Mot des rédacteurs invitésLes écoles de gestion : entre critique, résistance et transformation[Record]

  • Olivier Germain,
  • Florence Palpacuer,
  • Véronique Perret,
  • Lovasoa Ramboarisata and
  • Laurent Taskin

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Les approches critiques sont aujourd’hui l’objet d’attaques répétées et sérieuses dans et hors les universités, un peu partout dans le monde. Ce, alors même qu’elles sont probablement une des clés afin de relever les défis planétaires, complexes et variés que nous rencontrons actuellement. Pas seulement dans un projet de déconstruction auquel on les assigne souvent par flemmardise mais afin de produire des éclairages sur des possibilités de transformation. Les écoles de gestion portent leur responsabilité dans la production d’un monde en panne ou à la dérive et sous des aspects variés. Les études critiques contribuent à ce traval de dé(re)construction des savoirs, des identités, des pratiques et des discours. Elles interrogent encore insuffisamment, et notoirement dans les francophonies, les cadres même de (co)production et de transfert de ces connaissances notamment destructrices : les écoles de gestion, nos écoles. Créer des espaces critiques. Dès 2011, une communauté s’est constituée autour des perspectives critiques en management, sous l’impulsion des Universités de Louvain, Paris-Dauphine et Montpellier, et se manifeste chaque année par l’organisation d’un séminaire doctoral. En octobre 2019, l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal organisa ce séminaire et reçut une journée de recherche dédiée aux écoles de gestion, objets de la critique mais aussi actrices de la résistance et de la (leur)transformation. La Revue Management International acceptait de publier un appel à contributions dédié à ces enjeux. Nous vous proposons ici une sélection de papiers au terme d’un processus d’évaluation suivant les règles habituelles. Nous remercions vivement l’ensemble des collègues qui ont accompagné le processus de révision dans la bienveillance et l’exigence. Le numéro débute par la proposition d’un essai des rédactrices et rédacteurs invité.e.s qui resitue le numéro dans des conversations en cours au sein des études critiques sur l’éducation au management (critical mangement education). L’essai balaye un certain nombre de grands enjeux qui bousculent et devraient préoccuper les écoles de gestion autant comme acteur social que comme organisation. La salle de classe occupe une place particulière au sein de ce numéro, comme lieu d’expérience des possibilités critiques de de transformation des écoles de gestion. Les trois premiers textes nous invitent ainsi à réfléchir aux manières dont l’enseignement critique peut être amené à se défaire d’une position de surplomb de l’enseignant maîtrisant et délivrant la bonne manière d’être critique. Il s’agit à la fois de faire surgir sans hiérarchie une variété d’opérations critiques chez les étudiants, d’accepter et de recevoir l’inattendu, le trouble, propre au monde (organisationnel) et à l’apprentissage et finalement de créer les possibilités de lien avec ce monde. Emmanuel Bonnet, Pascale Borel et Daniela Borodak interrogent les possibilités de l’expérience esthétique comme levier de transformation de l’enseignement de la gestion afin de répondre aux critiques des écoles de gestion. Il s’agit pour les auteurs de tenir compte des aspects sensibles de l’expérience d’apprentissage, plutôt que de privilégier des modèles abstraits et normatifs. Ils proposent, dans une perspective pragmatiste, de considérer l’épreuve du trouble, dont l’issue n’est pas prévisible, comme un vecteur de transformation. Pour ce faire, une observation ethnographique les conduits à étudier le déroulement d’un atelier d’immersion dans une école de gestion : les étudiants sont conduits à concevoir et réaliser en quatre jours une maquette en prenant pour point de départ un thème volontairement peu défini. L’article met en avant l’importance du trouble défini comme une ouverture attentionnelle à l’imprévisible, dont pourrait bénéficier la transformation de l’enseignement dans les écoles de gestion. Les auteurs montrent l’importance d’un réinvestissement de l’espace d’apprentissage, défini comme une expérience à vivre, rendant manifestes des possibilités non réalisées, mais présentes dans les écoles de gestion. …