Book ReviewRecension critique

Une autre voie pour la gouvernance d’entreprise ?Lorraine Talbot, Great Debates in Company Law, Londres, Palgrave, 2014, pp 208. ISBN 9780230304451[Record]

  • Ivan Tchotourian

Professeur à l’Université Laval, Codirecteur du Centre d’Études en Droit Économique (CÉDÉ).

Citation: (2016) 62:1 McGill LJ 273

Référence : (2016) 62:1 RD McGill 273

Le droit de la gouvernance d’entreprise est à la croisée des chemins. Déjà sérieusement remis en cause au début des années 2000 suite aux scandales des entreprises américaines telles que WorldCom ou Enron, le voilà de nouveau sur le devant de la scène comme il l’a finalement souvent été par le passé. Faut-il s’en étonner? La crise économico-financière commencée en 2007–2008, couplée à l’importance prise par les préoccupations sociétales dans la société ces dernières années, ravive le débat sur le sens et le contenu mêmes des règles définissant la gouvernance. Face à une crise de sens de la gouvernance d’entreprise, le droit se trouve interpellé, comme souvent, à chaque soubresaut économique ou scandale. Les rapports internationaux et nationaux ont tous souligné les défaillances de la gouvernance d’entreprise et la nécessité de resserrer le cadre réglementaire. En raison des lacunes et des insuffisances de ce cadre, les débats foisonnent sur les causes de cette défaillance et les solutions à y apporter. Là où « il existe nombre de débats, y compris des débats sur les débats » [notre traduction], Company law apporte une contribution précieuse aux discussions sur la gouvernance d’entreprise, tant par son organisation que par ses objectifs, et sur l’encadrement des pouvoirs de la grande entreprise. Au plan formel, l’ouvrage de Lorraine Talbot recèle d’indiscutables qualités. La première d’entre toutes est à notre sens d’avoir réussi, en sept chapitres et 188 pages, le tour de force de synthétiser les grands débats qui agitent le droit actuel des sociétés par actions et la gouvernance des entreprises. Par ailleurs, l’auteure ne surcharge pas ses développements d’un nombre trop important de références, ce qui facilite la lecture de l’ouvrage. Il faut également souligner le soin avec lequel professeure Talbot aménage, pour le lecteur, la possibilité de poursuivre ses réflexions en fournissant en fin de chapitre une dizaine de références complémentaires. Enfin, cet ouvrage est rédigé dans un style clair, concis et compréhensible, qui répond parfaitement à l’un des buts que se donne l’auteure : initier les étudiants à une perspective différente du droit des sociétés par actions, amorçant une réflexion dépassant un point de vue strictement technique sur la matière. Le contenu de l’ouvrage dénote un effort pédagogique non négligeable. Pour s’en tenir à une illustration, le chapitre 1 — « What Is the Company and Is Company Law Important? » —, qui traite de la délicate question de la définition de la « société par actions », distingue les modèles économique, organisationnel (lui-même multiple — modèles d’essence libérale, institutionnels et axés sur les salariés) et juridique, offrant par ce moyen aux lecteurs un tableau synthétique et unique des différentes propositions théoriques, en soulignant parallèlement leurs points de convergence et de divergence. Au plan substantiel, les sept chapitres sont reliés entre eux par une même finalité : démontrer le nécessaire rejet de l’approche néo-libérale et le fait que la société par actions peut être conçue comme une « organisation à gérer en prenant en compte les intérêts des personnes affectées par ses opérations et les intérêts de celles qui y participent » [notre traduction]. L’auteure explore à travers chacun de ces chapitres une thématique liée à la gouvernance d’entreprise — thématique qui fait écho à l’actualité la plus récente. La définition de la société par actions, le rôle des actionnaires et du conseil d’administration, la composition de ce dernier, l’interrogation de l’effectivité du droit lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits de l’homme par des entreprises multinationales et la place de la morale et de la responsabilité sociétale comme instrument de régulation sont autant de sujets traités dans Company law et …

Appendices