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L’humanité est au seuil du paradisHumanity on the threshold of Paradise[Record]

  • Bertrand Jordan

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  • Bertrand Jordan
    Marseille-Génopole,
    case 901,
    Parc Scientifique de Luminy,
    13288 Marseille Cedex 9,
    France.

« L’humanité est au seuil du paradis », préface de Marcus Wenner, « Psycho-neuro-immunologiste » pour le livre de Raël Oui au clonage humain, la vie éternelle grâce à la science, ouvrage dont je me dois de souligner ici la nullité.

Curieux cadeau de Noël que la naissance d’Ève, « premier clone humain », étranges rois mages que ces Raéliens, disciples d’un culte scientiste dont la littérature inspire l’hilarité ou la consternation… Depuis bientôt deux ans, la course au clonage reproductif humain s’est accélérée, et les revendications des trois postulants déclarés (l’Italien Severino Antinori, l’Américain Panos Zavos et l’« évêque raélienne » Brigitte Boisselier, directrice de la firme Clonaid) se sont précisées. La déclaration faite le 27 décembre 2002 n’est-elle qu’un coup de bluff? Cela me semble, encore aujourd’hui, peu probable: Boisselier, et toute la secte avec elle, se discréditerait auprès de ses fidèles (pour les autres, c’est déjà fait depuis longtemps…) en montant un tel canular. Malgré les atermoiements auxquels donne lieu l’exécution d’une vérification techniquement très simple, j’ai donc tendance à croire à ce clonage. Même si je me trompe, d’autres naissances, dues à Clonaid, à Antinori ou à Zavos, pourraient bien confirmer à brève échéance que le clonage reproductif humain est une réalité… Ainsi donc, la perspective que j’envisageais il y a presque deux ans dans ces colonnes [1] semble s’être matérialisée. Et naturellement, la secte raélienne et, au premier chef, son prophète, en tirent le maximum de profit. Un des sommets de la reconnaissance médiatique a été atteint avec ce dessin en première page du quotidien Le Monde (numéro daté du 29 décembre 2002) qui montre Raël, bien identifiable avec sa combinaison blanche et son petit chignon, signifiant à Dieu le Père « Vous êtes viré! ». Même si la tonalité des articles et commentaires est sceptique, indignée ou ironique, il est indéniable que tous concourent à accroître la notoriété de la secte comme celle de son gourou, et qu’ils accréditent le galimatias scientiste qui lui tient lieu de doctrine. Cette naissance marque aussi l’échec flagrant de nos mécanismes de contrôle: la plupart des efforts législatifs visant à proscrire le clonage reproductif, pourtant lancés dès 1997, n’ont pas encore abouti. Nos belles commissions spécialisées et nos sages comités d’éthique ont été pris de vitesse - soyons clairs, ils ont carrément été bafoués. Merci en particulier à George Bush qui, en insistant pour inclure le clonage thérapeutique dans un traité d’interdiction globale piloté par la France et l’Allemagne, a torpillé ce projet qui devait être finalisé en 2003 et est maintenant remis aux calendes grecques… Ce gâchis va-t-il provoquer une réaction et susciter une proscription rapide du clonage reproductif? Ce n’est pas certain, car la surenchère continue: aux États-Unis, les fondamentalistes surfent sur l’annonce des Raéliens pour inclure dans la loi l’interdiction du clonage thérapeutique et pourquoi pas, dans la foulée, re-criminaliser l’interruption de grossesse - positions qui ne suscitent évidemment pas le consensus… Ce clonage, événement médiatique et social majeur s’il est confirmé, ne constitue pourtant pas un exploit scientifique hors du commun. Il ne semble avoir fait appel à aucune technique nouvelle: l’emploi, fortement médiatisé, d’une « machine à cloner » fabriquée en Corée ne recouvre que l’utilisation fort banale d’un générateur d’impulsions électriques pour activer l’ovule après injection de la cellule somatique de la donneuse. Ce qui serait reconnu comme une avancée cruciale dans le secteur du clonage, ce serait une réelle compréhension des mécanismes de reprogrammation du noyau, accompagnée de méthodes garantissant que ce processus se déroule correctement et qu’en résulte une bonne efficacité, un taux de succès très supérieur aux quelques pour cent observés actuellement. Ce qu’ont (peut-être) fait les Raéliens, ou plutôt les scientifiques engagés par Clonaid, est de la compétence d’un bon centre de fécondation in vitro disposant d’ovules en quantité, de mères porteuses disponibles et bien sûr …

Appendices