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Le génome des mycobactéries: étude biologique et interprétation évolutiveMycobacteriae: building an evolutionary scheme from genome comparison[Record]

  • Dominique Labie

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  • Dominique Labie
    Institut Cochin,
    Département de génétique, développement et pathologie moléculaires,
    Inserm U.567,
    24, rue du Faubourg
    Saint-Jacques, 75014 Paris, France.
    labie@cochin.inserm.fr

La tuberculose est, à l’heure actuelle, la première cause de mortalité dans le monde, et son incidence est en voie de recrudescence, tant dans les pays industrialisés que dans le monde en développement. On peut y voir deux causes majeures, l’apparition de souches résistantes aux traitements, et surtout la synergie dramatique avec toutes les causes de déficit immunitaire, au premier rang desquelles il faut placer l’infection par le VIH. En 1993, l’OMS a déclaré officiellement la tuberculose comme une urgence mondiale. Le développement de nouveaux abords thérapeutiques, et surtout prophylactiques, se présente donc comme une priorité. La détermination de la séquence complète de Mycobacterium tuberculosis en 1998 a permis l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les travaux, amorcés déjà depuis plusieurs années. Les équipes de l’Institut Pasteur (Paris, France) sont au premier rang d’une recherche qui a cependant été l’objet d’une mobilisation internationale. Une des caractéristiques de la tuberculose est son caractère universel, le fait qu’elle touche de nombreuses espèces avec des manifestations physiopathologiques extrêmement variées, son ancienneté aussi, puisqu’on a mis en évidence le bacille dans les momies de l’ancienne Égypte comme dans celles du Pérou précolombien, et dans des squelettes du Moyen-Âge, en Hongrie comme en Angleterre. La souche se caractérise aussi par sa croissance très lente sur les milieux de culture, qui explique le caractère chronique de la maladie, une possibilité de latence prolongée dans l’organisme, et sa réactivation même après plusieurs décennies sous l’influence d’une baisse de l’immunité. Le vaccin BCG (bacille de Calmette et Guérin) universellement utilisé provient de l’isolement en 1927 d’une souche M. bovis BCG, dérivée de M. bovis, atténuée par des passages en série sur milieux de culture. Son efficacité s’avère cependant très inégale, de 0 à 80 % selon les pays. Il a été longtemps aussi communément admis que la souche virulente chez l’homme était dérivée d’une souche bovine après domestication du bétail. Déjà, en 1996, la souche de référence de M. tuberculosis avait été comparée par des chercheurs scandinaves à une souche virulente de M. bovis et à la souche atténuée de M. bovisBCG [1]. Les auteurs avaient mis en évidence la présence, dans les souches virulentes M. tuberculosis et M. bovis, d’une protéine antigénique ESAT-6, absente par ailleurs de M. bovis BCG. D’autres auteurs, à Seattle (USA), par une technique d’hybridation génomique soustractive, avaient montré trois différences entre M. bovis et M. bovis BCG, délétions retrouvées uniquement dans cette dernière, et désignées RD1, RD2 et RD3 [2]. Les chercheurs de l’Institut Pasteur, enfin, avaient démontré en comparant les cartes de restriction l’existence de différences entre M. tuberculosis et M. bovis [3]. Mais c’est en 1998 que ces derniers, en collaboration avec les équipes du Sanger Centre en Grande-Bretagne, ont réussi, par l’emploi de clones BAC (bacterial artificial chromosome), à établir en quasi-totalité la séquence génomique de ² 4,4 Mb de la souche virulente de référence H73Rv de M. tuberculosis isolée depuis 1905 [4]. À partir de là, une étude comparative des différents génomes et une étude in silico permettaient une interprétation biologique qui a fait l’objet de la publication majeure parue dans Nature la même année [5]. Le génome d’environ 4000 gènes se caractérise par une proportion particulièrement élevée de guanines et de cytosines dont la composition en acides aminés de la souche, statistiquement biaisée (glycocolle, alanine, proline, arginine et tryptophane étant majoritaires), est un reflet. Cette répartition expliquait que l’enveloppe de la bactérie s’avère exceptionnellement riche en lipides, glycolipides et polysaccharides. On constatait aussi qu’une fraction importante des séquences codantes étaient impliquées dans la synthèse dde la lipogenèse et de la …

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