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La période récente est marquée par un accroissement significatif des fusions-acquisitions internationales, reflétant l’accélération du processus de globalisation, la place prise par les économies émergentes et les nouvelles opportunités de croissance pour les entreprises multinationales (Caiazza, Very et Ferrara, 2017; Kin, Meschi et Prévot, 2015). La création de valeur des fusions-acquisitions internationales, mesurée par les rendements anormaux des titres des acquéreurs suite à leur annonce, est un élément important lorsqu’une entreprise décide de poursuivre une telle stratégie de croissance externe (Cho et Ahn, 2017; Moeller et Schlingemann, 2005). Les acquéreurs espèrent que les marchés financiers réagiront positivement à l’annonce d’opérations de fusions-acquisitions, et que cette réaction entraînera des rendements positifs anormaux de leurs titres et une création de valeur à court terme pour leurs actionnaires. Pourtant, les résultats des études empiriques concernant les effets financiers des fusions-acquisitions internationales sont contrastés. Certains auteurs ont constaté des effets positifs, tandis que d’autres ont démontré que les fusions-acquisitions détruisent de la valeur ou qu’elles n’ont aucun effet (voir Tao, Liu, Gao et Xia, 2017 pour une revue exhaustive). Des études récentes suggèrent, en outre, que les facteurs influençant les réactions des marchés financiers aux fusions-acquisitions internationales doivent faire l’objet d’un examen plus approfondi (Li, Li et Wang, 2016; Tao et al., 2017). Ces facteurs incluent les signaux de qualité et d’intention émis par l’entreprise (Connelly, Certo, Ireland et Reutzel, 2011; Stiglitz, 2000), qui, bien que largement reconnus comme étant importants dans les opérations de fusions-acquisitions, sont insuffisamment étudiés dans la littérature (Haleblian, Pfarrer et Kiley, 2017; Saxton et Dollinger, 2004), notamment parce qu’ils sont difficiles à évaluer.

L’annonce d’une fusion-acquisition internationale peut être perçue comme un signal d’intention (Stiglitz, 2000) envoyé par l’acquéreur aux investisseurs. Avec un tel signal, il transmet un message sur ses orientations stratégiques et ses ambitions, mais aussi sur son intention de déployer des ressources importantes pour son expansion internationale. Selon la perspective de la théorie du signal (Spence, 1973, 1974, 2002), l’annonce d’une fusion-acquisition vise à inciter les investisseurs financiers à réagir à l’opération en achetant un plus grand nombre d’actions dans l’espoir d’obtenir des bénéfices plus élevés, ce qui peut entraîner une hausse du cours des actions et des rendements anormaux positifs à la date de l’annonce. En raison de l’asymétrie d’information (Spence, 1973; Stiglitz, 2002), les investisseurs ne disposent pas de toutes les informations sur l’entreprise cible et l’opération envisagée (Tao et al., 2017). Par conséquent, ils recherchent des signaux supplémentaires sur lesquels s’appuyer pour prendre leurs décisions d’investissement (Reuer et Ragozzino, 2014). La réputation de l’acquéreur peut être considérée comme un signal de la qualité sous-jacente de l’entreprise (Coff, 2002; Deephouse, 2000), et notamment lors de l’annonce d’une fusion-acquisition internationale. La réputation reflète en effet la capacité d’une entreprise à créer de la valeur dans les dimensions clés de la performance (Fombrun et Shanley, 1990; Rindova, Williamson, Petkova et Sever, 2005) et constitue donc un indice crucial pour les investisseurs. La réputation de l’acquéreur réduit l’asymétrie d’information entre l’acquéreur et les investisseurs, ce qui a une influence positive sur la performance boursière à court terme de l’acquéreur. Cependant, parce qu’elle est difficile à mesurer, son impact sur la performance boursière de l’acquéreur reste sous-exploré dans la littérature académique. A notre connaissance, seuls Chalençon, Colovic, Lamotte et Mayrhofer (2017) ont étudié la relation entre la réputation de l’acquéreur et la réaction des marchés financiers suite à l’annonce de fusions-acquisitions. Dans cette recherche, notre objectif est d’approfondir les connaissances dans ce domaine à partir de la théorie du signal. Nous suggérons que d’autres signaux influencent la relation entre la réputation de l’acquéreur et la performance boursière. Premièrement, les stratégies de diversification sectorielle ou géographique, qui sont des signaux d’intention, devraient affecter négativement la relation, affaiblissant l’impact de la réputation sur la performance boursière. Deuxièmement, l’expérience en matière de fusions-acquisitions – un signal de qualité – devrait avoir une incidence positive sur la relation, renforçant ainsi l’impact de la réputation.

Nous testons ces hypothèses à l’aide d’une base de données unique de 134 opérations de fusions-acquisitions impliquant des multinationales françaises. Nos résultats confirment nos hypothèses selon lesquelles la réputation influence positivement les rendements anormaux des titres des acquéreurs après l’annonce de fusions-acquisitions internationales et que cette relation est modérée négativement par la stratégie de diversification sectorielle de l’acquéreur. Nous montrons également que l’influence de la réputation sur la réaction des investisseurs dépend du niveau de réputation de l’acquéreur.

Nous contribuons à la littérature en approfondissant la connaissance sur la relation entre les signaux de qualité et d’intention et la réaction des marchés financiers à l’annonce de fusions-acquisitions internationales. L’originalité de notre recherche tient notamment au fait que nous utilisons des signaux de qualité et d’intention en conjonction, une direction de recherche suggérée par Connelly et al. (2011) dans leur revue exhaustive de l’utilisation de la théorie du signal par la recherche en management. Nous contribuons également à la littérature émergente sur le rôle de la réputation dans les opérations de fusions-acquisitions en mettant en exergue son influence complexe sur les rendements des titres des acquéreurs suite à l’annonce de l’opération.

L’article est organisé comme suit. Dans la première partie, nous exposons les principaux résultats de la littérature sur la performance boursière des fusions-acquisitions et développons nos hypothèses en nous appuyant sur la théorie du signal. Dans la deuxième partie, nous décrivons notre méthodologie et les données utilisées dans cette étude. Nous présentons nos résultats dans la troisième partie. Dans la quatrième partie, nous discutons nos résultats, en soulignant les contributions et les implications de notre recherche, sans oublier d’en énumérer les limites et d’indiquer des pistes de recherche pour l’avenir.

Fusions-acquisitions internationales et performance boursière à court terme de l’acquéreur : cadre théorique et hypothèses

Les investisseurs perçoivent souvent les fusions-acquisitions internationales comme l’indication d’un changement significatif dans la stratégie des entreprises concernées (Tao et al., 2017), en particulier celle de l’acquéreur. En fonction de leur évaluation de l’opération annoncée, les investisseurs réagiront en achetant ou en vendant des titres. Le comportement de l’ensemble des investisseurs individuels en bourse constitue la réaction du marché financier à la transaction (Brown et Warner, 1985; Campa et Hernando, 2004). Lorsque la réaction du marché génère des rentabilités anormales positives, il y a création de valeur à court terme pour les actionnaires (Anderson, Sutherland et Severe, 2015; Cho et Ahn, 2017). Ce phénomène a attiré l’attention des chercheurs et des praticiens. Pourtant, en dépit d’un nombre important de travaux, il n’existe pas de consensus sur les rendements anormaux générés suite à l’annonce de fusions-acquisitions et sur les facteurs qui influencent la création ou la destruction de valeur de ces opérations (King, Dalton, Daily et Covin, 2004; Vazirani, 2012).

Étant donné que les fusions-acquisitions internationales impliquent des entreprises de différents pays, régions ou continents, les investisseurs ont souvent plus de difficultés à évaluer leurs opportunités et leurs risques (Moeller et Schlingemann, 2005). Par conséquent, pour juger si les opérations internationales sont appropriées, les investisseurs ont tendance à porter une attention particulière aux signaux d’intention et de qualité envoyés par les acquéreurs.

Le signal de la réputation et la performance boursière des fusions-acquisitions internationales

La théorie du signal (Spence, 1973, 1974) repose sur l’hypothèse que, parce que certains éléments d’information sont privés, c’est-à-dire non disponibles pour tous les acteurs, des asymétries d’information existent entre ceux qui possèdent l’information et ceux qui pourraient bénéficier de cette information (Connelly et al., 2011; Myers et Majluf, 1984). En d’autres termes, des asymétries d’information apparaissent lorsque « différentes personnes savent des choses différentes » (Stiglitz, 2002, p. 469). En effet, les entreprises peuvent choisir de ne pas divulguer certains renseignements à leurs actionnaires ou investisseurs (Ross, 1977). Ainsi, Schijven et Hitt (2012) avancent que l’information la plus riche et la plus précieuse concernant l’opération de fusion-acquisition est réservée aux dirigeants des entreprises concernées. Selon Stiglitz (2000), les asymétries sont particulièrement importantes pour deux types d’information qui renvoient à deux types de signaux. Le premier est le signal de qualité, lorsqu’une partie n’est pas pleinement consciente des caractéristiques d’une autre; il fait donc référence à la capacité (non observable directement) du signaleur de satisfaire une attente (Connelly et al., 2011). Le second est le signal d’intention, lorsqu’une partie n’est pas pleinement consciente des intentions comportementales de l’autre; il conduit à essayer d’anticiper les décisions qui vont être prises par le signaleur. Pour réduire ces asymétries, la partie qui détient les renseignements peut envoyer des signaux de qualité et d’intention à des mandants externes. De leur côté, les investisseurs vont chercher les signaux disponibles (Shijven et Hitt, 2012) afin de trouver des éléments sur lesquels fonder leur jugement de l’opération. Connelly et al. (2011) observent que la plupart des recherches en management se sont concentrées sur l’analyse des signaux de qualité. Une des contributions de cette recherche réside dans l’analyse de signaux de qualité et d’intention, afin de mieux comprendre le comportement des investisseurs à l’annonce d’une fusion-acquisition.

Les chercheurs se sont appuyés sur la théorie du signal pour étudier l’effet des asymétries d’information dans les opérations de fusions-acquisitions. Ils se sont principalement intéressés à l’influence exercée par les caractéristiques de l’acquéreur, de la cible et de l’opération, en se concentrant essentiellement sur les informations financières. Par exemple, les investisseurs considèrent une opération payée en actions comme un signal indiquant que les titres de l’acquéreur sont surévalués (Cho et Ahn, 2017). Ce signal est encore plus net lorsque l’acquéreur est doté d’un cash-flow important (Gao, 2011). Toutefois, peu d’études empiriques portent sur les signaux ayant un caractère plus qualitatif, comme celui de la réputation. Or, nous considérons que les investisseurs accordent une importance particulière à ce signal, notamment pour les opérations internationales. Reuer et Ragozzino (2014) suggèrent que la théorie du signal contribue à la compréhension des transactions internationales, car « on s’attendrait à ce que les signaux soient particulièrement utiles pour de telles transactions parce que les asymétries d’information et le risque de sélection adverse sont importants dans le contexte international » (p. 322). Récemment, Humphery-Jenner, Sautner et Suchard (2017) ont démontré la pertinence de la théorie du signal dans l’étude des réactions des marchés financiers aux fusions-acquisitions internationales.

Lorsqu’une fusion-acquisition internationale est sur le point d’être réalisée, l’acquéreur (signaler) envoie des signaux aux investisseurs (receivers) liés à cette expansion internationale (Humphery-Jenner et al., 2017). Les signaux envoyés aux investisseurs sont généralement des signaux d’intention, les informant des orientations stratégiques et des ambitions des acquéreurs. En raison du risque de sous-évaluation des actifs, les acquéreurs sont encouragés à lancer des campagnes de communication liées aux opérations de fusions-acquisitions pour convaincre les investisseurs de la pertinence de leurs choix stratégiques (Connelly et al., 2011; Reuer et Ragozzino, 2012).

Toutefois, même dans le cas où l’acquéreur communique abondamment sur une fusion-acquisition internationale, l’asymétrie d’information persiste (Myers et Majluf, 1984), parce qu’inévitablement l’acquéreur détient certaines informations privées auxquelles les investisseurs n’ont pas accès (Stiglitz, 2000). La question se pose donc de savoir comment les investisseurs peuvent réduire l’asymétrie d’information pour prendre des décisions d’investissement. Conformément à la théorie du signal, nous avançons qu’ils identifieront des signaux supplémentaires pour évaluer l’opération. Plus précisément, les investisseurs chercheront des signaux de qualité, définis comme « la capacité sous-jacente et inobservable du signaleur à répondre aux besoins ou aux exigences d’un observateur extérieur qui observe le signal » (Connelly et al., 2011, p. 43). La réputation de l’entreprise est un signal de ce type (Coff, 2002; Connelly et al., 2011; Deephouse, 2000). La capacité de l’acquéreur à créer de la valeur suite à l’achat d’une entreprise étant inobservable pour l’investisseur, la réputation fournit à ce dernier des informations alternatives. La réputation découle de la qualité du signaleur accumulée au fil du temps grâce au succès de ses actions sur le marché (Basdeo, Smith, Grimm, Rindova et Derfus, 2006), de la pertinence de ses orientations stratégiques et de sa capacité à fournir de la valeur dans des domaines clés de performance (Rindova et al., 2005). Un acquéreur ayant une forte réputation serait donc plus à même de dégager une création de valeur d’une opération de fusion-acquisition.

Or, malgré le volume important d’études sur la réaction des marchés financiers aux annonces de fusions-acquisitions domestiques ou internationales, la littérature n’intègre que très peu l’influence de la réputation et des éventuels facteurs modérateurs de la relation. Saxton et Dollinger (2004) montrent que la réputation de la société cible a un impact positif sur les bénéfices des acquisitions et qu’il est pertinent de payer une prime pour les sociétés ayant une solide réputation. Chalençon et al. (2017) observent que la réputation de l’acquéreur est positivement associée à la création de valeur observée suite à ses opérations de fusions-acquisitions, quelle que soit la localisation géographique de l’entreprise cible. D’une manière plus générale, la réputation est susceptible de générer de la valeur en rassurant les parties prenantes sur le fait que l’entreprise va honorer ses engagements (Devine et Halpern, 2001). Dans les fusions-acquisitions internationales, les investisseurs s’interrogent en effet sur la pertinence et la légitimité de l’opération et sur les perspectives de bénéfices futurs pour les actionnaires. En fait, la réputation est souvent fondée sur des attributs spécifiques, comme la capacité à fournir des produits de qualité (Rindova et al., 2005), et est donc une source d’avantage concurrentiel (Dollinger, Golden et Saxton, 1997). Elle aide les entreprises à développer des relations avec d’autres organisations (Saxton, 1997) et renforce les ambitions de performance future d’une entreprise en l’encourageant à saisir les opportunités d’affaires (Petkova, Wadwa, Yao et Jain, 2014), notamment sur les marchés internationaux. Saxton et Dollinger (2004) montrent que la création de valeur des fusions-acquisitions est plus forte lorsque la cible bénéficie d’une bonne réputation. En résumé, la réputation fait référence aux perceptions de la capacité d’une entreprise à créer de la valeur pour ses parties prenantes (Fombrun et Shanley, 1990; Rindova et al., 2005). Dans le contexte des fusions-acquisitions internationales, qui sont considérées comme plus risquées que les opérations nationales en raison de différences culturelles et institutionnelles, ainsi que des défis post-intégration (Aldebert, Meier et Missonier, 2010; Mayrhofer, 2011; Williams, Galesloot, Martinez, de Kerke et Gastelaars, 2011), la réputation, en tant que signal crucial de la qualité de l’acquéreur, rassure les parties prenantes sur le fait que la décision stratégique de conduire une fusion-acquisition est conforme à la capacité de l’entreprise à répondre aux attentes du marché (Hitt, Harrison et Ireland, 2001). A partir de ces arguments, nous formulons notre première hypothèse :

Hypothèse 1 : La réputation de l’acquéreur est positivement liée à la création de valeur observée à l’annonce d’une fusion-acquisition internationale.

Les effets modérateurs de la diversification et de l’expérience en matière de fusions-acquisitions

Les cibles de fusions-acquisitions internationales peuvent opérer dans le même secteur d’activité ou dans un secteur différent de celui de l’acquéreur. La littérature sur les stratégies de diversification sectorielle a montré les effets négatifs qu’elles peuvent causer, notamment en termes de coûts d’agence (Dos Santos, Errunza et Miller, 2008; Lacoste, Lavigne et Rigamonti, 2010). La théorie du signal fournit des éléments d’explication. Lorsqu’une entreprise bénéficie d’une solide réputation dans un secteur particulier, une fusion-acquisition au sein de ce même secteur est perçue comme moins risquée par les investisseurs, car l’acquéreur intervient dans le cadre de ses opérations ordinaires. Toutefois, lorsqu’un acquéreur conclut un accord de fusion-acquisition avec une société cible d’un autre secteur, il envoie un signal d’intention, faisant prendre conscience aux investisseurs qu’il vise à diversifier ses activités et, par conséquent, à répartir ses ressources différemment entre ses activités. Les fusions-acquisitions visant la diversification sont généralement perçues de manière plus négative que celles qui s’effectuent dans le même secteur. En effet, ces opérations sont plus risquées et les marchés financiers s’attendent donc à des performances moindres. Moeller et Schlingemann (2005) confirment l’influence négative des fusions-acquisitions de diversification sectorielle sur les rentabilités anormales des titres, et démontrent, en outre, que les opérations internationales détruisent de la valeur lorsque la diversification est l’objectif principal de l’opération. La diversification dans un autre secteur d’activité comporte aussi le risque de brouiller l’image de l’acquéreur et de disperser ses ressources dans un éventail de secteurs d’activité, ce qui pourrait entraîner un manque d’efficience. Par conséquent, lorsqu’un acquéreur se diversifie dans un nouveau secteur d’activité, la réputation qu’il a acquise dans son propre secteur a un impact moindre sur la performance boursière de l’opération. Nous soutenons qu’une stratégie de diversification sectorielle affaiblit l’effet de la réputation de l’acquéreur. En conséquence, nous émettons l’hypothèse suivante :

Hypothèse 2 : La stratégie de diversification sectorielle de l’acquéreur modère négativement la relation entre la réputation de l’acquéreur et la création de valeur observée à l’annonce d’une fusion-acquisition internationale.

La diversification géographique peut, au même titre que la diversification sectorielle, influencer la réaction des marchés financiers à l’annonce d’une opération de fusion-acquisition. Dans la littérature, la diversification géographique est le plus souvent définie par le fait, pour un acquéreur, de réaliser une opération dans un pays étranger, plutôt que dans son pays d’origine. Plusieurs travaux ont ainsi comparé la création ou la destruction de valeur générée par les opérations domestiques et internationales, sans toutefois aboutir à des résultats définitifs. Par exemple, alors que Moeller et Schlingemann (2005) montrent empiriquement que les acquisitions internationales conduisent à des rendements anormaux inférieurs à ceux des acquisitions domestiques, Danbolt et Maciver (2012) constatent l’inverse dans un autre contexte. Ces résultats apparemment contradictoires peuvent s’expliquer par les mécanismes opposés qui sont à l’oeuvre. Les opérations internationales sont certes plus coûteuses, plus complexes et plus risquées, mais la diversification géographique permet d’exploiter de nouveaux marchés et fournit davantage de gains potentiels (Danbolt et Maciver, 2012). Toutefois, au-delà de la distinction entre opérations domestiques et internationales, il semble que ce soit davantage la localisation de la cible et ses caractéristiques relativement à celles de l’acquéreur qui déterminent la réaction des investisseurs à l’annonce de fusions-acquisitions. Il s’agit là d’une autre dimension de la diversification géographique, moins restrictive, consistant pour une entreprise à opérer dans un cadre différent de celui où elle opère habituellement. Cette dimension est particulièrement importante si l’on se positionne dans la perspective de la théorie du signal. En effet, une moindre qualité des cadres institutionnels, légaux, économiques, administratifs ou culturels va accentuer l’asymétrie d’information (Bertrand et Betschinger, 2012; Danbolt et Maciver, 2012; Jandik et Kali, 2009), conduisant ainsi les investisseurs à une réaction moins favorable, voire défavorable, à l’annonce de l’acquisition. Cet effet sera d’autant plus net que les différences entre les pays de l’acquéreur et de la cible sont importantes de ce point de vue. C’est par exemple le cas lorsque l’acquéreur est localisé dans un pays mature et la cible dans un pays émergent. Ainsi, Gubbi, Aulakh, Ray, Sarkar et Chittoor (2010) confirment empiriquement que les niveaux de développement économique et institutionnel sont positivement corrélés aux réactions des investisseurs, avançant qu’un meilleur environnement réduit le risque et garantit une meilleure protection des investissements étrangers. Plus récemment, Chalençon et Mayrhofer (2018) montrent que la réaction des investisseurs à l’annonce de fusions-acquisitions diffère selon que la cible est localisée dans un pays mature ou dans un pays émergent. Les annonces d’opérations dans les pays émergents créent ainsi moins de valeur que les annonces d’opérations dans les pays matures. Les auteurs observent même que les annonces d’opérations dans les pays émergents détruisent de la valeur si l’on considère la fenêtre en amont de l’annonce. Ces développements nous conduisent donc à avancer qu’une stratégie de diversification géographique affaiblit l’effet positif de la réputation. En conséquence, nous émettons l’hypothèse suivante :

Hypothèse 3 : La stratégie de diversification géographique de l’acquéreur modère négativement la relation entre la réputation de l’acquéreur et la création de valeur observée à l’annonce d’une fusion-acquisition internationale.

L’expérience de l’acquéreur en matière de fusions-acquisitions joue également un rôle important pour les opérations de croissance externe. Depuis une quarantaine d’années, de nombreux travaux ont mis en évidence l’effet positif de l’expérience d’opérations de fusions-acquisitions sur la probabilité de réaliser de nouvelles opérations (Collins, Holcomb, Certo, Hitt et Lester, 2009; Buckley, Munjal, Enderwick et Forsans, 2016), la réaction des investisseurs à l’annonce de telles opérations (Meschi et Métais, 2006; Li et al., 2016), la longévité des acquisitions (Barkema, Bell et Pennings, 1996), la probabilité d’échec (Meschi et Métais, 2011), la performance générale (Bruton, Oviatt et White, 1994) et la gestion du processus d’intégration post-acquisition (Thelisson, Meier, Missonier et Guieu, 2018). En s’appuyant notamment sur les théories de l’apprentissage organisationnel et de la courbe d’apprentissage, leurs auteurs avancent que les opérations réalisées permettent aux dirigeants de développer leur expertise sur les différentes étapes de la fusion-acquisition par un mécanisme d’apprentissage expérientiel (learning by doing), et ainsi d’accroître leurs chances de réussite future (Collins et al., 2009; Meschi et Métais, 2011). Toutefois, à partir d’un état de l’art sur l’influence de l’expérience sur les fusions-acquisitions, Barkema et Schijven (2008) nuancent cette perspective. Ils trouvent ainsi que (i) l’expérience n’a pas toujours un impact positif si l’on adopte une approche fine (différences sectorielles, temporalité), (ii) l’apprentissage ne découle pas automatiquement de l’expérience, des mécanismes d’apprentissage délibérés étant nécessaires, et (iii) l’entreprise n’apprend pas uniquement de sa propre expérience mais également de l’expérience des autres entreprises. Dans la mesure où notre étude s’appuie sur la théorie du signal, il s’agit toutefois de prendre en compte l’effet perçu de l’expérience sur la réaction des investisseurs, et non l’effet de l’expérience sur la performance. Or, l’expérience en matière de fusions-acquisitions est clairement un signal de qualité qui rassure les investisseurs en leur indiquant que l’acquéreur a les connaissances et les compétences nécessaires pour entreprendre et réussir des fusions-acquisitions. Li et al. (2016) montrent notamment que les entreprises ayant une expérience de fusions-acquisitions internationales sont perçues par le marché comme mieux armées pour gérer les différences culturelles.

Les développements précédents permettent de suggérer que l’expérience de l’acquéreur en matière de fusions-acquisitions modère positivement la relation entre la réputation et les rentabilités à court terme sur les marchés financiers, renforçant ainsi l’effet positif de la réputation de l’acquéreur sur ses rentabilités à court terme. Nous formulons donc l’hypothèse suivante :

Hypothèse 4 : L’expérience de l’acquéreur en matière de fusion-acquisition modère positivement la relation entre la réputation de l’acquéreur et la création de valeur observée à l’annonce d’une fusion-acquisition internationale.

La figure 1 présente notre modèle de recherche.

Méthodologie

Dans cette partie, nous présentons la constitution de l’échantillon de notre étude empirique et l’opérationnalisation des variables utilisées, puis nous détaillons les analyses statistiques effectuées.

FIGURE 1

Modèle de recherche

Modèle de recherche

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Echantillon

Notre étude empirique porte sur les entreprises multinationales françaises qui ont conclu des fusions-acquisitions après la crise économique de 2008. Les entreprises françaises sont particulièrement actives dans le domaine des fusions-acquisitions : en 2018, elles représentent 12 % de la valeur des fusions-acquisitions dans le monde, positionnant la France comme le deuxième pays le plus actif, après les États-Unis (CNUCED, 2019). La collecte de données a été réalisée en plusieurs étapes. Tout d’abord, nous avons extrait de la base Securities Data Company (SDC) Platinum la liste et les caractéristiques des opérations de fusions-acquisitions réalisées entre 2010 et 2012 par les entreprises françaises du CAC 40. Nous nous concentrons sur cet indice car la variable de la réputation n’est disponible que pour ces entreprises. Ensuite, nous avons collecté les données financières sur l’acquéreur, et plus précisément la rentabilité du titre autour de la date d’annonce, à partir de la base DataStream, publiée par Thomson Reuters. Conformément à la pratique dans la littérature sur les fusions-acquisitions, nous n’avons pas retenu les opérations réalisées dans les secteurs bancaires et financiers du fait de leurs spécificités. Nous avons enfin effectué une revue de presse sur les opérations identifiées en utilisant Factiva, afin de nous assurer de l’exactitude des données collectées et notamment de vérifier les dates d’annonces et l’éventuel chevauchement avec d’autres annonces (par exemple, d’autres fusions-acquisitions ou de résultats) sur une même fenêtre. La diversité des sources disponibles dans Factiva permet en effet davantage de précision dans la vérification des informations (Laouiti, Habib et Ajina, 2015). Parmi les 147 opérations identifiées initialement, 9 opérations ont été annoncées lors du même communiqué de presse ou durant la même fenêtre d’étude et, dans le cas de 4 opérations, les fenêtres ne se chevauchent pas mais se suivent. L’échantillon final comprend donc 134 fusions-acquisitions internationales annoncées entre 2010 et 2012 par les multinationales françaises du CAC 40. Il est intéressant de noter que, sur l’ensemble des opérations internationales identifiées, une part importante concerne les pays émergents. Alors que 43,5 % des opérations annoncées concernent des sociétés cibles en Europe, notamment en Europe occidentale (31,3 %), 42,2 % des fusions-acquisitions impliquent des entreprises des marchés émergents, principalement des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine; 23,8 %).

Étude d’événement

Un large éventail de mesures peut être utilisé pour évaluer la performance des fusions-acquisitions. Comme nous étudions la réaction des investisseurs aux signaux de qualité et d’intention à l’annonce de ces opérations, nous suivons le courant de recherche qui évalue la création de valeur des fusions-acquisitions en calculant les rentabilités anormales à court terme (Brown et Warner, 1985). Nous avons mené une étude d’événement afin d’évaluer la réaction des marchés financiers aux annonces de fusions-acquisitions internationales, qui reflète la façon dont les marchés financiers évaluent le potentiel de l’acquéreur à améliorer sa performance après l’opération. Duso, Gugler et Yurtoglu (2010, p. 187) mentionnent que « lorsqu’on observe une réaction boursière à l’annonce d’un événement particulier, la variation de la capitalisation boursière des entreprises touchées par cet événement peut alors être considérée comme une mesure des bénéfices supplémentaires qu’elles devraient réaliser à la suite de cet événement ». Dans notre étude, la variable dépendante correspond aux rentabilités anormales cumulées (RAC), qui mesurent la différence entre les rentabilités attendues et les rentabilités réelles la veille de l’annonce de la fusion-acquisition, le jour de l’annonce et trois jours après, les marchés financiers réagissant fortement durant cette période. Andrade, Mitchell et Stafford (2001) considèrent que l’estimation des rentabilités anormales par l’analyse des événements est la méthode la plus fiable pour évaluer la création de valeur des fusions-acquisitions.

Grâce à la revue de presse mentionnée précédemment, nous avons identifié et exclu les opérations pour lesquelles un autre événement était susceptible d’influencer la réaction des marchés financiers. Nous avons également vérifié les dates auxquelles les opérations ont été annoncées au cours de ce processus. Nous avons utilisé un modèle de marché pour calculer les rentabilités anormales (RA) du titre i au moment t (Fama, Fisher, Jensen et Roll, 1969) : forme: 2171786.jpg, où Rit est la rentabilité du titre i au moment t, Rmt est la rentabilité précise du marché à t = 0 et t est la date de publication. Nous avons sélectionné une période d’estimation de 250 jours à 30 jours avant l’annonce de l’événement. Ensuite, nous avons évalué par l’estimateur des moindres carrés ordinaires les rentabilités anormales cumulées pour les acquéreurs en utilisant la période autour de la date d’annonce [-n;+d] jours : RACi = ∑+dt=-nRAit.

Variables

La variable indépendante dans notre modèle est la réputation de l’acquéreur. La mesure de la réputation utilisée dans notre étude empirique, RepTrackTM Pulse, a été élaborée par Ponzi, Fombrun et Gardberg (2011). Les auteurs ont mis l’accent sur la cohérence nécessaire entre le modèle de mesure de la réputation et la théorie du signal. Ils insistent ainsi sur la dissociation entre la réputation, qui est fondée sur la perception des receveurs et qui diffère selon les contextes et les individus, et les signaux émis par l’entreprise. La mesure de la réputation doit reposer sur une impression générale plutôt que sur une mesure de la performance dans différents domaines. Ils proposent donc un modèle de mesure réflective, supposant que la réputation comporte une dimension sous-jacente inobservable (intangible), plutôt qu’un modèle de mesure formative, reposant sur le postulat que la réputation est un agrégat d’indicateurs de performance. Dans le questionnaire construit par Ponzi et al. (2011), les items utilisés pour mesurer la perception de la réputation sont donc les suivants : le sentiment sur l’entreprise, l’admiration et le respect suscités par l’entreprise, la confiance dans l’entreprise, la réputation générale de l’entreprise. Les répondants sont invités à exprimer leur opinion sur une échelle de Likert à sept points, allant de 1 (« Pas du tout d’accord ») à 7 (« Tout à fait d’accord »). Chaque participant est interrogé sur sa perception de l’entreprise dans sept dimensions relationnelles : produits et services, innovation, travail, gouvernance, citoyenneté, leadership et performance. L’enquête annuelle a été conduite par le Reputation Institute, leader mondial du conseil en management de la réputation, auprès de plus de 2 000 personnes âgées de 18 à 64 ans, représentatives de la population française. Le score final a été converti sur une échelle de 0 à 100 et ajusté statistiquement pour permettre les comparaisons inter-industries et inter-pays.

Au-delà d’être réflective, cette construction de la mesure de la réputation présente l’avantage d’éviter l’effet de halo de la performance financière (financial performance halo) mis en avant par Brown et Perry (1994). Selon les auteurs, lorsque la réputation est fondée uniquement sur la perception des dirigeants et des analystes (comme c’est le cas de la mesure établie par le magazine nord-américain Fortune, qui est fréquemment utilisée dans la littérature), la mesure est fortement influencée par les performances financières des entreprises. La réputation mesurée reflète alors moins la « perception de la capacité d’une entreprise à satisfaire les attentes de parties prenantes spécifiques en termes de performances durables » (Lange, Lee et Dai, 2011) que ses performances financières passées. Les caractéristiques de l’indice RepTrack™ Pulse ont conduit plusieurs chercheurs à l’utiliser comme mesure de la réputation dans des recherches empiriques (Deephouse, Newburry et Soleimani, 2016; Thams, Alvarado-Vargas et Newburry, 2016).

Pour mesurer les trois variables modératrices, soit la diversification sectorielle, la diversification géographique et l’expérience en matière de fusions-acquisitions, nous avons procédé comme suit. Nous avons utilisé une variable binaire pour la diversification sectorielle, prenant la valeur 1 si le code Standard Industrial Classification (SIC) à deux chiffres de l’acquéreur est différent de celui de la société cible et 0 si c’est le même. Pour la diversification géographique, nous avons utilisé une variable binaire prenant la valeur 1 lorsque la société cible est située dans un pays émergent et 0 si elle est située dans un pays mature. La diversification géographique est donc définie comme le fait d’opérer dans un cadre institutionnel, légal, culturel etc. différent du cadre d’origine de l’acquéreur. Nous avons mesuré l’expérience de l’acquéreur en matière de fusions-acquisitions par le nombre d’opérations réalisées par l’acquéreur au cours d’une période de dix ans précédant l’opération.

Nous avons également introduit plusieurs variables de contrôle relatives à l’acquéreur, à la cible, à leur localisation et à l’opération, dont l’influence sur la réaction des marchés financiers à l’annonce d’acquisitions a été mise en avant dans la littérature. La réaction des marchés peut être affectée positivement ou négativement par la taille de l’acquéreur (Ning, Kuo, Strange et Wang, 2014). Les entreprises de plus grande taille ont en effet davantage de ressources et de capacités, ce qui permet d’accroître leurs chances de réussite lors des opérations d’achat, mais à l’inverse elles ont davantage de difficultés à gérer l’intégration des cibles et leurs dirigeants sont davantage enclins à l’excès de confiance. Les excédents de trésorerie (cash flow) des acquéreurs favorisant les opérations à faible potentiel et à prix élevé (Thraya et Albouy, 2012), ils sont associés à des réactions négatives des marchés. Le mode de paiement utilisé pour financer l’opération peut également influencer la réaction des investisseurs à l’annonce d’acquisitions; le paiement en numéraire transmet en effet une information positive sur la valeur accordée par l’acquéreur à l’opération, générant une réaction favorable des investisseurs (da Silva Rosa, Limmack, Supriadi et Woodliff, 2004). Nous intégrons également une variable forme de l’opération (fusion ou acquisition), les fusions étant réputées plus complexes et plus risquées que les acquisitions et conduisant à une réaction moins favorable des investisseurs (Jensen et Ruback, 1983). Le statut de la société cible (cotée ou non) est également pris en compte. Les opérations impliquant des cibles non cotées sont plus faciles à gérer et ont davantage de chances de réussir, ce qui implique des rentabilités anormales positives sur les marchés (Aybar et Ficici, 2009; Moeller et Schlingemann, 2005). La distance géographique et la distance institutionnelle ont été intégrées alternativement comme variables de contrôle. La proximité réduit en effet le coût de l’opération et accroît ses chances de succès (Ahern, Daminelli et Fracassi, 2015), ce qui influence positivement les rentabilités anormales. Nous avons également inclus un ensemble de variables binaires pour saisir les effets de l’année, de la localisation de la cible et de l’industrie de l’acquéreur afin de tenir compte des effets temporels affectant l’ensemble des marchés financiers, des effets généraux liés à la localisation de la cible et à l’industrie de l’acquéreur. Nous résumons la manière dont les variables ont été mesurées et indiquons des études ayant employé des variables identiques dans le tableau 1.

Résultats

Le tableau 2 présente les valeurs des bêtas estimés et le tableau 3 indique les résultats de l’analyse statistique des RAC pour différentes fenêtres de l’échantillon total de 134 fusions-acquisitions. Notre analyse statistique montre que les RAC moyennes varient de 0,28 % à 0,53 %, les valeurs étant statistiquement différentes de zéro pour les fenêtres d’événements de 3 jours (p<0,01) et de 5 jours (p<0,05). La signification statistique du test des rangs de Wilcoxon (p<0,01) confirme que les RAC sont positives. Ces résultats suggèrent que les fusions-acquisitions entraînent effectivement une création de valeur pour les actionnaires de l’acquéreur au cours de cette période, conformément à de nombreuses études antérieures sur le sujet (Andrade et al., 2001). La plus grande fenêtre d’événement statistiquement significative – RAC [-1;+3] – a été choisie comme variable dépendante principale.

Le tableau 4 présente les statistiques descriptives et les corrélations pour les variables indépendantes et dépendantes. Il indique que les variables indépendantes ne sont pas fortement corrélées. Les valeurs des facteurs d’inflation de la variance (FIV) se situent entre 1,21 et 4,27 pour tous les modèles, ce qui est inférieur au seuil recommandé pour éviter les problèmes de multicollinéarité.

Le tableau 5 présente les résultats des régressions linéaires pour tous les modèles. Nous présentons d’abord l’estimation sans la variable de réputation (colonne 1). Nous analysons ensuite l’impact de la réputation sur la création de valeur des fusions-acquisitions pour l’ensemble de l’échantillon (colonne 2). Ensuite, nous ajoutons les effets modérateurs de la diversification sectorielle (colonne 3), de la diversification géographique (colonne 4) et de l’expérience (colonne 5). Le modèle complet est présenté dans la colonne 6. Les modèles représentent entre 21,85 % et 28,63 % de la variance des rentabilités anormales cumulées des acquéreurs, ce qui est conforme ou supérieur aux études similaires (voir par exemple Ning et al., 2014).

Nos résultats démontrent que la réputation de l’acquéreur est positivement liée à la création de valeur des fusions-acquisitions, validant ainsi l’hypothèse 1. Cela confirme que les marchés financiers tiennent compte de la réputation lorsqu’ils évaluent la création de valeur à l’annonce de fusions-acquisitions. Les rentabilités anormales étant positivement affectées par la réputation de l’acquéreur, on peut considérer que la réputation, en tant que signal de qualité de l’entreprise, réduit les asymétries d’information dans le contexte des fusions-acquisitions internationales. Afin d’approfondir notre analyse empirique, nous calculons les RAC prédites selon le niveau de réputation à partir des résultats de la colonne 2 du tableau 5 et nous les représentons dans le graphique 1. Nous observons que l’influence de la réputation de l’acquéreur sur les RAC est positive quel que soit le niveau de réputation de l’acquéreur mais qu’elle est décroissante. En d’autres termes, la réaction positive des investisseurs à l’annonce de fusions-acquisitions est de moindre intensité pour les entreprises les plus réputées.

Notre analyse des effets modérateurs de la diversification et de l’expérience de l’acquéreur sur la valeur créée par les fusions-acquisitions révèle plusieurs résultats intéressants. Le coefficient estimé de la variable Réputation*Diversification sectorielle est négatif, indiquant une relation de modération négative et validant ainsi l’hypothèse H2. Dans la lignée d’études antérieures montrant l’influence négative de la diversification sectorielle sur la création de valeur des fusions-acquisitions, en particulier des opérations internationales, nos résultats indiquent que la relation positive entre la réputation de l’acquéreur et les réactions boursières est négativement modérée par la stratégie de diversification de l’acquéreur. En revanche, les coefficients estimés des variables Réputation*Diversification géographique et Réputation*Expérience ne sont pas statistiquement significatifs. Les hypothèses H3 et H4 sont donc rejetées. Il semble donc que la diversification géographique et l’expérience de l’acquéreur en matière de fusions-acquisitions ne modèrent pas la relation positive entre la réputation de l’acquéreur et les réactions des marchés boursiers aux fusions-acquisitions internationales. Toutefois, il convient d’être prudent dans l’interprétation du résultat concernant l’expérience : l’écart-type élevé de la variable pourrait expliquer la non-significativité du coefficient estimé. Le modèle complet (colonne 6) confirme les résultats mentionnés ci-dessus.

TABLEAU 1

Opérationnalisation des variables

Opérationnalisation des variables

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TABLEAU 2

Valeurs des bêtas estimés

Valeurs des bêtas estimés

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TABLEAU 3

Analyses des rentabilités anormales cumulées

Analyses des rentabilités anormales cumulées

**p<0.05, ***p<0.01.

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TABLEAU 4

Statistiques descriptives et matrice des corrélations

Statistiques descriptives et matrice des corrélations

*p<0,10, **p<0,05, ***p<0,01. N=134

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TABLEAU 5

Régression des RAC sur la réputation de l’acquéreur

Régression des RAC sur la réputation de l’acquéreur

N=134. *p<0,10, **p<0,05, p<0,01. Erreurs-types entre parenthèses. Chaque modèle de régression comprend une constante et des variables binaires pour l’année, la localisation de la cible et l’industrie de l’acquéreur. Les coefficients estimés ne sont pas indiqués dans le tableau par souci de commodité.

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GRAPHIQUE 1

Rentabilités anormales cumulées selon la réputation de l’acquéreur

Rentabilités anormales cumulées selon la réputation de l’acquéreur

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Nous avons complété notre analyse statistique par plusieurs tests de robustesse dont les résultats sont présentés dans le tableau 6. Nous avons d’abord réalisé les estimations en changeant la fenêtre d’événement. Les résultats sont confirmés si l’on utilise une fenêtre d’événement plus large ([-1;+5], colonne 1). Nous avons ensuite vérifié la robustesse de nos résultats lorsque nous utilisons la variable Distance institutionnelle à la place de la variable Distance géographique (colonne 2). Enfin, pour tenir compte de la distinction entre diversification liée et non liée, nous avons mesuré la diversification par une variable binaire égale à 1 si le code SIC à quatre chiffres de l’acquéreur est différent de celui de la société cible, 0 sinon (colonne 3). Ceci nous permet d’identifier l’effet modérateur d’une diversification liée, alors que le modèle principal de recherche, basé sur le code à deux chiffres, étudie l’effet d’une diversification non liée. Nos résultats précédents sont tous confirmés.

Discussion

La littérature académique a largement reconnu que les fusions-acquisitions internationales comportent plus de risques que les opérations domestiques, en raison des distances institutionnelle, géographique et culturelle entre l’acquéreur et la cible et du processus complexe d’intégration des entreprises étrangères nouvellement acquises (Calipha, 2010; Métais, Very et Hourquet, 2010; Moalla et Mayrhofer, 2020). Pourtant, les fusions-acquisitions internationales ont connu une croissance significative ces dernières années (CNUCED, 2019). Les réactions des marchés financiers à de telles opérations ont largement attiré l’attention des chercheurs et des praticiens, mais les facteurs qui influencent l’évaluation des fusions-acquisitions par les investisseurs sont encore mal connus (Haleblian et al., 2017; Tao et al., 2017).

Dans cet article, nous avons mobilisé la théorie du signal (Spence, 1973, 1974) pour étudier le rôle des signaux de qualité et d’intention (Stiglitz, 2000) sur les rendements anormaux des titres des acquéreurs. Nous avons émis l’hypothèse que la réputation est un signal de qualité qui réduit l’asymétrie d’information entre les investisseurs et l’acquéreur, ce qui entraîne des réactions positives à l’annonce de fusions-acquisitions. Nous avons également supposé que l’effet de la réputation sur les rentabilités anormales est plus faible si l’acquéreur se diversifie sectoriellement ou géographiquement, et plus fort s’il possède une expérience importante en matière de fusions-acquisitions. Nous avons testé nos hypothèses sur un échantillon de fusions-acquisitions internationales réalisées par des multinationales françaises.

Nos résultats indiquent que la réputation, en tant que signal important de la qualité de l’acquéreur, a un effet positif significatif sur la performance boursière des acquéreurs. Les fusions-acquisitions se caractérisent généralement par une forte asymétrie d’information entre les acquéreurs et les investisseurs, car ces derniers ont des difficultés à obtenir des informations pertinentes sur les cibles étrangères et sur la capacité de l’acquéreur à créer de la valeur en intégrant de nouvelles entreprises. Une bonne réputation est un signal positif qui donne confiance aux investisseurs quant à la capacité de l’acquéreur à développer des synergies grâce à une fusion-acquisition (Reuer et Ragozzino, 2014). Construite au fil du temps et reflétant la capacité de l’acquéreur à créer de la valeur dans des domaines de performance clés (Fombrun et Shanley, 1990; Rindova et al., 2005), la réputation rassure donc les investisseurs et diminue leurs appréhensions et leurs doutes sur l’acquisition d’une cible étrangère (Pfarrer, Pollock et Rindova, 2010). Toutefois, notre étude montre également que l’influence positive de la réputation de l’acquéreur sur les RAC est décroissante, c’est-à-dire que la réaction positive des investisseurs à l’annonce de fusions-acquisitions est de moindre intensité pour les entreprises les plus réputées. Les investisseurs peuvent donc douter de la pertinence des opérations annoncées par les entreprises à réputation très élevée. La réputation transmet en effet un signal aux investisseurs sur la qualité de l’acquéreur et sa capacité à mener à bien l’opération. Mais, du fait des risques inhérents à de telles opérations, l’effet positif de ce signal peut être atténué lorsque l’entreprise a une excellente réputation. En effet, meilleure est la réputation de l’entreprise, plus dommageable sera l’effet d’un échec de l’opération de fusion-acquisition. Dans ce contexte, les entreprises à forte réputation peuvent privilégier des investissements à plus faible risque, et donc à rentabilité attendue plus limitée, afin de réduire la probabilité d’échec. En effet, Fasaei, Tempelaar et Jansen (2018) observent que les entreprises très réputées ont tendance à être prudentes dans leurs stratégies d’investissement, ce qui se concrétise par la réalisation d’investissements à faible risque plutôt que des investissements à risque élevé. En outre, les investisseurs peuvent craindre que la décision d’engager une entreprise à très forte réputation dans une opération de fusion-acquisition ne résulte d’un excès de confiance du dirigeant (hubris). Or, l’excès de confiance est probablement plus important chez les dirigeants des entreprises à forte réputation. En effet, selon Picone, Dagnino et Mina (2014), les succès récents d’une entreprise et une couverture élogieuse de la part des médias, souvent associés aux entreprises à forte réputation, sont deux facteurs déterminants de l’excès de confiance chez les dirigeants. Graffin, Pfarrer et Hill (2012) montrent, en outre, que la réputation des dirigeants et celle de l’entreprise sont fortement corrélées, l’excellente réputation d’une entreprise se répercutant sur ses dirigeants et vice versa. Les travaux se focalisant sur les fusions-acquisitions expliquent le recours aux fusions-acquisitions par les comportements opportunistes des dirigeants visant à satisfaire leurs propres intérêts (Fuller, Netter et Stegemoller, 2002; Gorton, Kahl, et Rosen, 2009) et les problématiques d’hubris, exprimant la surestimation de leurs capacités à créer de la valeur à partir de ces opérations (Aktas, de Bodt et Roll, 2009; Roll, 1986). Les études sur le sujet révèlent que l’excès de confiance conduit les dirigeants à payer des prix trop élevés et ainsi à détruire de la valeur lors des opérations (Hayward et Hambrick, 1997). Ces éléments peuvent donc expliquer que l’influence de la réputation sur les RAC soit d’intensité inégale selon le niveau de réputation. Toutefois, des études supplémentaires sont nécessaires pour approfondir la connaissance des mécanismes sous-jacents à la relation entre, d’une part, la réputation de l’entreprise et des dirigeants et, d’autre part, les décisions des investisseurs.

TABLEAU 6

TESTS DE ROBUSTESSE

TESTS DE ROBUSTESSE

*p<0,10, **p<0,05, p<0,01. Erreurs-types entre parenthèses. Chaque modèle de régression comprend une constante et des variables binaires pour l’année, la localisation de la cible et l’industrie de l’acquéreur. Les coefficients estimés ne sont pas indiqués dans le tableau par souci de commodité.

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Nos résultats suggèrent également que l’intensité de cette relation dépend du fait que l’acquéreur se diversifie dans un autre secteur par le biais d’une fusion-acquisition. Dans ce cas, l’effet de la réputation de l’acquéreur sur la réaction des marchés financiers à l’annonce d’une fusion-acquisition, bien que toujours positif, est plus faible. Du point de vue de la théorie du signal, la diversification constitue un signal d’intention qui informe les investisseurs que l’acquéreur est sur le point d’entrer dans de nouveaux domaines d’activité. Cela implique que l’acquéreur affecte des ressources en dehors de son propre secteur, ce qui conduit inévitablement à une réduction des ressources pouvant être consacrées à son secteur d’origine. La diversification sectorielle peut donc être perçue comme un mouvement périlleux, détournant l’acquéreur du domaine d’activité stratégique où il a établi ses forces et sa réputation. Une expansion dans de nouvelles industries peut également être interprétée comme un signal négatif pour les investisseurs, qui considèrent cette décision stratégique comme très risquée et souvent inappropriée pour les entreprises qui investissent à l’étranger (Dos Santos et al., 2008), car dans ce cas, elles doivent gérer à la fois la diversification stratégique et la diversification géographique (Moeller et Schlingemann, 2005). Le risque d’affaiblir l’image et la réputation de l’entreprise est plus grand lorsque l’acquéreur se diversifie par le biais d’une fusion-acquisition internationale, ce qui entraîne un effet plus faible de la réputation sur les rentabilités anormales. En revanche, notre étude ne permet pas de mettre en évidence l’effet modérateur de la diversification géographique. De fait, il est possible que la réputation joue un rôle limité lorsque la cible est située dans un pays émergent. Les niveaux de risque et d’incertitude sont tels que (i) la réputation ne constitue pas un signal de qualité suffisant pour les investisseurs et (ii) le signal d’intention que constitue la diversification vers un pays émergent n’est pas interprété de manière claire par les investisseurs. Ce résultat peut également s’expliquer par le fait que notre étude est centrée sur les opérations internationales et que la mesure de la diversification géographique fait la distinction entre localisation de la cible dans un pays mature ou un pays émergent, et non entre opérations domestiques et internationales.

Enfin, nos investigations montrent que l’expérience de l’acquéreur en matière de fusions-acquisitions ne modère pas la relation positive entre la réputation de l’acquéreur et les réactions des marchés boursiers aux fusions-acquisitions internationales. Ce résultat peut paraître surprenant mais il va dans le sens de l’étude conduite par Meschi et Métais (2011) qui suggère qu’il est nécessaire de prendre en considération les performances atteintes par le biais des expériences passées. Ainsi, les entreprises ayant échoué par le passé seraient davantage susceptibles d’échouer dans leurs acquisitions futures. Il conviendrait dès lors de s’intéresser à la performance des acquisitions réalisées plutôt qu’au nombre d’opérations menées par l’acquéreur.

Notre recherche contribue à la littérature sur les fusions-acquisitions de trois façons. Premièrement, bien que des études antérieures aient suggéré que la réputation joue un rôle dans les activités de fusions-acquisitions, nous proposons un cadre théorique permettant d’expliquer cette relation. Nous apportons donc un éclairage nouveau sur les facteurs qui influencent la performance des marchés financiers en matière de fusions-acquisitions. Considérant la réputation comme un signal de la qualité de l’acquéreur, nous révélons comment les investisseurs réagissent à de tels signaux dans le cadre complexe des fusions-acquisitions internationales. Deuxièmement, nous montrons que l’effet de la réputation sur la réaction des investisseurs n’est pas le même selon le niveau de réputation des acquéreurs. Ce résultat est également nouveau dans la littérature et s’inscrit parfaitement dans la continuité de la recherche conduite par Fasaei et al. (2018) qui met en évidence que le niveau de réputation modifie les décisions financières des entreprises, les plus réputées optant pour des investissements moins risqués. Troisièmement, nous mettons en évidence les interactions entre les signaux de qualité et les signaux d’intention. Nous montrons comment un signal d’intention – la diversification sectorielle – agit pour réduire l’effet d’un signal de qualité – la réputation. Nous fournissons ainsi une analyse plus fine des signaux envoyés par l’acquéreur et de la réaction des marchés financiers à ces signaux. Ainsi, notre contribution et l’originalité de notre travail découlent du fait que nous étudions conjointement différents signaux de qualité et d’intention. Connelly et al. (2011) ont récemment suggéré que des recherches soient menées sur différents types de signaux et sur les relations entre eux. Cette étude répond à leur appel et fait progresser la compréhension des relations entre les signaux envoyés par les signaleurs et leur impact sur les résultats des entreprises.

Nos résultats ont également d’importantes implications managériales. Ils suggèrent que les dirigeants d’entreprises cotées doivent prendre conscience du rôle crucial de leur réputation dans l’évaluation par les investisseurs de la création de valeur des fusions-acquisitions internationales. Les dirigeants doivent également être conscients qu’une réputation élevée s’accompagne d’attentes supérieures de la part des investisseurs. Nos résultats suggèrent en outre que les entreprises devraient être prudentes lorsqu’elles envoient des signaux d’intention, en particulier de diversification, car ceux-ci peuvent réduire l’effet positif de la réputation. Lorsqu’ils se diversifient par le biais de fusions-acquisitions internationales, les acquéreurs doivent communiquer largement avec les investisseurs afin de compenser les effets négatifs perçus de la diversification. Concernant la localisation de la cible, notre étude empirique révèle que la réputation a un rôle limité lorsque la cible est implantée dans un pays émergent. Les acquéreurs doivent alors anticiper les difficultés qu’ils auront à capitaliser sur leur réputation lors de la réalisation de fusions-acquisitions dans les économies émergentes. Les recherches futures pourraient étudier plus en détail les effets de la réputation de l’acquéreur selon les caractéristiques du pays de la cible.

Conclusion

L’ambition de notre travail était d’approfondir les connaissances sur la relation entre la réputation de l’acquéreur et la réaction des marchés financiers suite à l’annonce de fusions-acquisitions internationales. La théorie du signal (Spence, 1973, 1974, 2002; Connelly et al., 2011) et l’analyse de la littérature (par exemple, Humphery-Jenner et al., 2017; Reuer et Ragozzino, 2014) sur les fusions-acquisitions nous ont permis d’élaborer un modèle de recherche permettant d’expliquer la relation entre la réputation et la création de valeur des fusions-acquisitions. Les hypothèses ont été testées à l’aide d’un échantillon de 134 fusions-acquisitions internationales réalisées par des multinationales françaises. Nos résultats confirment que la réputation de l’acquéreur exerce une influence significative et positive sur la valorisation par les investisseurs des fusions-acquisitions internationales, mais que cette influence est modérée par la stratégie de diversification sectorielle de l’acquéreur. Nous contribuons à la littérature en améliorant la compréhension de la réaction des marchés financiers à l’annonce de fusions-acquisitions et de la façon dont les signaux d’intention et de qualité influencent ce processus.

Nos investigations présentent plusieurs limites qui pourraient être abordées dans le cadre de recherches futures. Premièrement, nous avons examiné l’impact des signaux de qualité et d’intention sur la performance boursière à court terme des fusions-acquisitions internationales. Des recherches futures pourraient évaluer les résultats de ces opérations dans une perspective à plus long terme. Deuxièmement, pour des raisons de disponibilité des données, notre étude se limite aux multinationales françaises cotées au CAC  40. Un échantillon plus large, incluant d’autres sociétés françaises ou étrangères cotées, pourrait permettre de mieux comprendre l’effet des signaux des acquéreurs sur la performance boursière des fusions-acquisitions. Troisièmement, notre étude n’a pas tenu compte de la réputation de la cible, qui pourrait également jouer un rôle important dans les réactions des marchés financiers à l’annonce de fusions-acquisitions. Quatrièmement, il serait intéressant d’approfondir l’étude de la relation entre réputation, diversification sectorielle et perception des parties prenantes et en particulier des investisseurs. Il serait notamment pertinent d’affiner la mesure de la diversification sectorielle en remplaçant par exemple la mesure utilisée dans cet article par une mesure de la distance entre le secteur d’activité de l’acquéreur et celui de la cible.