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Maximiser le chiffre d’affaires de l’entreprise par une tarification flexible, voici posés en quelques mots les fondamentaux du yield management. Ce concept inventé et développé par les compagnies aériennes dans les années 80, a permis d’améliorer significativement leur rentabilité. Il s’est étendu depuis progressivement à d’autres industries, comme l’hôtellerie, le tourisme, les biens d’équipement (Hoseason, 2006; European Commission, 1997), en se traduisant par un impératif simple : vendre le bon produit au bon client au bon moment et au bon prix (Capiez, 2003; Cross, 1997). S’il est aisé de conceptualiser son application à l’entreprise, il est pour le moins inhabituel d’évoquer ce mode de gestion dans le cadre de politiques publiques d’attractivité des investissements directs étrangers (IDE). Notre objectif est ici de montrer sa pertinence théorique transversale et son utilité opérationnelle (sur la base de cas réels) dans l’optimisation des budgets importants qui leur sont consacrés par les acteurs territoriaux, publics et privés. Cet article traitera d’une problématique centrale pour la dynamique économique contemporaine : comment rapprocher les intérêts et projets de deux acteurs majeurs (les entreprises, les responsables d’aménagements territoriaux) afin de contribuer collectivement à l’établissement d’une construction pérenne des territoires. Attirer et ancrer de nouvelles activités dans un contexte de forte concurrence entre territoires et de mobilité des capitaux, figurent parmi les principaux défis du management de l’action publique d’attractivité internationale à l’aube du XXIème siècle.

Pour cela, il est nécessaire de mettre en perspective la stratégie des firmes multinationales (FMN) et celle des gouvernances territoriales dans les processus de localisation des IDE en mettant l’accent sur le rôle de chaque acteur. Pour les investisseurs, l’existence de liens étroits entre le lieu d’implantation et la performance de leur entreprise (Rugman, Oh et Lim, 2012; Dunning et Lundan, 2008a; Rugman, 2005; Liarte, 2004; Porter, 1999) les incite à porter une attention particulière à la question du choix de localisation (Svensson, 2001). Aujourd’hui, les FMN n’hésitent plus à opter pour la dispersion géographique de leurs sites, quitte à fragmenter leur chaîne de valeur (Colovic et Mayrhofer, 2011), dans la mesure où les avantages inhérents au nouveau site et/ou nés de la co-localisation compensent les éventuels surcoûts logistiques. Le postulat qui prévaut alors est d’une part de réduire le montant des ressources en temps et en argent engagées dans le processus de mise en place du futur investissement et, d’autre part, de limiter l’incertitude sur la prise de décision afin d’éviter des erreurs majeures sur la profitabilité future de l’entreprise (Sergot, 2006). La localisation optimale qui aura les conséquences les plus bénéfiques sur les résultats financiers de l’entreprise (aides publiques à l’implantation comprises) sera choisie, une fois les hypothèses de rationalité levées.

Pour les gouvernances territoriales, l’approche de la localisation des investissements s’appuie sur la meilleure utilisation possible de ressources limitées. Les décisions d’accompagnement des investissements relèvent alors de processus de choix complexes qui se posent aux acteurs territoriaux face aux sollicitations émanant des projets d’investissement internationalement mobiles. L’amélioration et l’évaluation de l’efficacité des choix opérés devenant une problématique centrale (Ferrand, 2007), des arbitrages difficiles devront être faits avec une réelle vision stratégique (Godet, 2001; Audroing 2000) dans l’affectation de ces ressources. L’évaluation précise des dispositifs publics d’accompagnement passe alors par des analyses multicritères (Bouyssou et al. 2006) et la construction d’indicateurs appropriés (Nekka et Dokou, 2004; Dupuy et Burmeister, 2003).

Notre analyse repose ici sur les pratiques de deux régions françaises, dont il faut rappeler que les lois de décentralisation successives ont donné un pouvoir de conduire des stratégies différentes en matière de développement économique et de mobiliser pour ce faire, des moyens financiers propres. Les études de cas ici traitées concernent le contexte français, mais elles sont transposables à tout pays dans lequel des collectivités infranationales (länder, province…) ont des capacités légales d’autonomie en matière de développement. D’une manière générale, cette « flexibilité régionale » renouvelle considérablement le rôle des institutions au sens large, déjà partiellement pris en compte dans la littérature (Rugman, Verbeke et Yuan, 2011; Dunning et Lundan, 2008b; Globerman et Shapiro, 2003; Glasmeier, 1994).

Dans ce contexte, la question qui se pose est la suivante : le yield management permet-il de faire converger la stratégie de localisation des entreprises et celle des gouvernances territoriales ? Une meilleure compréhension des déterminants influençant la décision de choix d’implantation des FMN (Le Gall, 2011; Mayrhofer et Urban, 2011; Cantwell, 2009; Mucchielli et Mayer, 2004; Musso et Cappato, 2002; Porter et Stern, 2001; Dunning, 1998; Joffre et Koenig, 1982), donc de leur rapport à l’espace (optimisation spatiale au regard de critères financiers, fiscaux, d’accès aux ressources et/ou au marché, de mimétisme…) et des méthodes de gestion, en particulier du capital-client (optimisation du chiffre d’affaires), est ici incontournable.

Après avoir caractérisé brièvement le territoire en tant que « produit » et avoir spécifié les objectifs des acteurs impliqués, cet article insiste sur l’influence du coût d’acquisition de ce produit-territoire dans le processus de localisation optimale des investissements. Il met ensuite en exergue l’utilité du yield management face aux incertitudes du marché particulier des IDE et le potentiel qu’il représente en termes d’optimisation des stratégies territoriales d’attractivité (Partie 1). Une analyse descriptive des pratiques actuelles apparaît alors essentielle et est réalisée sur la base d’observations empiriques sur deux régions françaises à partir d’un échantillon de soixante-neuf projets d’investissements étrangers mobiles et de trois études de cas, avant que les retombées positives pour le territoire d’une stratégie de prix adaptés à partir de cet échantillon ne soient approximées (Partie 2).

La décision spatiale d’investissement sous influence du prix du territoire ?

L’importance économique des IDE est considérable puisqu’en 2010, ce sont près de 32 000 emplois qui ont été créés par les seuls investissements mobiles en France, chiffre le plus élevé depuis 15 ans selon l’Agence Française pour les Investissements Internationaux. Les quelques 23 500 entreprises étrangères implantées en France emploient aujourd’hui 2,3 millions de personnes et contribuent directement à la vitalité de l’économie française en étant à l’origine de plus de 40 % des exportations françaises et de plus de 20 % de la recherche et développement (R&D) (AFII, 2011; Invest in France, 2007). Quant aux données 2011, elles font ressortir de moindres créations d’emplois liées aux IDE mais un nombre de projets en augmentation (AFII, 2012). Ce marché a connu une extraordinaire croissance au niveau mondial sur les 20 dernières années avec une demande (flux d’IDE) de 1200 milliards de dollars en 2010 au niveau mondial, 34 milliards pour la France (CNUCED, 2011) et un élargissement sans précédent du champ des possibles dans la localisation d’activités industrielles et tertiaires. Face à ces enjeux, les territoires se livrent à une vive concurrence, exacerbée par l’apparition de nouveaux compétiteurs (Liarte, 2007; Dunning et Mucchielli, 2002). Pour conserver leurs parts de marché, assurer leur croissance, les acteurs publics territoriaux (collectivités diverses, agences de promotion internationale (API) en tant que structure d’interface) sont alors conduits à prendre des décisions concernant la disponibilité de leurs ressources sur le marché des IDE. Pour répondre à cette préoccupation essentielle de stratégie publique, le territoire est défini comme un « produit » de manière à lui associer une valeur monétaire et afin de démontrer l’intérêt du yield management dans l’attractivité des IDE.

Localiser un investissement, mais à quel prix ?

Définition et caractéristiques du produit-territoire

En marketing, on nomme « produit » un bien ou un service associé à une production et censé satisfaire un besoin, généralement moyennant un prix à payer par l’utilisateur (Chirrouze, 2007). Cette définition détermine le produit comme lieu de rencontre entre des offreurs et des demandeurs, correspondant à la définition d’un marché. Il est donc possible de parler de produit dès lors qu’un marché est caractérisé.

Le marché des IDE peut se définir par une demande, les projets d’investissements hors pays d’origine, et une offre, les territoires d’accueil (Brossard, 1997). Le renforcement des pouvoirs et de l’autonomie des acteurs locaux favorise aussi l’apparition de stratégies différenciées qui, selon leur pertinence, aboutissent à des innovations ou à des marginalisations territoriales (Joffre, 2001; Loilier et Tellier, 2001) en dotant le produit-territoire d’attributs différenciants particulièrement intéressants pour les FMN (Le Gall, 2007; Hatem, 2007a; Pecqueur et Zimmermann, 2004). Si la notion de marché des IDE est sans équivoque, le produit-territoire, à la différence de biens manufacturiers ou de services, dépend fortement des stratégies d’acteurs et possède des contours et des caractéristiques qui nécessitent des réflexions plus approfondies.

Qualifié comme l’un des éléments du marketing mix, le produit-territoire est défini par quelques auteurs, par les variables sur lesquelles il est possible d’agir pour répondre aux attentes des investisseurs (Watkze et Mindak, 1987). Le point de vue de l’investisseur apporte un éclairage intéressant puisque ce dernier considère le produit-territoire non plus comme un lieu physique d’implantation mais une opportunité d’améliorer la compétitivité de son entreprise par l’accès à de nouveaux marchés, à des économies de coûts, à des savoir-faire... Il définit ainsi le territoire en avantages principaux (éléments essentiels recherchés par l’entreprise devant nécessairement faire partie de l’offre) et en avantages périphériques (éléments accessoires à l’offre qui permettent de bénéficier des avantages principaux recherchés ou constituant un « plus » utile à l’offre initiale). Depuis les travaux précurseurs de Levitt (1975), il est possible de qualifier ce produit-territoire de produit « augmenté ». Cette analyse nous éloigne donc de la seule vision restrictive du produit-territoire comme un simple lieu d’implantation physique en le définissant comme un vecteur d’accès à des opportunités…; le produit-territoire se caractérisant comme une prestation globale aux attributs multiples et constituant ainsi un véritable maillon de la chaîne de valeur de l’investisseur. Cet angle d’analyse permet d’illustrer une caractéristique importante du produit-territoire (Figure 1 ci-après) qui est l’association du hard - le lieu d’implantation, les bâtiments, les infrastructures… - et du soft - l’accompagnement, les services à l’implantation, l’accueil des impatriés… - réalisée par les organismes de développement et les collectivités. Le recensement des avantages recherchés par l’investisseur est conduit avec une approche en rationalité limitée (Foss, 2001; Simon, 1999) réduisant le processus de décision aux seuls attributs impactant fortement l’utilité globale du projet (Carluer, 2007; Sergot, 2004) et à un nombre limité de territoires identifiés.

Figure 1

Le produit-territoire

Le produit-territoire

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Dans un environnement hyper-concurrentiel, le produit central (hard) ne suffit plus à lui-même pour attirer des investisseurs et il est nécessaire de concevoir des offres territoriales plus globales et plus complexes avec des services associés pour faciliter la décision (soft). L’élément central est représenté par les avantages principaux recherchés par l’investisseur à travers sa nouvelle implantation (must have), mais la décision se fera de manière comparative sur les avantages périphériques (nice to have) étant donné que les sites en compétition auront tous des éléments centraux similaires. Ces éléments sont par ailleurs souvent nécessaires pour que les investisseurs puissent jouir des avantages principaux. Ce produit territoire est donc à géométrie variable, des avantages principaux pouvant être périphériques pour certains projets et inversement, alors que la stratégie des acteurs territoriaux joue toujours un rôle-clé dans le processus d’appariement.

Il importe ici d’ajouter que si le territoire peut être considéré comme un produit, en prolongeant la définition développée par exemple par Lancaster dès 1987 qui appréhende le produit comme un paquet de fonctionnalités, des éléments extérieurs peuvent influencer la décision de localisation des FMN. Au-delà des incitations financières différenciées (qui relèvent du soft) des stratégies de lobbying (hors champ) doivent être prises en compte et peuvent « bruiter » considérablement, non seulement les avantages avérés des territoires en concurrence, mais aussi les préférences mêmes des décisionnaires[1]. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il peut y avoir réversibilité de l’achat et des re-négociations périodiques, très caractéristiques de l’achat industriel, et en particulier lorsque le politique est confronté à des décisions de délocalisation ou de désinvestissement. Une dimension politique, voire idéologique[2], du produit-territoire peut alors être intégrée même si, par nature, elle est difficilement quantifiable.

Les acteurs de la négociation

Aucun territoire n’étant élu a priori, il va de soi que les acteurs territoriaux doivent unir leur force, parvenir à dépasser la seule « rationalité locale » (Martin et Picceu, 2007) et donc décider d’une stratégie commune pour maximiser la probabilité de décision favorable de la part de la FMN, ils constituent les vendeurs du produit-territoire

Si côté acheteur, la FMN et ses filiales représentent à elles seules la demande, l’offre (le produit-territoire) est plus éclatée. Les acteurs du territoire sont à la fois éléments constitutifs et porteurs de cette prestation globale. Ils possèdent un rôle clé dans la configuration du produit-territoire par les politiques de développement local qu’ils mettent en oeuvre dotant l’offre d’actifs spécifiques (Pecqueur et Zimmermann, 2004) et ils en sont aussi les promoteurs. Ils peuvent être recensés de la manière suivante.

  • Acteurs publics :

    • les collectivités territoriales (conseils régionaux, généraux, communaux ou supra communaux), qui influent sur le « produit territoire » par le développement des infrastructures, l’offre de formation et les politiques économiques mises en place…;

    • l’Etat et l’Europe par le rôle réglementaire et régalien qu’ils jouent.

  • Acteurs privés

    • les chambres de commerce et d’industrie (CCI) en tant que porte-voix des acteurs privés, bien souvent en concurrence avec des cabinets de conseil;

    • les entreprises locales générant pour un nouveau venu des externalités susceptibles d’influencer sa décision.

  • Acteurs intermédiaires :

    • les agences de promotion internationale (API), bien souvent coordinatrices de l’offre, et les agences locales de développement.

      Le rôle de ces acteurs intermédiaires est de coordonner la demande de deux groupes d’acteurs qui ont besoin l’un de l’autre, renvoyant à la notion de marché bi-face (« two-sided market »; Eisenmann etal. 2006) dans lequel les agences de développement mettent en rapport deux groupes d’acteurs distincts (les collectivités publiques et les FMN) qui réalisent un calcul coûts-bénéfices qui va au-delà de la simple minimisation de coûts. En tant que catalyseurs de rencontres et négociateurs-accompagnateurs, les agences de développement apparaissent comme des acteurs réducteurs de coûts de transaction et d’incertitude (Evans et Schmalensee, 2007).

C’est donc tout un réseau d’acteurs qui est concerné. La multiplicité des acteurs, mettant en oeuvre des stratégies d’appropiation différente d’un même espace peut alors créer les conditions de conflits structurels d’influence, est ainsi susceptible de limiter la pertinence opérationnelle de l’application du yield management aux territoires concurrents en l’absence de coordination (et/ou de stratégies d’influence parallèles).

La qualité du produit-territoire est alors fortement dépendante de la bonne coordination de l’ensemble des acteurs inférant sur le système de promotion dans lequel les agences jouent un rôle central de coordination verticale et horizontale (Hatem, 2007b).

L’enjeu de la négociation sera pour la FMN de trouver le compromis optimal entre attributs recherchés et coûts de ces derniers. Pour les acteurs territoriaux, il sera de cerner les critères de localisation fondamentaux de l’investisseur afin d’offrir une prestation intégrée répondant à l’ensemble des attributs recherchés, le produit-territoire devenant alors un produit « sur mesure ». La phase de négociation repose alors sur l’échange d’informations et une communication explicite de manière à faire converger les attentes des uns et des autres, d’où la nécessité absolue de stratégies communes et concertées pour formuler l’offre territoriale (Figure 2) afin de contrebalancer le pouvoir de négociation de la FMN et de limiter les conflits d’intérêt potentiellement forts. Toute défaillance et/ou biais dans cette négociation peut conduire à des stratégies d’évitement de certains acteurs du territoire, pouvant avoir des intérêts sur les sites concurrents, comme des fournisseurs présents sur plusieurs sites qui pourraient favoriser des sites concurrents, ou tout simplement des comportements opportunistes, obérant alors la qualité relative du produit-territoire

Figure 2

Acteurs et dynamique du processus de négociation pour un projet d’IDE à l’échelle d’un territoire

Acteurs et dynamique du processus de négociation pour un projet d’IDE à l’échelle d’un territoire

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Un processus d’achat territorial guidé par un objectif de minimisation du prix du produit-territoire

La décision d’implantation se compare en de nombreux points au processus d’achat industriel (Brossard, 1997), dans le sens où la question de la localisation de l’investissement répond à des objectifs précis au sein de l’organisation et très souvent à un processus établi (Malaval et Bénaroya, 2005). La FMN répond ainsi par cette nouvelle implantation à des besoins exprimés par son organisation en termes de couverture du marché, de coûts d’exploitation et de profitabilité… Cette approche en termes de différentiel coûts-bénéfices, reposant sur des visions néoclassiques de l’entreprise et de son fonctionnement, tend à considérer la décision spatiale de l’investissement comme la localisation optimale qui permettra à l’entreprise d’obtenir le niveau de profit le plus élevé possible sur la durée de vie de l’investissement. Le problème de localisation des nouveaux investissements, se réduit à un problème de gestion[3] qui, compte tenu de la contrainte d’un niveau d’information incomplet, consiste à choisir la meilleure localisation possible permettant la meilleure performance de leur entreprise parmi un échantillon non exhaustif des localisations possibles.

Une enquête réalisée auprès de 392 grandes entreprises montre que 77 % de ces dernières utilisent le taux de rentabilité interne comme critère principal de décision des investissements (Graham et Harvey, 2001). En outre, au sein même des entreprises, les projets d’investissements se concurrencent; ceux étant retenus, présentent la meilleure rentabilité financière (Kelleher et MacCormack, 2004). Par ailleurs, une majorité des IDE réalisés le sont pour des raisons d’économies de coûts, tant pour les FMN des pays développés que des pays émergents (CNUCED, 2011), associé au fait que disposer d’un « portefeuille de filiales localisées à travers le monde » (Colovic et Mayrhofer, 2011, p.14) constitue un avantage-clé en termes de flexibilité et d’optimisation de la chaîne de valeur globale. Un autre rapport souligne encore que parmi les principales motivations d’investissement à l’étranger d’entreprises issues de pays émergents, se trouvent l’acquisition d’actifs à des coûts moins importants que de les développer dans le pays d’origine (marque, qualification, technologies…), et le contournement des coûts rédhibitoires d’accès au marché (barrières commerciales, taxes à l’importation) (CNUCED, 2006). Ces divers constats confirment que l’un des plus importants déterminants des investissements se situe dans le prix des facteurs qui influencent les coûts d’exploitations des FMN (Coyne, 1995) et, en conséquence, le taux de rentabilité interne escompté comme élément d’analyse et de décision des investissements au sein des FMN, prend une ampleur particulière. Le coût initial d’investissement d’abord et les coûts d’exploitation ensuite deviennent alors cruciaux, l’entreprise adoptant une stratégie optimisatrice de ces derniers afin de répondre aux objectifs financiers fixés par ses actionnaires, en cherchant au final à minimiser ce que l’on peut qualifier de prix du produit-territoire. Le rapport de force souvent défavorable au territoire dans la négociation (Figure 2) renforce la prédominance de la variable « prix » dans le processus de décision.

Le prix du produit-territoire se définit comme la somme des coûts d’acquisition des attributs[4] constituant les avantages principaux et périphériques recherchés tels :

  • les coûts d’investissements directs : terrains, équipements, études et ingénierie;

  • les coûts d’accès au marché : distance avec les principaux clients et/ou fournisseurs, proximité et performance des infrastructures logistiques existantes, saturation des infrastructures, coût d’utilisation… temps de parcours vers les clients et fournisseurs;

  • les coûts d’accès à la main-d’oeuvre : niveau de formation, disponibilité, productivité et salaires pratiqués, processus de recrutement…;

  • les coûts d’accès aux utilités telles l’énergie, la gestion des déchets…;

  • les coûts d’accès à la recherche et à l’innovation…

Naturellement, ces différents éléments constitutifs du prix du produit-territoire sont pondérés suivant la nature et les besoins de chaque projet. Etant donné que les investisseurs comparent uniquement des sites répondant aux avantages principaux recherchés, la différenciation des offres se fait sur les avantages périphériques et services associés, ce qui rend un peu plus discriminant le rôle des incitations financières et celui des gouvernances territoriales dans les politiques de réduction de prix.

Pour autant, les acteurs du territoire n’ont pas la faculté d’agir sur l’ensemble des attributs… Un certain nombre d’actions peuvent cependant être déployées pour réduire immédiatement les coûts d’acquisition de certains attributs, le yield management s’avérant dans ce cadre un support utile à la décision…

Mettre en place une démarche de yield management pour optimiser la stratégie territoriale d’attractivité des IDE

Dans le cadre de l’attractivité des IDE, l’application de ce type de management est complètement novatrice. L’idée de transposer ce modèle de marketing pour accroître la capacité des territoires à attirer les projets d’investissements suppose que l’objet d’échange est un produit périssable qui a un prix et une valeur monétaire et que ce prix puisse être modelé en fonction des stratégies. Le nombre de transactions étant réduit (au plus, quelques centaines par an), elles ne nécessiteront pas dans un premier temps une approche trop technique. La clé de la réussite se trouve plutôt dans la bonne compréhension des micromarchés par une segmentation détaillée de la sensibilité au prix des investisseurs.

Le yield management est-il pertinent sur le marché des IDE ?

A partir de la littérature sur le yield management (Cross, 1997; Capiez, 2003; Phillips, 2005), il est possible d’établir une grille de lecture pour juger de l’utilité du yield management sur le marché des IDE, autrement dit du degré de transférabilité des principaux concepts du marketing d’entreprise au marketing territorial.

  • « Périssabilité » du produit-territoire. Parasuraman et Varadarajan (1988) évoquent à ce sujet que de nombreux services ne sont pas consommés quand ils sont disponibles, et qu’ils sont alors définitivement perdus. Littéralement, il est difficile de considérer le territoire comme un produit physiquement périssable. Toutefois dans un contexte de compétition territoriale accrue, ayant souvent pour conséquence la création de nouvelles capacités d’accueil par chacun des territoires concurrents et face à une conjoncture économique durablement déprimée, la valeur perçue et réelle du territoire peut se réduire considérablement dans le temps, à tel point qu’il est possible de parler de périssabilité. En outre, l’opportunité de vendre le produit-territoire est quant à elle périssable, des ressources affectées à un investisseur particulier sont définitivement perdues pour d’autres investisseurs qui présenteraient un potentiel plus important en termes d’emplois, d’image ou de revenu pour le territoire.

  • Différentes perceptions de la valeur du produit-territoire. Le yield management s’avère particulièrement pertinent pour traiter les opportunités d’augmentation de profits dues à la valeur différente accordée par des acheteurs à un même produit (Phillips, 2005). Certains investisseurs accordent plus de valeur à une implantation dans une région donnée que d’autres, car le produit-territoire considéré possède un attribut rare pour ces investisseurs. Le prix « acceptable » pour ces investisseurs est donc plus élevé, l’accès à l’attribut visé devenant primordial.

  • Le « gaspillage » d’opportunités de vente du « produit territoire ». Cross (1997) définit ce « gaspillage » d’opportunités lorsqu’un produit est vendu ou réservé à l’avance, mais qu’à la conclusion des négociations, le produit se trouve invendu. Ce phénomène concerne aussi les IDE. En effet, au stade du projet, des terrains industriels, des ressources financières sont réservées pour cet investisseur potentiel. Le processus de décision prend quelquefois plusieurs années et peut se révéler finalement négatif. Pendant ce temps, ces ressources sont « gelées » pour d’autres investisseurs et peuvent représenter une perte importante de revenus potentiels.

  • L’utilisation des rabais pour suivre la concurrence. La question centrale est d’évaluer quel est le bon niveau de rabais. Cette pratique est usuelle sur le marché des IDE par l’utilisation d’aides financières systématiques face à un site concurrent.

  • Des ressources limitées. A l’instar des places d’avions, de chambres d’hôtels, le foncier disponible sur un territoire donné pour installer des nouvelles activités n’est pas extensible à l’infini. Nous pouvons même parler dans certains cas de ressources rares, compte tenu des contraintes liées aux règles d’urbanisme, de réserves liées à la protection environnementale, de zones rendues inexploitables par les risques technologiques engendrés par des entreprises environnantes.

Segmenter les investisseurs sur la base de critères concurrentiels

Les actions de segmentation consistent à identifier sur un marché des groupes d’acheteurs ayant les mêmes attentes et réactions vis-à-vis d’un produit. La segmentation du marché est la clé de voûte d’une stratégie de yield management. Elle permet de prendre des décisions d’allocation de capacité de manière rationnelle et d’appliquer des stratégies de prix différenciés suivant les segments en prenant en compte la valeur perçue du produit et le positionnement concurrentiel. Encore s’agit-il d’adopter des critères de segmentation qui permettent de fractionner le marché sur la base de la sensibilité au prix.

Or, les stratégies de segmentation sont souvent basées sur des critères socio-démographiques, comme la taille, le secteur d’activité, le pays d’origine. Ces critères servent ensuite de base pour déterminer l’éligibilité des entreprises aux dispositifs d’aides, constituant par défaut les déterminants de la stratégie prix du produit-territoire. Ces critères, usuellement utilisés sur le marché des IDE, sont facilement observables et mesurables, mais leur pertinence est relativement faible pour expliquer un comportement d’achat.

Le manque de pertinence de ces critères de segmentation par rapport aux comportements d’achat du produit-territoire conduit alors à une attitude de cannibalisation des ressources (Phillips, 2005) et en conséquence, à une réduction des marges de manoeuvre du territoire pour faire face à des demandes justifiées[5]. Dans une approche yield management, il est proposé de redéfinir la segmentation des investisseurs sur la base de critères liés au positionnement concurrentiel du territoire face à un projet donné. Ce type de segmentation, de nature stratégique, conduira les acteurs du territoire à devoir éventuellement se passer de certains investisseurs pour rendre leurs offres plus attractives auprès d’autres porteurs de projets. La typologie proposée est fondée sur la base d’analyses monographiques faisant ressortir des critères d’opposition basés sur la mobilité de l’investissement (Existe-t-il plusieurs sites en concurrence ? Les attributs recherchés par l’investisseur sont-ils rares ?) et l’adéquation entre les attributs existants ou potentiels du territoire et ceux recherchés par l’investisseur.

Ces variables isolent des groupes d’investisseurs suite à une prédiction de leur comportement par rapport aux stimuli prix du produit-territoire (Figure 3). Mais ces deux variables ne permettent pas de décrire un profil précis de chaque investisseur appartenant à chaque segment identifié. L’échantillon étudié n’établit pas ce profil, mais autorise l’identification de quatre segments sur le marché des IDE.

Figure 3

Segmentation des IDE en fonction de la sensibilité au prix

Segmentation des IDE en fonction de la sensibilité au prix

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Optimiser l’attractivité par une stratégie de prix adaptés du produit-territoire

L’adaptation des prix se réfère à la pratique par laquelle un vendeur applique un prix différent en fonction du prix acceptable par le consommateur afin de maximiser les contributions de ce dernier pour la profitabilité générale de l’entreprise. Ce principe peut être appliqué à l’attractivité des IDE, en ajustant le prix du produit-territoire en fonction des segments mentionnés précédemment. Le potentiel d’amélioration lié à une stratégie de yield management est illustré par la figure 4. L’axe des ordonnées, représente la demande d’investissement, à savoir le total des investissements atteint pour un prix (p) du territoire. L’axe des abscisses représente le prix du territoire.

Figure 4

Potentiel d’optimisation des revenus liés à une politique de prix ajustables

Potentiel d’optimisation des revenus liés à une politique de prix ajustables
adapté de Phillips, 2005, p. 94

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A un prix fixe (Pi), le revenu généré[6] par les IDE se caractérise par la zone A. Cela correspond aux pratiques selon lesquelles : le prix et les rabais appliqués sous forme d’incitations financières ne prennent pas en compte la sensibilité au prix de l’investisseur. En faisant varier P vers le prix P(h), l’attractivité du produit-territoire pour les investisseurs particulièrement sensibles augmente et une demande qui échappait au territoire (le segment des « courtisés ») peut ainsi être captée et assurer une maximisation des revenus : c’est la zone B. En outre, en accordant une moindre réduction sur le prix pour les IDE du segment des « captifs », les revenus générés par les investissements vont aussi augmenter car le coût de captation de ces derniers devient quasiment nul : c’est la zone C.

Au final, dans la lignée des travaux de Hatem (2007b), il est possible de dire que l’analogie, et donc le degré de transférabilité, entre les concepts principaux du yield management du marketing d’entreprise au marketing territorial reste imparfaite. Si des différences sont à noter, en particulier dans la temporalité et la réactivité des prises de décisions, ou encore dans la multiplicité des acteurs en jeu dans le cadre des IDE, le yield management se révèle un outil particulièrement utile pour orienter la décision des acteurs territoriaux à au moins deux titres :

  • il permet de sélectionner les projets potentiels sur la base d’une réflexion procédurale et prospective en obligeant les porteurs de projets à révéler leurs préférences territoriales et financières, en interaction avec d’autres projets si le territoire est suffisamment attractif (Durieux-Nguyen Tan, 2005);

  • il n’améliore pas seulement la « performance stratégique » (Rouleau et al., 2007, p. 18) du territoire en termes de résultats mais aussi en termes d’apprentissage et de contrôle de l’action.

D’un point de vue pratique, ce haut degré d’exigence de la demande (émanant de la FMN), tant quantitatif (coûts) que qualitatif (ressources humaines, infrastructures, clusters…), associé à la multiplication des territoires concurrents et la raréfaction des moyens pour attirer les investissements, nécessitent :

  • au niveau méso-spatio-économique (la région), une « approche produit » du territoire répondant aux attentes et exigences de son client, l’investisseur, et dont la qualité dépendra de la bonne coordination des différentes politiques de développement (création d’entreprise, innovation, export, clustering…) et des attributs constitutifs de ce produit-territoire (acteurs, règlements, accompagnement…);

  • au niveau micro-spatio-économique (le site), une différenciation de la politique tarifaire appliquée au produit-territoire sur la base d’une segmentation précise des investisseurs. Celle-ci sera fondée sur la variable prix/coûts d’acquisition inhérente au projet d’investissement. Cette analyse du rôle des aides publiques comme facteur d’attractivité pour la localisation des projets d’investissements mobiles, débouchera sur des préconisations en matière d’affectation optimale de ces dernières. Deux analyses empiriques nous permettent ici de donner un contenu concret à cette mise en perspective.

Etude empirique : les pratiques en oeuvre

L’étude empirique présentée ici est axée sur l’utilisation des aides financières concernant des projets d’investissements à capitaux étrangers. Ces constats reposent sur l’analyse qualitative de trois études de cas et sur l’analyse quantitative de 69 projets d’investissements étrangers traités entre 2002 et 2006 dans deux régions françaises[7] qui, après avoir été pré-retenues à l’échelle internationale (de nombreux pays étaient sur les rangs), ont fini par être présélectionnées par les investisseurs (multinationales). Il importe donc de caractériser la stratégie de prix mise en oeuvre dans ce territoire au regard du caractère mobile du projet, de son type et de sa taille.

Méthodologie d’analyse

Chaque cas étudié repose sur la même grille de lecture, à savoir la description du projet et de ses enjeux pour l’entreprise, le positionnement concurrentiel du territoire, les avantages principaux recherchés et la réponse apportée par le territoire. Seuls les éléments significatifs sont ici évoqués. Le choix des cas étudiés prend en considération les trois grands types de projets à capitaux étrangers existants : une création « greenfield » internationalement mobile (autrement dit un investissement en concurrence entre plusieurs sites situés dans différents pays), une extension internationalement mobile et une extension captive, représentant deux projets industriels et un projet tertiaire. Ce sont des projets capitalistiques et créateurs d’emplois pour lesquels le territoire concerné est présélectionné[8], dont deux ont été « gagnés » par le territoire et un autre « perdu ».

L’analyse quantitative s’appuie sur l’étude documentaire des cahiers des charges des projets et de l’extraction d’informations issues de l’agence de promotion de la région concernée. Dix-sept critères d’extraction ont été sélectionnés à partir des champs disponibles de la base de données (Voir Annexe 2). Cette analyse porte sur un échantillon non probabiliste des IDE français et permet de souligner des caractéristiques importantes concernant leur traitement par les territoires.

Les cas d’étude et les 69 projets d’investissement composant l’échantillon concernent le même territoire d’implantation.

Présentation de trois illustrations d’investissements internationalement mobiles

Entreprise de BTP (Matériaux de construction) : « greenfield » mobile

Leader mondial dans la production de matériaux de construction, cette entreprise européenne emploie 7 400 salariés dans 23 sites de production au niveau mondial. En France, hors de la région étudiée, elle est présente avec une unité de production créée il y a plus de dix ans prévoyant au départ 130 personnes et occupant aujourd’hui 540 salariés.

Suite à un renforcement législatif tant au niveau national que communautaire incitant à développer davantage les économies d’énergie dans le bâtiment, toutes les usines européennes du groupe vont être sollicitées à leur maximum de capacité de production. Le groupe envisage en conséquence une nouvelle implantation pour conforter sa part de marché actuelle et des développements futurs. Deux schémas sont étudiés en parallèle par deux équipes projets différentes :

  • une implantation en France à proximité du bassin parisien (deux sites en concurrence);

  • une implantation en Angleterre au sud de Londres (un seul site).

Le site concurrent français bénéficie de coûts d’exploitation et d’investissement inférieurs, mais cette différence peut être aisément annihilée par des incitations financières. Cette nouvelle unité approvisionnera dans un premier temps les deux marchés avant de se consacrer dans les trois ans sur son marché d’établissement. Ce projet représente un investissement initial de 85 millions d’euros et une création de 130 emplois.

Les avantages principaux recherchés étaient les suivants :

  • terrain plat de 40 hectares, dédié à l’industrie lourde classée;

  • accessibilité aux utilités dans les volumes spécifiés pour deux lignes de production;

  • Accessibilité aux marchés, proximité de la région parisienne (distance inférieure à 150 kilomètres) et d’un branchement autoroutier (distance inférieure à cinq kilomètres);

  • aides publiques.

Et les réponses du territoire aux avantages principaux recherchés ont été les suivantes :

  • Propositions de terrain correspondant aux caractéristiques souhaitées.

  • Offre finales d’accompagnement financier de 12 % de l’investissement sur un maximum possible de 19,5 %.

Entreprise chimique (Pétrochimie), extension internationalement mobile

Cette entreprise est la seule implantation française de ce groupe pétrolier américain. L’établissement est implanté sur la région depuis plusieurs décennies et produit des additifs avec un effectif actuel supérieur à 500 personnes. Le projet consistait à la réalisation d’un investissement de l’ordre de 20 millions d’euros pour produire un nouveau type d’additifs pour lubrifiants. Les enjeux de cet investissement sont de faire du site sélectionné un site de classe mondiale, d’assurer une pérennité de l’activité et de réduire les risques technologiques. D’après le Directeur du site, pour les offres concurrentes, les taux d’interventions publiques sont :

  • à Singapour, de l’ordre de 35 % (mais sur un investissement plus important au niveau du montant que celui des autres sites);

  • aux Etats-Unis, de l’ordre de 10 % sur un montant sensiblement équivalent à celui de la France.

Les avantages principaux recherchés étaient les suivants :

  • disponibilité de terrain sur site existant;

  • réduction du coût de l’investissement.

Et la réponse du territoire aux avantages principaux recherchés a été la suivante :

  • offre financière de 5 % de l’investissement sur un maximum possible de 23 %.

Entreprise de Logistique (Tertiaire – logistique maritime), extension captive

Cette entreprise est une filiale d’un groupe de taille mondiale dans le domaine logistique et installée dans la région étudiée depuis plus de 30 ans. Son projet consiste à accroître la capacité de manutention de conteneurs en modernisant les deux terminaux actuels et en équipant deux nouveaux postes à quai d’un futur terminal à conteneurs. Cette augmentation structurelle de capacité doit permettre de répondre à moyen terme à une demande continue et régulière tout en améliorant le rapport qualité/prix de la prestation et la sécurité. Le programme d’investissements de près de 120 millions d’euros permet un accroissement de la capacité de production en répondant à :

  • une offre concurrentielle en constante croissance en termes de volume;

  • une demande plus exigeante en termes de qualité (baisse des attentes des navires et amélioration de la productivité horaire des opérations à quai; baisse des attentes des transporteurs routiers);

  • une demande en termes de prix (baisse tarifaire rendue possible par l’amélioration de la productivité des opérations et par des économies d’échelle);

  • une exigence de sécurité et de sûreté, requise par les opérateurs du commerce international.

En ajustant ses performances globales sur celles de ses concurrents, le programme d’investissement permettra à cette entreprise d’être en mesure de renforcer son avantage concurrentiel en accroissant ses parts de marché. Au-delà de la croissance du chiffre d’affaires et du maintien de la rentabilité économique du système, le projet contribue à accroître les effectifs globaux de 200 personnes sur trois ans dans le secteur de la manutention, ainsi que de 600 emplois dans le secteur logistique et les activités connexes. D’après le dirigeant, l’investissement est sur le long terme équilibré indépendamment de toutes aides publiques.

Les avantages principaux recherchés sont les suivants :

  • disponibilité de terrain sur site existant et autorisation d’occupation du domaine public portuaire (exploitation du terminal);

  • disponibilité rapide de main-d’oeuvre.

Et la réponse du territoire aux avantages principaux recherchés a été la suivante :

  • offre financière de 5 % de l’investissement.

Ces trois exemples confirment que les investisseurs recherchent dans une implantation des opportunités qui peuvent être de marché, d’optimisation de coûts et/ou d’augmentation de capacités. La réponse formulée par les territoires réside dans la proposition de terrains d’implantation et l’élaboration d’une offre d’aides publiques. Au regard des développements stratégiques précédents, l’analyse de ces projets révèle donc que les réponses territoriales ne mettent pas assez l’accent sur les avantages principaux recherchés et le positionnement concurrentiel du produit-territoire en y adaptant les aides octroyées. En effet, pour les projets des entreprises de BTP et chimique pouvant être classés dans la catégorie des « courtisés » et pour lesquels la sensibilité au prix est essentielle, les offres financières du territoire se situent très loin des plafonds autorisés. A contrario, le projet logistique, ressortant du segment « captif », bénéficie d’un accompagnement financier de plus de 6 millions d’euros.

Politique de prix du « produit territoire » ou rabais systématique ?

Pour 86 % des 69 projets de notre échantillon, des incitations financières ont été proposées par le territoire aux porteurs de projet. Ni le nombre d’emplois prévus, ni le montant de l’investissement, ni même la mobilité du projet ne semblent être des facteurs discriminants de la décision de proposer ou non un rabais sur le prix du produit-territoire[9].

Ce constat corrobore des observations faites sur d’autres marchés, dans lesquels l’application systématique de rabais aux prix initiaux impacte fortement les profits réalisés par les entreprises (Florissen, 2001). Cet auteur montre en effet que l’application de rabais de manière quasi automatique ne prend pas en considération le degré de mobilité ou le niveau de prix acceptable par l’acheteur. Derrière une apparente discipline de fixation des prix et d’octroi de réduction[10], des problèmes de gouvernance (Ehlinger et al., 2007) se font jour donnant à chaque niveau décisionnaire le pouvoir d’obérer considérablement les revenus de l’entreprise. Il en est de même pour les incitations financières octroyées dans le cadre des IDE, où les décisions d’octroi d’aides financières reviennent aux comités ad hoc sur proposition des techniciens en charge du traitement du dossier d’aide mais qui tendent à les proposer systématiquement.

Le taux moyen des incitations est de 65 % du taux maximum autorisé par la commission européenne selon la zone d’implantation du projet. Les IDE présentant des facteurs de risque de par leur caractère mobile, ou encore de par leur taille (investissement), bénéficient de taux d’aide moins importants. Il est particulièrement frappant de constater que les projets d’investissement non mobiles, qui représentent 31 % des projets, bénéficient d’incitations dans 89 % des cas avec un montant moyen d’intervention de 7 points supérieurs à celui de projets mobiles (Tableau 1). Ces projets présentent en effet un niveau de risque moins élevé pour les acteurs du territoire qui ont par conséquent tendance à les favoriser. En effet, réserver une enveloppe budgétaire à un projet dont l’issue est incertaine présente un risque de non-consommation budgétaire sur des budgets difficilement reportables d’une année sur l’autre.

Tableau 1

Incitations financières accordées par le territoire

Incitations financières accordées par le territoire

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Ce point est d’autant plus important, que la non-compétitivité de l’offre s’est avérée, pour 42 % des projets perdus, la principale raison du choix d’un site concurrent au territoire étudié (Tableau 2). A titre d’exemple, pour le projet de l’entreprise de BTP présentée, les coûts d’accès au marché étaient supérieurs à l’offre concurrente (en raison d’une distance plus importante) de 200.000€ par an et les coûts d’investissements (en raison des caractéristiques physiques du terrain) de deux millions d’euros. L’offre finale d’aides financières présentée autorisait encore des marges de manoeuvre par rapport au taux maximum autorisé. L’utilisation de cette différence aurait permis d’absorber les surcoûts d’investissement et environ dix ans de surcoûts d’exploitation, donc de réduire de manière drastique les coûts d’acquisition de ces deux attributs du produit-territoire. Les acteurs du territoire analysé ont positionné leur offre uniquement au regard des aides financières du site concurrent en affichant arbitrairement deux points au-dessus sans référence au prix global du produit-territoire des autres offres.

Tableau 2

Raisons évoquées de non réalisation du projet

Raisons évoquées de non réalisation du projet

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Cet exemple et les autres cas décrits précédemment montrent à l’évidence que les niveaux d’intervention en matière d’aides financières ne prennent pas en compte le positionnement concurrentiel du produit-territoire et le prix de celui-ci par rapport aux autres offres. Or, c’est en effet l’analyse comparative des offres qui importe dans le processus de décision plus que la valeur en soi de chacune d’entre elles. Les niveaux d’intervention sont fixés par rapport à l’état de consommation des enveloppes financières disponibles, au niveau des risques perçus du projet par les techniciens en charge de ces dispositifs ou, au mieux, en prenant en compte les offres d’aides publiques concurrentes. L’étude de notre échantillon montre clairement que les niveaux d’intervention en aides publiques dépendent de la consommation de l’enveloppe budgétaire votée. Ainsi, sur quatre ans, le niveau d’intervention moyen est de 62 % en début de programme (années une et deux), de 74 % en milieu (année trois), pour redescendre à 48 % à la fin. En aucun cas, le prix du « produit territoire » et son niveau comparé au marché ne sont pris en considération.

Les résultats d’une stratégie de différenciation de prix

Considérer l’attractivité du territoire sous l’angle de la sensibilité des investisseurs au prix du produit-territoire permet de maximiser les revenus générés par les investissements en fléchant les ressources sur les bonnes cibles (Tableau 3, Figure 5).

Tableau 3

Politique tarifaire en fonction des segments

Politique tarifaire en fonction des segments

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Figure 5

Résultats d’une stratégie de prix ajustables sur la base de l’échantillon étudié

Résultats d’une stratégie de prix ajustables sur la base de l’échantillon étudié

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Le tri de notre échantillon par segment renforce le constat de non prise en compte de la sensibilité prix de l’investisseur dans les décisions d’accompagnement, puisque les projets « captifs » qui représentent 20,2 % du montant des investissements de l’échantillon, bénéficient 45,5 % des efforts financiers de la collectivité. A contrario, les projets des segments présentant une sensibilité importante au prix du produit-territoire, à savoir les « courtisés » et les « volatiles », représentent 79,8 % des investissements de l’échantillon contre seulement 54,5 % du montants des aides accordées. Les « fidèles » ne sont pas représentatifs.

La mise en oeuvre d’une politique de prix adaptés sur notre échantillon se base sur les constats et conduits aux résultats suivants :

  • la demande maximale à P(0) (subventionnement intégral) pour ce territoire est de 2034 millions d’euros (représentant les 69 projets);

  • sans différenciation (politique menée effectivement avec un budget de 68,47 millions d’euros), les projets aboutis représentent un total d’investissement de 826 millions d’euros;

  • avec différenciation (politique offensive qui aurait pu être menée, autrement dit le yield management, le territoire aurait pu économiser 31 millions d’euros sur les aides financières accordées aux projets du segment « captifs », soit réduire la dépense publique de 45 % (31 millions d’euros sur 68), sans affecter la demande effective d’investissement (826 millions d’euros);

  • ou encore un redéploiement de cette manne financière non utilisée sur les projets perdus par manque de compétitivité aurait permis de rendre attractif le produit-territoire pour quatre projets soit 105 millions d’euros d’investissements supplémentaires. Ceci correspondrait à une croissance de l’investissement de 12,7 % à budget public constant, soit un total d’investissement de 931 millions d’euros.

Conclusion

L’application du yield management à l’attractivité des IDE est conditionnée à l’existence d’un produit et d’un prix sur lequel il est possible d’agir. Il a été montré que la stratégie des FMN dans la localisation spatiale des investissements reposait essentiellement sur une approche maximisatrice des profits attendus. En conséquence, la réduction du prix du produit-territoire (défini comme la somme des coûts d’acquisition des avantages constitutifs du produit recherché) devient un facteur essentiel de décision. Ce constat permet alors de segmenter les investisseurs en quatre catégories sur la base de leur sensibilité au prix et aux gouvernances territoriales d’appliquer une stratégie de d’ajustement de leur offre par une tarification flexible, le yield management prend alors tout son sens.

L’étude empirique atteste du rôle important joué par les incitations financières dans les processus de réponse des territoires aux IDE, mais aussi le mauvais positionnement de cette réponse, tant en termes de niveau d’aide que de décision d’attribution. Les responsables territoriaux considèrent l’aide apportée comme une caractéristique principale du produit-territoire, alors que l’investisseur l’intègre comme une opportunité de réduction des coûts d’acquisition des avantages principaux recherchés. Ce positionnement conduit les acteurs territoriaux à appliquer une stratégie de prix sans référence aux données du marché, c’est-à-dire aux offres alternatives des compétiteurs et sans considération pour la sensibilité au facteur « prix » de ces investisseurs.

Or, l’application simple des techniques de base du yield management, comme des analyses multicritères, met en évidence le potentiel important qu’il présente en termes d’attractivité territoriale et d’optimisation des finances publiques. L’utilisation du yield management dans l’attractivité des IDE ne se réduit pas à mettre en place une politique indifférenciée de rabais qui viserait uniquement à réduire les stocks (de foncier industriel dans ce cas), mais à octroyer ces rabais aux seuls investisseurs pour lesquels le critère « prix » est déterminant dans la décision d’implantation. Le marché des IDE présente les caractéristiques essentielles pour que les techniques du yield management puissent être appliquées (ressources limitées, produit périssable, prix modifiable). Cependant, l’analogie avec le marketing d’entreprise n’est pas parfaite et sa transférabilité totale avec le marketing territorial présente certaines limites, comme la flexibilité de tarification (les longs délais nécessaires à la mise en oeuvre de nouvelles politiques d’incitations fiscales par exemple), ou encore le contrôle des ventes (multiplicité des acteurs dont aucun ne maîtrise le processus dans sa globalité). Sans ignorer ces limites, nos résultats montrent, qu’une utilisation même parcellaire du yield management à l’attractivité des IDE réduirait de fait les coûts de gestion de la collectivité dans l’attribution des incitations financières et aussi le pouvoir de marchandage des investisseurs. Appliquer cette technique au territoire s’avèrerait être une réelle innovation en termes de stratégie et gestion territoriale assurant aux responsables territoriaux une allocation optimale de leurs moyens financiers. Le yield management est alors vu comme un instrument de gestion, particulier, mais sûrement pas unique, susceptible de rationaliser le processus de décision dans l’allocation des aides financières publiques. Son utilisation ne peut cependant pas être découplée d’une réflexion plus large sur le management des organisations publiques et autres politiques qui viseraient à doter le territoire d’attributs spécialisés. Cela revient à dire que l’application du yield management au produit-territoire est seulement pertinente dans un contexte de « concurrence non faussée », autrement dit que cet outil perd une bonne partie de ses vertus opérationnelles dès lors que des dimensions politiques, idéologiques et même relationnelles (quand des stratégies de lobbying entrant en jeu) sont dominantes.

Le yield management devient alors un outil de convergence des politiques publiques et des stratégies de localisation des FMN particulièrement dans l’application d’un marketing-mix différencié. Il permet alors de révéler les projets comparativement les plus porteurs, de comprendre les relations entre les attributs du territoire et leur prix, et d’augmenter significativement les revenus des IDE sans obérer les ressources nécessaires pour les capter. Des études complémentaires doivent être menées pour valider statistiquement le profil des segments stratégiques retenus et mesurer les ressources générées avec plus de précision. A charge ensuite aux acteurs territoriaux de mettre en place une gouvernance et une stratégie à même de favoriser les investissements qui génèrent le plus d’emplois, le plus de retombées fiscales ou le plus d’image, en jouant avec le prix du produit-territoire et la sensibilité des investisseurs à ce dernier.