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L’abandon des principaux accords sur les produits de base, précisément celui sur le cacao et celui sur le café au milieu des années 80, a conduit à la libéralisation de la commercialisation de ces produits. Ladite libéralisation est porteuse de nombreux risques liés à la commercialisation. Il faut relever que l’important est le risque de prix. Il occasionne des pertes potentielles de revenus. Ceux-ci ont à leur tour un impact sur le niveau de vie des populations tributaires (paupérisation) (OXFAM, 2013, P. 19).Dans les pays à revenus élevés, les outils qui protègent les producteurs des effets de la volatilité des prix sont largement utilisés (ventes à livraison différée, contrats à terme, contrats d’options, swaps de marchandises, contrats bonds et loans, modèles d’intervention à deux séquences, …).

Ces outils et techniques datent des travaux pionniers de Working (1958, P. 200), Johnson (1957, P. 90), McKinnon (1967, P. 832) et plus proche de nous ceux de Rolfo (1980, P. 110), de Kamdem (1986, P. 230 et 1990, P. 170), ainsi que du modèle proposé par la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED) aux planteurs ougandais de café robusta en 2004. L’accès des producteurs du Sud à ces outils est limité par bon nombre de facteurs entre autres : l’éloignement des marchés, de la complexité des instruments et techniques de couverture, de l’inhabitude d’utilisation, et la faiblesse des volumes individuels de production. Au vu de ce dernier facteur, l’émergence d’institutions intermédiaires permettant des économies d’échelle est vitale. Il est nécessaire de faire appel aux associations paysannes pour permettre aux petits exploitants de disposer de l’outil de gestion du risque qui leur fait défaut. En Ouganda par exemple, deux unions coopératives cotonnières à savoir : la NorthBukedi Cotton Company et la Lango Coopérative Union, utilisent des contrats à terme et d’options. La North Bukedi s’est servie de son accès à la gestion des risques pour garantir des prix minimum (CNUCED, 2004, P. 30).

Selon les travaux de la CNUCED (2004, P. 30), il existe pour une association agricole bon nombre de techniques de gestion des risques entre autres :

  • la définition d’un prix fixe ou minimum via les contrats à terme;

  • l’instauration d’une assurance sur les prix grâce à l’achat d’options à hauteur du prix et du volume fixés par les agriculteurs;

  • la création des fonds de stabilisation par la conservation des réserves durant les périodes de prix élevés.

Les associations ont toutefois besoin du soutien des gouvernements et des bailleurs de fonds. Ce soutien peut se voir en termes de formation et d’appui technique. Il s’agit d’apprendre à manier les instruments de la finance moderne.

Le groupe de gestion des risques sur les matières premières agricoles de la Banque Mondiale a exploré les canaux institutionnels qui permettent de se couvrir contre les risques liés aux prix pour les petits agriculteurs. Des études de faisabilité ont été lancées au Cameroun, au Costa Rica, en Côte d’Ivoire, en République Dominicaine, au Ghana et au Kenya, pour le café, le cacao et le coton. Le groupe de travail international (ITF) (1999, P. 78) a créé un ensemble de mécanismes d’assurance sur les prix pour protéger les planteurs de canne à sucre des îles Fidji vis à vis des fluctuations des prix. Il a lancé un programme pilote de réduction du risque prix pour le cacao au Ghana. Au Cameroun, ITF a proposé depuis 2002 aux coopératives de trois régions du Cameroun (North West Coffee Arabica, South West Farmers Cooperatives Union et Union des Coopératives agricole de l’Ouest,…), un mécanisme d’assurance prix basé sur la revalorisation certaine du prix avancé aux planteurs au moment de la récolte. Ainsi, en début de campagne et sur la base des tendances du marché à terme des produits de base, la coopérative adopte une position pour le prix minimum garanti de vente à l’exportation. A partir de ce prix, elle opère une déduction des frais liés au fonctionnement de sa propre structure et ceux des unions membres. Le reliquat constitue le prix minimum local payé aux planteurs. C’est celui-ci que ces derniers percevront au titre d’avances éventuelles au moment du dépôt de leurs produits. A ce niveau, on distingue deux options :

  • si la vente ultérieure à l’export est opérée à un prix en dessous du minimum garanti, l’assureur international couvre la différence qui revient in extenso à la coopérative. A ce moment, les avances précédemment consenties aux planteurs deviennent le prix local définitif;

  • si par contre le prix de vente à l’export se situe au-dessus du minimum garanti, la différence est redistribuée aux planteurs en complément des avances consenties.

Ce mécanisme de gestion du risque prix est adapté au contexte camerounais si l’on s’en tient au prix minimum garanti. Toutefois, il présente deux types de coûts : la prime d’assurance et le financement de la prime (intérêts). A ces coûts s’ajoutent d’autres exigences telles que la garantie pour l’accès au crédit et les caractéristiques de contrôle de défaut sur les produits. En conséquence, le mécanisme d’assurance prix est inopérant pour gérer le risque prix au Cameroun, car il est bâti sur plusieurs éléments qui risquent de le bloquer comme c’est le cas du mécanisme de compensation pratiqué à l’époque de la stabilisation des prix. On peut se permettre de penser que les producteurs (coopératives) des produits de base, désireux de gérer le risque prix, ne doivent plus compter sur un organisme tiers ou sur des intermédiaires qui réduisent leurs possibilités de gains et font d’eux des acteurs dépendants, incapables de s’approprier la libéralisation des filières et de bénéficier des bienfaits de celle-ci. Ils doivent plutôt devenir de véritables entrepreneurs (agro-entrepreneurs) qui maîtrisent les données des marchés de leurs produits et gèrent par conséquent les différents risques y afférents en l’occurrence le risque de prix (Von Braun et Tadesse, 2013, P. 136; Roux, 2013, P. 35).

Ainsi, au vu de l’inopérationnalité ou de la faiblesse de ces différents outils, mécanismes et modèles de gestion du risque de prix pour les producteurs du Sud, la question de savoir : quelle stratégie les coopératives camerounaises de cacao et/ou de café doivent-elles adopter pour gérer le risque de prix ? Continue de se poser. L’hypothèse d’une vente à terme avec négociation de la prime guidera la suite de cet article.

Cet article s’intègre dans le débat lancé par la CNUCED en 2001 sur « la libéralisation du commerce des produits de base et la gestion du risque de prix » et poursuit la réflexion sur les travaux de Kamdem (1990, P. 170) et de McPhail et Muhammad (2012, P.405) basés sur la réduction du risque du producteur du cacao et du café et sur la stabilisation de leurs revenus. Par ailleurs, il se fonde sur le modèle mimétique de Orlean (1984, P.134) en termes d’informations sur les prix futurs. L’objectif de cet article est de proposer une stratégie de vente (commercialisation) qui minimise le risque de prix et qui maximise le revenu des producteurs de cacao et café. Pour atteindre cet objectif, nous nous penchons dans la suite de ce travail sur la revue de littérature et hypothèse, sur la méthodologie, sur les résultats ainsi que sur la conclusion et implications.

Revue de littérature et hypothèse de travail

La couverture du risque en finance de marché a fait l’objet des travaux des plus importants depuis le texte séminal de Knight (1921). Elle est apparue dans l’analyse des cours des produits de base lorsque les pays producteurs ont été confrontés à la gestion des fluctuations des cours consécutives à la libéralisation des marchés à la fin des années 80. On peut distinguer les modelés traditionnels directement issus des premiers travaux et les stratégies modernes qui font intervenir de façon récurrente et abondante l’analyse statistique. Plusieurs propositions ont été faites, mais elles se sont malheureusement heurtées à la loi du marché qui fait survivre la volatilité des cours et par conséquent, rend inefficace les différentes techniques proposées par les chercheurs et les pratiquants de la couverture (Chonel, Declerck, Filippi, Frey, Mauget; 2013, P.340). Dans cette section, nous présentons les modèles traditionnels et les stratégies modernes de couverture ainsi que l’hypothèse de travail.

Les modèles traditionnels de couverture

La présentation des différentes techniques et stratégies de couverture du risque de prix obéit à une certaine chronologie qui consiste à expliquer le concept traditionnel de la couverture, ensuite à présenter l’approche moderne de la couverture et enfin à élucider les autres voies suivies par les chercheurs et les praticiens.

Le concept traditionnel de couverture

La conception traditionnelle de la couverture est très rapidement cernée lorsque l’on parcourt la littérature existante. Dans une étude consacrée aux différentes formes de couverture, Yamey (1951, P.71) définit la couverture comme suit : “…if a processor or a dealer buys a quantity of commodity, he takes up a long position in the spot market, and he is exposed to the risk of loss should price fall before he sells. He hedges by selling a future contract of the same quantity, there taking up a short position in the futures market” (Yamey, 1951, P.71).[1] Hieronymus (1997, P. 198) parlant de la couverture dit “Risks are shifted by the process of hedging. To hedge is to take a position in futures equal and opposite to an existing cash position”.

Dans la conception traditionnelle, la couverture est perçue comme étant essentiellement motivée par un souci de réduction du risque de variation des prix au comptant. Le marché à terme (dérivé) est perçu comme un marché d’assurance. Ainsi, dans l’optique traditionnelle, une opération de la couverture n’est considérée comme efficace que dans la mesure où les cours à terme et les cours au comptant évoluent en parallèle, l’opération étant considérée comme parfaite si le résultat de la couverture est nul. En d’autres termes, une opération de couverture ne sera considérée comme parfaite que si la différence entre la base à la clôture et la base à l’ouverture est nulle Dans ces conditions, si nous notons P0 le cours au comptant au temps 0, P1 le cours au comptant à la période 1, f0 le cours à terme à l’époque 0 pour une livraison à l’époque 1, et f1 le cours spot prévalant sur le marché à terme à l’échéance du contrat. Alors pour qu’une opération de couverture soit considérée comme parfaite dans le concept traditionnel de la couverture, il faut que :

(p1 – f1) correspond à la base à la clôture alors que (p0 – f0) est la base à l’ouverture, c’est-à-dire au moment où s’initie l’opération.

C’est en partant du concept de marché à terme comme marché d’assurance que Keynes et Hicks ont élaboré la théorie du déport normal. Cependant, cette théorie n’exige pas que le résultat de l’opération de couverture soit nul pour que celle-ci soit considérée comme parfaite. Très tôt, la perception traditionnelle de la couverture est battue en brèche. C’est ainsi que Gray (1976, P. 283) raisonnant au demeurant dans le cadre traditionnel de la couverture, fournit pour la première fois des résultats empiriques qui permettront à Working (1978, P. 830) de remettre définitivement en question le concept de « couverture-assurance contre le risque » (Kamdem, 1986, P. 143)..

La contribution de Working[2]

Working (1978, P. 150), après avoir constaté que le concept traditionnel de couverture est insuffisant pour expliquer toutes les opérations des spéculateurs, va distinguer cinq types de couverture selon le but poursuivi par l’arbitragiste : la couverture visant un profit de stockage, la couverture opérationnelle, la couverture sélective, la couverture anticipative et la couverture visant une réduction du risque de prix. Il introduit le concept de « multi-purpose hedging » c’est-à-dire couverture à motivations multiples. Ce concept de couverture à motivations multiples de Working (1978, P. 155) apparaît fondamental dans la mesure où il suppose que la couverture permet tout simplement de porter le résultat de l’opérateur au niveau du « point mort » (break-event), alors qu’en toute logique, un opérateur rationnel cherchera à profiter de toutes les opportunités offertes par le marché à terme pour maximiser son revenu. La littérature actuelle sur les opérations à terme suit en général la ligne tracée par Working (1978, P.156).

Les stratégies modernes de couverture

La perception moderne de l’arbitragiste intervenant sur les marchés à terme est qu’il est tout d’abord selon le terme de Telser (1981, P. 233), un agent économique « preneur de revenus » du même degré que tout autre agent économique. Cependant, si l’objectif de l’opérateur est la seule maximisation de son revenu, alors il pourra réaliser des gains importants si ses prévisions sont justes. Mais en revanche, si les prévisions de l’opérateur se révèlent fausses, alors il peut réaliser d’énormes pertes. Dans ces conditions et selon Telser, l’opérateur cherche à maximiser son revenu, compte tenu du risque y afférent (Kamdem, 1986, P. 235). Depuis Telser, l’approche moderne de la couverture est menée en terme de rendement – risque, le rendement étant l’espérance mathématique du revenu du producteur; le risque étant mesuré par l’écart-type de ce revenu.

La perception moderne de la couverture peut être cernée, dans son essence à travers plusieurs modèles : celui de Johnson, celui de Mc Kinnon, le modèle d’intervention à deux séquences de Kamdem et les schémas de gestion du risque de prix proposés par la CNUCED aux producteurs de café en Ouganda.

Le modèle de Johnson

Dans le modèle de Johnson (1960, P.150), un marché primaire est défini par rapport à la position qu’y tient l’opérateur. Le marché primaire est pour lui le marché par lequel « il est censé gagner sa vie » (make his life). Il correspond pour ce dernier au marché du physique. Dans ces conditions, appelons Xi la position en unités physiques de l’opérateur sur le marché au comptant. Afin de minimiser le risque de variation des prix entre l’époque t1 et l’époque t2 pendant laquelle la position sur le marché au comptant est maintenue ouverte, l’arbitragiste est censé prendre une position à terme Xj sur le marché j (marché secondaire).

Appelons ri la variation du prix sur le marché i entre t1 et t2. Le rendement associé à la détention d’une position Xi sur le marché i (marché primaire) et d’une position Xj sur le marché j (marché secondaire) est égal à : : R = XiRi + Xjrj[3]

Le rendement espéré est égal à : E (R) = Xiμi + Xjμj

La variance de rendement est égale à :

μi et μj sont respectivement les variations anticipées des cours sur le marché du physique et les variations anticipées sur le marché à terme entre t1 et t2. σ2i et σ2j sont respectivement la variance de variations de prix entre t1 et t2. Covij est la co- variance entre les rendements de Xi et ceux de Xj. Celui-ci est le modèle pionnier dans le domaine de la détermination du ratio optimal de couverture dans la mesure où toute la littérature postérieure s’y inspire, à quelques nuances près. Cependant, ce modèle présente quelques limites dans la mesure où il ne s’applique qu’au cas des producteurs de matières premières qui prennent des positions sur le marché à terme. C’est avec Mc Kinnon (1967, P. 833) que l’analyse est étendue aux producteurs de produits de base.

Le modèle de McKinnon[4]

Il s’articule de la façon suivante : soit R, le revenu de l’agriculteur au moment de la récolte; alors on peut écrire :

X est la quantité, XF la quantité vendue à terme, P le prix spot et f le prix à terme. Le revenu espéré de l’agriculteur est égal à :

La variance du revenu de l’agriculteur est par conséquent égale à :

Le modèle de Mc Kinnon présente un intérêt indéniable dans la mesure où il traite explicitement le cas du producteur de matières premières alors que jusque-là, les auteurs se sont bornés à l’analyse des opérations des spéculateurs, des industriels et des négociants de matières premières. Ce modèle présente cependant des limites dans la mesure où il est supposé que la base à la clôture est nulle, ce qui est une hypothèse tout à fait contestable.

Les autres analyses basées sur le modèle E-V

Les analyses menées à la suite des travaux de Johnson et de McKinnon retiennent globalement les mêmes hypothèses. Certaines supposent en suivant Johnson, que la seule incertitude se situe au niveau des prix futurs. D’autres travaux à l’instar de l’analyse de Mc Kinnon supposent que les variables de prix et de quantité sont aléatoires. Ward et Fletcher (1971, P. 176) ont tenté une généralisation de l’approche de Jonhson et de Mc Kinnon afin de prendre en compte les cas des opérations de couverture courte et longue, et ceux des opérations de spéculation pure des agriculteurs et des négociants. Anderson et Danthine (1983, P. 261) ont montré que la couverture de « routine » (couverture parfaite) est sous optimale dans la mesure où elle ignore les opportunités de profits spéculatifs.

Rolfo (1980, P. 111) a quant à lui déterminé, sur la base des cours du cacao sur le marché de Londres, le ratio optimal de couverture pour les quatre principaux pays producteurs que sont : la Côte d’Ivoire, le Brésil, le Ghana et le Nigeria. Les quantités produites et les prix sont supposés aléatoires et l’analyse a porté sur 24 saisons (1952-1953 à 1975-1976). Les résultats de Rolfosont les suivants : Pour un paramètre d’aversion à l’égard du risque compris entre 0,001 et + ∞, le ratio optimal de couverture est compris entre 50 % et 61 % pour le Ghana, 45 % et 65 % pour le Nigeria, 37 % et 78 % pour la Côte d’Ivoire et 90 % et 94 % pour le Brésil. Un autre résultat intéressant auquel aboutit Rolfo est que lorsque les coefficients de risque se rapprochent de 0, une position de sens identique prise sur le marché à terme et sur le marché au comptant apparaît comme optimale.

La conclusion qui se dégage de l’ensemble de ces études est que sur le marché à terme, l’intervention du producteur – arbitragiste est motivée à la fois par le désir de stabiliser son revenu et par le souci de le maximiser, de telle sorte que la position qu’il est amené à prendre sur le marché à terme soit un mélange de couverture et de spéculation pure[5].

Cependant, la constante qui revient dans toutes ces analyses est que rien n’est dit en ce qui concerne le comportement du producteur sur le marché du physique. Or un producteur preneur de gain ne prend une couverture sur le marché à terme, que compte tenu de la position qu’il détient sur le marché du physique. Par conséquent, la décision de couverture ne peut être analysée indépendamment de la stratégie de vente adoptée par le producteur sur le marché du physique d’où la contribution de Kamdem (1986 et 1990) et de la CNUCED (2004).

Le modèle d’intervention à deux séquences (MIDS) (Kamdem, 1986 et 1990)

Inspiré directement du modèle de Johnson (1960, P. 146), l’originalité du modèle à deux séquences tient au fait que, non seulement il prend explicitement en compte l’objectif de minimisation du risque de revenu du producteur au niveau de chaque séquence, mais il permet aussi au producteur de profiter de toutes les opportunités de gains qui peuvent se présenter aussi bien sur le marché au comptant que sur le marché à terme. Ce modèle permet de réduire le risque non systématique ou risque diversifiable dans la séquence 1. Au niveau de la séquence 2, il permet de réduire le risque systématique ou risque non diversifiable[6].

La première séquence de la décision

Dans cette première séquence, le producteur se fixe comme objectif de minimiser le risque associé au portefeuille de positions pour un niveau de revenu donné. Le programme est le suivant :

X = (X0, X1, … Xn)’ est un vecteur-colonne représentant les différentes positions physiques prises sur le marché au comptant. Le signe (‘) indique la transposée d’un vecteur. ‘C’ est la matrice des variances – covariances des différentes positions prises sur le marché au comptant. C’est une matrice (n + 1, n + 1). E(P) =  P0, E(P1), …, E(Pn)]’ est un vecteur – colonne représentant les prix de vente unitaires attendus des n + 1 lots de marchandises. ‘P’ est un vecteur – colonne (n + 1, 1) dont les composantes sont toutes égales à 1.

La résolution de (forme: 2110059n.jpg) permet de déterminer le vecteur X* = (X*0, X*1, … X*n)’ des lots optimaux que le producteur peut vendre sur le marché au comptant à chaque échéance i donnée (Kamdem, 1986, P. 300).

Après la première séquence, le producteur peut décider de ne pas prendre des positions de couverture sur le marché à terme. Dans ces conditions, son revenu ainsi que le risque y afférent sont évalués. Cependant, il peut aussi décider de prendre des positions sur le marché à terme, et dans ces conditions il doit passer à la séquence 2 du programme.

La deuxième séquence de la décision

Dans cette séquence, le producteur est censé minimiser le risque (variance) du revenu associé à chaque portefeuille πi, de positions mixtes (positions prises sur le marché au comptant et positions prises sur le marché à terme). Compte tenu d’une part du revenu-objectif qu’il s’est fixé et d’autre part du volume du lot optimal Xi* déterminé dans la séquence I.

Le programme à résoudre par le producteur dans cette deuxième séquence est le suivant :

La résolution de (forme: 2110061n.jpg) permet au producteur de déterminer y*i , la position optimale de couverture pour un lot physique i donné. Par conséquent, n interactions sont nécessaires pour la détermination de toutes les positions optimales de couverture, dans la mesure où les n derniers lots physiques déterminés dans la séquence 1 font l’objet d’un stockage et doivent par conséquent être couverts, par des positions prises sur le marché à terme.

Ce modèle, appliqué aux marchés parisiens du cacao et du café (dans le but de répondre à la question de savoir si le producteur qui se comporte selon les prescriptions de celui - ci peut effectivement, tout en maximisant son revenu, réduire les fluctuations de prix) a permis de conclure que « sur ces marchés le MIDS apparaît comme un instrument utilisable par un producteur dont le souci est de réduire les fluctuations de son revenu (en supposant connues les quantités produites, sans avoir à payer un prix trop élevé pour cette stabilisation (Kamdem, 1986, P. 306) ».

Malgré ce résultat, le MIDS présente trois principales limites :

  • au niveau de ses hypothèses qui sont un peu trop élevées (10 hypothèses) et dont certaines peuvent être abandonnées : tel serait par exemple le cas de l’hypothèse relative au stock initial supposé nul;;

  • dans le modèle, le raisonnement se fait sur une période (la saison pour notre producteur); L’élimination de cette hypothèse exige la construction d’un modèle dynamique dans lequel la quantité (stock) optimale à transférer d’une saison à l’autre est déterminée année par année (Kamdem, 1990, P. 308);

  • le MIDS a pour objectif la stabilisation du revenu du producteur, objectif qui n’est plus visé aujourd’hui tant sur le plan national qu’international : on ne peut pas prétendre stabiliser une entité dans un environnement fluctuant.

La couverture optimale du producteur (CNUCED, 2004, P. 30)

Dans le cadre de son programme lancé depuis la libéralisation de la commercialisation des produits de base dont le thème est : « Libéralisation de la commercialisation des produits de base et gestion du risque de prix », la CNUCED a commis plusieurs études dans les pays producteurs et dépendant des produits de base. La plus importante de ces études est celle menée en Ouganda. Elle a portée sur : L’introduction de nouveaux schémas de gestion du risque de prix auprès des producteurs de café robusta et arabica en Ouganda. Cette étude s’intègre dans la réflexion scientifique de Johnson, Mc Kinnon, Kamdem... Elle adopte la technique de gestion du risque de prix par la méthode E-V. Elle présente plusieurs schémas de gestion du risque de prix prenant en compte l’analyse de la convergence de la base, le niveau de production et le degré d’aversion du risque du producteur. Nous retenons la couverture optimale du producteur. Ainsi, dans le cadre d’un producteur avec une production non flexible à court terme et non aléatoire, il n’y a pas de risque de base. Le comportement face au risque est représenté par un modèle moyenne-variance (CNUCED, 2004, P. 32) :

Q est la production exogène; Xp est la position à terme; CF représente les coûts fixes de production; P1 est le prix spot à l’échéance; πp est le revenu du producteur; T (1,0) est le prix à terme d’échéance t1 du contrat vendu à t0; FQ est le coût total des commissions (ou frais total commission); L’objectif du producteur est :

Ce modèle, malgré sa clarté, n’a pas été testé pour qu’on analyse ses résultats; par ailleurs, il fait intervenir les producteurs ougandais sur les marchés à terme, ce qui n’est pas si évident car l’intervention sur ces marchés nécessite non seulement des capacités financières, techniques et managériales, mais aussi la proximité et la tradition d’intervention sur ces marchés. Ce qui n’est pas facile pour les producteurs du Sud.

Les opérations différentielles

Les opérations différentielles sont celles qui font intervenir les contrats d’entente sur le prix. En effet, au lieu d’acheter le produit à un prix fixe et de le vendre à terme, les intermédiaires achètent celui-ci à un exportateur dans un contrat d’entente sur le prix. Il s’agit d’un contrat dans lequel tous les termes sont convenus à l’exception du prix ferme. Le contrat présente une prime (ou un escompte) par rapport au prix à terme. Généralement au cours du mois suivant la dernière période de livraison dans le contrat, une des conditions de celui-ci est que le prix à terme soit convenu ou fixé dans un délai déterminé. Les parties se mettent d’accord sur une prime et aucune autre mesure n’est nécessaire à ce stade. Plus tard, un transformateur acceptera d’acheter le produit aux intermédiaires sur la base d’un contrat d’entente sur le prix avec une prime par rapport au marché à terme (CCI, 2001, p. 19;Balcombe, 2009; Wright, 2011, P. 1437).

Bien que les travaux ainsi énumérés soient reconnus pour leur pertinence, la couverture du risque de prix dans les pays à faible revenu reste encore de nos jours un sujet important. En particulier, la construction d’un modèle de couverture intégrant les spécificités de ces économies reste problématique. C’est pourquoi, nous faisons l’hypothèse ci-après pour la couverture du risque de prix dans ce contexte.

L’hypothèse de travail

Ce qui précède laisse croire que tous les intervenants dans les filières cacao et café utilisent les contrats d’entente sur le prix pour gérer le risque de prix. Le producteur du Sud doit-il faire une exception ?

Les articles fondamentaux de McKinnon (1967), Peck (1975) et de Rolfo (1980) consacrés à l’intervention du producteur sur le marché à terme de marchandises ont en commun l’idée que le producteur prend la décision de couverture avant la récolte, surtout lorsqu’il existe encore l’incertitude quant aux quantités qui seront effectivement mises en vente sur le marché. Par ailleurs, il est implicitement supposé dans ces études que les opérations à terme et au comptant se dénouent de façon simultanée, le producteur étant sensé mettre toute sa production sur le marché dès que la récolte est terminée. Ces hypothèses qui peuvent se justifier dans le cas de produits non stockables tels que les oeufs frais dans l’analyse de Peck, ne semblent pas réalistes lorsqu’il s’agit de produits stockables à l’instar du cacao dans l’analyse de Rolfo. En effet, si le produit est stockable, un arbitragiste qui prend une position de couverture avant la récolte se retrouve en fin de compte face à des frais de couverture inutiles dans la mesure où, si au moment de la récolte, la situation est défavorable sur le marché, il reste encore l’alternative du stockage, vu que rien ne l’oblige à procéder à des ventes au comptant juste après la récolte (Kamdem, 1986, P.190).

Les voies d’orientation suivies par les autres analyses basées sur le modèle espérance - variance ((Ward et Fletcher, (1971, P. 75); Anderson et Danthine (1983, P. 260); Kamdem (1986, P.230); CNUCED (2004, P. 30)) semblent faire intervenir le producteur directement sur le marché à terme, le plus souvent en passant par le marché au comptant (cas du modèle de Kamdem). Or il est établi que sur les marchés à terme et sur les marchés au comptant des produits de base (cacao et café), seuls les spécialistes y interviennent car, les instruments à manipuler et les techniques de couverture de risque de prix sont d’une complexité et d’une variabilité telle que leur utilisation n’assure pas uniquement les gains mais aussi les pertes même pour les professionnels[7].

De plus, les marchés (à terme ou du physique) sont situés dans les pays consommateurs très éloignés des producteurs du Sud. Il se pose en plus du problème de l’éloignement, celui des habitudes de tels marchés pour les producteurs du Sud. L’intervention de ces derniers sur ces marchés n’est pas évidente, puisqu’ ils ne disposent ni de moyens financiers, ni de moyens techniques et managériaux pour réaliser cet exploit. Les modèles de couverture proposés jusque-là sont d’une importance moindre pour les producteurs du Sud d’une part, et d’autre part, tout laisse croire qu’un producteur dont la stratégie s’appuie sur le schéma de ces modèles sera en général un producteur qui a une aversion infinie à l’égard du risque dans la mesure où un tel comportement reflète l’attitude d’un agent économique minimisateur de risques, mais qui n’est pas preneur de gain si la situation le permet. Or il est clair que, face à un niveau de risque donné, un agent économique ordinaire cherche en général à utiliser toutes les possibilités qui lui sont offertes afin de maximiser son revenu.

Face à ces limites, il est logique de penser que, afin de maximiser son revenu (gérer le risque de baisse de prix de vente de son produit), le producteur rationnel devrait choisir les périodes les plus propices au cours desquelles il peut effectuer ses ventes de façon rentable, ceci en observant les cours à terme qui sont les révélateurs des cours comptant futurs, et en négociant si possible une prime de risque, car c’est lui qui supporte le risque en étant détenteur de stocks.L’hypothèse d’une vente à terme avec négociation de la prime, exprimée sous formed’un modèle de revenu qui est fonction du prix futur et de la prime; constitue la stratégie de couverture du risque de prix des produits de base pour les pays du Sud (Mandeng, 2013, P. 271).

Méthodologie

La méthodologie proposée comporte deux étapes. La première est la formulation mathématique du modèle de vente et la seconde présente les données et les tests statistiques.

La formulation du modèle de vente

L’objectif de cet article étant la proposition d’un modèle de couverture (modèle de revenu) aux coopératives camerounaises de cacao et de café, la stratégie adoptée est celle d’une vente à terme avec négociation d’une prime. Ainsi, nous devons rechercher le pourcentage de la prime d’une part et présenter le modèle de revenu et ses variables d’autre part.

La recherche du pourcentage de la prime

La recherche du pourcentage de la prime (qui est une variable exogène, donc explicative du modèle) fait appel à la théorie des jeux de stratégies. En effet le vendeur et l’acheteur sont deux acteurs ayant des volontés antagonistes. Ainsi, le théorème de Von Neuman (Kaufmann, 1968, P.157, chap.3), nous permet de formaliser les relations qui régissent deux agents aux comportements antagonistes. Afin de trouver la valeur v (valeur du jeu), nous résolvons l’un des deux systèmes d’équation (cas de minimisation)[8] à travers la programmation linéaire par la méthode du pivot. Nous trouvons que la valeur du jeu est de 25 %. C’est-à-dire que, pour une prime (différence entre le prix prévu et le prix réel) évaluée à 100 %, les prix de vente sur le contrat préétabli sera ajusté de plus ou moins 25 % (+25 % si l’écart est positif et -25 % s’il est négatif). Cette prime trouvée et le prix prévu à l’échéance du contrat constituent les variables explicatives de notre modèle de revenu dont la formulation est la suivante.

Le modèle de revenu et ses variables

Le modèle de revenu se présente sous la forme d’un modèle économétrique, avec pour variable expliquée le revenu au temps t (Rt) et les variables explicatives le prix prévu (Pst) à l’échéance t et la prime correspondant à cette période t (P’t). Ainsi, ayant toutes les variables du modèle (revenu, prix prévu, le pourcentage de la prime v et la prime), celui-ci peut prendre la forme :

Dans cette formulation, on sait que la production (Q) est connue voire fixée et la valeur du jeu (v) est aussi connue. Le modèle de revenu ou le revenu de la coopérative est fonction uniquement des variables Pst et P’t. D’où la nouvelle spécification suivante :

  • Rtest le revenu perçu par le producteur par kg de cacao ou de café;

  • Pst ou CP, est le prix futur (cours prévu) le plus élevé parmi tous les autres prix futurs de la période t;

  • 25 %P'tou 25 %RES, est la proportion de la prime (résidu) à négocier dans le cas où il y a une différence entre le prix prévu et le prix comptant à l’échéance même une différence négative;

  • a1et a2, sont les paramètres du modèle de revenu;

  • c, est la constante du modèle de revenu;

  • εt est l’erreur de spécification du modèle de revenu. C’est la différence entre le modèle vrai et le modèle spécifié. Cette erreur est et demeure inconnue;

  • Le modèle ainsi spécifié vérifie les hypothèses suivantes :

    h1 : Le modèle est linéaire en Pst et P't.

    h2 : Les valeurs de Pst et Pt' sont observées sans erreur.

    h3 : E(εt) = 0, l’espérance mathématique de l’erreur est nulle.

    h4 : E(ε2t) = δ2t, la variance de l’erreur est constante, le risque de l’amplitude de l’erreur est le même quelle que soit la période[9].

    h5 : E (εt, εt’) = 0 si t ≠ t’, les erreurs sont non corrélées ou encore elles sont indépendantes. Une erreur à l’instant t n’a pas d’influence sur les erreurs suivantes.

    h6 : Cov(Pst, εt) = 0 et Cov P't, εt) = 0, l’erreur est indépendante de la variable explicative.

Le modèle ainsi formulé, il s’agit d’une application à partir des données collectées, permettant de faire les tests de diagnostic et de volatilité pour les trois produits.

Données et tests statistiques

Dans cette sous-section, nous présenterons d’une part les données et les tests statistiques appliquées sur celles-ci d’autre part.

Les données

Les données figurant sur le tableau 1 en annexe 3 représentent les cours de cacao fournis par la London International Financial and Futures Exchange (LIFFE), ceux de café robusta fournis par la London Commodity Exchange (LCE) et ceux du café arabica issus de la New York Stocks Exchange (NYSE). Elles sont transmises au Cameroun par l’intermédiaire du Conseil Interprofessionnel de Cacao et de Café (CICC) à travers le terminal Reuter sous forme de fiche de prix. Le CICC intègre les cours du jour et les cours des échéances prochaines. Ce tableau présente pour chaque produit cinq colonnes de données à savoir :

  • la première colonne est celle des cours (prix) prévus. La période de prévision est de deux mois (60 jours) correspondant aux différents termes d’une année dans une bourse de marchandises. Ainsi, pour le café robusta les termes ou mois d’échéance sont : janvier, mars, mai, juillet, septembre et novembre. Pour le café arabica et le cacao, les termes sont : mars, mai, juillet, septembre et décembre. Ces deux produits ont des termes qui n’obéissent pas à la période de prévision qui est de 60 jours. C’est pourquoi nous introduisons, pour les besoins de commodités et par le souci d’harmoniser le temps d’observation pour les trois produits durant les mois d’octobre et de janvier. C’est ainsi que les termes de ces deux produits deviennent : janvier, mars, mai, juillet, septembre, octobre et décembre. Mais il faut noter que les deux mois, à savoir octobre et janvier vont seulement permettre de prévoir d’une part les cours du mois de décembre et ceux du mois de mars d’autre part;

  • la deuxième colonne est celle des cours réels. Ceci veut dire qu’ayant observé un cours (prix) 60 jours avant (cours prévu), au terme de ces 60 jours, on observe un autre cours (cours réel);

  • la troisième colonne est faite des résidus. C’est à dire la différence entre le cours réel et le cours prévu;

  • la quatrième colonne représente les 25 % de résidu;

  • la cinquième colonne est celle du revenu, qui se calcule en faisant la somme du cours prévu et des 25 % de résidu.

Les tests statistiques

Les données ci-dessus sont soumises à un certain nombre de tests statistiques nous permettant d’apprécier d’abord la co-intégration entre les deux séries de prix, ensuite la significativité du modèle, et enfin sa volatilité. Ainsi, nous allons à partir des tests de Dickey Fuller augmenté, vérifier que les cours prévus et les cours réels des contrats de cacao et de café sont co-intégrés.En nous basant sur cette vérification, nous testons à partir des données secondaires la significativité du modèle et ses variables à partir d’une régression multiple. Puis à travers le modèle ARCH, nous testons la volatilité de ce revenu. Tout ceci sera validé sous l’hypothèse de marché efficient et de la non intervention du taux de change dans la formation des cours de contrats.

Résultats

Les tests statistiques ont fourni des résultats dont la présentation se fait en deux étapes : la première concerne le test de diagnostic et la seconde le test de volatilité.

Les résultats du test de diagnostic du modèle

Le test de diagnostic du modèle concerne l’estimation des paramètres et la significativité totale du modèle à travers une régression multiple de type :

Le test de diagnostic du modèle de revenu ou encore l’estimation des paramètres de celui-ci, est fait sur le logiciel Eviews. Les résultats de l’analyse des données secondaires sont fonction de chaque produit et sont présentés dans un tableau qui contient plusieurs informations que nous allons interpréter. A partir de ces résultats, nous avons l’estimation des paramètres, des tests de significativité du modèle et des paramètres pour chaque produit.

Pour les tests de significativité globale du modèle de revenu ainsi que ceux de significativité des variables explicatives, nous allons nous servir des coefficients des paramètres calculés par le logiciel ainsi que les probabilités calculées.

Nous rejetons l’hypothèse H0 : a1 = a2 = 0 (tous les coefficients sont nuls) et acceptons H1 : a1 # a0 et/ou a2 # 0, si les probabilités calculées des variables explicatives et de la constante sont inférieures à la probabilité seuil 0,05. Nous concluons que la (les) variable(s) explicative(s) et/ou la constante est (sont) contributive(s) à l’explication de revenu c’est-à-dire contribue (nt) à la maximisation du revenu. Ainsi (voir annexe 4, tableaux 2, 3, 4) :

  • Pour le cacao : Rt = 1*CP + 1*25 %RES + 0C

  • Pour le robusta : Rt = 1*CP + 1*25 %RES - 2.918987929e-14

  • Pour l’arabica : Rt = 1*CP + 1*25 %RES - 3.609321447e-14

Dans l’ensemble des trois produits, le modèle de revenu est significatif, c’est-à-dire que le revenu Rt est expliqué par le prix prévu et des 25 % de la prime. Pour le cacao, la constante n’est pas intégrée dans l’explication du modèle alors que pour les cafés robusta et arabica la constante vient en diminution. Ceci veut dire que sauf dans le cas du cacao où l’estimation est normale, les autres estimations faites sur les cafés arabica et robusta doivent être revues à la baisse :

On doit justement se demander si le revenu issu de notre modèle de commercialisation ou de vente est volatile ou stable.

Résultats du test de volatilité du modèle

La volatilité est vérifiée à travers le test de ARCH (Auto RegressiveConditionalHeteroskedasticity). A partir des résultats des tableaux 5, 6, 7, 8, 9, 10 de l’annexe 4; les TR2 du cacao et du robusta sont égauxà 0 et celui d’arabica est égal à 0,94. Seuls les résidus retardés de -2 sont significativement différents de zéro et positifs, les autres sont sensiblement égaux à 0 et négatifs.

Dans l’ensemble, tous les coefficients des paramètres (AR, Résidus et ARCH) ne sont pas significativement différents de zéro. En conséquence, ces coefficients ne vérifient pas dans l’ensemble la contrainte assurant la positivité de la variance conditionnelle (car plusieurs coefficients sont négatifs); tout comme les statistiques de TR2 des trois produits ne sont toutes inferieures à 0,05(cas du café arabica= 0,94). Le modèle ARCH en général n’est donc pas candidat à la représentation de la variance conditionnelle des revenus du cacao, du café robusta et du café arabica. En d’autres termes, le revenu issu de la vente au cours à terme et de la négociation de 25 % de la prime ne vérifie pas totalement un processus ARCH, c’est-à-dire la variance de ce revenu n’est plus totalement fonction du temps : la volatilité a donc été réduite à travers notre modèle de couverture. Si la volatilité a été réduite, c’est que les variations erratiques sont réduites et par ricochet le risque de prix. Ceci est d’autant plus vrai que le revenu est issu d’un prix futur ajusté de 25 % de la différence entre le prix réel et le prix prévu, soit à la hausse soit à la baisse; ce qui tend à stabiliser le revenu dans le temps. Ce qui précède trouve aussi une explication en observant les tendances hebdomadaire des trois courbes (cours prévus, cours réels et revenus) des graphiques 1, 2, 3 en annexe 2 des trois produits.

Dans l’ensemble, l’observation de ces trois graphiques montre que la courbe de revenu a une allure beaucoup plus stable que les deux autres courbes, et celle-ci semble plus stabilisée que les deux autres. Elle se situe entre les cours prévus et les cours réels. Tout ce qui précède nous laisse croire que le modèle de revenu basé sur une stratégie de vente à terme avec négociation de la prime c’est-à-dire la vente à terme au prix à payer, réduit le risque de prix et maximise le revenu des coopératives camerounaises de cacao et de café. Notre objectif est donc atteint : celui de proposer un modèle de couverture qui minimise le risque de prix et qui maximise le revenu des coopératives camerounaises de cacao et de café.

Conclusion et implications

La gestion du risque de prix semble être une préoccupation majeure de tous les pays producteurs de cacao et/ou de café après la libéralisation de leurs systèmes de production et de commercialisation. Les pays du Sud ne peuvent rester sans réagir à cette préoccupation, vu l’importance socio-économique que représentent ces deux filières. Ainsi le travail entrepris a eu pour objet de proposer une stratégie de couverture propre aux pays en développement tel que le Cameroun et producteurs de produits de base (de cacao et café), leur permettant de gérer le risque de prix. Le présent article propose une stratégie de couverture : la vente à terme au prix à payer. Cette stratégie s’est traduite en un modèle économétrique appelé le modèle de revenu et testé dans sa globalité ainsi que les variables le constituant.

Nous nous sommes servis des données issues de certains marchés à terme tels que : LIFFE, LCE et NYCE pour faire ces tests. Ces données secondaires issues des différents marchés sont transmises au Cameroun à l’aide du terminal Reuter. Les différents tests sont effectués avec le logiciel Eviews. Nous avons trouvé que le prix futur, les 25 % de la prime et la constante expliquent bien le revenu des producteurs du café arabica et robusta, mais que dans le cas des producteurs de cacao, seuls le prix futur et les 25 % de la prime expliquent le revenu du moins pour la période retenue (2001 – 2013). Ainsi, la maximisation du revenu du producteur est fonction du prix prévu futur et de la prime. Ceci montre que notre stratégie de vente permet la gestion du risque de prix pour les producteurs camerounais de cacao et de café. Ce résultat rejoint ceux des autres travaux qui se sont intéressés à la problématique de gestion du risque de prix, à savoir qu’une stratégie de couverture doit aboutir à une réduction des fluctuations ayant pour corolaire la stabilisation de revenu et sa maximisation (Simon Y., 2010 P. 221.Chap.4; Mandeng, 2013 P. 341; Roux N., 2013, etc.). Mais l’analyse de ce résultat nous permet de dégager ses forces et ses faiblesses. Pour ce qui est des forces de ce modèle, on relève qu’il est pratique, dans le sens où il permet à tout acteur bien informé ou non sur la tendance des cours, d’appliquer la stratégie mimétique de Orlean (1984) en matière d’information sur le prix de son produit et de négocier un prix futur sans toutefois être spécialiste des marchés financiers et ainsi de stabiliser ou de maximiser son revenu. Cette situation correspond bien aux producteurs du Sud. Ce modèle rend les acteurs éloignés des marchés responsables et entreprenants. Car ils peuvent d’eux-mêmes sans intermédiaires, négocier d’une manière optimale le prix de vente de leurs produits. Les modèles existants ne donnent pas ces avantages à tous les acteurs. La comparaison des avantages de ce modèle avec ceux des modèles existants, nous amène à des constatations diverses dont les plus pertinentes sont :

  • le modèle de revenu n’impose pas de grandes connaissances en finance de marché. Il suffit d’imiter les autres acteurs en termes de choix des périodes de ventes, de prix de vente et de négocier la prime pour stabiliser son revenu et le maximiser;

  • il n’impose pas des intermédiaires, car chacun peut à tout moment signer un contrat respectant les conditions du modèle de revenu; alors que les intermédiaires sont nécessaires pour faire fonctionner les autres contrats;

  • le revenu issu d’un ajustement de 25 % du prix contractuel, soit à la hausse soit à la baisse est plus stable que n’importe quel autre modèle ou stratégie de vente. Les autres modèles, à l’échéance du contrat met toujours un des cocontractants en situation de perte d’où les appels de marges;

  • pour trouver le prix d’équilibre pour les autres modèles il faut faire des calculs complexes, alors que la négociation de la prime entre les co- contractants donne le prix d’équilibre;

  • le modèle n’impose pas le calcul du ratio de couverture comme certains modèles existants, il suffit de vendre ou d’acheter les produits à des périodes propices et de négocier la prime, pour atteindre le point d’équilibre;

  • les formules mathématiques, l’intervention sur des marchés à terme de marchandises, les méthodes technique etc… nécessaires pour savoir s’il faut acheter ou vendre et à quelle période, constituent le point forts des modèles existant et en même temps leurs points faibles. Car bon nombre d’acteurs est incapable de tels exploits. Le modèle de revenu vient résoudre ces différents problèmes en considérant que le jeu est entre deux acteurs (vendeur et acheteur), qui peuvent s’entendre sur un prix ajusté;

  • le problème de proximité (ou de l’éloignement) des marchés à terme de marchandises ainsi que celui de la recherche de l’information sur les prix des produits, rendent les modèles existants non utilisables par bon nombre des producteurs du Sud. Le modèle de revenu a la spécificité d’être opérationnel dans des espace sans marchés à terme, mais utilisant les informations issues de ces derniers pour adopter de bonnes stratégies de vente;

  • Sur le plan pratique, le modèle de revenu devient un grand instrument de gestion des opérations différentielles entre les industriels et les négociants qui font intervenir les contrats d’entente sur les prix; d’une part et d’autre part, c’est un apport significatif dans les pratiques du commerce équitable (fairtrade) ou les opérateurs accordent une prime de développement aux coopérateurs à travers leur coopératives ainsi qu’à la coopérative elle-même pour des travaux d’intérêt collectif; en stabilisant les prix de collecte par rapport aux fortes fluctuations sur les marchés internationaux. Vu sous cet angle, le modèle de revenu ne pourrait-il pas être un instrument de diffusion des principes du commerce équitable pour le cacao et le café ?

Bien que ce modèle n’ait pas encore été testé pour confirmer sa pertinence, il présente un apport théorique au niveau de la littérature existante et une explication scientifique des pratiques sur le terrain. Ses applications dans les différents systèmes de commercialisation des produits dans les pays du Sud à l’heure de la libéralisation, constituent l’un des axes de recherche futurs, si les différents mécanismes de réduction de l’asymétrie d’information sur les prix et les différentes restructurations des filières cacao et café qui se mettent en place dans plusieurs pays en développement jouent pleinement leurs rôles.