ÉditorialEditorial

Je me souviens de la révision des lois de bioéthiqueBioethics as time goes by[Record]

  • Hervé Chneiweiss

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Depuis quelques jours à Paris, l’acteur Sami Frey, seul en scène sur un vélo, dit le texte de Georges Perec « Je me souviens », promenade dans le labyrinthe de la mémoire. Je me souviens de la grande fête organisée le 25 juillet 2003 à la clinique Bourn Hall de Cambridge (Angleterre) pour le 25e anniversaire de Louise Brown, le premier « bébé-éprouvette » (c’était la formule en vigueur en 1978), qui a réuni plus d’un millier d’enfants nés après avoir été conçus par la technique de la fécondation in vitro (FIV). Dans l’assistance étaient présents, à côté de Louise, le premier garçon né par FIV, Alastair MacDonald et la soeur de Louise, Nathalie Brown, 40e enfant conçue par FIV et première à avoir à son tour conçu, de la manière la plus traditionnelle qui soit, et donné le jour à un enfant. Robert Edwards, le «père» historique des enfants nés après FIV, ne manqua pas de rappeler à cette occasion les acerbes critiques dont il avait été l’objet, avec Patrick Steptoe, son alter ego biologiste (disparu en 1988), après la naissance de Louise. Quelles horreurs n’avait-on pas prédit pour ces «enfants de la science»? Environ un million sont nés depuis, et 6% des nouveau-nés en France sont conçus par FIV. Je me souviens aussi des véhémentes discussions concernant la recherche sur l’embryon et le diagnostic pré-implantatoire (DPI), dont l’instauration n’a été permise qu’après une longue évolution des idées. En effet, en 1986, le Comité consultatif national d’éthique condamnait la recherche sur l’embryon, avis négatif réitéré en 1990; il a fallu attendre les débats parlementaires de 1992 et 1994 pour que le DPI soit finalement accepté sous certaines conditions. Si l’on inclut le diagnostic pré-conceptionnel (qui consiste à analyser le 1er globule polaire de l’ovocyte avant sa fécondation), entre 500 et 1000 enfants dans le monde sont nés après DPI de 1992 à fin 2003. La technique reste difficile, contraignante, et les indications limitées à une trentaine de maladies génétiques caractérisées par des translocations chromosomiques et/ou des mutations bien identifiées. La dérive eugénique tant redoutée n’a pas eu lieu. La porte ouverte à «l’enfant à la carte» reste de l’ordre du fantasme de philosophes plus attachés à la rigueur logique du développement de principes qu’à la réalité humaine, complexe, parfois plus rationnelle qu’on ne le dit, toujours respectueuse du cadre légal pour ce qui concerne les vrais scientifiques. De ce point de vue, on ne peut que regretter l’absence d’une harmonisation internationale, ce qui autorise des conceptions variées, et parfois surprenantes. Je me souviens de la récente polémique sur «la/le soeur/frère sauveur» (traduction impossible du saviour sibling), ou «bébé-médicament». La HFEA (human fertilization and embryology authority) anglaise n’avait pas autorisé les époux Whitacker à pratiquer un DPI qui donnerait l’assurance d’un enfant histocompatible avec leur fils atteint d’une anémie de Blackfan-Diamond, et en attente d’une greffe de cellules souches hématopoïétiques. La raison invoquée était que les Whitacker ne présentaient aucun risque de maladie génétique grave, et que la seule justification du DPI était d’assurer la compatibilité immunologique avec le fils malade. Les Whitacker partirent à Chicago où le DPI fut pratiqué, et un petit James naquit le 16juin 2003, dont le sang de cordon devrait être prochainement transfusé à son frère. Au contraire, et après un procès qui alla jusqu’en Haute Cour, la HFEA autorisa les époux Hashmi à ajouter le typage HLA au DPI nécessaire pour éviter la naissance d’un enfant atteint d’une autre anémie, mais celle-là d’origine génétique et transmissible, et sélectionner un enfant compatible immunologiquement avec son frère Zain atteint de …

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