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Depuis l’ouvrage fondateur de Chesbrough (2003), une riche littérature s’est intéressée à l’innovation dite ouverte. Si les travaux retiennent largement la dimension collaborative de l’Open Innovation, peu de recherches, excepté à notre connaissance les travaux récents de West et Gallagher (2006), Lim et al. (2010) et Mention (2011), ont appréhendé conjointement sa dimension concurrentielle pour étudier les mécanismes de coopétition auxquels elle peut donner lieu. C’est précisément là l’objet de cet article. Il propose une relecture de l’Open Innovation sous l’angle de la coopétition, invitant à repenser son approche traditionnelle. Dans l’analyse de Chesbrough, l’ouverture repose sur des échanges de droits de propriété industrielle qui, concrètement, s’opèrent via l’octroi de licences sur des brevets. La stratégie de propriété industrielle est donc au coeur de l’ouverture. Or mis à part les travaux de Lim et al. (2010) et de Chen et Chen (2011), aucune recherche n’aborde à notre connaissance la question des stratégies de dépôt et de valorisation des brevets sous l’angle de la coopétition. Notre article se situe donc dans le prolongement de ces recherches récentes. De plus, dans les travaux fondateurs de Chesbrough les accords de licences de brevet restent largement inscrits dans une logique bilatérale. Or Rayna et Striukova (2010) nous invitent à considérer non plus uniquement les formes bilatérales d’échanges mais les logiques d’innovation ouverte à grande échelle (« large-scale open innovation structures »). Ils en distinguent deux modalités : l’open source et les patent pools (ou communautés de brevets). C’est précisément à cette forme d’innovation ouverte que s’intéresse notre article. L’objectif est d’étudier, à travers les patent pools, les comportements de coopétition qui se jouent dans l’innovation ouverte et de repenser ainsi l’approche collaborative qui en est largement proposée dans la littérature.

Un « patent pool » est « une organisation à travers laquelle des détenteurs de brevets peuvent partager leurs brevets et parfois les licencier dans leur ensemble à une tierce partie » (rapport de l’OMPI, 2011 p.121, notre propre traduction)[1]. L’objectif est de favoriser la diffusion d’une technologie en évitant la multiplication des accords bilatéraux via l’octroi de licences conjointes. Malgré leur développement actuel et les questions managériales qu’ils soulèvent, les pools restent encore très peu explorés. Les rares travaux en la matière, sont récents et s’intéressent notamment aux facteurs déterminants l’insertion de brevets dans un pool (Baron et Delcamp, 2010; Lévêque et Ménière, 2011), aux conséquences de l’entrée dans un pool sur la propension à innover (Joshi et Nerkar, 2011), ou encore au rôle des autorités de la concurrence dans leur développement (Lévêque, 2007; Lerner et Tirole, 2007b). Cet article vise à exemplifier, à travers les patent pools, l’importance des stratégies de coopétition dans le cadre de pratiques d’innovation ouverte[2]. En d’autres termes, notre question de recherche peut être formulée ainsi : comment comprendre la mise en oeuvre des stratégies de coopétition à travers les patent pools, forme d’innovation ouverte à grande échelle ?

Pour répondre à cette question nous procéderons en trois temps. Dans une première partie, une revue de la littérature présentera l’articulation entre Open Innovation et patent pools pour caractériser ces derniers comme une forme organisée d’innovation ouverte. Une seconde partie s’intéressera spécifiquement à leur mode de fonctionnement. Dans une troisième partie seront discutés les mécanismes de la coopétition à l’oeuvre au sein des pools et les enseignements qui peuvent en être tirés quant à la coopétition en matière d’Open Innovation.

L’articulation Open Innovation, patent pools et coopétition

L’objectif de cette première partie est de proposer une revue de littérature sur l’Open Innovation orientée sur notre question de recherche (l’étude des patent pools pour rendre compte des pratiques coopétitives de l’Open Innovation). A partir d’une réflexion sur les formes d’Open Innovation et du degré d’ouverture, nous montrerons que les pools constituent une forme organisée d’innovation ouverte dite « à grande échelle ». Nous montrerons ensuite que les travaux sur l’Open Innovation appréhendent très peu sa dimension coopétitive en privilégiant une lecture collaborative.

La question des formes d’Open Innovation

Avec ses deux ouvrages, Henry Chesbrough (2003, 2006) introduit le paradigme de l’Innovation Ouverte (Gassman et al., 2010). Cette dernière est définie comme « l’utilisation de flux connaissances internes et externes pour soutenir l’innovation interne, en même temps que le développement de marchés pour la diffusion externe de l’innovation » (Chesbrough, 2006 p.1 notre propre traduction)[3]. Ce paradigme qui repose sur le double phénomène de création et de capture de valeur, alimente depuis dix ans une très riche littérature. De nombreux numéros spéciaux R&D Management (2006, 2009, 2010), Industry and Innovation (2008), International Journal of Technology Management (2010), European Journal of Innovation Management (2010), Technovation (2011), Research Technology Management (2012), Revue Française de Gestion (2011), International Small Business Journal (2013), Research Policy (2014) soulignent l’importance de l’Open Innovation comme thème fédérateur majeur en management (Huizingh, 2011). Trois processus peuvent être distingués donnant lieu à différentes formes d’Open Innovation (Enkel et al., 2009) : inside-out process, outside-in process et coupled process.

Le processus dit d’inside-out décrit la manière dont la firme peut générer des profits en introduisant des idées sur le marché, en vendant des droits de propriété et en multipliant les transferts de technologies. L’objectif est d’utiliser les relais externes pour favoriser la diffusion des technologies en ne se limitant pas aux seuls marchés de l’entreprise. Concrètement cela donne lieu à des pratiques de licensing-out et de spin-off qui sont autant de sources de revenus. Inversement le processus d’outside-in consiste à enrichir la base de connaissances de l’entreprise. Si sa forme traditionnelle est le licensing-in via l’acquisition de droits de propriété sur des technologies développées par d’autres, la littérature met largement en évidence les nouvelles formes d’acquisition de connaissances via les pratiques de crowdsourcing et de gestion de communautés. De fait, ces deux logiques modifient fondamentalement le management des droits de propriété (Chesbrough, 2006a) : l’entreprise doit se penser non seulement acheteuse mais aussi vendeuse de droits. En effet, elle s’affranchit du traditionnel NIH (Not Invented Here) en intégrant des technologies fruits de R&D externes qui participent à la création de valeur. Mais Chesbrough introduit également un nouveau syndrome dont l’entreprise doit également s’affranchir : le NSH (Not Sold Here) qui conduirait le détenteur de droits à refuser la valorisation par des tiers. Ces pratiques essentiellement fondées sur une approche transactionnelle (Ayerbe et Chanal, 2010; Van de Vrande et al., 2010[4]) participent au développement d’un marché des technologies sur lequel se sont positionnés de nouveaux intermédiaires à l’instar de NineSigma, yet2.com ou Innocentive (Benassi et Di Minin, 2009; Lichtenhaler et Ernst, 2008).

Le troisième processus dit coupled process fait référence à la co-création impliquant des partenaires complémentaires (Enkel et al., 2009). Les entreprises associent les deux logiques d’inside-out et d’outside-in pour développer et commercialiser des technologies. Dérivé du modèle de l’Open Source ce processus fondé sur la co-création a largement été investigué par l’Open Innovation. Concrètement, il prend la forme de projets conjoints, d’alliances et coopérations en R&D (Hagedoorn, 2002). Il s’agit donc là de formes organisées de l’Open Innovation. Les patent pools s’inscrivent dans cette logique et constituent pour Joshi et Nerkar (2011) une nouvelle modalité d’alliance stratégique. En effet, au-delà de simples pratiques de licence réciproque reposant sur une logique transactionnelle, un pool prend la forme d’une structure de gouvernance privée dédiée à la gestion des brevets que plusieurs détenteurs vont partager (on parle souvent en ce sens de « système commun de concession de licences »). L’objectif « est de promouvoir une technologie en donnant accès à un nombre important de brevets essentiels[5]à un taux raisonnable » (Chaouat, 2007)[6]. Deux types de participants sont présents dans un pool : les licencieurs (détenteurs de brevets) et les licenciés achetant généralement un droit d’utilisation (Joshi et Nerkar, 2011). Les licencieurs peuvent bien entendu eux-mêmes être licenciés pour accéder aux technologies. Le pool peut par ailleurs être plus ou moins ouvert. Lerner et Tirole (2007b) distinguent ainsi le pool dit fermé (trois entreprises ou plus s’octroient des licences mutuelles) du pool ouvert (deux entreprises ou plus s’associent pour licencier conjointement leurs brevets à des tiers)[7]. Cette distinction est également établie par Lampe et Moser (2012) indiquant que certains pools, malgré leur nom, fonctionnent davantage sous une logique de licences croisées entre détenteurs de brevets que d’une véritable ouverture à des tiers. Ainsi, les pools de brevets correspondent bien à une forme organisée d’innovation ouverte reposant sur le partage de la propriété industrielle via l’octroi de licences (voir figure 1) :

Figure

L’articulation Open Innovation et patent pools

L’articulation Open Innovation et patent pools

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Au-delà des modalités, ou encore des formes qu’elle peut prendre, la littérature sur l’Open Innovation s’est largement intéressée à la question de l’ouverture même (« openess »).

La question du degré d’ouverture

La notion d’ouverture telle que présentée par Chesbrough a fait l’objet de nombreuses controverses au sein de la communauté scientifique. Plusieurs auteurs ont souligné un manque de précision (Huizingh, 2011). L’article de Pénin (2008) « More Open than Open Innovation », au titre tout à fait évocateur, rend compte de ces débats sur l’ouverture « à la Chesbrough » selon l’expression de l’auteur. Des travaux clefs en la matière, synthétisés dans le tableau 1 suivant apportent des contributions importantes.

Cette synthèse fait apparaître plusieurs éléments pour affiner le degré d’ouverture : le nombre et le type de partenaires considérés ainsi que leur caractère identifiable, la possibilité de s’approprier les rentes de l’innovation et l’accessibilité aux ressources. Concernant les partenaires, Rayna et Striukova (2010) indiquent que dans les logiques d’innovation qualifiées de « grande échelle » comme les pools de brevets, le simple cadre d’accords bilatéraux est dépassé au profit de contributions technologiques de divers acteurs. Comparant les pools de brevet avec l’open source, ils montrent que, contrairement aux pools, les projets open source sont totalement ouverts en termes de participants : la seule exigence pour eux est d’accepter les conditions de licences ouvertes prévoyant généralement que toute modification apportée au code source sera à son tour libre. Concernant l’appropriation des rentes de l’innovation, dans le cadre de pools de brevets, les acteurs vont s’approprier directement ces rentes à travers les redevances perçues sur leurs licences de brevets (Rayna et Striukova, 2010). Au contraire, dans l’open source, l’appropriation sera indirecte et pourra reposer sur diverses modalités telles que la rémunération de services associés (Lerner et Tirole, 2002).

L’accessibilité aux ressources apparaît enfin l’élément central de la définition de l’ouverture. Elle repose sur l’opposition entre permission et accessibilité (Lessig, 2001, 2004). Dans cette perspective, une ressource est dite ouverte si elle est disponible sans avoir à solliciter une autorisation d’accès. Cette distinction entre permission et accessibilité est au coeur du développement du logiciel libre. Rappelons que son principe fondateur est bien la liberté d’accès aux codes sources, les licences de logiciel libre régissant ensuite les conditions d’utilisation et d’exploitation[8]. C’est sur ce même principe que reposent les industries créatives et plus spécifiquement les Creative Commons (Lessig, 2004) ou les plates-formes communes de brevets. Dans ces plates-formes, les détenteurs de brevets proposent une utilisation généralisée de leurs technologies sans contre partie de redevance[9]. Ainsi, alors que les droits de propriété sont traditionnellement conçus comme un moyen d’appropriation des créations et d’exclusion des imitateurs, ils peuvent être aussi utilisés pour garantir la liberté d’accès à une oeuvre ou une technologie en empêchant son appropriation (Bach et al., 2010). C’est cette liberté d’accessibilité qui caractérise une ouverture qualifiée de forte par Pénin (2008) et Pénin et Wack (2008). Une ouverture plus limitée va, en revanche, reposer une permission d’accès à la ressource. Ce sont précisément les conditions d’accès qui vont déterminer le caractère plus ou moins « ouvert ». Selon Pénin (2008), dans le cas d’une ouverture faible, des pratiques de licences entre partenaires clairement identifiés et pour des conditions d’utilisations spécifiques vont être déterminées. Dans le cas d’une ouverture plus forte, en revanche, l’objectif est de favoriser les échanges. La règle qui prévaut est de demander aux détenteurs de brevets d’appliquer des conditions dites FRAND (Fair, Reasonable, and Non Discriminatory)[10], facilitant de fait la diffusion de la technologie. Il s’agit précisément du principe du fonctionnement des patent pools (Rayna et Striukova, 2010). Ainsi, étudier cette modalité d’ouverture « nous permet d’élargir la compréhension de l’open innovation à des système fortement ouverts par rapport à des logiques au sein desquelles seuls quelques partenaires sont inclus[11] » (Van de Vrande et al., 2010 p.229, notre propre traduction).

La question de la coopétition dans l’Open Innovation

Suite à l’ouvrage de Brandenburger et de Nalebuff (1996), la coopétition s’est imposée comme un thème central en management stratégique. Au-delà de ces nombreuses acceptions (Chiambaretto, 2011) rappelons que l’idée fondatrice réside dans l’articulation de logiques coopérative et compétitive (Le Roy et Yami, 2010). Cette coexistence trouve deux modes d’expression (Depeyre et Dumez, 2010) : dans une logique séquentielle les firmes peuvent tantôt se concurrencer et tantôt coopérer, dans une analyse en termes d’activités elles peuvent se concurrencer sur une dimension et coopérer sur une autre. Depeyre et Dumez montrent que ces dimensions peuvent être : le marché lui même (définition des prix, des produits, des quantités), la définition du marché (délimitation des frontières pour bloquer les entrants potentiels) et le « hors marché » consistant en la définition de règles et de standards. Plusieurs éléments de typologie permettent d’affiner la compréhension des logiques coopétitives. Selon Dagnino et Padula (2002) elles peuvent impliquer : deux entreprises (coopétition dyadique ou « dyadic coopetition ») ou plus de deux (coopétition réticulaire ou « network coopetition ») / porter sur une seule activité ou sur plusieurs activités. Cette distinction permet de proposer la typologie présentée dans le tableau 2.

Tableau 1

Synthèse des principaux travaux sur le degré d’ouverture

Synthèse des principaux travaux sur le degré d’ouverture

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Tableau 2

Typologie de la coopétition selon Dagnino et Padula (2002)

Typologie de la coopétition selon Dagnino et Padula (2002)
Source : Dagnino et Padula (2002) p.30

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Un autre élément clef de typologie concerne le type de relations établies entre acteurs. La littérature oppose les relations verticales et horizontales. Les premières caractérisent des situations coopétitives dans le cadre de sous-traitance, alors que les secondes désignent la coopétition entre entreprises qui sont en concurrence pour satisfaire les mêmes clients. Les travaux de Dagnino et Paluda (2002) enrichissent cette typologie en montrant la complexité des liens entre verticalité et horizontalité. Ainsi tout en étant dans une logique de coopétition verticale, des firmes peuvent se retrouver en concurrence sur les marchés pour la valorisation d’une partie de leur activité. En ce sens, certains auteurs parlent de coopétition perpendiculaire pour signifier la double composante verticale et horizontale de la coopétition (Chiambarretto, 2011)[12].

Les travaux sur l’Open Innovation se sont étonnamment très peu penchés sur sa dimension coopétitive. Notre recherche vise donc à en proposer une lecture originale. Parmi les articles des numéros spéciaux dédiés à l’Open Innovation[13] seuls trois d’entre eux sont explicitement centrés sur une analyse coopétitive (West et Gallagher, 2006; Lim et al., 2010; Mention, 2011). Ainsi les travaux de Lim et al. (2010), dont Chesbrough est contributeur, montrent dans quelle mesure les relations coopétitives dans le secteur des microprocesseurs peuvent être mises en perspective avec les stratégies de dépôts de brevets[14]. Ils étudient le positionnement des trois acteurs clefs du secteur : le leader IBM et les nouveaux entrants AMD et Intel. Leur méthodologie mixe une approche longitudinale sur 28 ans permettant de repérer les comportements collaboratifs et concurrentiels, à laquelle s’ajoute sur cette même période une analyse quantitative des dépôts de brevets de ces entreprises[15]. Leurs résultats montrent que plus les entreprises sont en concurrence directe sur les marchés, plus leurs dépôts de brevets sont également effectués sur des technologies en concurrence. En revanche, les stratégies de dépôts sur des brevets amont ou aval semblent moins évidentes à mettre en perspective avec les comportements coopératifs[16]. Dans la même veine (mais non centrée sur les questions de brevetabilité), la recherche de Mention (2011) met également l’accent sur les liens entre Open Innovation et coopétition. L’objectif consiste à analyser l’influence des pratiques coopétitives sur le degré d’innovation dans le secteur des services. L’auteur montre qu’une stratégie d’innovation ouverte basée sur la coopération avec les concurrents n’a pas d’influence significative sur la propension des firmes à introduire des innovations nouvelles sur le marché. Pour leur part, West et Gallagher (2006) ont étudié la coopétition dans l’open source. Les auteurs montrent comment les firmes sont amenées à investir dans le développement de connaissances accessibles à leurs concurrents tout en développant simultanément des modalités de compétition, à travers la rémunération de services associés.

Ces trois recherches explicitement centrées sur la coopétition font figure d’exception dans la littérature qui privilégie l’approche collaborative de l’Open Innovation. En nous référant là-encore aux numéros spéciaux dédiés à l’Open Innovation cités précédemment, différentes facettes de la collaboration sont présentées. Certains travaux étudient le choix du profil du partenaire (fournisseurs, clients, concurrents, organismes de recherche, etc.) en fonction des phases du processus d’innovation (Pisano et Verganti, 2008; Lazarotti et al., 2011). D’autres analysent l’impact du choix du (ou des) partenaire(s) (Laursen et Salter, 2006; Theyel, 2013) ou encore l’influence des formes d’Open Innovation (Bianchi et al., 2011) sur la performance des entreprises en matière d’innovation. Enfin, certains auteurs étudient l’influence du profil du partenaire sur le degré de nouveauté des innovations introduites sur le marché (Mention, 2011; Inauen et Schenker-Wicki, 2011).Deux travaux de synthèse nous apparaissent tout à fait révélateurs de la focalisation sur la dimension collaborative de l’Open Innovation :

  • ceux de Duarte et Sarkar (2011) tout d’abord, se fondent sur l’étude de vingt articles dédiés à l’Open Innovation. Les auteurs proposent de distinguer deux stratégies collaboratives en matière d’Open Innovation. D’une part, la « free revealing democratic strategy » caractérisée par une prolifération de partenaires détenant des connaissances (lead-users, consommateurs par exemple) et d’autre part la « formal collaboration strategy » caractérisée par des relations ciblées et formelles (alliances, accords de licences, etc.) avec des partenaires technologiques identifiés (organismes de recherche, grandes firmes, PME).

  • ceux de Demil et Lecocq (2012) montrent clairement que les travaux assimilent innovation collaborative et Open Innovation. Si ces termes sont associés, c’est parce qu’ils font référence au fait d’échanger des connaissances avec des acteurs extérieurs à l’organisation. Or il s’agit selon eux d’une approche « réductrice » limitant l’Open Innovation à sa dimension partenariale (le partenaire est identifié et choisi pour une contribution spécifique). Pour Demil et Lecocq, les travaux ayant donné une acception plus précise à l’Open Innovation indiquent qu’elle serait le fruit d’une collaboration avec des partenaires non identifiés sur des sujets non prédéfinis. Conformément aux éléments développés précédemment, c’est donc le degré d’ouverture qui entre ici en compte. En revanche, la logique collaborative n’est pas discutée et demeure présentée comme fondatrice même de l’Open Innovation.

Comme souligné dans cette première partie, les pools constituent une forme organisée d’innovation ouverte, caractérisée par une ouverture à grande échelle (Rayna et Striukova, 2010). La littérature sur l’Open Innovation reste largement dominée par son approche collaborative. En nous centrant à présent sur les pools de brevets nous montreront comment ils permettent d’analyser des pratiques coopétitives encore émergentes dans cette littérature.

Les pools de brevets comme objet d'analyse

Nous souhaitons à présent présenter spécifiquement les pools en mettant l’accent sur leur fonctionnement. Ceci nous permettra dans une dernière partie de rendre compte des logiques coopétitives qui s’y jouent.

Contexte de développement

Si les premiers pools datent du milieu du 19éme siècle, ce n’est que vers la fin du 20éme siècle qu’ils vont se développer sous une forme moderne et institutionnalisée (Bekkers et al., 2013). En effet, la publication en 1995 par le DOJ et la FTC (département américain de la justice, commission fédérale du commerce) de nouvelles lignes directrices (IP Guidelines[17]) encadrant les licences sur les droits de propriété, ouvre une nouvelle étape dans l’histoire des pools (Shapiro, 2001; Clarkson, 2007; Lampe et Moser, 2013). Ces lignes directrices reconnaissent officiellement le caractère pro-concurrentiel des pools puisqu’ils résolvent les problèmes de multiplication des brevets sur des technologies complémentaires. Dès lors, les patent pools se sont développés dans de nombreuses industries[18], comme le souligne la figure suivante :

Figure 2

Patent Pools développés dans les différentes industries entre 1995-2012

Patent Pools développés dans les différentes industries entre 1995-2012
Source : Bekkers et al. (2013 p.32)

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Les patent pools ont un poids économique considérable. Selon Clarkson et Dekorte (2006) les revenus générés aux Etats-Unis par les ventes de produits intégrant des technologies liées à des pools dépassent les 100 milliards de dollars par an au milieu des années deux-mille. Les industries intensives en technologies comme l’électronique grand public et les télécommunications sont les plus favorables aux pools en raison de l’existence de plateformes technologiques (Bekkers et al., 2013). Selon ces auteurs, ces plateformes sont des produits ou des services qui agissent comme une base de développement pour d’autres produits complémentaires et sont très souvent liées à plusieurs standards technologiques[19]. On trouvera dans le tableau suivant des exemples de pools.

Tableau 3

Exemples de pools de brevets

Exemples de pools de brevets
Source : Sites des administrateurs des pools (www.mpegla.com ; www.sisvel.com ; www.uldage.com)

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Plus fondamentalement le développement récent des pools tient à deux raisons essentielles :

  • la multiplication des dépôts de brevets[20] rendant délicates les possibilités d’exploitation des technologies sans être contrefacteur potentiel. Ceci est particulièrement le cas des industries dites complexes (Hobday et al., 2000)[21], caractérisées par des situations de fragmentation excessive de la propriété des innovations (Liotard, 2008). Cette fragmentation s’accompagne d’une impossibilité à entrer en contact avec les différents propriétaires pour négocier des licences indépendantes (Shapiro, 2001). Ceci pousse les entreprises à intégrer des pools afin d’éviter des situations d’impasse. En effet, plus un produit est complexe, plus il intègre des composantes risquant d’être brevetées. Il devient alors difficile d’éviter la contrefaçon et la liberté d’exploitation devient délicate à assurer. En répertoriant les technologies essentielles un pool facilite l’échange des droits de propriété. La licence constituant en quelque sorte une promesse de ne pas poursuivre son « contrefacteur autorisé », les pools permettent d’éviter des procès dispendieux et des obstacles à la commercialisation des produits. De plus, on assiste, du coté des utilisateurs, à une demande de solutions de plus en plus intégrées et sécurisées (Pellegrin-Boucher et Fenneteau, 2007);

    • le développement de standards et normes[22] est également une raison majeure de raison d’être des pools pour des raisons de compatibilité et d’interopérabilité (Lévêque, 2007). Ceci permet aux entreprises de diffuser leurs technologies, d’obtenir des redevances et de bénéficier d’externalités de réseau qui sont sous-jacentes au succès des standards (Corbel, 2005; Demil et Lecocq, 2002). L’adoption d’un standard dépend fortement du coût d’accès à la propriété intellectuelle (Chaouat, 2007). Les économistes ont largement montré que la multiplication de détenteurs de technologies pose le problème dit de multi-marginalisation[23]. La formation d’un pool permet précisément d’y faire face en réduisant les coûts de transaction, les brevets essentiels étant diffusés « en un seul bloc »[24] auprès des licenciés (on parle également en ce sens de guichet unique ou « one stop shopping »). Ceci permet en outre de réduire les coûts de suivi des contrats de licences générés par des licences indépendantes (Ménière, 2012).

Fonctionnement

Le fonctionnement d’un pool peut être schématisé par la figure 3.

Figure 3

Fonctionnement d’un Pool de brevets

Fonctionnement d’un Pool de brevets

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Pour expliciter ce schéma, nous pouvons distinguer les règles lors de la formation du pool puis de son fonctionnement effectif.

Formation du pool

La constitution du pool doit être approuvée par les autorités de la concurrence[25]. La commission européenne et le département de justice américain reconnaissent le caractère pro-compétitif des patent pools et encouragent leur formation (Layne-Farrar et Lerner, 2011). Ils veillent, en particulier, au respect des règles d’insertion et de révélation des brevets afin d’éviter le risque de hold-up[26] :

  • les règles d’insertion, sont relatives à la détermination du caractère essentiel du brevet[27]. Des brevets essentiels sont des brevets complémentaires dont l’utilisation dépend étroitement des brevets d’autres entreprises (Shapiro, 2001). Ils revendiquent des inventions nécessaires à un standard. Plus précisément, Baron et Delcamp (2010) indiquent que deux critères permettent de juger du caractère essentiel d’un brevet : d’une part, l’idée qu’il n’y a pas de brevet substituable sur le plan technologique, d’autre part le fait que si une alternative technologique existait, elle ne permettrait pas économiquement le développement du standard. Certains auteurs distinguent en cela l’essentialité technologique de l’essentialité commerciale. La première renvoie bien à la complémentarité[28] des brevets, c’est-à-dire l’absence d’alternatives technologiques à la fois par rapport aux brevets du pool (test interne) et aux brevets externes (test externe) (Lerner et Tirole, 2007a). L’essentialité commerciale considère des brevets essentiels seulement s’ils « couvrent des éléments considérés comme valorisables pour le consommateur, ou concernent des technologies qui améliorent les performances des dispositifs ou en diminuent leur coût, sans être strictement essentiels[29] » (Bekkers et West, 2006 p.15, notre propre traduction). Ce caractère essentiel peut être jugé par un analyste indépendant nommé à cet effet par les autorités de la concurrence (cas du Pool DVD6C[30]). Il peut être également déterminé de manière consensuelle entre les membres du pool, comme c’est le cas du pool MPEG-2;

  • les règles de révélation visent à prévenir le risque de hold-up en empêchant un détenteur de se manifester tardivement. Cette obligation de divulgation du brevet par les licencieurs potentiels n’est guère évidente à mettre en oeuvre. Lévêque (2007) en précise les difficultés. Il indique que les futurs licencieurs potentiels, lors des négociations avec les organismes de standardisation, ne sont pas toujours à même de présenter l’intégralité de leur portefeuille de brevets pour identifier ceux pouvant être essentiels. Il y a là un coût de recherche des brevets concernés par le standard, alors même que ce dernier n’est pas stabilisé. De plus les divulgations doivent normalement porter sur les demandes de brevets (et donc avant acceptation des revendications) ce qui rend très difficile l’identification du brevet concerné comme essentiel. Pour faire face à ces difficultés, les organismes de standardisation demandent aux détenteurs de signaler de bonne foi leurs brevets sans leur imposer de coût de recherche[31].

Fonctionnement effectif du pool

Une fois le pool formé, il peut être géré par des détenteurs du brevet ou une société indépendante, créée à cet effet, ce qui est généralement le cas (par exemple, le pool MPEG2 est géré par la société MPEGLA, alors que le pool DVD3C[32] est géré par Philips, membre du pool).

La fixation des redevances[33] est l’un élément crucial du fonctionnement du pool. Elle relève de conditions FRAND sur lesquelles les autorités peuvent être amenées à se prononcer. A titre d’exemple, le niveau des redevances pour les 6000 brevets du standard 3G est fixé à 5 % du prix d’un portable 3G. La détermination des redevances pose de nombreuses difficultés (Rayna et Striukova, 2010). Le risque de hold-up demeure, lorsque le montant des redevances est fixé ex-post : les détenteurs déclarent que certains de leurs brevets peuvent être concernés par le standard mais s’engagent à négocier les redevances après l’adoption. Les conditions FRAND doivent précisément faire face à ce risque : « il est demandé aux participants de déclarer « ex-ante » la possibilité que certains de leurs brevets affectent les travaux du groupe, et de déclarer à cet égard qu’ils négocieront de manière équitable, raisonnable et non discriminatoire avec les utilisateurs du standard « ex-post », c’est-à-dire après l’adoption du standard » (Guellec et al., 2010 p.172). La détermination de redevances ex-ante apparaît comme une solution préventive encore plus efficace. Dans ce cas « le titulaire de brevets essentiels devrait indiquer ex ante, soit avant l’adoption de la norme, les montants maximaux de redevance qu’il exigera ex post » (Agé, 2011). Cette approche est celle privilégiée par la Commission Européenne. Certains organismes de normalisation, à l’instar de l’ETSI, imposent ce fonctionnement (Agé, 2011). Au-delà de la détermination du montant des redevances, c’est la question de leur partage qui est cruciale. Layne-Farrar et Lerner (2011)[34] indiquent qu’il existe trois règles de partage : royalty free lincensig, numeric proportional rules et value added rules. La première ne prévoit pas de versement de redevances. La seconde se fonde sur le nombre de brevets essentiels détenus (la rémunération étant proportionnelle à ce nombre). C’est la règle qui prévaut par exemple dans le pool MPEG-2. La troisième tient compte de critères qualitatifs comme l’âge des brevets, le nombre de revendications, ou encore l’importance du brevet dans l’établissement du standard. Le pool DVD 6C par exemple fonctionne ainsi.

Enfin, Lerner et Tirole (2007a) identifient deux règles relatives au bon fonctionnement des pools : les licences indépendantes et la clause de rétrocession (Grant Back Clause). La règle de la licence indépendante définit la possibilité pour les membres du pool d’octroyer des licences sur les brevets qu’ils intègrent au pool à toute entreprise, à condition que l’exploitation concerne des domaines non relatifs au pool (Carlson, 1999). Concernant la règle de « Grant Back Clause », il s’agit d’une clause de type virale selon laquelle tous les membres du pool (licencieurs et licenciés) s’engagent à transférer au pool (toujours selon des conditions FRAND) les futurs brevets essentiels qu’ils sont susceptibles d’apporter au standard concerné[35]. L’objectif est de prévenir les risques de hold-up et de favoriser la diffusion des avancées technologiques.

Discussion

L’objectif de cette dernière partie est de montrer en quoi le pool rend compte de comportements coopétitifs dans le cadre d’une conception « élargie » de l’Open Innovation « à la Chesbrough ». Ceci n’a pas fait, à notre connaissance, l’objet d’investigation spécifique alors qu’il constitue par essence même, un espace au sein duquel les entreprises développent simultanément des comportements coopératifs et compétitifs. Pour ce faire la discussion est organisée en quatre points. Nous montrons tout d’abord en quoi les pools constituent une forme particulière d’ouverture que nous qualifions « d’ouverture à grande échelle ». Nous présentons ensuite la simultanéité des comportements coopétitifs qui s’y déploient lors de la formation du pool (second point), puis au cours de son fonctionnement effectif (troisième point). Enfin, un quatrième point présente les enseignements que nous pouvons en tirer quant aux pratiques coopétitives dans l’innovation ouverte.

Formes d’ouverture et pools de brevets

Comme indiqué dans notre revue de littérature, plusieurs critères permettent d’affiner l’approche de Chesbrough pour rendre compte de divers degrés possibles d’ouverture : variété des acteurs, appropriation des rentes de l’innovation et accessibilité aux ressources. Ces critères ont été appréhendés par différents travaux sans mise en perspective unifiée. L’étude du fonctionnement des pools au regard de ces critères nous permet précisément de les positionner sur un continuum et de les qualifier « d’ouverture à grande échelle ».

Tout d’abord, conformément aux travaux antérieurs (Rayana et Striukova, 2010), la variété des acteurs impliqués dans les pools (licencieurs et licenciés) et le principe même de licence conjointe nous amène à dépasser l’approche bilatérale et restrictive de l’innovation ouverte dite « ouverture faible » (Pénin, 2008). Comme souligné par ces auteurs, l’appropriation possible des rentes de l’innovation à travers la détermination des redevances est au coeur même du fonctionnement des pools. Certains travaux montrent à ce titre que la couverture plus large qu’autorise le pool est une source de motivation essentielle d’introduction de brevets générant, malgré le partage des redevances, des revenus supérieurs à des licences indépendantes (Lévêque et Ménière, 2011). Concernant l’accessibilité aux ressources, elle est véritablement un élément fondamental de l’appréciation de l’ouverture (Lessig, 2004). Or dans le cadre d’un pool, l’accès aux ressources n’est pas total. Les ressources sont précisément mises à disposition des membres du pool, connus et identifiés. Il y a bien conformément à Pénin (2008) une sollicitation d’accès, certes facilitée grâce à des conditions dites FRAND, mais bel et bien requise. De plus, les technologies accessibles elles-mêmes répondent à des règles d’insertion précises qui tiennent à l’essentialité du brevet. Cette accessibilité aux ressources rend compte à notre sens d’une distinction fondamentale entre les pools et l’open source, toutes deux qualifiées « d’ouverture à grande échelle » par Rayna et Striukova (2010) qui, étonnement ne discutent pas cette condition de l’accessibilité. Aussi proposons nous de différencier ces deux formes d’ouverture sur ce critère clef et de qualifier les pools « d’ouverture à grande échelle », l’open source relevant alors d’une « ouverture à très grande échelle ».

Coopetition lors de la formation du pool

Pour appréhender la coopétition au cours de la formation du pool, nous analyserons d’abord les facteurs de coopération puis ceux de compétition.

Figure 4

Différents degrés d’ouverture et positionnement des pools

Différents degrés d’ouverture et positionnement des pools

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La coopération constitue le principe fondateur même du pool qui est un accord entre des entreprises (généralement concurrentes) décidant de donner conjointement accès à leurs technologies sur des brevets essentiels, c’est-à-dire complémentaires. Les exemples présentés dans le tableau 3 montrent que le développement de nombreux produits nécessite des centaines voir des milliers de brevets essentiels (1324 pour le pool MPEG4-Visual et 1041 pour le pool MVC) détenus par des acteurs indépendants (29 pour le premier et 16 pour le deuxième) qui sont le plus souvent des concurrents directs (LG, Panasonic, Samsung, Sanyo, Sharp, Siemens et Sony pour le premier et Hewlett-Packard, Hitachi, LG, Mitsubishi, Panasonic, Sharp et Sony pour le deuxième).Les brevets dits substituables sont au contraire écartés des pools. La nature même des brevets intégrés, est donc garante de coopération. Par cette introduction de brevets essentiels « les pools évitent une situation non-coopérative où les firmes se bloquent mutuellement. Au contraire, les pools permettent une solution coopérative d’exploitation conjointe de l’innovation » (Siroën 2003). La nature essentielle des brevets est fondatrice de la coopération au sein du pool mais également un facteur de légitimité de ce dernier vis-à-vis des autorités de régulation de la concurrence. La décision du DOJ et de la FTC d’approbation du pool MPEG2 (dont l’essentialité des brevets a été jugée et validée par un tiers) et de dissolution du pool PRK (dont l’essentialité des brevets n’a pas été évaluée), montre que la complémentarité des brevets est décisive pour légitimer et promouvoir des accords de coopération. Le pool peut être en ce sens lu sous une logique de collaboration entre licencieurs qui fournissent un accès conjoint à leurs technologies. Du côté des licenciés également, une logique non concurrentielle s’impose pour accéder précisément à ces technologies. En effet, le principe du guichet unique leur permet d’accéder à un ensemble de brevets sans se livrer entre eux concurrence pour l’obtention d’éventuelles licences exclusives. Dans cette perspective, les conditions FRAND qui garantissent la non discrimination entre les licenciés et l’accès à un prix raisonnable à la licence pour un intrant, sont également un moyen de limiter les tentatives d’enchères et, donc de concurrence, entre licenciés potentiels pour l’accès aux technologies. Rappelons également ici que le rôle des autorités de la concurrence est bien de garantir cette coopération. Ainsi, plusieurs facteurs de coopération sous-tendent la constitution du pool : son principe fondateur, l’accès conjoint à des technologies dans le cadre d’un guichet unique, la nature même des brevets concernés, les conditions FRAND d’accès aux technologies licenciées et la surveillance des autorités de la concurrence.

Pour autant, malgré ces facteurs de coopération, des comportements concurrentiels interviennent à différents niveaux. Ils se manifestent tout d’abord en matière de compétition technologique pour l’insertion des brevets essentiels. Dans le cas du pool MPEG2, les brevets de Philips (249 brevets) et Sony (244 brevets) représentent 69 % de l’ensemble des brevets détenus par les neufs initiateurs du pool (Columbia University, Fujitsu, General Instrument, Lucent Technologies, Panasonic, Mitsubishi, Philips, Scientific Atlanta, Sony)[36]. Chaque entreprise va en effet vouloir démontrer sa supériorité technologique et « influencer ainsi le choix du standard en faveur de son propre portefeuille de brevets » (Lévêque, 2007 p.170). Hall et Ziedonis (2001) parlent en ce sens de « portfolio racing » pour désigner cette course à l’insertion de brevets. Cette concurrence relative à l’insertion de brevets peut même conduire à la formation de pools concurrents[37]. L’insertion de brevets est cruciale car l’acceptation d’un nombre important de brevets essentiels, permet à une entreprise d’orienter l’évolution technologique du pool et de maximiser ses rentes par les redevances perçues. Cette compétition est d’autant plus importante que les pools sont formés, rappelons-le, une fois que les brevets ont été développés de manière indépendante par les différents acteurs qui se retrouvent précisément en phase de collaboration « imposée » pour pouvoir valoriser des technologies complexes dans leurs produits (Joshi et Nerkar, 2011). Les pools ne sont donc pas un instrument de collaboration amont mais de valorisation aval des technologies. Joshi et Nerkar (2011) parlent ainsi de « competition induced incentive ». Les travaux de Baron et Delcamp (2010) complètent cette perspective. Les auteurs étudient l’introduction de brevets au sein de sept pools comprenant en tout plus de 8000 brevets. Leurs résultats montrent que la qualité (appréhendée à travers le nombre de citations) et le nombre des brevets introduits varient avant et après la création du pool. Avant la création, la tension est forte entre les entrants potentiels qui ont tout intérêt à élever leur niveau de qualité de brevet pour en favoriser l’acceptation. C’est à ce moment que le nombre de brevets introduits est le plus faible mais que la qualité est la plus forte. La compétition technologique réside donc dans la qualité des brevets, influençant directement leur possibilité d’introduction.

La compétition se déploie également en matière de fixation des redevances. Comme l’indiquent Rayna et Striukova (2010) en prenant la métaphore d’un gâteau, les participants au pool introduisent leurs brevets dans la préparation de la pate, espère qu’elle montera et attendent la plus grosse part[38]. Ceci peut bien évidemment les conduire à des pratiques de tricherie (« cheating strategy » selon les auteurs) visant l’introduction maximale de brevets en vue d’augmenter les revenus à venir. Les détenteurs de brevets essentiels peuvent être également tentés d’introduire une concurrence sur les prix, limitant de fait la possibilité de développement du standard, introduisant une concurrence sur les prix. Les conditions FRAND ont précisément pour objectif de limiter ces comportements concurrentiels : elles visent à ce que les titulaires des brevets indiquent ex ante un montant maximum de redevances qu’ils demanderont ex post, c’est-à-dire après l’adoption de la norme. Ces derniers ont tout intérêt à proposer des niveaux de redevances acceptables au départ pour rendre plus probable l’inclusion de leur technologie (Geradin et al., 2003).

A cette concurrence « loyale », il convient de rajouter l’existence de comportements « déviants »s’inscrivant dans le cadre de stratégies de divulgation tardive et de dissimulation de brevets essentiels (Liotard, 2008). A travers ces stratégies, certaines entreprises tentent de prendre en otage les autres membres du pool en dissimulant des brevets essentiels lors de la formation du pool pour les déclarer ensuite. Elles font ainsi des participants du pool des contrefacteurs potentiels auprès desquels elles exigent des redevances importantes[39].

Au final, plusieurs facteurs de compétition peuvent être identifiés lors de la formation du pool : la concurrence pour l’insertion de brevets essentiels et la fixation des redevances ainsi que la divulgation tardive ou la dissimulation de brevets.

Coopetition après la formation du pool

Après constitution, le fonctionnement du pool va lui aussi être caractérisé par la simultanéité de comportements concurrentiels et coopératifs.

Pour ce qui concerne la coopération, différents facteurs peuvent là encore être identifiés. Sur le plan technologique tout d’abord, les membres du pool sont incités à coopérer. En effet, une fois sélectionnés par les autorités, les détenteurs de brevets ont tout intérêt à maintenir la coopération en ne remettant pas en cause le fonctionnement du pool. Ceci leur permet de générer des revenus réguliers sur les licences. A titre d’exemple, la part de Technicolor des redevances du pool MPEG-2 a dépassée les 200 millions €/an sur les quatre dernières années[40].Cette stabilité de fonctionnement leur procure également des avantages en termes de coûts. Joshi et Nerkar (2011) indiquent à ce titre que les accords obtenus sont autant de diminution de litiges probables entre contrefacteurs potentiels. De plus, en tant qu’entité collective, le pool est en position de force lors d’éventuelles négociations vis-à-vis de tiers non participants. Au final « pour les licencieurs, après la formation du pool, la première motivation est d’assurer la continuité de la coopération[41] » (ibid, p.1144, notre propre traduction). Toujours sur le plan technologique, les règles de fonctionnement même visent à maintenir la coopération. Rappelons que le principe dit de « Grant Back Clause » exige de la part de l’ensemble des acteurs impliqués (licencieurs et licenciés) le transfert des innovations relatives aux technologies licenciées à partir du pool, et ce selon des conditions FRAND[42]. Cette clause a bien pour but de pérenniser la coopération entre les membres et d’éviter des situations connues de « tragédie des anti-communs »[43]. On le voit, différents facteurs participent de la coopération : la réduction du risque de développement d’une technologie alternative concurrente à celle développée et adoptée par les membres du pool, le besoin d’une stabilité génératrice de revenus, la possibilité de diminuer les litiges, l’augmentation du pouvoir de négociation vis-à-vis des tiers et la nécessité de transférer aux pools les futurs brevets essentiels.

Ces facteurs de coopération coexistent lors du fonctionnement du pool avec des facteurs de compétition. Ces derniers interviennent là-encore à différents niveaux. Concernant la fixation des redevances tout d’abord, celles-ci sont établies, nous l’avons vu, dans le cadre de conditions FRAND. Pourtant ceci ne permet pas d’éliminer les pratiques de hold-up[44]. Liotard (2008) déplore à ce titre que les normes techniques soient « contaminées par la multiplication des brevets et leurs effets » en faisant les « otages de comportements commerciaux ». L’auteur montre que les normes sont alors utilisées pour survaloriser des brevets en utilisant précisément le levier de la licence. Les conditions FRAND font encore aujourd’hui l’objet de nombreux débats, quant à leur efficacité en matière de multiplication des redevances (Lévêque, 2007; Guellec et al., 2010). Lévêque et Ménière (2009) font état de deux initiatives récentes visant à mieux limiter encore le risque de hold-up en encadrant davantage les conditions RAND. La première oblige les participants de s’engager sur un plafond maximal de redevances[45], la seconde leur laisse le choix de se déterminer pour un plafond maximum ou une valeur exacte de redevances. On le voit donc, le fonctionnement effectif des pools est encore largement soumis à des comportements compétitifs liés à l’obtention de revenus. De plus, les règles mêmes de fonctionnement du pool vont entretenir cette concurrence. Ainsi, la règle dite de la licence indépendante définit la possibilité pour les membres du pool d’octroyer des licences sur des brevets intégrés, à condition que l’exploitation concerne des domaines hors portée du pool (Carlson, 1999).Il est important de noter à ce stade que les revenus des licences indépendants ne sont pas soumis au régime de partage des revenus défini au sein du pool. En conséquence, chaque entreprise essaiera de trouver de nouveaux domaines d’application et de nouveaux débouchés pour valoriser ses technologies. Cette valorisation hors portée du pool qui entretient une concurrence entre partenaires permet d’étendre les marchés de l’entreprise, d’améliorer la capture de valeur en utilisant le pool comme« vecteur indirect » de cette capture. Il convient ici de préciser que la portée d’un pool peut être technologique mais aussi géographique. Ainsi, une entreprise peut valoriser ses brevets en dehors d’un pool donné si ces derniers concernent des technologies qui ont plusieurs applications ou qui sont liées à plusieurs standards. De même, une entreprise peut valoriser ses brevets à travers un pool géographiquement délimité (le pool ARIB-ULDAGE par exemple) tout en licenciant les mêmes brevets dans d’autres zones géographiques.

Les comportements compétitifs des membres du pool concernant également l’intégration de nouveaux brevets[46]. En étant déjà membre du pool, une entreprise possède un pouvoir de négociation important (« bargaining power ») vis-à-vis des experts qui déterminent le caractère essentiel des brevets (Baron et Delcamp, 2010). Ceci confère aux entreprises installées une supériorité incontestable vis-à-vis des entrants potentiels. Elles bénéficient par ailleurs d’une asymétrie d’information dont elles profitent pour pouvoir introduire des brevets de moindre qualité mais directement nécessaires à l’évolution du standard (Joshi et Nerkar, 2011). Ces pratiques dites de brevetage stratégique vont naturellement conduire à une augmentation du poids de certains acteurs dans le pool. Contrairement à la phase de constitution, la concurrence ne se fait plus alors sur la qualité mais sur le nombre de brevets. Dans le cas du pool MPEG2, Technicolor a inséré, depuis sa participation à ce pool en 2002, plus de 180 brevets afin de renforcer sa position par rapport aux principaux fondateurs (Philips avec ses 249 brevets et Sony avec 244 brevets) et ainsi capturer une part importante des redevances.

Tableau 4

Facteurs de coopétition au sein des pools de brevets

Facteurs de coopétition au sein des pools de brevets

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Les comportements compétitifs sont donc liés à la persistance de la possibilité de hold-up et de concurrence pour l’obtention de redevances qui viennent questionner l’efficacité même des conditions FRAND. A cela s’ajoute une concurrence pour la valorisation des technologies hors du pool et pour l’intégration des nouveaux brevets qui favorisent des pratiques de brevetage stratégique de la part des acteurs en place. Au final, la simultanéité de facteurs de coopération et de compétition lors de la constitution du pool et de son fonctionnement effectif sont synthétisés dans le tableau 4 ci-dessus :

Quels enseignements quant a la coopetition dans l’innovation ouverte ?

L’analyse des facteurs de coopétition lors de la formation du pool et de son fonctionnement nous permet d’en tirer des enseignements quant aux pratiques coopétitives dans l’innovation ouverte. A partir de ces enseignements seront formulées des propositions amenées à être testées dans de futures recherches.

Le premier enseignement concerne la nature de la coopétition. On constate tout d’abord que le profil des acteurs qui interviennent et leurs motivations d’appartenance au pool caractérisent une coopétition de type perpendiculaire marquée par l’existence d’une coopétition à la fois horizontale et verticale (Chiambaretto, 2011). Le pool est bien créé à l’origine par des industriels, concurrents directs sur les marchés, qui visent à favoriser le développement d’un standard, à limiter entre eux les risques de contrefaçon, à diminuer les coûts d’accès à la technologie ainsi que les coûts de suivi des contrats de licences générés dans le cas de licences indépendantes avec chacun de leur exploitant (Ménière, 2012). De fait, la technologie devient accessible à ces exploitants avec lesquels ils peuvent également se trouver en partie en concurrence sur certaines activités (Dagnino et Padula, 2002). On retrouve également ici l’apport de Depeyre et Dumez (2010) indiquant que les firmes peuvent à la fois se concurrencer sur le marché (prix, quantités, innovation…) alors qu’elles coopèrent en matière de développement de standards qualifié de « hors-marché ». Dans la même veine, Layne-Farrar et Lerner (2011) montrent que les entreprises intégrées verticalement sont les plus enclines à intégrer les pools. Celles-ci chercheront à intégrer des pools liés à des produits « connexes » (accessoires) et non à leurs produits « phares » qui constituent le coeur de leur offre. L’objectif est bien de construire une offre globale convergente composée de produits développés à partir de ressources non partagées avec les concurrents et de produits développés à partir des ressources partagées dans le cadre du pool. Les membres du pool adoptent à la fois des comportements compétitifs et coopératifs dans le même espace d’interaction. Les brevets déposés dans le pool jouent en quelque sorte le rôle de « produits d’appel » permettant une meilleure valorisation des autres brevets. Ceci est à mettre en perspective avec les travaux récents de Chen et Chen (2011) dédiés précisément aux pratiques coopétitives en matière d’octroi de licences de brevets. Les auteurs montrent comment les deux principaux acteurs du secteur des technologies LED se sont d’abord affrontés dans une logique purement concurrentielle avant d’instaurer des licences croisées participant de comportements coopétitifs. L’originalité de leur étude tient dans la démarche même utilisée pour mettre à jour cette coopétition : elle réside dans l’analyse des brevets licenciés à partir de la classification américaine des brevets. Si la méthode n’est pas nouvelle[47], elle n’a jamais été appliquée à la mise en évidence de la coopétition, excepté dans ces travaux et ceux de Lim et al. (2010). Il est intéressant de noter que les résultats de Chen et Chen (2011) montrent que les firmes concurrentes ont évolué vers des pratiques de coopétition car elles possédaient des technologies complémentaires (composants LED pour une firme et technologies à phosphore pour l’autre) selon les classifications de brevets[48]. La motivation de la coopétition était bien l’accès à ces technologies complémentaires tout en conservant respectivement un coeur de compétences sur leurs technologies respectives. Ceci nous conduit à formuler la proposition suivante :

Proposition 1 : les brevets donnant lieu à des pratiques d’Open Innovation sont situés à la périphérie du coeur de métier de l’entreprise et servent précisément de valorisation aux technologies clefs demeurant dans des logiques propriétaires.

Une telle proposition pourrait donner lieu à des travaux empiriques, sur la base de la méthodologie de Chen et Chen (2011) partant des bases de données brevets, et donc de la classification, pour étudier quels sont les brevets effectivement « ouverts » et ceux restant des brevets propriétaires.

Figure 5

Typologie des pratiques coopétitives de l’innovation ouverte

Typologie des pratiques coopétitives de l’innovation ouverte

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Le second enseignement concerne la mise en perspective de l’orientation de la coopétition (dominance soit de la coopération soit de la concurrence)[49] et du degré d’ouverture. Ceci nous conduit à proposer la typologie suivante des pratiques coopétitives de l’Innovation Ouverte en y positionnant les pools de brevets (voir figure 5 ci-dessus).

Cette typologie rend compte de trois types d’ouverture caractérisés par différentes logiques alternant entre concurrence et coopération. Le premier type, ou ouverture faible, s’apparente aux premiers travaux sur l’Open Innovation (« ouverture à la Chesbrough » selon Pénin). Les acteurs y sont clairement identifiés, la technologie n’est pas accessible à tous et l’appropriation se fait via des redevances. Ceci recouvre les pratiques de licences et de licences réciproques. Les pools fermés, bien que régit par des règles de fonctionnement spécifiques s’inscrivent dans cette même logique. Ces différentes modalités sont caractérisées par des comportement coopétitifs qui, conformément à l’approche de Chen et Chen (2011) reposent sur la nécessité d’accéder à des technologies complémentaires pour pouvoir valoriser en aval des produits sur les marchés sans se retrouver alors en position de contrefacteur. Pour autant ces situations ne conduisent pas à la recherche de normes ou de standards.

Le second type qualifié d’ouverture à grande échelle recouvre les pools ouverts. On y retrouve les principes d’appropriation[50], l’accessibilité y est plus importante dans la mesure où des non détenteurs de brevets, et donc de nouveaux acteurs, vont avoir la possibilité d’accéder à des licences. La dominance en matière de comportement coopétitif est marquée vers la concurrence et ceci en raison de plusieurs facteurs. Parmi ces derniers, l’essentialité des brevets destinés à favoriser le développement de normes et de standards[51] semble être une cause majeure de concurrence entre les licencieurs potentiels qui visent précisément à faire accepter leurs brevets en vue de générer des revenus associés. Ceci nous amène donc à formuler une seconde proposition :

Proposition 2 : les formes d’Open Innovation visant l’instauration de normes et de standards favorisent les comportements concurrentiels en raison du caractère essentiel des brevets retenus.

Enfin, le troisième type est caractéristique d’une ouverture à très grande échelle, dans laquelle se retrouvent l’open source, les Creative Commons ou encore les plates-formes de brevets. Ces différentes modalités ont en commun l’accessibilité totale aux ressources par tout acteur, à la seule condition de maintenir à leur tour leurs améliorations libres. L’appropriation ne repose pas sur les rentes de l’innovation liées à la détention de droits de propriété mais, éventuellement, sur des prestations ou services associés et n’évacue donc pas totalement la question de la concurrence. La priorité est accordée au mode collaboratif, aux partages des ressources entre acteurs qui demeurent dans un contexte concurrentiel. Mais la finalité première est bien de rendre les créations accessibles au plus grand nombre et de faciliter la diffusion des connaissances par la collaboration. Ceci nous conduit à la troisième proposition :

Proposition 3 : Dans le cadre de projets d’Open Innovation à très grande échelle, l’appropriation des rentes de l’innovation sur des services associés, et non sur des droits de propriété, favorise la collaboration technologique en amont.

En conclusion, cette recherche enrichit la compréhension des pratiques de coopétition dans l’Open Innovation. Il s’agit là d’une lecture originale encore très peu défendue dans la littérature. Une telle lecture contribue à une meilleure compréhension de l’Open Innovation qu’appellent les travaux récents (Loilier et Tellier, 2011). A ce titre notre contribution est double :

  • tout d’abord, à travers une réflexion sur le degré d’ouverture, cette recherche a permis de clarifier les différentes modalités de l’Open Innovation et de positionner clairement les pools comme mode d’expression possible de stratégies coopétitives fondées sur l’octroi de licences de brevets. Elle propose ainsi une première typologie de la coopétition au sein de l’Open Innovation;

  • ensuite, en s’intéressant spécifiquement à cette forme originale d’innovation ouverte, encore très peu étudiée par la littérature en management, elle a mis en évidence les facteurs de coopétition qui sont au coeur de son fonctionnement. La mise en évidence de ces facteurs de coopétition à la fois lors de la formation du pool puis de son fonctionnement permet, au sens de Depeyre et Dumez (2010) de rendre compte de la complexité de la coopétition à la fois en termes de temporalité et d’activités concernées.

Au-delà de cette contribution directe au champ de l’Open Innovation, deux contributions plus marginales, mais ouvrant des perspectives de recherches futures peuvent être soulignées :

  • la première est centrée sur le rôle stratégique des droits de propriété en introduisant les brevets dans l’analyse des pratiques coopétitives. A notre connaissance, malgré la très riche littérature sur les fonctions stratégiques du brevet, à l’exception des travaux récents de Chen et Chen (2011), les recherches n’ont pas traité de l’utilisation possible du brevet dans des logiques coopétitives. Il y a là des voies de recherches prometteuses, tant d’un point de vue théorique que managérial;

  • la seconde s’intéresse plus spécifiquement au champ de la coopétition. Etonnamment la littérature dédiée à la coopétition s’intéresse peu à la forme organisée que celle-ci peut prendre. En mettant l’accent sur le fonctionnement du pool, notamment au niveau de ses règles et modes de gouvernance, nous montrons que la coopétition se déploie et s’entretient aussi au sein de formes organisées qui peuvent en être précisément des lieux d’expression privilégiés.