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Syndrome de Bloom : hétérozygotie et prédisposition au cancerBloom syndrome: heterozygosity and cancer predisposition[Record]

  • Mounira Amor-Guéret

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  • Mounira Amor-Guéret
    Cnrs UMR 8126,
    Institut Gustave Roussy, PR1,
    39, rue Camille Desmoulins,
    94805 Villejuif Cedex, France.

L’élucidation des bases génétiques de la prédisposition au développement de certains cancers constitue depuis ces dernières années un enjeu majeur pour tenter d’aborder des mécanismes fondamentaux impliqués dans les processus de cancérogenèse. Le syndrome de Bloom, maladie génétique rare, autosomique et récessive, présente l’une des meilleures corrélations connues entre instabilité génétique et prédisposition tumorale, et notre équipe se consacre à l’étude de cette maladie. Du fait du mode de transmission récessif de cette maladie, nous nous posions la question de savoir si le gène BLM, dont les mutations sont à l’origine de ce syndrome, pourrait jouer un rôle dans le développement de cancers dans la population générale. La réponse est oui, comme en témoignent deux études publiées très récemment dans Science [1, 2]. En effet, ces travaux montrent que le fait d’être porteur d’une mutation sur une seule des deux copies du gène BLM est suffisant pour accroître le risque de développer une tumeur colorectale chez l’homme et chez la souris. La mutation des deux copies du gène BLM est à l’origine du syndrome de Bloom (BS) dont la caractéristique clinique majeure est l’incidence élevée de tumeurs. En effet, ces patients présentent une prédisposition à développer tous les types de cancers affectant la population générale mais à un âge plus précoce (Tableau I) [3]. De plus, les cellules dérivées de patients BS sont caractérisées par un phénotype mutateur et une instabilité génétique généralisée se manifestant notamment par une augmentation de 10 fois du taux d’échanges entre chromatides soeurs qui constitue le seul critère diagnostic objectif de la maladie [4]. Le gène BLM est localisé sur le chromosome 15 en position 15q26.1 et code pour la protéine BLM de 1417 acides aminés. Cette protéine appartient à la sous-famille des hélicases RecQ [5] ((→) m/s 2002, n°1, p. 79) qui sont caractérisées par la présence, dans leur région centrale, d’un domaine contenant sept motifs hélicase consensus très bien conservés. À ce jour, neuf mutations différentes du gène BLM ont été décrites dont quatre conduisent à la formation de protéines tronquées ne possédant plus de domaine hélicase consensus. Une de ces mutations, la mutation BLMAsh, crée un codon stop prématuré au niveau de l’exon 10 et a été retrouvée à l’état homozygote chez quatre patients non apparentés d’origine juive ashkénaze, ce qui a confirmé un effet fondateur dans cette population [5]. L’étude publiée par Gruber et al. [1] montre que des individus porteurs de la mutation BLMAsh à l’état hétérozygote (environ 1 % des individus d’origine juive ashkénaze) ont un risque plus de deux fois plus élevé que la population témoin de développer un cancer colorectal. Ces résultats ont été reproduits par l’équipe de Joanna Groden dans un modèle murin [2]. En effet, cette équipe a développé des souris chez lesquelles une copie de l’homologue murin du gène BLM a été invalidée, produisant ainsi un allèle mutant BlmCin. Des souris BlmCin/+ hétérozygotes pour cet allèle ont été croisées avec des souris ApcMin/+ hétérozygotes pour une mutation dans le gène suppresseur de tumeur Apc, les prédisposant au développement de multiples adénomes intestinaux et représentant un modèle de la polypose adénomateuse familiale humaine. Les souris ApcMin/+ BlmCin/+ issues de ce croisement développent deux fois plus de tumeurs intestinales que les souris témoins ApcMin/+ Blm+/+, et ces tumeurs présentent une perte de l’allèle Apc sauvage, sans perte de l’allèle Blm sauvage. Cette étude [2] suggère que l’haplo-insuffisance du gène Blm pourrait suffire à favoriser la formation de tumeurs. Cependant, bien que la protéine Blm soit détectable dans les tumeurs intestinales …

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