Introduction (fr)[Record]

  • Véronique Guèvremont,
  • Véronique Hébert and
  • Maxime Mariage

La Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032 a été proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 18 décembre 2019 et officiellement lancée par l’UNESCO le 13 décembre 2022. L’objectif de cette initiative est « d’appeler l’attention sur la catastrophe que représente la disparition des langues autochtones et sur l’impérieuse nécessité de préserver, de revitaliser et de promouvoir ces langues » (A/RES/74/135, par. 24). Dans un rapport publié en 2016, l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones indiquait déjà que 40 % des langues parlées dans le monde, dont on estime le nombre à 6 700, sont menacées de disparition, la majorité d’entre elles étant des langues autochtones. Dans sa résolution de décembre 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies souligne que « malgré les efforts entrepris, il reste urgent de préserver, de promouvoir et de faire revivre […] les langues autochtones » (Id., Préambule) et demande « de prendre sans délai de nouvelles mesures aux niveaux national et international » (Id., par. 24). La capacité et la liberté d’utiliser la langue de son choix « sont des éléments essentiels de la dignité humaine, de la coexistence pacifique, de la réciprocité, ainsi que du bien-être général et du développement durable de la société tout entière » (UNESCO, 2021, p. 5). Quant aux langues autochtones, elles « représentent des identités, des cultures et des systèmes de connaissances complexes forgés et accumulés pendant des milliers d’années » (UNESCO, 2021, p. 5); elles constituent ainsi « des marqueurs fondamentaux de l’identité propre et de la cohésion des peuples autochtones en tant que peuples » (Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, 2012). La disparition des langues autochtones porte ainsi directement atteinte aux droits individuels et collectifs des membres des communautés et peuples autochtones. En effet, « un peuple à qui la liberté d’utiliser sa propre langue n’est pas garantie ne peut jouir pleinement de sa liberté de pensée, de sa liberté d’opinion et d’expression, y compris dans le domaine artistique, ni de son accès à l’éducation, à la santé et à l’information, à la justice, à des emplois décents, à la participation à la vie culturelle » (UNESCO, 2021, p. 6). La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007 reconnait, entre autres, le droit des peuples autochtones de revivifier, d’utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur langue (art. 13). Elle reconnaît également leur droit d’établir et de contrôler leurs propres systèmes et établissements scolaires où l’enseignement est dispensé dans leur propre langue (art. 14) et d’établir leurs propres médias dans leur propre langue (art. 16). Or malgré l’adoption de cette Déclaration, les efforts déployés par de nombreux gouvernements, organisations civiles et peuples autochtones paraissent encore largement insuffisants pour assurer la survie de nombreuses langues autochtones. Ainsi, de multiples interrogations persistent sur les moyens qui doivent être déployés pour respecter, protéger et mettre en oeuvre les droits énoncés dans la Déclaration de 2007. La perte d’une langue constitue non seulement une atteinte à l’identité et à la dignité collectives des peuples autochtones (Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, 2012, p. 9, 11), mais aussi un appauvrissement du patrimoine de l’humanité. Il existe en effet un lien étroit entre la diversité linguistique et la diversité culturelle, laquelle est reconnue, à l’article premier de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle de 2001, comme constituant « le patrimoine commun de l’humanité » devant être « affirmée au bénéfice des générations présentes et des générations futures ». L’inaction à protéger une langue est donc, aussi, une atteinte à …

Appendices