Note de lectureCritical ReviewNota de lectura

Histoire d’un mensonge. Enquête sur l’expérience de Stanford. Thibault Le Texier, La découverte (collection zone), Paris, 2018[Record]

  • Aysylu Valitova and
  • Dominique Besson

…more information

  • Aysylu Valitova
    South Champagne Business School (SCBS, Yschools)

  • Dominique Besson
    IAE, Université de Lille, ULR 4999 - LUMEN, F-59000 Lille, France; & Faculty of Engineering Management, Poznan University of Technology, Poznan, Pologne

Cet ouvrage de Thibaud Le Tellier traite de bien plus que de la simple (soi-disant) expérience de Stanford. Comme dans son précédent ouvrage (Thibault Le Texier, (2016), Le management des hommes. Essai sur la rationalité managériale, La découverte, Paris) l’auteur y fait preuve d’une érudition impressionnante. Mais autant l’ouvrage précédent était solidement charpenté, autant celui-ci est peu structuré. Autant la thèse du Management des hommes, tout autant discutable (et discutée) soit-elle, était claire et nette, autant dans cette ouvrage la thèse centrale est beaucoup plus floue et surtout ambigüe. Quelle est dans cet ouvrage la thèse de Thibaud Le Tellier ? Fondamentalement que la célèbre « expérience de Stanford » de Zimbardo est une expérience scientifiquement non valable. Rappelons que l’expérience a constitué en une (soi-disant) reproduction expérimentale d’une prison, pendant plusieurs jours, avec des pseudo-gardiens et des pseudo-prisonniers, au sein des murs de l’université de Stanford, en aout 1971. Zimbardo a construit, soutient Le Texier, un système pseudo-expérimental dans lequel les résultats attendus sont déjà programmés à l’avance car tout le dispositif est volontairement vicié <flawed>. Il n’y a aucune rigueur scientifique, l’expérience est donc « un mensonge ». Si la charge est forte, et le nombre d’éléments rassemblés par Le Texier impressionnant, l’ouvrage comporte deux sérieuses limites –l’une de forme, l’autre, plus grave, de fond (et elle est en partie permise par le problème de forme –un esprit aussi suspicieux que Le Texier pourrait d’ailleurs voir dans la construction défectueuse, pour ne pas dire discutable, de l’ouvrage une manière de permettre une certaine manipulation des données et des informations pour esquisser une thèse sans réellement la démontrer, voire l’assumer, de manière rigoureuse, malgré son intérêt en termes de débat scientifique). D’une part, sa rédaction est particulièrement éclatée. Cela le rend difficile à lire, car le lecteur peine à comprendre la thèse globale de Le Texier, au-delà de la réfutation (radicale) de la soi-disant expérience dite de Stanford. L’ouvrage ne présente pas vraiment, au fond, de fil directeur, les différents points abordés par Le Texier sont éparpillés –certains des éléments les plus importants, tant ceux les plus à charge contre Zimbardo que ceux de portée plus générale, sont abordés à différents endroits, dans différents contextes. Le Texier propose de nombreuses critiques de l’expérimentation en sciences sociales, de différents points de vue –si la charge est radicale, elle souffre de l’éparpillement des propos et arguments –et comporte aussi des contradictions. D’autre part, et c’est le plus sérieux problème posé par cet ouvrage, Le Texier tend à étendre ce soupçon d’imposture, d’une manière plus ou moins explicite, à un grand nombre de travaux dans les sciences sociales et humaines. Comme son propos est peu synthétique, le lecteur est souvent mal à l’aise : que cherche finalement à (dé)montrer Le Texier ? L’impression générale est le postulat d’une incohérence globale, presque ontologique, des sciences sociales (mais y compris de l’ouvrage lui-même); le flou et l’éparpillement des arguments permet à Le Texier de mener une charge contre l’ensemble des sciences sociales –même s’il s’en défend plusieurs fois à différents endroits de l’ouvrage. Le fait, en particulier, qu’il cite des travaux de chercheurs-mêmes en psychologie sociale critiques de certaines méthodes, voire de toute la démarche « expérimentale » en sciences sociales, ne l’amène pas clairement à reconnaître que dans cette science comme dans toute science, il y a débats et confrontations –y compris sur les méthodologies. Finalement, les incohérences et vices de méthodologie ou même de pensée que Thibaud Le Texier dénonce, en large partie avec de solides arguments, (en tout cas, qui méritent un réel débat, épistémologique et méthodologique), …

Appendices

Appendices

Appendices