régulation. La capacité stratégique et son management ignorent aussi ces aspects. Les apports de M. Glais donnent un fondement plus solide aux développements sur les orientations et les modalités de développement. Les critères de réussite d’une stratégie (pertinence, acceptabilité et faisabilité) doivent être renforcés afin de mieux correspondre à cette dimension de la régulation concurrentielle par les autorités.
Du côté des manuels des économistes, plus précisément en microéconomie, la situation n’est pas meilleure. Dans son précédent manuel[2], M. Glais réexaminait la nature de la firme dans une économie de marché à partir des nouvelles approches (économies des coûts de transaction et théorie de l’agence) et il considérait que le « problème économique fondamental n’est pas celui de l’allocation des ressources que celui de la connaissance des éléments qui permettent aux agents de prendre des décisions compatibles avec les nécessités de l’équilibre. Or, la théorie néo-classique s’avère très discrète sur la façon selon laquelle des solutions optimales seront atteintes ». Cette théorie a des fondements fragiles à partir du moment où il y a remise en cause de l’hypothèse de connaissance parfaite des conditions des coûts et de la demande marché. Nous sommes donc loin des enseignements de la théorie traditionnelle des prix.
Nous espérons donc que les enseignements s’enrichiront des nombreuses analyses développées dans ce livre et que les deux disciplines encore trop concurrentes, l’économie et la gestion, pourront trouver des fondements dans ce travail afin de développer des liens… dans un premier temps.