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L’accompagnement entrepreneurial a émergé depuis les années 2000 comme un nouvel axe de recherche dans le champ de l’entrepreneuriat (Chabaud et al, 2010a). Cette notion protéiforme recouvre une large hétérogénéité de pratiques mais évoque systématiquement la relation interpersonnelle accompagnateur-accompagné (Paul, 2002), qui se concrétise par l’existence de processus d’apprentissage individualisé pour l’accompagné (Sammut, 2003; Cuzin et Fayolle, 2004). Des travaux récents ont mis l’accent sur le caractère co-construit de cette relation (Mione, 2006; Chabaud et al, 2010b) et sur l’existence de processus d’apprentissage individualisé pour l’accompagnateur également, notamment dans le cadre de relations partenariales (Jaouen et al, 2006). Nous nous sommes alors demandé si une démarche d’accompagnement pouvait reposer sur une dynamique d’apprentissage collectif, dimension largement étudiée dans la littérature sur l’apprentissage (Charue-Duboc, 2005), notamment dans le champ des communautés de pratiques (Brown et Duguid, 1991; Wenger, 1998). A quelles conditions un dispositif d’accompagnement peut-il s’appuyer sur des apprentissages collectifs favorables au développement de projets entrepreneuriaux ?

Nous contribuerons à répondre à cette question en développant dans une première partie les enjeux théoriques autour de la relation d’accompagnement entrepreneurial et des processus d’apprentissage individuel et collectif. Dans une deuxième partie, nous présentons le modèle original de « La Ruche », qui a pour but de soutenir des entrepreneurs sociaux. Créée à Paris (France) en mai 2008, La Ruche gère un espace de travail partagé et organise de nombreux événements, aux formats et thèmes variés, dans le domaine de l’entrepreneuriat social, en pleine construction. Nous montrerons enfin que La Ruche parvient à fédérer ses entrepreneurs en un collectif au sein duquel se développent des apprentissages mutuels grâce à des interactions régulières, répétées et stimulées par l’environnement physique et social. Notre approche s’inscrit dans une recherche qualitative inductive combinant entretiens et observations directes du terrain (Yin, 1994). Nous rendrons compte de l’expérience de quelques entrepreneurs pour tenter de caractériser la dynamique d’apprentissage collectif en action à La Ruche et identifier ainsi les principaux leviers de ce modèle d’accompagnement atypique.

Revue de littérature

Nous présenterons dans un premier temps les travaux ayant caractérisé différents types de structures ayant pour objectifs d’accompagner les entrepreneurs dans le développement de leur activité. Nous positionnerons dans un second temps des travaux qui ont conceptualisé l’apprentissage organisationnel en expliquant les apports respectifs des courants cognitif et socio-constructiviste, ce qui nous conduira à formuler la question de recherche.

Accompagnement entrepreneurial et apprentissage individuel

Les entrepreneurs ont le choix entre une multitude de structures d’appui pour installer et développer leur activité, telles que les incubateurs ou les pépinières. Dans la suite de cet article, nous appellerons génériquement « incubateurs » toutes sortes de structures d’appui aux entrepreneurs (Chabaud et al, 2004; Aernoudt, 2004). Si plusieurs typologies ont tenté de caractériser les différentes familles d’incubateurs (Albert et Gaynor, 2001; Grimaldi et Grandi, 2005), essentiellement en fonction de la nature de leur financement (Kuratko et Lafollette, 1987), un consensus semble se dégager quant à la définition et à la vocation de ces incubateurs, comme un environnement facilitateur (Lindholm-Dahlstrand et Klofsten, 2002) pour le développement de projets entrepreneuriaux.

Hackett et Dilts (2004) définissent un incubateur d’abord comme un lieu physique qui accueille et rassemble des entrepreneurs. Ils ajoutent que l’incubateur se donne également pour mission de soutenir les projets entrepreneuriaux hébergés. Le rôle de l’incubateur est donc d’aider les entrepreneurs à lancer et à développer leur structure, ce qui est qualifié de démarche d’accompagnement entrepreneurial dans la littérature depuis les années 2000. L’accompagnement entrepreneurial peut recouvrir une « nébuleuse » de pratiques, du coaching au compagnonnage (Paul, 2002). Néanmoins, elle implique nécessairement, au sens de Cuzin et Fayolle (2004), d’améliorer les compétences des entrepreneurs ou de faciliter l’accès à des ressources utiles à l’essor de leur projet entrepreneurial. La démarche d’accompagnement entrepreneurial s’inscrit alors dans le cadre d’une relation interpersonnelle accompagné/accompagnateur, soutenue dans la durée. Il apparaît donc nécessaire d’adapter la démarche d’accompagnement au profil de l’entrepreneur et à la nature des projets concernés (Verzat et al, 2010). Léger-Jarniou (2005) explique que la démarche classique d’accompagnement des incubateurs ne peut pas convenir à tous les types de profils et de projets entrepreneuriaux. Les projets d’innovation, par exemple, à forte intensité de changement et de nouveauté, sont difficilement compatibles avec des dispositifs d’accompagnement a priori. Pourtant, les porteurs de projets innovants nécessitent, plus encore peut-être que d’autres entrepreneurs, de gagner en crédibilité et légitimité, plus-value majeure de l’expérience d’incubation (Chabaud et al, 2005 ; Messeghem et Sammut, 2007). Rouach et al (2010) ont d’ailleurs mis en avant le rôle crucial joué par les incubateurs dans le processus d’innovation des principaux pays innovants (Etats-Unis, Israël…). Comme le proposent Bergek et Norrman (2008), il parait alors intéressant d’étudier le type de modèle adopté par l’incubateur et son fonctionnement pour comprendre les facteurs clés de succès en la matière. Elles ont développé en ce sens un cadre d’analyse qui ne se contente pas de comparer le taux de survie des startups incubées au taux moyen mais qui pose les questions du processus de sélection, du type d’accompagnement et de médiation pratiqués par l’incubateur.

Dans ces travaux, l’accompagnement entrepreneurial est principalement vu comme un processus d’apprentissage (Sammut, 2003; Cuzin et Fayolle, 2004), selon un modèle prescripteur de transmission des connaissances (Hatchuel, 1994), de l’accompagnateur vers l’accompagné. Néanmoins, certains travaux ont mis en évidence que l’accompagnateur pouvait également retirer des bénéfices de la relation d’accompagnement, notamment dans une relation de parrainage ou d’accompagnement par les pairs, grâce à un mécanisme de confiance partagée (Jaouen et al, 2006). L’accompagné endosse alors un rôle clé dans le dispositif d’accompagnement qui devient un processus co-construit (Mione, 2006; Chabaud et al, 2010b; Ben Mahmoud-Jouini et al, 2010). Des connaissances se construisent alors pour les différentes parties en présence. La littérature sur les processus d’apprentissage organisationnel a mis en évidence, au-delà des apprentissages individuels, des apprentissages collectifs (Charue-Duboc, 2005). Nous pouvons interroger la pertinence de ce type de dynamique collective pour des démarches d’accompagnement entrepreneurial.

Communautés de pratiques et apprentissage collectif

Depuis la fin des années 80, la notion d’apprentissage organisationnel a donné lieu à différents travaux qui n’ont pas porté spécifiquement sur des petites entreprises ou entreprises en création, mais qui se sont intéressés aux questions de transferts de compétences et de construction de connaissances pertinentes pour agir dans un environnement évolutif. La complexité des phénomènes en jeu a laissé place à des courants qui s’appuient sur des conceptions variées de ces phénomènes. Ainsi nous distinguerons la conception cognitive de la conception socio-constructiviste de l’apprentissage.

La conception cognitive (Simon, 1991) insiste sur les processus individuels qui conduisent à l’acquisition de savoirs, leur construction et leur transformation. Cette conception regroupe à la fois (Cook et Brown, 1999) des travaux mettant l’accent sur des transferts de connaissances constituées (Argyris et Schön, 1978) et des travaux qui se sont focalisés sur des processus d’apprentissage à partir de l’action (Nonaka et Takeuchi, 1995). La distinction introduite par Polanyi (1966) entre des connaissances explicites et tacites (ou non explicites) est reprise dans cette conception. Les connaissances tacites sont ancrées dans les modèles mentaux des individus qui éprouvent une grande difficulté à les exposer. Pourtant lorsque les acteurs ont à justifier leurs actions et à les expliquer à d’autres, ils peuvent être amenés à expliciter une partie de ces savoirs tacites. Nonaka et Takeuchi (1995) érigent la transformation des connaissances tacites individuelles en connaissances explicites pour le collectif comme un processus clé des dynamiques d’apprentissage.

Au contraire, le modèle socio-constructiviste insiste sur le caractère profondément collectif et social des apprentissages (Teece et al, 2002) et leur dimension processuelle. Il met en avant le fait que les acteurs sont engagés dans des « communautés », entendues comme un environnement spécifique au sein duquel les individus interagissent, construisent des relations et apprennent, autour d’une « pratique », soit un ensemble d’intérêts, d’idées, d’outils et de documents communément partagés par les membres de cette communauté (Wenger et al, 2002). Les communautés de pratiques ont dès lors un rôle significatif dans les processus de construction des connaissances et compétences individuelles et collectives, grâce au mécanisme clé d’échanges réguliers autour de cette pratique (Lave et Wenger, 1991 ; Brown et Duguid, 1991). Ce modèle reconnaît la pratique comme source majeure d’apprentissage organisationnel (Wenger, 1998) et les communautés de pratiques comme l’unité d’analyse privilégiée pour la création sociale et située de connaissances (Brown et Duguid, 2001; Tsoukas, 2002). Pour Cohendet et al (2003), elles offrent même un cadre permettant de concilier apprentissages individuel et organisationnel. Ils rappellent l’importance de la co-localisation physique des membres d’une communauté de pratiques, permettant d’augmenter les occasions de communication.

Dans les deux cas, l’interaction interindividuelle, formelle ou informelle, est au centre de la dynamique d’apprentissage (Nonaka et Takeuchi, 1995) qui s’enrichit de façon complémentaire des différents apprentissages réalisés au plan individuel et organisationnel (Argyris, 1995) et des connaissances tacites et explicites. Il est alors intéressant de s’interroger sur le contexte organisationnel dans lequel se situe ce processus d’apprentissage; certains auteurs supposant que les conditions mises en place par l’organisation (Argyris et Schön, 1978) ou la nature de l’encadrement (Nonaka et Takeuchi, 1995) influencent positivement le processus d’apprentissage.

Nous avons vu que la littérature sur les incubateurs et l’accompagnement entrepreneurial reposait avant tout sur un modèle d’apprentissage individuel tandis que la littérature sur l’apprentissage organisationnel mettait en avant des processus collectifs. Ce type d’apprentissage a été moins étudié dans la littérature sur les startups car la notion de communauté de pratique est difficile à transposer au cas des entrepreneurs, même si la notion permet de traverser les frontières des firmes. Nous avons donc été amenées à envisager la dynamique d’apprentissage entre entrepreneurs comme une ressource pour une nouvelle forme d’accompagnement entrepreneurial. A quelles conditions un modèle d’accompagnement entrepreneurial peut-il s’appuyer sur des dynamiques d’apprentissage collectif permises par la fédération d’un groupe d’entrepreneurs ? Nous chercherons à définir ce modèle d’accompagnement entrepreneurial original grâce aux enseignements du cas de « La Ruche » en caractérisant les leviers et les dynamiques d’apprentissage collectif sur lesquels il repose.

Méthodologie

Etant donné le nombre limité de travaux sur cette question, une étude de cas exploratoire nous est apparue le meilleur protocole de recherche (Wacheux, 1996). Cette étude inductive a pour objectif d’identifier les spécificités d’un modèle d’accompagnement original et de comprendre les leviers de l’apprentissage collectif dans ce type de modèle. A cette fin et conformément aux théories d’Eisenhardt (1989) et de Yin (1994), nous avons identifié un cas aussi pertinent que possible, combiné différentes méthodes de recherche pour collecter un matériau riche et conduit plusieurs analyses itératives. Le cas de La Ruche nous a semblé particulièrement adapté à la question de recherche dans la mesure où il s’agit à la fois d’un espace de travail collaboratif et d’un lieu réservé à une population entrepreneuriale spécifique. L’originalité du cas de La Ruche réside dans deux particularités : (1) s’il s’agit bien d’une structure dédiée à des entrepreneurs, celle-ci ne se définit pas comme un incubateur, ne se reconnaissant pas dans les modèles dominants d’accompagnement. (2) La Ruche a vocation à réunir une catégorie émergente d’entrepreneurs, appelés entrepreneurs sociaux, qui se distinguent des entrepreneurs traditionnels par leur volonté de produire une valeur sociale en plus d’une valeur économique (Smith-Hunter, 2008; Yunus et al, 2010). La question de l’apprentissage collectif se pose de façon particulièrement aiguë dans un secteur encore mal défini comme celui de l’entrepreneuriat social (Mair et Marti, 2006; Martin et Osberg, 2007). Les compétences de pilotage de tels projets semblent encore en construction, ce qui laisse à penser qu’un modèle d’apprentissage de type prescripteur est difficile à mettre en place. La Ruche se prête donc bien au cadre du questionnement de la génération et de la diffusion d’apprentissages collectifs au sein d’une structure d’appui entrepreneurial. L’investigation empirique qualitative devrait nous permettre de saisir la dimension subjective des phénomènes vécus par les entrepreneurs de La Ruche dans leur contexte (Paillé et Mucchielli, 2007).

Notre méthodologie repose sur plusieurs dispositifs (figure 1) : (1) des entretiens avec des participants clé du projet La Ruche; (2) des entretiens avec des entrepreneurs de La Ruche; (3) l’analyse de documents internes de l’entreprise; (4) de l’observation participante. Dans le cadre de cet article, nous nous appuierons principalement sur l’analyse des entretiens réalisés auprès des entrepreneurs membres de La Ruche, en nous servant du matériau récolté par les autres méthodes pour affiner et compléter notre compréhension du modèle.

Figure 1

Méthodologie

Méthodologie

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Nous avons commencé par mener une série d’entretiens semi-directifs (Miles et Huberman, 1991) avec l’équipe dirigeante de La Ruche (les trois salariées de la structure et une stagiaire). Nous les avons interviewées chacune individuellement au début du projet de recherche fin 2010 et de nouveau un an plus tard, fin 2011. Nous nous sommes également entretenues avec des personnes ayant eu un rôle clé au moment du lancement du projet (l’éco-concepteur, l’architecte, une ancienne salariée) afin de comprendre comment avait été conçu et lancé le projet de La Ruche. Cette première phase de rencontres et d’échanges nous a permis de saisir la mission et le fonctionnement de La Ruche, selon ses fondateurs et employés.

Pour confronter les intentions déclarées par l’organisation La Ruche aux perceptions et pratiques de ses membres (Demers, 2003), nous avons réalisé une autre série d’entretiens avec des entrepreneurs. Afin de construire notre position d’observation et notre statut d’observateur accepté par l’organisation (Journé, 2005), nous avons présenté notre recherche lors d’un « Buzz[1] », rendez-vous hebdomadaire de La Ruche. Cela a donné lieu à une mention dans la newsletter envoyée à l’ensemble de la communauté et à un appel aux volontaires pour être interviewés. Nous avons également sollicité en direct un certain nombre d’entrepreneurs. Au final, nous avons échangé, toujours sur un mode semi-directif, avec 17 porteurs de projet, en veillant à rendre compte de la diversité des profils des structures en termes de statut, d’ancienneté, de nature et de maturité du projet d’innovation sociale, etc. Parmi cet échantillon, nous comptons six femmes entrepreneurs, un entrepreneur ayant déménagé depuis plusieurs mois et quatre entrepreneurs sur le départ. Ces derniers devaient nous permettre de collecter des témoignages de personnes ayant un certain recul sur leur expérience à La Ruche et potentiellement des témoignages de personnes insatisfaites. Nous avons interrogé leurs motivations pour rejoindre (et rester ou quitter) La Ruche et ce qu’ils pensaient en avoir retiré. Par l’énonciation même de l’objet de la recherche, une survalorisation de l’impact de La Ruche sur leur activité peut être crainte; nous avons essayé d’en tenir compte dans l’analyse. Chaque entretien a duré en moyenne 1 h 30. Tous les entretiens avec les entrepreneurs ont été enregistrés et retranscrits. Nous illustrerons certains de nos propos ultérieurs par des verbatim anonymes. L’analyse de contenu thématique a été effectuée avec le logiciel NVivo (version 8). Selon la méthode qualitative inductive (Thiétart, 2000), nous avons fait émerger les concepts représentatifs du phénomène étudié à partir des données du terrain (Glaser et Strauss, 1967). La démarche de codage ouvert mais systématique par théorisation ancrée est apparue appropriée à la logique de découverte de notre recherche (Guillemette, 2006). Nous nous appuierons sur l’arbre thématique et la catégorisation en résultant pour donner des exemples du sens que les entrepreneurs peuvent donner à la forme et au style d’accompagnement prodigué par La Ruche. La mise en relation des entités conceptuelles et le resserrement analytique (Paillé et Mucchielli, 2007) ont finalisé de structurer les spécificités du modèle d’accompagnement en question, en caractérisant les principaux leviers.

Nous avons eu accès aux documents internes de l’entreprise depuis sa création en 2008. Nous avons principalement étudié les rapports d’activité annuels, une étude d’impact sur la période 2008-2010 et les tableaux mensuels du suivi de l’occupation de l’espace et de la participation aux événements.

Parallèlement à ces méthodes, il nous a semblé pertinent d’adopter une posture ethnographique pour étudier in situ la vie spatiale et sociale de La Ruche (Lapassade, 2008). L’objet de cette recherche nécessitait selon nous « d’appartenir » à l’organisation pour mieux observer et décrire l’environnement quotidien des entrepreneurs et partager leur expérience (Bogdan et Taylor, 1975). Nous avons choisi l’observation participante périphérique (Adler et Adler, 1987; Chanlat, 2005) en rejoignant La Ruche dans un premier temps en tant que « pied-à-terre[2] », c’est-à-dire en y occupant un poste de travail pendant deux périodes de dix jours à trois mois d’intervalle (décembre 2010 et mars 2011). Puis, nous avons opté pour le statut « butineur » nous permettant d’être considérées comme membres de La Ruche et de recevoir la lettre d’information interne sans y localiser physiquement notre activité de travail. A ce titre, nous avons assisté à une dizaine d’événements à La Ruche, organisé un événement propre, réservé et utilisé des salles de réunion. Un journal d’observations a été enrichi à chaque passage à La Ruche sur l’ensemble de la période.

Cette démarche méthodologique, liant d’un côté le discours et les pratiques caractérisant La Ruche et de l’autre les récits des individus sur leur processus entrepreneurial et le rôle qu’a pu y jouer leur lieu d’accueil, nous paraît particulièrement adaptée à la question de recherche qui vise à caractériser les pratiques d’accompagnement telles qu’elles peuvent être déployées dans ce lieu.

Figure 2

Le plan de La Ruche (par Michele Caleffi/Ecolutions pour La Ruche)

Le plan de La Ruche (par Michele Caleffi/Ecolutions pour La Ruche)

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Le cas de La Ruche

Un espace de travail pour entrepreneurs sociaux

La Ruche, situé au coeur de Paris (France), est d’abord un espace physique de 600m², écologiquement rénové et aménagé en open space dans le but de proposer un cadre de travail à la fois efficace et convivial (figure 2). Le lieu est organisé en trois espaces de travail distincts (une centaine de postes de travail individuels ou en îlot dans « Les Arbres », « Les Vieilles Pierres » et « La Boutique ») autour de deux espaces de convivialité centraux (La « cuisine » et le « jardin »). Le modèle économique de La Ruche repose sur une prestation de services de mise à disposition d’espaces de travail, à l’instar d’un centre d’affaires, selon différentes formules d’implication (figure 3). Les « résidents » disposent d’un poste de travail attitré à temps plein, tandis que les « pied-à-terre » profitent d’un hébergement à temps partiel. Les structures résidentes comptent en général entre une et six personnes alors que les entreprises « pied-à-terre » sont le plus souvent en démarrage (ces entrepreneurs conciliant parfois une autre activité) ou basées en région. Une troisième formule permet aux « butineurs » de participer aux événements de La Ruche, alors qu’ils n’ont pas physiquement localisé leur activité à La Ruche (des étudiants, des indépendants ou des entreprises en pré-lancement). Depuis l’ouverture en 2008, environ 250 personnes sont passées par La Ruche (dont 49 structures résidentes et 23 pied-à-terre)[3]. L’équipe de La Ruche est composée de trois salariées, en charge de l’animation, de la coordination et du développement de la structure. La Ruche a le statut d’association de loi 1901; sa mission est de promouvoir l’innovation sociale en offrant un lieu de rassemblement physique et d’échanges à des entrepreneurs sociaux.

Figure 3

Les 3 formules de La Ruche en 2011

Les 3 formules de La Ruche en 2011

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La Ruche est un espace de travail partagé conçu pour accueillir des entrepreneurs désirant « entreprendre autrement ». L’entrepreneuriat social est défini par Zahra et al (2009) comme l’ensemble des activités et processus entrepris pour découvrir, définir et exploiter des opportunités qui permettront d’accroître la richesse et le bien-être social en créant de nouvelles entreprises ou en dirigeant des entreprises existantes de façon innovante. Cette définition large de l’entrepreneuriat social semble convenir à la vision de La Ruche en la matière et permettre de rendre compte de la diversité des projets qui y sont hébergés. Le principal critère de sélection de La Ruche n’est pas le stade de développement du projet entrepreneurial, contrairement à ce que pratiquent de nombreuses structures d’appui. La Ruche accompagne des entrepreneurs aussi bien ante que post création. Il existe également une vaste hétérogénéité en termes de statuts juridiques puisque des associations comme des sociétés anonymes ou des professions libérales peuvent être hébergées à La Ruche dès lors qu’elles développent une activité en lien avec l’innovation sociale. La Stanford Social Innovation Review la définit comme l’ensemble des processus d’invention, de soutien et d’implémentation de nouvelles solutions à des problèmes et besoins sociaux d’importance. Selon Cloutier (2003), une innovation sociale poursuit l’objectif de favoriser le mieux-être des individus et des collectivités, pouvant se révéler, à plus long terme, source de nouveaux modèles de développement. Ces deux points de vue permettent une nouvelle fois d’illustrer la pluralité des formes d’innovation sociale à La Ruche. Cette dernière utilise trois axes pour cartographier la diversité des projets accueillis : (1) Vers un monde moins inégal : promotion de la diversité, lutte contre la précarité…; (2) Vers les organisations de demain : accompagnement entrepreneurial, investissement responsable…; (3) Vers de nouveaux modes de vie : consommation responsable, gestion des ressource naturelles… Ainsi, les entrepreneurs souhaitant intégrer La Ruche doivent développer une réponse innovante à un défi de société (social ou environnemental) de taille (qui touche le plus grand nombre) tout en s’appuyant sur des modèles économiques viables (pour preuve la capacité d’assumer le bail de résident d’un an minimum).

Si les candidats et leurs projets peuvent être très différents en termes de maturité et d’activité, ils doivent tous néanmoins partager les valeurs d’échanges et de collaboration portées par La Ruche. Le processus de sélection en est d’ailleurs le reflet; loin de la validation d’un dossier de candidature, il s’agit d’une forme de dialogue et d’adoption mutuelle. Après une première phase classique de rencontre avec une personne de l’équipe de La Ruche, le candidat doit participer à un « Buzz[4] » et faire l’expérience de travailler une journée dans l’espace partagé. Le candidat doit décrire ses motivations, les cibles de son projet et le modèle économique envisagé, mais surtout expliquer dans quelle mesure la collaboration l’aidera selon lui à atteindre ses objectifs. La philosophie de La Ruche n’est pas de sélectionner les meilleurs projets (même si une attention particulière est portée au réalisme du modèle économique envisagé) mais plutôt de donner un espace à ceux qui veulent réellement tenter le pari de l’innovation sociale et à ceux que le collectif pourra porter suffisamment loin pour faire émerger et grandir leur projet.

Un espace d’événementiel de l’innovation sociale

A la différence d’un centre d’affaires, La Ruche ne se contente pas de louer des postes de travail et de mutualiser certaines ressources (wifi, imprimantes, salles de réunion…). La Ruche organise des espaces et des moments formels dédiés au soutien entre pairs et favorise les interactions entre les acteurs de l’entrepreneuriat social en programmant une dizaine d’événements par mois sur des formats et des thèmes variés. La Ruche distingue deux types d’événements, ceux qui sont réservés aux membres (quelque soit leur statut à La Ruche, leur stade de développement, leur champ d’activité…) et ceux qui sont ouverts au plus grand nombre.

L’événement interne le plus important pour les membres de La Ruche (une quarantaine de participants en moyenne) est le Buzz : tous les vendredis, les membres partagent un déjeuner et diverses informations (troc de compétences, offres d’emploi…) dans la cuisine. Chaque volontaire prend la parole à son tour et retranscrit en quelques mots clés son message sur un papier qui restera affiché pendant une semaine dans la cuisine, avant d’être repris dans la newsletter interne. Le Buzz permet de rendre visible le foisonnement des actions menées par les membres et au collectif de partager sa vision du projet de La Ruche. Ce rendez-vous phare permet de créer durablement un lien entre les membres de différents statuts, notamment avec les butineurs.

Des événements abordant des sujets circonscrits de façon plus concrète sont également régulièrement organisés. Il s’agit des événements Toolbox (ex : comment améliorer son référencement sur Google; comment fonctionne OSEO…). Les animateurs de ces ateliers (une dizaine de personnes en moyenne pendant 1 h 30) sont la plupart du temps des membres de La Ruche qui mettent à disposition du groupe un de leur savoir-faire.

Enfin, le Hold up est la forme de collaboration organisée la plus aboutie au sein de La Ruche. Ce sont des séances de créativité collective qui permettent de dégager des pistes de réponses à des problèmes de gestion concrets des entrepreneurs (ex : Quel nom pour ma SCOP[5] ?). Les séances sont généralement co-animées par un expert et un novice afin que tous ceux qui le souhaitent puissent se former à cette méthodologie collaborative et la réutiliser ultérieurement dans leur activité professionnelle. Les participants aident bénévolement d’autres membres à faire émerger des éléments de réponses à leurs défis entrepreneuriaux.

Parallèlement, La Ruche et ses membres organisent des événements ouverts également aux non-membres. Les HappyRuche, par exemple, prennent la forme d’un apéritif-networking dans la Boutique, un mardi par mois, autour d’un sujet d’innovation sociale proposé par un membre. Ils sont ouverts à tous, gratuitement, sur simple inscription. Sur le même format, les WiserTuesdays rassemblent des personnes explorant comment utiliser les nouvelles technologies du web 2.0 pour soutenir des actions solidaires.

Des événements collaboratifs plus exceptionnels, comme les Startup Weekend, permettent à des porteurs d’idées de startup et des personnes souhaitant s’engager dans l’entrepreneuriat de travailler ensemble pendant deux jours sur la définition du projet pour en être finalement co-fondateurs à l’issue de l’événement. Ce type d’événements n’est pas spécifique à La Ruche. Elle constitue toutefois un lieu d’accueil et de diffusion particulièrement adapté à ce nouveau style de collaboration.

Les entrepreneurs peuvent également utiliser l’espace de La Ruche pour monter des opérations de communication en vue de faire connaître leur activité, en créant par exemple un lieu de vente temporaire le temps d’un week-end (on parle de « boutique éphémère ») dans l’espace de La Boutique justement. Cette modalité constitue une forme indirecte de soutien aux activités des entrepreneurs visant à développer significativement leur visibilité et à construire des connaissances sur leur marché en testant leur proposition auprès des clients.

Le fonctionnement de La Ruche repose donc sur deux piliers, la location de postes de travail et l’organisation d’événements, dans un espace partagé. Les interactions en découlant permettent la construction, l’acquisition et le partage de connaissances. En ce sens, La Ruche peut être qualifiée de structure d’accompagnement entrepreneurial.

L’implantation dans l’espace comme facteur d’interaction

Nous insisterons ici sur l’implantation spatiale des différents entrepreneurs dans ce lieu partagé qu’est La Ruche.

Pour rejoindre La Ruche, les entrepreneurs sont sélectionnés selon une double logique d’hétérogénéité des profils et des projets et d’homogénéité en termes de valeurs et de méthodes de travail. L’existence du processus de sélection rapproche La Ruche d’un incubateur (versus un centre d’affaires) mais d’autres paramètres l’en éloignent sensiblement. Nous avons par exemple déjà vu que La Ruche ne s’inquiétait pas du stade de maturité du projet entrepreneurial; elle ne participe pas non plus au financement des structures. Les entrepreneurs adhérant à La Ruche n’intègrent pas un programme d’incubation à proprement parler; la durée de l’accompagnement n’est pas déterminée en amont. En résidentiel, l’engagement d’un an minimum (bail avec tacite reconduction) laisse à penser que la durée moyenne d’incubation à La Ruche permet de développer des relations et des collaborations significatives entre les membres.

Les entrepreneurs se voient attribuer une place dans l’espace, en général en fonction des places disponibles, ce qui va nécessairement impacter leurs premières interactions ou leurs interactions les plus fréquentes avec leurs « voisins ». Par choix, l’organisation spatiale ne se fait pas autour de logiques d’ancienneté, de maturité du projet entrepreneurial ou de secteur d’activité afin de s’assurer que la diversité des projets accueillis soit une réalité appréhendée par tous. L’équipe de La Ruche reconfigure en revanche régulièrement l’espace pour s’adapter aux nouvelles situations de travail (départ ou arrivée de nouvelles structures ou de collaborateurs d’une structure; nouvel équipement…). Même les résidents déjà présents peuvent se voir déplacés afin d’insuffler de nouvelles dynamiques organisationnelles – une forme d’attachement à l’espace et au voisinage peut cependant engendrer certaines résistances. La circulation et l’utilisation de l’espace par les entrepreneurs comme leur participation à différents événements vont également déterminer les interactions et échanges qui pourront donner lieu à des apprentissages croisés. Les entrepreneurs choisissent librement de venir à tel ou tel événement; aucune recommandation personnalisée n’est effectuée par La Ruche, au-delà d’une incitation générale à participer à la vie de l’organisation. L’équipe de La Ruche valorise dans son discours et dans sa manière de gérer l’organisation ce type de fertilisation croisée. Le message semble être intégré par les entrepreneurs qui se l’approprient.

Cette dynamique interactive considérée à l’échelle des résidents est démultipliée par l’existence et la présence de deux autres types de membres dans La Ruche. Les pied-à-tierre et les butineurs confèrent un degré d’ouverture supplémentaire à la population principale des résidents. Le mélange et la diversité ne sont pas simplement portés par le turnover naturel de l’organisation mais sont institués comme principes de fonctionnement de la structure. Le côté aléatoire et involontaire de la nature des échanges est encore accentué par le troisième niveau d’ouverture de La Ruche. Avec les événements ouverts, elle s’inscrit comme acteur clé de l’écosystème de l’innovation et de l’entrepreneuriat social. Elle augmente ainsi son exposition et celle des entrepreneurs aux différentes formes et réalités endossées par ce champ en construction. Elle améliore également sa visibilité au sein de l’écosystème et en offre par conséquent à ses membres. Il est à noter cependant qu’avant d’être une valeur ajoutée du modèle, ce fort niveau d’ouverture est à l’origine une nécessité permettant de répondre à la diversité des besoins des entrepreneurs engagés dans des projets très différents au sein de La Ruche.

Les entrepreneurs de La Ruche viennent à former un groupe qui se constitue avec le temps en collectif porté par des sujets et valeurs communs grâce à des interactions répétées au sein d’un espace physique partagé, ce qui pourrait laisser penser que La Ruche fédère une communauté de pratiques.

Les dynamiques d’apprentissage à La Ruche

Maintenant que nous avons présenté les grands principes de fonctionnement à partir des entretiens avec les personnes moteurs de cet espace, nous voudrions adopter le point du vue des entrepreneurs résidents (population majoritaire et centrale de La Ruche) pour appréhender les dynamiques d’apprentissage au sein de La Ruche.

Au départ, les entrepreneurs cherchent avant tout un lieu physique pour domicilier leur entreprise et travailler; ils ne cherchent pas de soutien direct à leur activité entrepreneuriale. Ils sont séduits par la dimension collective de La Ruche, qui va mettre fin à l’isolement qu’implique souvent le statut d’entrepreneur et leur offrir des opportunités de rencontres et d’échanges. De plus, la spécialisation affichée de La Ruche autour de l’innovation sociale constitue une opportunité pour ces entrepreneurs émergents. Les deux fonctions évidentes du lieu, travail et socialisation, suffisent à expliquer leur choix de s’installer à La Ruche. C’est seulement plus tard qu’ils réalisent qu’être localisés à La Ruche leur apporte plus, qu’ils y font l’expérience d’apprentissages de formes et contenus variés. A partir des entretiens avec les entrepreneurs, nous allons tenter d’expliciter les principales situations d’apprentissage à La Ruche et les formes d’apprentissage en résultant.

Des apprentissages par combinaison action-réflexion

Dans la présentation des événements, nous avons vu que certains visaient à développer les compétences personnelles des membres, que ce soit par une meilleure connaissance du secteur de l’innovation sociale ou par l’acquisition et la mise en oeuvre de nouveaux savoirs. Les Toolbox sont des exemples tout à faits représentatifs du modèle cognitif de l’apprentissage : « C’est la matière grise qui travaille et qui produit des trucs supers »; « ça nourrit la réflexion ». Durant ces sessions, l’intervenant principal arrive avec des savoirs constitués qu’il va tenter de transmettre au groupe, mais en se positionnant essentiellement comme animateur des échanges entre participants plutôt qu’expert. Car ces événements ont la caractéristique d’accorder une place prépondérante à la mise en oeuvre dans leur déroulement et leur finalité. « Par exemple pour le Toolbox sur le logiciel Prezi, tout le monde est venu avec son ordinateur pour apprendre à le faire directement, puis chacun a créé une présentation pour la journée porte ouverte de La Ruche. On fait quelque chose qu’on utilise après, c’est très concret ». D’autres événements cherchent à éveiller les entrepreneurs à de nouveaux outils et de nouvelles méthodologies, afin de mieux développer leur structure entrepreneuriale par la suite. En parlant du Hold up, certains entrepreneurs disent : « J’en ai co-animé un et maintenant je l’utilise pour mes réunions de groupe dans mon métier »; « J’ai repris l’idée de résolution dans ma proposition de service. J’ai trouvé lumineux cette idée de résoudre quelque chose à plusieurs dans un temps réduit »; « Ce qui est intéressant à La Ruche, on se montre deux fois la même technique et après tu peux te l’appliquer. Un Hold up, c’est apprendre en faisant. La mise en oeuvre est importante. Cette méthodologie est super intéressante, encore plus pour l’appliquer dans ton activité. »

Dans une autre séance, deux acteurs de la pêche durable, membres de La Ruche, ont expliqué leur activité de labellisation et de commercialisation en montrant des films, en décryptant les sigles à connaître pour bien consommer et en faisant déguster des produits. Ceci se révèle un exemple parlant de transformation de connaissances individuelles tacites en connaissances explicites pour le collectif. En retour, l’intervenant sort également grandi de cette expérience : « J’ai apprécié cette liberté que j’avais de pouvoir apporter aux autres ce que je connaissais. Ça a développé ma confiance en moi de me dire que je pouvais transmettre et que moi, à mon niveau, je pouvais apporter aux autres. »

La Ruche offre de multiples opportunités d’interactions entre pairs ; ces derniers pouvant s’avérer une ressource précieuse pour l’entrepreneur et sa structure : « Grâce à La Ruche, j’ai eu la possibilité de discuter des options que j’avais (…). Au final, le projet a grossi »; « A La Ruche, j’ai reçu beaucoup d’aide sur plein de petites choses, comme de l’expertise sur de l’éco-conception et rénovation, les plans d’urbanisme, etc. ». Mais il revient à chacun de se construire pro activement un parcours d’apprentissage au sein de La Ruche, au fil du temps et au gré des ses besoins et envies : « On a un système qui nous fait réfléchir, qui nous challenge et qui nous fait avancer. […] Mais c’est nous qui prenons ces décisions, ça n’est pas quelqu’un qui nous les impose ». Le modèle prescripteur de l’apprentissage ne correspond pas à la pratique en vigueur à La Ruche; il n’y a pas d’enseignant à proprement parler dans ce modèle mais plutôt des animateurs chargés de faciliter les échanges entre les participants.

Des apprentissages par co-construction avec les pairs

Les événements, et la vie de La Ruche en général, créent les conditions d’échanges entre des personnes partageant des intérêts communs dans le champ de l’innovation sociale, ce qui peut aboutir à la construction et au partage de pratiques communes ou de nouveaux projets : « Ce que j’apprécie, c’est que les thématiques soient partagées. J’apprends des autres. ». Le Buzz est probablement l’événement le plus important pour La Ruche car il est l’élément fondateur de la dynamique d’apprentissage collectif : « Le Buzz […] j’y vais une fois par mois en moyenne et à chaque fois j’ai rencontré quelqu’un. De manière informelle et sympathique (…), ça te permet de découvrir ce que les autres font ». Il est peu aisé d’identifier opérationnellement des formes concrètes d’apprentissage. La nature souvent informelle et imprévue des interactions entre les membres au sein de l’écosystème, au hasard de la programmation et de la circulation dans l’espace de travail, font que ces situations ne sont identifiées par les entrepreneurs qu’a posteriori comme des moments marquants pour le développement de leur projet, lorsqu’ils mobiliseront directement ou indirectement la ressource générée lors de cette interaction : « Je ne suis pas capable de dire : ‘Tiens, j’ai appris ça en particulier’. Tu vois les pratiques des autres et tu te dis ‘tiens, je la mettrais bien en oeuvre’. Par exemple, quand quelqu’un fait une démarche commerciale, tu te dis ‘tiens, je pourrais l’adapter’. Dans l’open space, tu entends des choses et tu te dis ‘tiens, tiens,… ça, je vais l’utiliser !’ »; « On ne peut pas tout prévoir et régenter… Comme la notion de ‘sérendipité’, c’est aussi important de trouver ce qu’on est venu chercher que le reste qu’on n’a pas cherché… Je constate qu’on apprend autant, voire plus, quand c’est aléatoire que quand c’est formalisé. » Certains événements, comme les Hold up, constituent des exemples de collaboration et d’apprentissage collectif tangibles : « Les Hold up, j’adore, ça permet de régler des problèmes. Une structure a un problème spécifique et n’arrive pas à y répondre seule, alors on met douze ou quinze personnes autour d’une table pour l’aider »; « Moi ce que j’aime beaucoup c’est le Hold up. On réfléchit ensemble sur une problématique d’une des entreprises. Par exemple, on a donné l’idée à […] de comment on allait appeler leur système de bouchon. On est arrivés ensemble à l’idée. »

Les situations d’apprentissage collectif les plus courantes à La Ruche reposent sur deux principes clés, la comparabilité et la complémentarité.

Dans le premier cas, il faut rappeler que les entrepreneurs de La Ruche évoluent dans le milieu de l’entrepreneuriat social encore en construction. Ils sont exposés à La Ruche à une multitude d’initiatives différentes, portées par les membres ou par les acteurs de l’écosystème. En échangeant avec ces personnes, ils peuvent avoir accès à une base de connaissance bien plus large des nombreuses formes que peuvent prendre les initiatives des autres entrepreneurs sociaux dans le monde. L’avantage majeur pour l’entrepreneur dans cette situation est de saisir l’occasion de s’inspirer de modèles comparables au sien afin de mieux structurer son projet et de le faire grandir. La forme d’apprentissage réalisée ici pourrait être qualifiée de professionnalisation. Le témoignage d’une femme entrepreneure qui souhaitait créer un hôtel écologique dans une zone urbaine et y employer des personnes éloignées de l’emploi peut être éclairant. Au cours d’un buzz où elle fait part des actualités de son projet, une personne de La Ruche lui recommande de se renseigner sur le concept de l’Ancien Carmel de Condom, lieu d’accueil solidaire où cohabitent des personnes de tous horizons. Ce faisant, elle est mise en relation avec une association ayant pour but de donner un logement aux sans abris, qui deviendra partenaire du projet. D’un projet d’hôtel de 20 chambres qu’elle aurait managé elle-même, elle est passée à un projet de 50 chambres, dont 10 allouées à de la mixité sociale et donc à du logement, grâce à un mandat d’exploitation confié par des investisseurs qui se porteraient acquéreurs des murs.

Au-delà des dynamiques classiques de réseau, il est intéressant de souligner ici l’impact conséquent sur le développement du projet entrepreneurial qu’aura permis cette confrontation à des cas comparables.

Dans le second cas, il est question pour les entrepreneurs de réaliser qu’il pourrait exister une complémentarité dans leurs activités professionnelles avec d’autres porteurs de projets. Cette prise de conscience peut alors se concrétiser par la création d’une nouvelle compétence commune, permettant de générer plus d’activité ou une autre sorte d’activité économique, s’ils conjuguent leurs forces. Les moyens utilisés par les entrepreneurs de La Ruche pour parvenir à ce résultat consistent le plus souvent à échanger des bases de données clients-fournisseurs par exemple ou à répondre conjointement à des appels d’offre. Pour illustrer cette dynamique, nous pouvons livrer l’exemple d’un entrepreneur engagé dans une activité de conseil et d’assistance à maîtrise d’ouvrage en habitat durable qui cherche à se créer de nouvelles compétences, et peut-être des nouvelles sources d’activité, en nouant des partenariats via La Ruche : « J’ai pu trouver des contacts pour mon activité parce qu’il y a des structures complémentaires, qui ont elles-mêmes des réseaux qui peuvent m’intéresser, pas forcément pour trouver des clients mais des partenaires. On a répondu à une offre avec deux autres structures de La Ruche. A trois, on pouvait répondre et être bons. C’était avec un spécialiste de la formation sur la qualité environnementale du bâtiment et un spécialiste d’animation de réunions, d’outils collaboratifs. (…) Je vais aussi signer un partenariat avec une autre structure qui réalise des formations professionnelles sur la qualité environnementale des bâtiments. On travaille exactement sur les mêmes sujets. Ca l’intéresse d’être plus opérationnelle sur des projets concrets et moi ça m’intéresse d’avoir un lien avec la formation. »

Ces différentes caractéristiques des apprentissages soulignés par les entrepreneurs nous conduisent à les rapprocher de l’approche socio-constructiviste.

Figure 4

Typologie des événements de La Ruche

Typologie des événements de La Ruche

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Les leviers des dynamiques d’apprentissage

Les caractéristiques du modèle d’accompagnement entrepreneurial porté par La Ruche, compris comme un processus d’apprentissage, reposent sur trois éléments : le processus de sélection, l’animation participative de la structure et le rôle de l’environnement physique.

Les dynamiques d’apprentissage de La Ruche sont permises par le critère clé guidant la sélection pratiquée par La Ruche; l’esprit collaboratif est au coeur de modèle. Il est primordial que la majorité des entrepreneurs joue le jeu du partage et de l’échange pour donner corps aux apprentissages collectifs : « On vient ici avec l’idée de partager quelque chose même si on ne sait pas trop quoi »; « Quelqu’un qui veut s’enfermer complètement dans son projet professionnel et ne pas voir celui des autres, ça n’est pas là qu’il doit venir ». L’engagement et la qualité de la confiance au sein de la structure garantissent la pérennité du modèle qui fonctionne sur le principe du gagnant-gagnant. Il est à noter qu’aucun entrepreneur interrogé n’a évoqué des conflits d’intérêt dans le partage d’information et de conseils entre des structures potentiellement ou effectivement concurrentes.

L’esprit collaboratif se matérialise dans la programmation riche et régulière d’événements et de rencontres organisés autour de thématiques variées en lien avec l’actualité de La Ruche et de ses membres ou de l’entrepreneuriat social. Si les événements de La Ruche peuvent être qualifiés d’ouverts ou fermés en fonction du public, il est également possible de les distinguer en fonction des dynamiques d’apprentissages qu’ils portent, des apprentissages individuels et collectifs, comme vu précédemment (figure 4). Les événements constituent des vecteurs originaux d’apprentissage, où l’enseignant / accompagnateur n’est plus un référent clairement identifié. Ce rôle d’accompagnateur peut être endossé ponctuellement par chaque membre de La Ruche au profit de n’importe lequel des autres membres, ce qui nous place dans un contexte spécifique d’accompagnement par les pairs, fondu dans le collectif et l’informel.

Enfin, il est intéressant de souligner que la configuration de l’espace semble servir activement la dynamique interactionnelle caractéristique et vitale à La Ruche : « Je pense que la présence de la cafet’ et du petit jardin fait beaucoup pour la convivialité »; « L’environnement n’est pas neutre : c’est un endroit décalé, à la fois lieu de travail mais aussi un chez soi avec des plantes, des canapés, on s’y sent un peu comme à la maison. Le fait que ça ne soit pas traditionnel, ça créé un certain attachement… On sent que ça a été pensé pour montrer qu’autre chose est possible. Le travail en latin ça veut dire instrument de torture au départ… Ce n’est pas hyper gai ! Mais quand je vais à la Ruche je suis content de venir. C’est un vrai impact dans ma vie. Quand on sait qu’on passe je ne sais combien d’heures à travailler… si tu t’y sens bien, c’est une vraie plus-value ». S’il est aisé de considérer l’aménagement de l’espace comme un facilitateur d’interactions et du bien-être au travail, il est moins fréquent de l’envisager comme un facteur clé de la fierté d’appartenance à une organisation et comme un médiateur d’apprentissage : « Ce qui me rend disponible à l’apprentissage ? Que le lieu soit agréable, calme, serein; que les gens soient bienveillants et qu’il existe cette relation de confiance ».

Nouvel accompagnement pour nouveaux entrepreneurs

Considérant l’accompagnement comme un processus d’apprentissage (Sammut, 2003; Cuzin et Fayolle, 2004), nous avons supposé que chaque modèle d’accompagnement entrepreneurial reposait sur une dynamique d’apprentissage particulière. Or la majorité des pratiques d’accompagnement repose sur des démarches d’apprentissage individuel, le plus souvent dans un rapport de prescription entre l’accompagnateur et l’accompagné. Nous nous sommes alors demandées, en analysant le cas de La Ruche, si des dynamiques d’apprentissage collectif au sein d’une communauté d’entrepreneurs pouvaient fonder un nouveau modèle d’accompagnement entrepreneurial et si oui, quels en seraient les leviers. Car chaque dynamique d’apprentissage suppose que la structure d’accompagnement adapte son style et ses pratiques de management et s’interroge sur le profil entrepreneurial à qui cela répondrait le mieux, comme le suggèrent Bergek et Norrman (2008).

Les entrepreneurs réunis à La Ruche fondent un groupe de pairs au sein duquel ils partagent leurs expériences du défi d’entreprendre en conciliant des objectifs économique et social, construisant et consolidant ainsi un processus d’apprentissage collectif. La sélection effectuée par La Ruche a pour objectif de garantir ces relations paritaires en vue de constituer ce que les fondateurs de la structure qualifient eux-mêmes de « communauté de pratiques », au sens de Brown et Duguid (1991). Les situations d’apprentissage collectif les plus courantes à La Ruche reposent d’ailleurs sur deux dynamiques principales de comparabilité et de complémentarité, qui permettent aux entrepreneurs de professionnaliser leur activité et projet et de construire ensemble de nouvelles compétences communes. Il semble pourtant difficile de conclure que La Ruche parvient à augmenter les compétences de ses membres dans une pratique donnée, si l’on considère la diversité des pratiques dans lesquelles ses membres sont en réalité engagés (conception de voyages solidaires versus gestion de relation clientèle adaptée aux malentendants par exemple). Pourtant, ce qui a été permis par la logique de capitalisation des savoirs et de mise en réseau se traduit par l’ouverture à de nouvelles idées, de nouveaux contacts et marchés (Wenger, 1998). Si l’on adopte le point de vue de La Ruche en tant qu’association qui vise à promouvoir et soutenir l’entrepreneuriat social, on peut alors parler avec succès de « communauté de pratiques » concernant ses entrepreneurs. De par son existence et son activité, La Ruche contribue à structurer et à rendre visible l’entrepreneuriat social en France, grâce en partie également aux initiatives et réussites de ses entrepreneurs membres. Les porteurs du projet La Ruche se définissent d’ailleurs comme des entrepreneurs sociaux, au même titre que ceux qu’ils cherchent à fédérer. L’équipe de La Ruche se vit comme une des structures les plus impliquées dans l’animation de la communauté, et non comme un groupe d’experts qui sauraient ce que signifie être « un bon entrepreneur social » et pourraient en transmettre les recettes. Pour preuve, l’équipe de La Ruche occupe des postes de travail non différenciés dans l’espace partagé, au milieu des autres entrepreneurs. En tant qu’initiative privée, La Ruche apporte des réponses nouvelles aux problématiques de l’entrepreneuriat social en accompagnant de façon innovante d’autres entrepreneurs sociaux à travers le partage d’un espace physique et l’animation d’un réseau élargi.

La Ruche a vocation à faire de l’appartenance collective une réponse aux besoins de ses membres rassemblés en un même endroit. La dynamique prescriptive de l’accompagnement au sens traditionnel et la relation accompagnateur-accompagné sont renouvelées et évoluent vers un modèle d’accompagnement collectif par les pairs, qui pourrait aussi être qualifié de collaboratif. La figure classique de l’accompagnateur tend à disparaître avec la dimension informelle et collaborative du dispositif ou plus exactement à être mutualisée entre les membres de la communauté. La relation interpersonnelle accompagnateur-accompagné devient une relation collective accompagnateur/accompagné-accompagné/accompagnateur, dépassant ainsi le cadre du parrainage (Jaouen et al, 2006). L’accompagné ne se contente pas de devenir accompagnateur une fois son propre parcours d’apprentissage achevé ou bien amorcé mais peut adopter les deux postures simultanément. Notre principale contribution sur le plan académique consiste à avoir fait émerger ce modèle d’accompagnement original, porté par une communauté d’entrepreneurs et des vecteurs originaux d’apprentissage que sont les événements et l’espace partagé. Nous identifions ainsi un nouveau type de pratique d’accompagnement, parmi celles déjà mises en avant par Paul (2002), que l’on peut situer dans la famille du dispositif d’accompagnement par les pairs. De plus, la mobilisation de la notion de « communauté de pratiques » dans un contexte interentreprises composé de startups et de très petites entreprises dans un champ encore en structuration contribue également à challenger le caractère généralisable de la notion en la testant sur un terrain moins étudié jusqu’ici.

Notre recherche comporte également des implications managériales fortes, notamment pour les gestionnaires de structures d’accompagnement, et plus largement pour les pouvoirs publics qui les financent. Nous avons identifié deux leviers d’apprentissage originaux qui pourraient être également actionnés dans le cadre de dispositifs d’accompagnement traditionnels. Nous avons mis en avant une nouvelle forme de management adaptée au modèle d’accompagnement collaboratif qui transforme les accompagnateurs responsables de ces structures d’appui en facilitateurs. Leur mission est de créer les conditions nécessaires et favorables aux dynamiques interactionnelles, en veillant à ce que l’envie de participer des acteurs ne soit pas freinée et qu’un certain équilibre participatif au sein du groupe soit garanti. Ils assurent un rôle d’interface entre les membres et avec l’écosystème, de façon à créer les conditions de l’engagement et de la confiance, propices à l’échange et au partage, selon la conception de Nonaka et Takeuchi (1995). Dans ce cadre, les événements deviennent des media particulièrement adaptés pour susciter la fédération de communautés de pratiques et la co-construction de compétences et de savoirs. Le deuxième levier nécessite de considérer l’espace physique, à la base de l’existence même de la plupart des structures d’accompagnement, comme vecteur du lien social (Lussault, 2009). La co-localisation des acteurs permise par le lieu n’est plus seulement une conséquence de la domiciliation partagée, mais peut se transformer en une véritable ressource managériale pour la structure d’accompagnement s’il permet aux acteurs d’être plus disponibles et plus réceptifs aux différentes situations d’apprentissage pouvant se présenter à eux dans ce contexte. L’attention portée à l’espace peut permettre de transformer ce que l’on considère trop souvent comme une contrainte donnée en une nouvelle source de facilitation.

Conclusion

Dans cet article, nous avons tenté de caractériser un nouveau modèle d’accompagnement entrepreneurial, qualifié d’accompagnement collectif par les pairs, à partir de l’étude exploratoire du cas de La Ruche à Paris (France). Celle-ci se définit comme un espace collectif de travail pour entrepreneurs sociaux; étant entendus comme entrepreneurs sociaux ceux qui tentent de répondre à des besoins urgents de société dans le souci de l’intérêt général.

Nos apports se situent sur deux plans. D’une part, nous différencions un modèle d’accompagnement de ceux identifiés par la littérature en insistant sur les apprentissages croisés directs entre des entrepreneurs ayant choisi de partager un même espace de travail. D’autre part, nous insistons sur ce qui nous semble être les conditions de fonctionnement du modèle. Les caractéristiques du modèle d’accompagnement entrepreneurial porté par La Ruche, compris comme un processus d’apprentissage, reposent sur trois éléments : le processus de sélection, articulant une tension entre diversité des profils et des projets et partage de valeurs d’ouverture et d’échanges; la dynamique interactionnelle, supportée par des échanges formels et informels, notamment grâce à la programmation d’événements et de rencontres ouverts à l’écosystème de l’entrepreneuriat social; et le rôle facilitateur clé endossé par l’environnement physique de travail, notamment via l’implantation des entrepreneurs dans l’espace partagé. Alors même que la co-localisation en un même lieu physique est au centre de la définition de ce qu’est un incubateur, cette dimension est généralement sous-estimée dans la gestion de ce type de structures. Cependant, il est à noter que la co-localisation ne devient une ressource managériale que si elle s’adosse sur un modèle d’accompagnement entrepreneurial qui met au centre du dispositif des processus d’apprentissage croisés entre les entrepreneurs, au niveau de leurs pratiques comme de leurs réseaux. La Ruche pourrait aller encore plus loin dans son fonctionnement en formalisant plus d’actions qui permettraient aux membres de se développer collectivement, sans pour autant remettre en question la nature informelle des échanges prédominants. Elle pourrait par exemple inciter à des réponses collectives à des appels d’offres ou chercher à devenir une vitrine de compétences de l’entrepreneuriat social tendant peut-être ainsi vers un modèle hybridé avec une offre de services plus prescriptifs. Après plus de trois années d’existence, la question de la structuration des activités et de l’évolution du modèle peut en effet être posée.

Le modèle d’accompagnement présenté ici repose sur des pratiques collaboratives au sein d’un groupe de pairs relativement homogène en termes de valeurs, ce qui est permis par le processus de sélection et entretenu par la dynamique des événements. Ce modèle semble fonctionner dans le cas de La Ruche mais il faut rappeler qu’il s’adresse à une population atypique d’entrepreneurs. Les entrepreneurs sociaux cherchent à concilier deux types d’objectifs dans le développement de leurs projets, des objectifs économiques et sociaux (Yunus et al, 2010); ce qui peut rendre la mission d’entreprendre, et a fortiori celle d’accompagner, encore plus complexe. L’accompagnement collaboratif est peut-être une réponse particulièrement adaptée pour ce type de défis entrepreneuriaux dans un champ émergent. Il s’agit de plus d’une population prédisposée, de par la poursuite de l’intérêt général, à s’entraider et à collaborer. Qu’en est-il sur des créneaux d’activité plus établis ? Une comparaison systématique du modèle de La Ruche avec d’autres dispositifs d’accompagnement et d’autres expériences collectives similaires, en France et à l’international, renforcerait la validité de notre recherche et le caractère généralisable du modèle proposé (Eisenhardt et Graebner, 2007). Nous pourrions par exemple réaliser une étude comparative avec les modèles du « Hub » à Londres également dans le champ de l’innovation sociale, qui a d’ailleurs en partie inspiré les fondateurs de La Ruche, et de « La Cantine » à Paris, sur le créneau des nouvelles technologies et de l’économie numérique.