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« Il est des lieux sales, des lieux propres, des lieux hiérarchisés. Des habitants sont tenus à l’écart de l’ordure par des outils sophistiqués et des gestes attentionnés, alors que d’autres en sont plus près. La distance vis-à-vis des déchets participe de la construction de positions sociales. Si, au début des années 1990 en France, le sujet n’était pas central en sciences humaines […] l’intérêt pour les déchets n’a cessé de croître […]. À présent, les déchets sont sur le devant de la scène. Ils sont en quelque sorte dans l’air du temps. »

Jeanjean, 2015, p. 477-478

Cet intérêt pointé par l’anthropologue française pour la chose détritique a pu se vérifier, du point de vue des activités des travailleurs chargés de la prendre en charge au quotidien. En effet, on a pu assister à la multiplication, depuis maintenant deux décennies, des analyses ergonomiques (Bourdouxhe, Guertin et Cloutier, 1992; Poulsen et al., 1995; Volkoff, 2006; Morlet, 2011), psychologiques (Lhuilier et Cochin, 1999; Poussin, 2010), sociologiques (Clavel, 1991; Cartier et Le Saout, 2007; Corteel, 2007; Nougarol, 2009; Le Lay, 2010; Béguin, 2013; Chay et Thoemmes, 2015; Bret, 2020), historiques (Barles, 2005; Prost, 2006) et ethnologiques (Gonzalez-Lafaysse, 2019) consacrées aux travailleurs des déchets (Corteel et Le Lay, 2011). Notre recherche trouve son origine dans une mise en discussion de certains de ces travaux, puisqu’elle a exploré, grâce à des enquêtes quantitative et qualitative (voir plus bas la présentation méthodologique) menées sur deux années, l’engagement au travail entretenu par les éboueurs d’une grande ville française. Cette recherche à visée exploratoire essaie de saisir les ressorts de l’engagement dans un métier peu valorisé, celui d’éboueur. Dans notre recherche, l’engagement au travail n’est pas considéré comme un état psychologique optimal, aux yeux de l’employeur, associé à une métrologie universelle, mais comme une confrontation aux activités au cours de laquelle le travailleur affronte des problèmes en vue de les résoudre; il s’agira dès lors de « saisir ce que cela engage comme initiatives, comme efforts (cognitif, corporels, exercice de l’attention, coordination avec autrui, conventions et partage de significations), éventuellement ce que cela coûte » (Ughetto, 2018, p. 16). En sciences de gestion, l’engagement au travail a été envisagé principalement sous l’angle d’un état psychologique positif incluant des dimensions affectives, cognitives et, parfois, comportementales (Perrot, 2005; Truss et al., 2013a et 2013b). Dans cet article, nous faisons un pas de côté, et l’abordons sous le prisme de la sociologie du travail et, plus précisément, sous l’angle de la sociologie de l’activité, en nous référant à la définition de l’engagement au travail donnée par Bidet (2011, p. 4), c’est-à-dire « à la façon dont les travailleurs élaborent, dans le quotidien de l’activité, des valorisations ». Nous nous intéresserons donc à la fois aux sources de valorisation « interne » dans le rapport personnel que les éboueurs entretiennent avec leurs activités – en termes d’appropriation de l’autonomie au travail, de mobilisation du corps, de technicité et des formes d’adhésion aux normes professionnelles –, mais aussi aux sources de valorisation « externe » dans les relations qu’ils entretiennent avec autrui (collègues, usagers…) et dans la confrontation à leur image publique. Cette recherche s’inscrit dans le cadre du courant pragmatique ou de la « pratique » (practice turn, Schatzki et al., 2001) qui consiste « à comprendre les réalités sociales en prêtant attention à la façon dont les personnes s’y prennent pour parvenir à faire ce qu’elles projettent de réaliser » (Ughetto, 2018, p. 26). Notre analyse vise à saisir, au sein d’un même métier, celui d’éboueur[1], la diversité des modes d’engagement dans le travail, quant à la façon de valoriser certains faits et gestes, d’engager son corps, d’incarner un ethos professionnel, de mobiliser une variété de savoir-faire, de coopérer ou de se confronter à son image publique.

Dans le cadre de cet article, nous présenterons, tout d’abord, une approche sociologique de l’engagement au travail en partant d’une critique de son abord en sciences de gestion, puis nous rappellerons brièvement les spécificités du métier d’éboueur. Ensuite, nous exposerons la méthodologie de notre recherche, avant de présenter, dans une quatrième partie, les formes d’engagement au travail des éboueurs issues de notre analyse typologique. Pour terminer, nous discuterons ces résultats.

L’engagement au travail : une approche sociologique

Opter pour une approche sociologique de l’engagement au travail comporte l’avantage de partir du réel du travail (à savoir tout ce qui résiste dans les activités quotidiennes), de manière à décrire le plus finement possible les règles de métier (pratiques et éthiques) et les formes de coopération déployées par les travailleurs pour combler l’écart entre travail prescrit et travail effectif (Dejours, 1993, 1980). Parler d’engagement au travail revient, dans ce cadre, à partir de ce que disent, pensent, vivent et font effectivement les travailleurs au quotidien, y compris lorsque cela contrevient à l’organisation du travail. A l’instar de Purcell (2014), l’engagement au travail peut être saisi du point du vue du travailleur réel plutôt que de celui du travailleur idéalisé par l’employeur. L’engagement au travail tel que nous le concevons ne peut donc pas s’appréhender à travers les échelles de mesure proposées par la littérature en comportement organisationnel, comme le Job Engagement Survey (Rich et al., 2010), l’UtrechtWork Engagement Scale (Schaufeli et al., 2002) ou le Job Involvement (Kanungo, 1982). En effet, ces échelles renvoient à une figure de travailleur dévoué, travaillant dur, enthousiaste, sociable, émotionnellement fort et vigoureux, fiable, optimiste, ayant une bonne estime de lui-même, « résilient », qui « vit, mange et respire son travail », etc. Nous reconnaissons là le portait idéal du travailleur aux yeux des employeurs et de la culture américaine, telle qu’elle est décrite, par exemple, dans l’ouvrage de Charles Wright Mills[2] (1970, 1966) sur les cols blancs et la classe moyenne américaine. Ces instruments de mesure de l’engagement au travail, très développés dans la recherche anglophone en comportement organisationnel, reposent sur « des présupposés culturels de la langue d’origine, comme l’orientation vers l’action, l’orientation vers le futur, l’individualisme, le comportement rationnel… et tendent à être reproduits et transmis par les instruments de recherche » (Usunier, 2010, p. 7). Un portrait-type qui ignore totalement la nature conflictuelle inhérente à la relation salariale en présupposant une convergence des objectifs des salariés et des employeurs. Mais un idéal qui évacue également toutes les ambivalences psychiques qui ne manquent pas de surgir face aux contraintes organisationnelles. De ce fait, tout comme Purcell (2014), nous pensons qu’une mesure de l’engagement au travail devrait plutôt partir du rapport au travail, des valeurs, des comportements et des expériences de travail tels qu’ils sont exprimés par les salariés et non représentés selon les voeux des employeurs. In fine, ces échelles perçoivent l’engagement au travail comme un état psychologique optimal, aux yeux de l’employeur, associé à une métrologie universelle et non comme une appropriation personnelle de la contrainte productive (Bidet, 2016).

Dans le cadre de cette recherche, nous avons donc privilégié une approche sociologique de l’engagement au travail en nous référant notamment aux travaux de Bidet (2010, 2011, 2016) relatifs au « vrai boulot ». Le « vrai boulot » se veut chez cette auteure comme un concept miroir de celui de « sale boulot » développé par Hughes (1996, 1951). Chez Hughes, le « sale boulot », outre de documenter des rivalités entre segments professionnels, renvoie aux éléments d’activité qu’un travailleur cherche à déléguer aux autres en raison de leur caractère déplaisant. Le concept de « vrai boulot » désigne, a contrario, la part de son activité qu’il souhaite conserver car il la regarde comme étant la plus utile, la plus importante (Bidet, 2010, 2016). Cette approche nous apparaît beaucoup plus en phase avec celle développée par Kahn (1990, p. 694), dans son article séminal sur l’engagement au travail. Celui-ci privilégie une analyse contextualisée dans la manière, pour un salarié, de « s’atteler à répondre aux rôles cognitifs, émotionnels et physiques attendus pour réaliser un travail bien fait ». Notre réflexion initiale est partie du constat selon lequel, bien que les conditions de travail des éboueurs se caractérisent par une dureté physique et psychique importante, ils trouvent dans leurs activités des sources internes et externes de valorisation, que l’on pourrait rapprocher du « vrai boulot ». Il s’agit dès lors de porter attention aux sources de valorisations indigènes (c’est-à-dire spécifiques à chaque métier) du « vrai boulot », c’est-à-dire « à la façon dont les travailleurs élaborent, dans le quotidien de l’activité, des valorisations » (Bidet, 2011, p. 4). Cet engagement au travail intègre, à la fois, une dimension intime et publique; intime, car il s’agit de considérer « ce qui vaut pour le travailleur dans son activité de travail la plus concrète, dans son “boulot” à lui : ce qu’il y éprouve, y perçoit ou y thématise comme utile, comme méritant » (Bidet, 2016, p. 104); publique, car « personne ne peut ignorer les représentations communes du travail et éviter de leur confronter son “vrai boulot” (ce qui mérite d’être fait) » (ibid.). L’engagement au travail, au sens de Bidet, permet ainsi de travailler à l’intersection entre l’expérience intime du travail et ses images publiques en examinant les hiatus entre les expériences intimes et les images publiques du travail.

Les spécificités du métier d’éboueur

Comme beaucoup de métiers ouvriers dans l’histoire (Cottereau, 1983; Castelain, 1989; Beaud et Pialoux, 1999), celui des éboueurs engage de manière importante le corps de ceux qui l’exercent, ici dans une lutte sans fin avec la matérialité et le symbolisme envahissant des déchets (Jeanjean, 1998). Le corps au travail se trouve en effet aux prises avec des risques bactériologiques (Lavoie, Bourdouxhe et Guertin, 2004), des risques physiques[3], mais également avec des difficultés relationnelles et affectives découlant des spécificités d’une activité de service consistant à nettoyer l’espace public pour le compte d’autrui (Jolé, 2000). Autant d’éléments plus ou moins favorables au développement de la subjectivité (Dejours, 2009).

Comme y insistent plusieurs travaux (Michel, 2011; Le Lay, 2015a), les éboueurs réalisent les différentes activités de nettoiement en s’engageant dans un rapport viril au travail, notion à propos de laquelle on peut dire, provisoirement, qu’elle « revêt un double sens : 1) Les attributs sociaux associés aux hommes, et au masculin : la force, le courage, la capacité à se battre, le “droit” à la violence et aux privilèges associés à la domination de celles, et ceux, qui ne sont pas, et ne peuvent pas être, virils : femmes, enfants… 2) La forme érectile et pénétrante de la sexualité masculine. […] La virilité est l’expression collective et individualisée de la domination masculine. » (Molinier et Welzer-Lang, 2000, p. 71). Ainsi, comme le relève Prost (2014, p. 587), exhiber ses cicatrices, raconter les bagarres d’atelier ou évoquer la consommation d’alcool reviennent, pour ces travailleurs, à faire la démonstration de leur inclusion au collectif professionnel, la virilité jouant ici un rôle de médiateur central dans le lent travail d’incorporation des différentes contraintes professionnelles, afin d’aboutir à un ajustement de leurs dispositions.

Toutefois, ce constat global méritait d’être précisé. En effet, des éléments empiriques donnaient à penser que le rapport viril au travail ne forme pas un mode d’engagement dans le travail homogène chez les éboueurs. Notamment, des recherches par observation participante (Le Lay, 2014) ont montré qu’il existait certaines tensions entre collègues (perceptibles dans les manières de faire ou dans les discours), laissant supposer des positionnements différenciés en la matière. Depuis maintenant près de quarante ans, des recherches en histoire, en psychologie, en littérature et en sociologie ont examiné la manière dont la virilité et la masculinité avaient été jusqu’ici abordées, montrant que des variations historiques permettaient de distinguer des formes de virilité distinctes. En effet, les hommes n’incorporent pas de la même manière les valeurs et les dispositions pratiques auxquelles la virilité renvoie, selon leur trajectoire individuelle au sein de configurations sociohistoriques structurées par les équilibres originaux des rapports sociaux de classe, de sexe, de génération et de race (Arambourou et Paoletti, 2013; Connell, 2013; Rasera et Renahy, 2013). Il s’avérait donc intéressant de se demander dans quelle mesure un métier donné permettait ou non de repérer les traces de telles variations et les tensions qui pouvaient éventuellement en découler. Pour cela, nous devions cerner la façon dont les éboueurs se confrontaient à leur métier, mais également comment ils le percevaient, via notamment leurs manières de voir les « qualités » nécessaires pour mener les activités (sources de valorisation interne), les formes de coopération possibles, l’image du métier, etc. (sources de valorisation externe).

Dans la suite de nos développements, nous présenterons notre méthodologie mixte, incluant une analyse typologique ainsi que des entretiens et des observations.

Présentation de la méthodologie et du matériau de recherche

Une méthodologie mixte

Pour mener notre étude[4], nous avons réalisé une passation de questionnaires et d’entretiens, en 2012 et 2013, dans quatre ateliers (Nord, Sud, Est et Ouest) de propreté urbaine d’une grande ville du nord de la France, dans laquelle les éboueurs bénéficient d’un statut de fonctionnaire territorial. Dans cette grande ville, les éboueurs alternent entre des activités de collecte des ordures ménagères (ce que l’on nomme « ripeur » dans les entreprises privées) et des activités de nettoyage des rues au balai ou via des engins mécaniques. Les cinq chercheurs engagés sur ce terrain ont réalisé la passation de 500 questionnaires papier. Ce questionnaire a été construit en partie à partir d’une observation participante de plusieurs mois d’un des chercheurs de l’équipe en amont de l’étude. Les sessions de passation de questionnaires se déroulaient en petits groupes, lors du temps de travail et en présence systématique d’un chercheur. 363 questionnaires ont pu être finalement exploités[5], soit un taux de réponse de 73 %. Nous avons, suite à la passation des questionnaires, mené dix-huit entretiens individuels semi-directifs d’environ une heure et demie et un entretien collectif de plus de deux heures. Les entretiens ont été conduits pendant le temps de travail, avec l’autorisation des directions, dans la salle de pause. Tous les entretiens ont été enregistrés et retranscrits. Les entretiens ont été analysés selon une analyse thématique (King, 2004). Nous avons développé une liste de codes représentant des thèmes développés dans le guide d’entretien. Certains de ces codes ont été définis a priori mais ont été ensuite modifiés et enrichis après la lecture et l’interprétation des retranscriptions.

Pour l’analyse des données, nous avons recouru à une méthodologie mixte, plus précisément un protocole (ou design) séquentiel (Creswell et Plano Clark, 2011). Ce protocole renvoie à une conception séquentielle de la méthodologie mixte dans laquelle les résultats quantitatifs sont complétés par les résultats de l’analyse des données qualitatives. Cette méthodologie permet de donner une dimension qualitative aux classes identifiées par la classification ascendante hiérarchique (CAH)[6]. Ainsi, l’enquête par questionnaire comportait plusieurs variables regroupées autour de quatre grandes questions : 1/ quel est le contenu du travail d’un éboueur ? 2/ Quel est son rapport au travail ? 3/ Quelles sont les compétences mobilisées et développées dans son activité ? 4/ Quels types de coopération noue-t-il avec les acteurs publics et privés dans l’accomplissement de ce travail ? Le guide d’entretien comportait différentes thématiques présentes dans le questionnaire telles que le contenu du travail et ses difficultés, le rapport au travail, les compétences requises dans le travail, les relations et coopérations avec divers acteurs publics et privés mais aussi des questions non présentes dans le questionnaire et portant sur la trajectoire socioprofessionnelle. Pour articuler nos analyses quantitatives et qualitatives, nous avons procédé en deux étapes. Tout d’abord, nous avons identifié, parmi les éboueurs interviewés, les éboueurs les plus représentatifs, en fonction de critères sociodémographiques, de chaque classe issue de notre analyse statistique par analyse des correspondances multiples (ACM) et par CAH (voir ci-dessous). Puis, pour chacun des éboueurs identifiés comme représentatifs d’une classe, nous avons regroupé des verbatim intégrant les thématiques abordées par les variables actives et passives de notre CAH afin d’illustrer qualitativement nos résultats quantitatifs.

Les méthodes d’analyses statistiques effectuées

On privilégie ici, en première phase, une Analyse factorielle descriptive multidimensionnelle (ACM COREM) des 28 variables d’entrées actives ordinales; pour chacune des variables, il existe 4 modalités codées, 1 pour « pas du tout d’accord », 2 pour « plutôt pas d’accord », 3 pour « plutôt d’accord », 4 pour « tout à fait d’accord » (par exemple, la variable « Variété » est composée de 4 modalités : « Variété1 », « Variété2 », « Variété3 », « Variété4 »). Cette méthode vise notamment à résumer les informations de la base de données en réduisant de façon optimale et utile la dimension et le nombre de variables des données principales en construisant un nombre réduit et informatif d’axes composites de synthèse, les axes factoriels.

Les 28 variables actives brutes de départ, entrées dans l’ACM et qui participeront à la construction des axes factoriels de cette ACM sur chacune de leurs modalités explicites à effectifs suffisants, ont été choisies pour répondre aux questionnements et aux objectifs de l’étude et sont d’emblée jugées comme variables d’intérêt dans la problématique de l’étude. Elles sont présentées ci-dessous dans le tableau 1.

L’inertie cumulée sur les 7 premiers axes est de 32,4 % de l’inertie totale du nuage. Un surcroît d’axes factoriels et d’inertie cumulée associée n’apporte pas de véritables modifications et d’écarts sur le nombre, les effectifs et la constitution des classes de l’étape suivante de CAH s’appuyant sur ces 7 axes. La CAH a été choisie notamment à cause de la taille (363) de l’échantillon. Cela a conduit ensuite à une classification optimisée et significative à 4 classes homogènes entre elles et hétérogènes d’une classe à l’autre, dont toutes ont un effectif supérieur à 10 % de l’effectif total (363) et avec un rapport de {variance inter classe/variance totale} correspondant à une première augmentation significative de ce rapport pour K = 4 classes, au-delà de laquelle (K > 4) la croissance est plus lente. K = 4 classes est donc vu comme la « meilleure partition statistique » vis-à-vis de ces deux critères (Figure 1).

De manière à affiner l’analyse des quatre classes, avec un ensemble de variables additionnelles ou passives (c’est-à-dire non intégrées initialement dans l’ACM), des analyses ANOVA (analyse de la variance) ont été effectuées pour des variables passives d’intervalle incluant le surinvestissement au travail[7], la pénibilité au travail[8], le sentiment d’intégration professionnelleª, la tension avec le publicª, les agressions verbales et physiquesª, les soutiens du supérieur et des collègues[9], les justices distributive, interactionnelle et procédurale[10], l’intention de quitter le métier ou l’organisation, et des tests de Khi² pour les variables passives dichotomiques (le sentiment de peur, le sentiment de honte, l’exposition au racisme, l’existence d’activités préférées). Une régression logistique multinomiale a aussi été réalisée. Les tests statistiques utilisés dans le cadre de l’ANOVA sont le test de Fisher et le test post-hoc de Tukey. Après plusieurs essais et tests de régressions logistique g.logit, nous avons retenu un modèle de régression explicatif logistique proposant pour chaque sujet de modéliser sa probabilité d’appartenir à l’une des 4 classes données de 1 à 4 de la CAH, en fonction d’un jeu optimal de variables explicatives faisant sens a priori et constituant un jeu de déterminants, structurant ces 4 classes. Les résultats de la régression logistique sont présentés dans le tableau 3.

Tableau 1

Présentation des 28 variables actives de l’ACM

Présentation des 28 variables actives de l’ACM

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Figure 1

Rapport variance inter-classes/variance totale en fonction du nombre de classes

Rapport variance inter-classes/variance totale en fonction du nombre de classes

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Une typologie de l’engagement au travail des éboueurs : quatre profils différenciés

L’émergence de quatre profils d’engagement au travail

La projection des modalités des variables sur les deux axes premiers factoriels de l’ACM est présentée sur la Figure 2. L’ACM et la CAH ont permis d’identifier quatre profils plus ou moins distincts (Tableau 2a) correspondant à des idéaux-types (Tableau 2b), dont des individus réels peuvent être rapprochés pour les besoins de l’analyse théorique. Comme le rappellent Coulangeon et al. (2012), la dénomination des groupes, issus de la CAH, est un enjeu taxinomique important car elle oriente l’analyse en fonction des formulations choisies. Nous avons opté pour une terminologie tenant compte de l’intensité et du sens de la contribution des 28 variables actives pour chacune des classes (Tableau 2b) en adoptant les termes de polyengagé, posé, désajusté, ajusté.

La première classe (17 % des éboueurs) se caractérise par une approche « complète » du travail : le tableau 2a montre en effet que c’est la classe dans laquelle le plus grand nombre de modalités testées sont d’ordre élevé (3 ou 4), et pour laquelle le travail fait particulièrement sens. On y trouve des éboueurs dans la « force de l’âge » (44,4 % ont entre 31 et 40 ans contre 33,9 % en moyenne) avec une ancienneté significative dans le métier (27,9 % des éboueurs de cette classe ont une ancienneté comprise entre 6 et 10 ans contre 26,7 % en moyenne). En outre, ils sont majoritairement présents dans les quartiers populaires où est situé l’atelier Est (31,1 % contre 23,7 % en moyenne).

Ces éboueurs insistent particulièrement sur les efforts physiques et le travail intense qui sont les leurs, et font preuve d’un surinvestissement dans leurs activités (résultats issus d’ANOVA). Ils manifestent un fort sentiment de manque de liberté et d’autonomie procédurale[11]. Ces éboueurs déclarent, plus que la moyenne (résultats d’ANOVA), être exposés à trois grandes formes de pénibilité (pénibilité des risques physiques, pénibilité interactionnelle et pénibilité des conditions physiques de travail) pour caractériser leur travail :

« La collecte, c’est là que c’est le plus difficile parce que c’est quand même physique, donc il faut aller vite quoi, donc il y a parfois des sacs qui sont lourds. Les gens maintenant, avec l’incivilité, il y a parfois des gens qui posent des sacs lourds, au lieu de les mettre dans les conteneurs. Parfois dans les conteneurs aussi. Donc il faut faire, pendant des heures c’est non-stop. Il faut courir, des passagers derrière qui klaxonnent, qui crient, qui sont pressés, il faut avancer il faut avancer ils sont pressés. Donc si c’est une voie étroite, les gens ça klaxonne, donc on ne peut pas traîner donc il faut faire vite, vite, vite, vite. Donc dès 6h15 jusqu’à 8h15/8h30 pratiquement, ça c’est le premier tour. Ensuite la benne elle va vider; on remplit la benne et elle va vider. »

Cette pénibilité globale est renforcée, selon eux, par un matériel qui peut être insuffisant pour travailler efficacement (résultats d’ANOVA) :

« En général le matériel ça va, couci-couça. Il y a de camions qui sont un peu défaillants. Il y en a certains que le marchepied on a l’impression qu’on va tomber. Mais bon. Faut faire attention. »

Dans ces conditions, faire face correctement aux activités nécessite de posséder et de mobiliser des qualités physiques (force, rapidité), interactionnelles (diplomatie, synchronisation) et cognitives[12] (débrouillardise, ingéniosité, curiosité, créativité, nouveaux apprentissages) :

« Pour être un bon éboueur il faut déjà la santé […]. Il faut être quelqu’un de calme aussi. Il ne faut pas s’énerver pour un oui ou pour un non, parce que sinon c’est la bagarre tous les jours. Donc les gars on leur dit “il ne faut pas écouter, même les gens qui vous insultent dans la rue, il ne faut pas répondre aux provocations quoi” […]. [Pour être un bon éboueur il faut], garder son calme, être en bonne condition physique, et aimer le travail aussi. »

Ceci les amène notamment à souligner l’importance de la « coopération transverse » (avec le public : écoles, gardiens d’immeuble en particulier) pour lutter contre la saleté des rues, comme le laisse supposer ce verbatim :

« Ben en général les riverains sont assez sympathiques, ils nous comprennent. Ils connaissent les difficultés du boulot. Vous leur parlez des fois ? (enquêteur) Oui, on les connaît tous maintenant, les gardiens, les gardiennes. Pas de problème, ça se passe bien. »

Figure 2

Représentation graphique de l’ACM sur les deux axes principaux

Représentation graphique de l’ACM sur les deux axes principaux

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tableau 2a

Caractéristiques des 4 classes : modalités sur et sous représentées dans chaque classe

Caractéristiques des 4 classes : modalités sur et sous représentées dans chaque classe

tableau 2a (continuation)

Caractéristiques des 4 classes : modalités sur et sous représentées dans chaque classe

tableau 2a (continuation)

Caractéristiques des 4 classes : modalités sur et sous représentées dans chaque classe

tableau 2a (continuation)

Caractéristiques des 4 classes : modalités sur et sous représentées dans chaque classe

En gras : modalité sur-représentée dans la classe, par rapport à l’ensemble de l’échantillon

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tableau 2b

Caractéristiques des 4 classes : caractérisation des modalités sur et sous représentées dans chaque classe

Caractéristiques des 4 classes : caractérisation des modalités sur et sous représentées dans chaque classe

L’intensité et le sens de la contribution de la modalité pour chacune des classes sont signifiés par des signes s’étalant sur un continuum de ++ à --.

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Ce dernier point est intéressant quand on sait qu’ils se déclarent par ailleurs davantage confrontés au racisme de la part du public et qu’ils ressentent plus souvent de la honte que les éboueurs des classes 2 et 4 (résultats tirés de tris croisés) : à la différence des éboueurs de la classe 3 (voir plus bas), ces vécus négatifs[13] ne les détournent pas de rapports positifs en matière de coopération dans le travail. En effet, alors qu’ils déclarent également connaître du racisme de la part de certains de leurs collègues dans des proportions significativement plus élevées que les classes 2 et 4 (résultats de tris croisés), ce sont également les éboueurs de la classe 1 qui expriment le niveau de « coopération horizontale » (ou soutien des collègues) le plus haut. Il en est de même pour la « coopération verticale » (ou soutien du supérieur) et pour le sentiment d’intégration professionnelle (au métier, à la ville, à l’atelier et à l’équipe, résultats d’ANOVA), la contribution de la chaîne hiérarchique et des formateurs étant ici particulièrement soulignée. L’ensemble de ces éléments permet de comprendre pourquoi ils jugent particulièrement bonne leur ambiance d’atelier :

« Moi je plaisante beaucoup, même avec les chefs. Dans mon atelier, il y a de l’ambiance, on chambre. C’est pas tous les ateliers, il y a des ateliers où il n’y a pas d’ambiance. Chaque atelier, c’est différent. Il y a des ateliers qui ne vont pas manger ensemble, mais par petits groupes. »

Enfin, ces éboueurs se sentent responsables des conséquences de leurs erreurs, tant vis-à-vis de l’employeur que des sanctions auxquelles elles peuvent donner lieu. Cette responsabilisation dans l’engagement au travail s’accompagne d’un jugement positif en matière de justice distributive (résultats de l’ANOVA). Les éboueurs de cette classe jugent que leurs rétributions correspondent bien à leur contribution en tant que travailleur :

« Quand on travaille le dimanche on a une prime, ensuite quand on fait des heures supplémentaires, quand t’as des enfants, t’as des primes en plus, il y a de tout quoi ».

Ces éboueurs mobilisent des sources variées de valorisation « interne » dans le rapport personnel qu’ils entretiennent avec leurs activités – en termes d’appropriation de l’autonomie au travail, de mobilisation du corps, de technicité et des formes d’adhésion aux normes professionnelles –, mais aussi aux sources de valorisation « externe » dans les relations qu’ils entretiennent avec divers acteurs privés ou publics et leurs collègues. L’ensemble de ces caractéristiques nous a conduits à nommer éboueurs polyengagés les travailleurs de cette classe.

La deuxième classe (23 % des éboueurs) se définit par une approche plus « réfléchie » que « physique » du travail. Ils ne cherchent pas à contourner les règles de sécurité afin de réaliser ou faciliter leur travail[14] :

« Mais du coup les chefs maintenant ils sont plus stricts aussi sur les règles de sécurité ? (enquêteur). Quand ça les arrange. Hier, quand j’ai repris j’ai dit “non je ne peux pas prendre la benne à cause de mon AT (accident du travail)”, ils m’ont mis à la benne hier. Donc elle est où la sécurité ? »

En outre, face à des activités qu’ils considèrent comme particulièrement intenses, ces éboueurs majoritairement âgés (45,1 % de 41-50 ans et 26,8 %, plus de 51 ans, contre respectivement 34,9 % et 16,8 % en moyenne) déclarent plus que les autres ne pas courir. Par ailleurs, cette classe se distingue par une « double » ancienneté : une partie de ces éboueurs a une ancienneté importante (37,3 % ont plus de 11 ans d’ancienneté contre 35,8 % en moyenne), tandis que l’autre a une ancienneté très faible (19,3 % ont moins d’un an d’ancienneté contre 16 % en moyenne). « Anciens » et « nouveaux » se rejoignent donc sur un point enseigné en formation professionnelle : on ne court pas pendant le travail. Ces éboueurs sont majoritairement situés dans l’atelier Nord (32,5 % contre 25,1 % en moyenne), un quartier en voie de gentrification depuis plusieurs années. Par ailleurs, ces éboueurs soulignent, comme ceux de la classe 1 (voir note 10), un manque de liberté et d’autonomie procédurale dans leur travail. En particulier, ils déclarent plus que la moyenne ne pas pouvoir négocier avec leur chef pour changer d’activité (56,3 % contre 50,1 % en moyenne).

Comme c’était aussi le cas pour les éboueurs polyengagés, selon les résultats d’ANOVA, ce sentiment ne les empêche pas de porter un regard particulièrement positif sur le soutien des supérieurs hiérarchiques (aide pour les tâches, capacité à faire coopérer) :

« Parce que nous, je ne sais pas dans les autres ateliers comment ça se passe, mais nous on a des chefs ils sont gentils, ils sont humains, puis bon ils connaissent le boulot donc ils savent ! »

Le manque d’autonomie est compensé en partie par la qualité de la coopération horizontale, significativement plus élevée que pour la moyenne des éboueurs (résultats d’ANOVA). Mais la nature des activités réalisées joue également un rôle : à cet égard, ils déclarent plus fortement avoir des activités préférées (42,9 % contre 39,2 % pour l’ensemble de la population) :

« J’ai déjà dit au chef mon opinion sur le balai, et que je préfère faire la benne, et qu’un jour s’il manque quelqu’un je serais prêt à faire la benne. Mais je fais pas souvent le balai. Je fais plus souvent la benne et la laveuse. La laveuse plutôt l’après-midi, la plupart du temps quand je travaille l’après-midi. Et la grosse laveuse ça fait longtemps que j’ai pas fait, en fait. Sinon, c’est la benne. »

Enfin, comme pour les éboueurs polyengagés, il faut prendre en compte le fait qu’ils mobilisent une qualité interactionnelle (synchronisation) et des habiletés cognitives (ingéniosité et créativité) :

« Si on fait le boeuf, on n’a plus de conditions de travail. On prend notre cerveau, on réfléchit un peu, comment on va travailler, comment on fait le canton. On va moins s’épuiser que si on fait ce qu’ils [les chefs] veulent. Travailler en équipe, en binôme, c’est vachement mieux, ça use moins, surtout en période de feuilles. Travailler avec de engins, aspi, souffleuse, pour nous ça nous paraît beaucoup plus logique. Ils le font, mais de temps en temps. Pas en permanence. »

Il est intéressant de noter qu’ils déclarent un niveau de pénibilité interactionnelle inférieur à la moyenne des classes : si ce niveau n’est pas significatif pour l’item global, en revanche, il l’est pour ce qui renvoie aux tensions avec le public et les risques d’agressions verbales (selon les résultats de l’ANOVA) : ici, la relation avec les usagers semble moins une source de souffrance que pour les éboueurs polyengagés. En outre, les éboueurs de cette classe déclarent un moindre ressenti de la honte[15] :

« Il y a peut-être des gens qui ont plus du mal à dire qu’ils sont éboueurs. Ça dépend peut-être du milieu où ils sont, je ne sais pas. Moi je ne me suis jamais caché, ça m’avait un peu surpris du côté de ma belle-famille, les parents de ma femme, parce qu’au départ ils détournaient un peu le truc en disant que je travaillais dans les parcs et jardins. Ou que j’étais à la Ville mais que j’étais chauffeur d’engin par exemple. Non, je suis éboueur, je ramasse les ordures ménagères ! Moi je me cache pas parce que, pour moi, l’important c’est mon salaire, d’élever ma petite famille, moi c’est ce que je vois. Après le reste… »

Tous ces éléments expliquent que, selon les résultats d’ANOVA, ces éboueurs déclarent plus souvent que pour les autres classes que l’image du métier est positive (résultats d’ANOVA) :

« [le métier d’éboueur], c’est un métier très important. Sans les éboueurs, beaucoup de gens ne savent pas, mais sans les éboueurs […], si on reste 3 ou 4 jours sans passer le balai, il y aura plein de rats partout. Donc les gens, ils vont sortir de chez eux, et pour la respiration, ce n’est pas possible. Malheureusement, beaucoup de gens ne connaissent pas notre métier. Je ne sais pas si c’est un problème de communication, peut-être. Mais c’est un métier très important pour la ville. Sans les éboueurs il y aurait beaucoup de mal, parce que les poubelles, si ça traîne, il y a des microbes et tout ça, voilà ».

Enfin, comme c’était également le cas pour les éboueurs polyengagés, les éboueurs de la classe 2 jugent plus positivement que la moyenne leur niveau de rétribution.

Pour conclure, les éboueurs de la classe 2 mobilisent une source de valorisation « interne » concentrée sur la technicité mais ne mobilisent que très peu les autres sources – en termes d’appropriation de l’autonomie au travail, de mobilisation du corps et des formes d’adhésion aux normes professionnelles – et aucunement les sources de valorisation « externe » avec les acteurs privés ou publics. Nous les avons appelés les éboueurs posés.

La troisième classe (15 % des éboueurs) se distingue par le degré global de négativité qui se dégage des réponses au questionnaire. On peut dire que l’approche du travail de ces éboueurs est « insatisfaite ». Cette classe regroupe des éboueurs plus jeunes que la moyenne (20 % ont moins de 30 ans et 44 % entre 31 et 40 ans contre respectivement 14,4 % et 33,9 % en moyenne) et ayant une ancienneté relativement plus faible (20,4 % ont moins d’un an d’ancienneté et 22,2 % entre 2 et 5 ans contre respectivement 16 % et 21,5 % en moyenne). Ils sont majoritairement en poste dans l’atelier Ouest (29,6 % contre 24,5 % en moyenne) et dans l’atelier Nord (31,5 % contre 25,1 %), ateliers qui se situent dans des quartiers bourgeois ou en passe de le devenir.

Pour ces éboueurs, et davantage que pour la moyenne, le travail implique de devoir déployer des efforts physiques, bien qu’aucune forme de pénibilité ne soit chez eux mise en avant. En fait, c’est tout ce qui inhérent au métier d’éboueur qui leur pose problème : presque tout ce qui y renvoie dans les items est significativement négatif, à commencer par l’autonomie dans le travail ou la nature des activités (74,1 % déclarent ne pas en avoir de préférées contre 60,8 % pour la moyenne et 39,2 % disent ne pas en aimer certaines, contre 30,5 % en moyenne). Mais contrairement aux éboueurs polyengagés et posés, rien ne vient contrebalancer ce vécu négatif. En effet, les éboueurs de la classe 3 mobilisent significativement moins que la moyenne les caractéristiques cognitives (ingéniosité, créativité et apprentissage de choses nouvelles dans le travail), et sont dans des dynamiques coopératives elles aussi moins bonnes que la moyenne (horizontale, verticale et transverse). Mal intégrés professionnellement, déclarant moins souvent que pour les autres classes que l’image du métier est positive, et qu’elle s’est améliorée ces dernières années :

« Les parents disaient : “tu vois le mec, si tu ne travailles pas à l’école, tu vas devenir comme lui !” Tu vois ? Quand t’es dans la rue et t’entends ça. Aujourd’hui aussi, il y a des gars ils disent qu’ils entendent ça, après c’est chaud. Tu vois une maman qui parle avec son enfant qui dit tu vois si tu travailles pas à l’école tu vas devenir comme lui. C’est choquant ! »

Ces éboueurs déclarent par ailleurs, selon les résultats d’ANOVA et de tris croisés, dans des proportions très supérieures aux autres classes, être victimes de racisme de la part du public, des collègues et des supérieurs hiérarchiques. Ces éboueurs déclarent aussi bénéficier d’un moindre soutien du supérieur (renvoyant à une coopération verticale) :

« Les chefs, tous les jours sont derrière nous sur le terrain. Nous, on part, tac tac, après eux ils sont derrière nous, donc parfois on ne les voit pas, mais ils nous surveillent partout. A pied, ils regardent tout. La benne, qu’est-ce qu’ils ont fait, qu’est-ce qu’ils ont ramassé, qu’est-ce qu’ils n’ont pas ramassé, et au balai, la lance, ils voient tout. »

Il n’est donc pas surprenant, que selon les résultats d’ANOVA, ils entretiennent un rapport significativement inférieur aux différentes formes de justice (distributive, procédurale et interactionnelle) et que leur satisfaction et leur perception de l’utilité du travail soient également significativement inférieures à la moyenne des autres classes :

« Un gars qui devait, qui supposons arrive en retard le matin, les mecs qui arrivent en retard, d’autres qui sont tout le temps à l’heure, donc cette personne c’est son tour de faire la benne, il vient en retard, donc c’est un autre qui le remplace. Le lendemain quand il arrive en retard, c’est le chef qui est pas content. Comment ça se fait il est tout le temps en retard ? On va enlever des heures sur la paie, les gars quand on leur dit ça, ça pète. Ils ne sont pas contents. Ceux qui les remplacent aussi ne sont pas contents, pourquoi c’est tout le temps nous qui les remplacent ! ? Donc nous on est payés pareil, ce n’est pas normal, donc c’est des conflits comme ça ! »

L’ensemble de ces éléments négatifs contribue, selon les résultats de tris croisés, à entretenir un sentiment de honte, qu’ils déclarent, comme c’était le cas chez les éboueurs polyengagés, significativement plus souvent que l’ensemble de l’échantillon :

« Je vais avoir l’air un peu con, mais par exemple un jeune qui veut draguer une personne, s’il dit “je suis éboueur”, ça la fout mal quoi ! C’est pas terrible. En général, on essaie de ne pas le dire […]. J’essaierai de changer de branche. Parce que en venant à la base moi je me suis inscrit à X [organisation publique étudiée], mais je voulais travailler dans les stades à la base. Mais le concours était passé. »

Tout ceci conduit les éboueurs de la classe 3 à exprimer une intention de quitter le métier significativement supérieure à la moyenne (résultats d’ANOVA) comme le souligne le verbatim ci-dessus. Mais cette tentation de désengagement par exit ne revient pas à vouloir quitter l’employeur municipal (cet item est inférieur à la moyenne – mais sans significativité) : sans doute ces éboueurs souhaitent-ils trouver un poste qui leur corresponde plus, puisqu’on note en effet chez eux une divergence entre formation professionnelle et métier exercé également largement supérieure à la moyenne. Ces éboueurs mobilisent donc très peu de sources de valorisation « interne » et « externe » de leur travail. Les éboueurs de cette classe apparaissent comme « désajsutés » par rapport au mode d’engagement de travail attendu dans le métier d’éboueur. Celui-ci est fondé sur l’art d’équilibrer, tout à la fois, une conduite de dépense physique, associé à un rapport viril au travail, et une conduite de préservation de soi, au sein de laquelle, les qualités de débrouillardise, d’ingéniosité et de synchronisation sont essentielles (Michel, 2011; Le Lay, 2015a; Bret, 2020). De ce fait, nous avons appelé les membres de cette classe des éboueurs désajustés. 

La quatrième classe est à la fois celle qui regroupe le plus grand nombre d’éboueurs (45 %) et qui se définit par un ensemble de caractéristiques moyennes tant en termes de valorisation de caractéristiques cognitives (créativité, ingéniosité, débrouillardise) et physiques (force, efforts physiques) qu’en matière de coopération transverse (police, gardien d’immeuble, école, entreprise de quartier). Les éboueurs de cette classe ne se distinguent pas par l’âge et peu par l’ancienneté (sans que cela soit une différence significative, ils relèvent toutefois des tranches d’ancienneté élevée). Pour ces éboueurs, les problèmes majeurs sont de deux ordres. D’abord, une pénibilité interactionnelle plus forte que la moyenne : en fait, tous les items – risques d’agression verbale, risques d’agression physique, agression verbale, agression physique – sont significativement plus élevés que la moyenne, ce qui dénote une pression psychique importante :

« Il y a d’autres endroits, il y a d’autres secteurs où ils ne font pas en première tranche (horaire) parce que c’est dangereux, on peut être agressés, à la prise de service du matin de bonne heure parce qu’il y a les jeunes qui sortent des boîtes de nuit, donc les agents ne sortent pas toute suite parce qu’il y a souvent des bagarres. Ils font d’autres secteurs où il n’y a pas de dangers. Ou dans d’autres secteurs, ils travaillent en binôme. Après il y a le droit de retrait. »

Ensuite, un défaut dans la qualité de l’intégration professionnelle (à la ville, à l’atelier et à l’équipe), la faiblesse de la contribution de la chaîne hiérarchique et des formateurs à cette intégration étant ici particulièrement soulignée. Comme la qualité du soutien social (collègues et responsables hiérarchiques) est également inférieure à la moyenne (mais sans significativité), on comprend que ces éboueurs déclarent une ambiance d’atelier significativement moins bonne que la moyenne :

« Aujourd’hui quand tu dis aux jeunes de faire grève, ils disent “non moi je ne fais pas grève, je m’en fous”. C’est chacun pour soi. Ça m’a un peu déçu. ».

Ils disent ressentir la peur davantage que leurs collègues – les stratégies collectives de défense bloquant cet affect (Gernet et Le Lay, 2011) étant moins efficaces du fait de la dégradation de la coopération :

« Moi le truc que j’ai peur à la benne, c’est le truc toxique. Voilà, il n’y a que ça qui me fait peur. A part ça non. Après le reste, c’est aléatoire, les voitures qui te collent des fois trop à la benne, ou des fois les mecs qui sont vraiment bourrés dans leur voiture et ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Toutefois, ils déclarent plus souvent que la moyenne avoir des activités préférées (42,1 % contre 39,2 % en moyenne) et disposer d’un matériel suffisant pour travailler. Finalement, ces éboueurs entretiennent le sentiment d’effectuer un travail plutôt utile :

« J’essaie au maximum d’enlever les feuilles, c’est surtout pour les riverains parce que je me dis le jour où moi je suis de repos et que je viens à Paris et que je glisse sur des feuilles, ben j’aime bien qu’il n’y ait plus de feuilles. »

Ces éboueurs mobilisent donc un panachage équilibré entre les sources de valorisation « interne » et « externe » les conduisant ainsi à se dépenser tout en se préservant. Pour nommer les travailleurs de cette classe, nous parlerons d’éboueurs ajustés.

Une analyse « toutes choses égales par ailleurs » de la distribution dans quatre formes d’engagement au travail des éboueurs

La régression logistique multinomiale réalisée permet d’affiner encore ces résultats. Pour cela, nous avons retenu la classe des éboueurs ajustés comme classe de référence car elle représentait un mode d’engagement au travail attendu dans le métier d’éboueur (Michel, 2011; Le Lay, 2015a; Bret, 2020).

En premier lieu, on peut relever que les éboueurs désajustés sont ceux considérant le plus que leur travail demande des efforts physiques importants et du courage. A l’inverse, ils n’investissent guère des qualités comme la curiosité ou la créativité (niveaux significativement inférieurs aux trois autres classes), ce qui les éloigne des éboueurs décrits par Corteel (2007), Le Lay (2015b) ou Bret (2020), tout en venant renforcer les conclusions de ces auteurs : réussir à maintenir, sur la durée, l’engagement dans le métier nécessite de faire appel à d’autres dispositions que la seule dépense physique. Or, ces éboueurs désajustés se caractérisent justement par leur forte intention de quitter le métier. La classe des éboueurs polyengagés permet d’ailleurs de vérifier ce point puisque s’ils mettent particulièrement en avant, d’après les résultats de la régression logistique multinomiale (Tableau 3), les valeurs viriles (en premier lieu, la rapidité et la force), ces éboueurs déclarent faire preuve de plus d’ingéniosité et de débrouillardise que les autres classes d’éboueurs (Tableau 3). Les éboueurs polyengagés mêlent donc des dimensions relevant de l’intelligence pratique aux valeurs de virilité, ce qui confirme les observations de Le Lay (2008, 2010).

tableau 3

Modèle de régression g.logit en régression logistique multinomiale

Modèle de régression g.logit en régression logistique multinomiale

Modalité de référence : classe 4

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Enfin, les éboueurs posés, significativement plus âgés que les autres, se définissent par une approche plus « réfléchie » que « physique » du travail, et par un rapport précautionneux au travail et au corps, afin de le préserver (Bret, 2020). Ils se caractérisent par un rapport aux valeurs viriles moins marqué que toutes les autres classes. Cela ne les empêche pas de considérer leur travail comme intense (davantage que les éboueurs ajustés) : l’avancée en âge et la mobilisation de l’intelligence pratique fondée sur la créativité et la débrouillardise pour effectuer le travail quotidien viennent souligner une moindre adhésion aux stratégies collectives défensives viriles (qui rend plus perceptibles et dicibles les difficultés vécues), au profit d’une masculinité créatrice (Molinier, 2000).

Nous avons synthétisé nos résultats au travers du schéma ci-dessous (figure 3) qui permet de visualiser de manière schématique notre typologie.

Discussion

Contributions théoriques

L’objectif de notre recherche était de comprendre les formes que peut revêtir l’engagement, dans le travail en train de se faire, dans un métier peu valorisé comme celui d’éboueur. Partant d’une approche sociologique de l’engagement au travail, nous avons analysé la manière dont les éboueurs inventent ou réinventent un accord avec leur activité de travail pour faire du « vrai boulot » (Bidet, 2011). Pour construire notre typologie des formes de l’engagement au travail des éboueurs adaptée à cette définition large de l’engagement au travail, nous avons intégré un ensemble de variables abordant plusieurs dimensions de l’engagement au travail (coopération, appropriation de l’autonomie, mobilisation du corps, technicité et formes d’adhésion aux normes professionnelles). Ceci nous a permis de montrer que, dans un métier donné, l’engagement au travail des éboueurs, loin d’être homogène, se distingue au contraire par une certaine hétérogénéité. Autrement dit, les mêmes activités peuvent renvoyer à des sources différentes de valorisations internes et externes du travail. Ce constat se retrouve aussi dans le monde professionnel des auditeurs dans lequel plusieurs formes d’engagement ont été observées renvoyant chacune à des ancrages identitaires différents (Herrbach et Mignonac, 2002). Toutefois, ces deux derniers auteurs se réfèrent à des approches de l’engagement au travail rattachées à la psychologie positive. Nos résultats s’en démarquent et contribuent à nourrir la littérature en gestion des ressources humaines et en comportement organisationnel sur l’engagement au travail en l’invitant à considérer ce dernier moins comme un état psychologique mesuré par une métrologie universelle que comme une appropriation subjective de la contrainte productive dans un métier donné. Notre recherche nourrit ainsi une critique émergente de l’engagement au travail en sciences de gestion (Guest, 2013; Jenkins et Delbridge, 2013; Keenoy, 2013; Purcell, 2013, 2014; Truss et al., 2013a et 2013b) en montrant tout l’intérêt à prendre appui sur le courant pragmatique ou de la « pratique » (practice turn, Schatzki et al., 2001), à l’instar de Bidet (2010, 2011, 2016), pour proposer un autre abord de l’engagement au travail. Cette approche théorique permet ainsi d’identifier les exigences professionnelles relatives au « vrai boulot », les manières dont le travailleur engage son corps mais aussi d’identifier les sources de valorisation intime et publique du « vrai boulot ». Pour Bidet (2010), la notion d’engagement au travail est à distinguer de celle de sens au travail. Cette dernière ramène à une référence externe de l’activité de travail. Or, l’engagement au travail ne relève pas d’une évaluation globale, ni externe, comme celle qui qualifie un statut, un emploi ou un poste de travail, mais plutôt d’un « usage de soi par soi » (Schwartz, 1987, cité par Bidet [2010]) dans la construction de son rapport au travail.

Figure 3

Représentation schématique de la typologie des formes d’engagement au travail

Représentation schématique de la typologie des formes d’engagement au travail

Valorisation interne en termes de : d’appropriation de l’autonomie au travail, de mobilisation du corps, de technicité et des formes d’adhésion aux normes professionnelles.

Valorisation externe dans les relations qu’ils entretiennent avec divers acteurs privés ou publics et leurs collègues. Image du métier.

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Notre recherche s’appuie aussi sur les apports de la sociologie de la quantification selon laquelle toute quantification reste une construction de la réalité (Desrosières, 2008). Pour reprendre les termes de Desrosières (ibid., p. 10), « quantifier, c’est convenir, puis mesurer ». Or, les trois principales échelles de mesure de l’engagement au travail (Job Involvement, Kanungo, 1982; Utrecht Work EngagementScale, Schaufeli et al., 2002; Job Engagement Survey, Rich et al., 2010) privilégient une vision américaine axée sur une figure d’un travailleur soumis dont les intérêts se confondent avec ceux de son employeur et tendant à ignorer des dimensions collectives de l’engagement telles que l’ethos professionnel, les compétences requises et valorisées pour faire du « vrai boulot » ou le degré et le type de coopération. Nos analyses sur l’engagement au travail des éboueurs soulignent ainsi toute la difficulté à utiliser des instruments de mesure « originellement conçus, écrits et publiés en anglais qui sont, comme la langue anglaise, assez précis, orientés vers l’action et les faits à contexte faible et à messages explicites » (Chanlat, 2014, p. 8).

Par ailleurs, nos résultats rejoignent les constats de Volkoff (2006) sur la pénibilité du travail des éboueurs. De manière à première vue paradoxale[16], la pénibilité du travail tend à organiser l’engagement au travail (Michel, 2011) et se traduit chez les éboueurs par le recours à différentes activités à risques et sollicitant fortement les corps (collecte des ordures sur les deux trottoirs opposés d’une chaussée, en traversant alternativement la rue, manutention des ordures lors du compactage des déchets, etc.). Toutefois, même si les qualités physiques (force, endurance, etc.) sont présentées comme centrales pour le métier (résultats de tris à plat), il semble que le nettoiement ne soit pas qu’une affaire « musculaire », comme le montrent les quatre classes d’éboueurs, et comme le confirment les données relatives aux qualités relationnelles nécessaires (la majeure partie des éboueurs déclarent en effet que la diplomatie, le calme, la patience sont essentielles pour le métier). Allier puissance corporelle et force morale n’est pas simple, et conserver de telles qualités sur le long terme relève aussi d’un défi permanent.

Contributions managériales

Apprendre le métier d’éboueur nécessite l’incorporation de gestes techniques permettant de réaliser le travail dans les meilleures conditions de sécurité possibles. Mais cela implique aussi et surtout d’acquérir la capacité subjective à exercer un métier dévalorisé et dévalorisant dans les représentations communes : « à peu près toutes les circonstances où nous voulons du “propre” nous conduisent à rejeter avec le “sale” ceux qui nous en débarrassent » (Vialles, 1987, p. 5). Car les éboueurs, au quotidien, ont pour mission de maintenir la frontière entre ordre et désordre, entre pur et impur, une frontière symbolique essentielle et structurante, aux contours physiques mouvants. Or, c’est bien ce rapport entre matière et travailleur qui se trouve au fondement de la dévalorisation sociale du métier, et rend son exercice d’autant plus difficile que le « sale boulot » que nous déléguons s’effectue aux yeux de tous. Comme le souligne Hughes, ces travailleurs exercent « un métier dont les membres […] sont de manière récurrente pratiquement obligés d’apparaître dans un rôle dont ils pensent qu’ils devraient avoir un peu honte » (1996, 1951, p. 125), et dont ils ont effectivement parfois un peu honte (Bouville, 2009), comme nos résultats le montrent. Devant l’image médiatique relativement stéréotypée et dévalorisée du métier (Bilat et Le Lay, 2020), certains éboueurs ont émis le souhait de lancer des campagnes de communication ciblées sur les usagers et destinées à revaloriser leur travail, à l’image de ce que certaines villes allemandes ont développé ces dernières années. Il serait ainsi dans l’intérêt des organisations municipales de communiquer sur l’importance pour la société des missions d’intérêt général effectuées par les éboueurs (Bouville, 2009). Ces campagnes de communication viseraient, d’une part, à renforcer le sentiment de reconnaissance au travail des éboueurs, d’autre part, à faciliter le travail des éboueurs en encourageant les comportements civiques des usagers.

En outre, dans le cadre d’une prospective du métier d’éboueur permettant « d’anticiper des futurs possibles en termes de compétences, d’activités, de responsabilités d’un métier » (Boyer et Scouarnec, 2009, p. 118), il serait intéressant de renforcer l’acquisition d’habiletés relationnelles et de développer des stratégies de normalisation professionnelle (Guerrero et al., 2020) dans la formation des éboueurs tout en développant les possibilités de reconversion professionnelle afin d’éviter une exposition prolongée des éboueurs aux différentes pénibilités auxquelles ils sont soumis. En outre, il serait pertinent de créer les conditions favorables à la constitution d’une culture de métier transversale aux secteurs public et privé : ceci permettrait de réfléchir collectivement aux attentes des différents acteurs (travailleurs, employeurs, pouvoirs publics, usagers), de stabiliser des règles de métier et les pratiques effectives, et d’affirmer une identité de métier cohésive face aux pressions issues de l’espace public urbain. Ceci permettrait également de plaider collectivement pour une revalorisation salariale substantielle (notamment de manière à baisser la nécessité de certains travailleurs à occuper d’autres emplois) et une refonte des carrières dans un secteur « environnement » au sens large, dont les sociétés occidentales ont un urgent besoin.

Enfin, cette recherche soulève plusieurs enjeux liés à ce métier et aux formes nouvelles de pénibilité non encore reconnues par la loi, telles que les pénibilités interactionnelles, qui pourraient avoir leur place dans les négociations visant à assurer un droit à un départ anticipé à la retraite, comme dans d’autres professions difficiles.

Limites et voies de recherche futures

Notre étude comporte un certain nombre de limites. D’abord, elle porte sur un métier particulier occupé par des salariés ayant le statut de fonctionnaire. Ce statut joue un rôle protecteur (ne serait-ce que parce que les droits sociaux sont plus développés que pour des ripeurs en intérim, par exemple), mais pour autant, au sein de ce statut, nous observons des variations dans les formes de l’engagement au travail. La question statutaire ne semble donc pas être un déterminant à lui seul de la manière de s’engager dans le travail. Par ailleurs, elle a une visée principalement exploratoire. D’autres recherches pourraient être ainsi menées sur d’autres groupes professionnels (comme, par exemple, les trieurs industriels, Chay et Thoemmes, 2015; les aides à domicile, Guerrero et al., 2020) afin d’identifier et de comparer d’autres formes d’engagement au travail dans les « sales boulots ». Par ailleurs, il serait tout à fait pertinent de resituer l’engagement au travail dans la trajectoire socioprofessionnelle des salariés afin de mieux saisir les dynamiques à l’oeuvre dans la construction de leur engagement. De la même manière, il serait fructueux d’étudier les processus à l’oeuvre dans les transitions entre les phases d’engagement et de désengagement des salariés et d’interroger leurs liens avec la justice organisationnelle perçue par les salariés. Enfin, il serait intéressant de questionner les relations entre le rapport au travail et les modes d’engagement au travail, dans la continuité des recherches de Ferreras (2007).